![]() |
[Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback] | |
European Court of Human Rights |
||
You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> FIROZ MUNEER v. BELGIUM - 56005/10 - Chamber Judgment (French Text) [2013] ECHR 308 (11 April 2013) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/308.html Cite as: [2013] ECHR 308 |
[New search] [Contents list] [Printable RTF version] [Help]
CINQUIÈME SECTION
AFFAIRE FIROZ MUNEER c. BELGIQUE
(Requête no 56005/10)
ARRÊT
STRASBOURG
11 avril 2013
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Firoz Muneer c. Belgique,
La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :
Mark Villiger, président,
Angelika Nußberger,
Boštjan M. Zupančič,
Ann Power-Forde,
André Potocki,
Paul Lemmens,
Helena Jäderblom, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 19 mars 2013,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
4. Le 6 janvier 2012, la requête a été communiquée au Gouvernement.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
A. Les circonstances de l’espèce
1. Procédures d’asile et d’éloignement
2. Mesures de détention et procédures y afférentes
a) Mesure initiale de privation de liberté
b) Réquisitoire de ré-écrou
18. Un éloignement vers Athènes fut organisé le 29 janvier 2010 mais le requérant refusa d’embarquer, à la suite de quoi, il fit l’objet, le jour même, d’un réquisitoire de ré-écrou en vertu de l’article 27 §§ 1 et 3 de la loi sur les étrangers. Le requérant fit donc l’objet d’un deuxième titre de détention valable pour une période maximum de deux mois en application de l’article 29 § 1 de loi sur les étrangers.
20. La chambre du conseil du tribunal de première instance de Bruxelles ordonna la libération du requérant le 5 février 2010 au motif que le risque réel qu’il encourrait en Grèce n’avait pas été pris en compte par les autorités compétentes.
c) Prolongation de la détention
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
« § 1er. Dès que l’étranger introduit une demande d’asile à la frontière ou à l’intérieur du Royaume, conformément à l’article 50, 50bis, 50ter ou 51, le Ministre ou son délégué procède à la détermination de l’Etat responsable de l’examen de la demande d’asile, en application de la réglementation européenne liant la Belgique.
A cette fin, peut être maintenu dans un lieu déterminé le temps strictement nécessaire, sans que la durée de ce maintien ou de cette détention puisse excéder un mois :
1o l’étranger qui dispose d’un titre de séjour ou d’un document de voyage, revêtu d’un visa ou d’une attestation tenant lieu de visa, dont la durée de validité est expirée, délivré par un Etat tenu par la réglementation européenne relative à la détermination de l’Etat responsable du traitement de la demande d’asile, ou
2o l’étranger qui ne dispose pas des documents d’entrée visés à l’article 2 et qui, d’après ses propres dires, a séjourné dans un tel Etat, ou
3o l’étranger qui ne dispose pas des documents d’entrée visés à l’article 2 et dont la prise d’empreintes digitales conformément à l’article 51/3 indique qu’il a séjourné dans un tel Etat.
Lorsqu’il est démontré que le traitement d’une demande de prise ou de reprise en charge d’un demandeur d’asile est particulièrement complexe, le délai de maintien ou de détention peut être prolongé par le ministre ou son délégué d’une période d’un mois.
Nonobstant l’alinéa 1er, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides examine la demande d’asile introduite par un bénéficiaire de la protection temporaire autorisé à ce titre à séjourner dans le Royaume.
Si l’étranger ne donne pas suite à une convocation ou à une demande de renseignements dans les quinze jours de l’envoi de celle-ci, il est présumé avoir renoncé à sa demande d’asile.
§ 2. Même si en vertu des critères de la réglementation européenne, liant la Belgique, le traitement de la demande n’incombe pas à la Belgique, le ministre ou son délégué peut à tout moment décider que la Belgique est responsable pour l’examen de la demande. La demande dont le traitement incombe à la Belgique, ou dont elle assume la responsabilité, est examinée conformément aux dispositions de la présente loi.
§ 3. Si la Belgique n’est pas responsable de l’examen de la demande, le Ministre ou son délégué saisit l’Etat responsable aux fins de prise ou de reprise en charge du demandeur d’asile dans les conditions prévues par la réglementation européenne liant la Belgique.
Lorsque le demandeur d’asile doit être transféré vers l’Etat responsable, le Ministre ou son délégué peut lui refuser l’entrée ou le séjour dans le Royaume et lui enjoindre de se présenter auprès des autorités compétentes de cet Etat avant une date déterminée.
Si le Ministre ou son délégué l’estime nécessaire pour garantir le transfert effectif, il peut faire ramener sans délai l’étranger à la frontière.
A cette fin, l’étranger peut être détenu ou maintenu dans un lieu déterminé pendant le temps strictement nécessaire à l’exécution du transfert, sans que la durée de la détention ou du maintien puisse excéder un mois. Il n’est pas tenu compte de la durée du maintien ou de la détention visé au § 1er, alinéa 2. »
« § 1. L’étranger qui a reçu l’ordre de quitter le territoire et l’étranger renvoyé ou expulsé qui n’ont pas obtempéré dans le délai imparti peuvent être ramenés par la contrainte à la frontière de leur choix, à l’exception en principe de la frontière des Etats parties à une convention internationale relative au franchissement des frontières extérieures, liant la Belgique, ou être embarqués vers une destination de leur choix, à l’exclusion de ces Etats.
Si l’étranger possède la nationalité d’un Etat partie à une convention internationale relative au franchissement des frontières extérieures, liant la Belgique, ou s’il dispose d’un titre de séjour ou d’une autorisation de séjour provisoire en cours de validité, délivrés par un Etat partie, il pourra être ramené à la frontière de cet Etat ou être embarqué à destination de cet Etat.
§ 2. Sans préjudice de l’application des articles 51/5 à 51/7, les dispositions du § 1er sont appliquées à l’étranger qui a reçu une décision d’éloignement prise à son encontre par une autorité administrative compétente d’un Etat tenu par la directive 2001/40/CE du Conseil de l’Union européenne du 28 mai 2001 relative à la reconnaissance mutuelle des décisions d’éloignement des ressortissants de pays tiers, à laquelle il n’a pas obtempéré et qui a été reconnue par le Ministre ou son délégué, conformément à l’article 8bis.
§ 3. Les étrangers visés aux §§ 1er et 2 peuvent, sans préjudice des dispositions du Titre IIIquater et à moins que d’autres mesures suffisantes mais moins coercitives puissent être appliquées efficacement, être détenus à cette fin, en particulier lorsqu’il existe un risque de fuite ou lorsque l’étranger évite ou empêche la préparation du retour ou la procédure d’éloignement pendant le temps strictement nécessaire pour l’exécution de la mesure d’éloignement.
Les frais occasionnés par le rapatriement de l’étranger sont à sa charge.
L’Etat qui a délivré la décision d’éloignement visée au § 2 est informé du fait que l’étranger a été ramené à la frontière de son choix ou, conformément à l’article 28, à la frontière désignée par le Ministre ou son délégué. »
« L’étranger détenu par application de l’article 27, § 3, alinéa 1er qui dans les deux mois de son arrestation, n’a pas pu entrer régulièrement sur le territoire d’un autre Etat, est mis en liberté, sans préjudice d’une détention du chef de poursuites pénales, notamment pour infraction à la présente loi.
Le Ministre ou son délégué peut toutefois prolonger cette détention par période de deux mois, lorsque les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’étranger ont été entreprises dans les sept jours ouvrables de la mise en détention de l’étranger, qu’elles sont poursuivies avec toute la diligence requise et qu’il subsiste toujours une possibilité d’éloigner effectivement l’étranger dans un délai raisonnable.
Après une prolongation, la décision visée à l’alinéa précédent ne peut être prise que par le Ministre.
Après cinq mois de détention, l’étranger doit être mis en liberté. Dans le calcul de ces cinq mois, il sera tenu compte de la durée de la détention de l’étranger sur la base de l’article 8bis, § 4.
Dans le cas où la sauvegarde de l’ordre public ou la sécurité nationale l’exige, la détention de l’étranger peut être prolongée chaque fois d’un mois, après l’expiration du délai visé à l’alinéa précédent, sans toutefois que la durée totale de la détention puisse de ce fait dépasser huit mois. »
Article 71
« L’étranger qui fait l’objet d’une mesure privative de liberté prise en application des articles 7, 8bis, § 4, 25, 27, 29, alinéa 2, 51/5, § 1er, alinéa 2, et § 3, alinéa 4, 52/4, alinéa 4, 54, 57/32, § 2, alinéa 2 et 74/6 peut introduire un recours contre cette mesure en déposant une requête auprès de la chambre du conseil du tribunal correctionnel du lieu de sa résidence dans le Royaume ou du lieu où il a été trouvé.
L’étranger maintenu dans un lieu déterminé situé aux frontières, en application de l’article 74/5, peut introduire un recours contre cette mesure, en déposant une requête auprès de la chambre du conseil du tribunal correctionnel du lieu où il est maintenu.
Sans préjudice de l’application des articles 74/5, § 3, alinéa 5 et 74/6, § 2, alinéa 5, l’intéressé peut réintroduire le recours visé aux alinéas précédents de mois en mois.
Toutefois, lorsque, conformément à l’article 74, le Ministre a saisi la chambre du conseil, l’étranger ne peut introduire le recours visé aux alinéas précédents contre la décision de prolongation du délai de la détention ou du maintien qu’à partir du trentième jour qui suit la prolongation. »
Article 72
« La chambre du conseil statue dans les cinq jours ouvrables du dépôt de la requête après avoir entendu l’intéressé ou son conseil le Ministre, son délégué ou son conseil en ses moyens et le ministère public en son avis.
Elle vérifie si les mesures privatives de liberté et d’éloignement du territoire sont conformes à la loi sans pouvoir se prononcer sur leur opportunité.
Les ordonnances de la chambre du conseil sont susceptibles d’appel de la part de l’étranger, du ministère public et du Ministre ou son délégué.
Il est procédé conformément aux dispositions légales relatives à la détention préventive, sauf celles relatives au mandat d’arrêt, au juge d’instruction, à l’interdiction de communiquer, à l’ordonnance de prise de corps, à la mise en liberté provisoire ou sous caution, et au droit de prendre communication du dossier administratif.
Le conseil de l’étranger peut consulter le dossier au greffe du tribunal compétent pendant les deux jours ouvrables qui précèdent l’audience.
Le greffier en donnera avis au conseil par lettre recommandée. »
Article 73
« Si la chambre du conseil décide de ne pas maintenir l’arrestation, l’étranger est remis en liberté dès que la décision est coulée en force de chose jugée.
Le Ministre peut enjoindre à cet étranger de résider en un lieu déterminé soit jusqu’à l’exécution de la mesure d’éloignement du territoire dont il fait l’objet, soit jusqu’au moment où il aura été statué sur son recours en annulation. »
Article 74
« Lorsque le Ministre décide de prolonger la détention ou le maintien de l’étranger en application des articles 7, alinéa 5, 25, alinéa 5, 29, alinéa 3, 74/5, § 3, et 74/6, § 2, il doit saisir par requête dans les cinq jours ouvrables de la prolongation, la chambre du conseil du lieu de la résidence de l’étranger dans le Royaume ou du lieu où il a été trouvé, afin que celle-ci se prononce sur la légalité de la prolongation.
A défaut de saisine de la chambre du conseil dans le délai fixé, l’étranger doit être remis en liberté.
Pour le surplus, il est procédé conformément aux articles 72 et 73. »
« Le condamné a quinze jours francs après celui où l’arrêt a été prononcé en sa présence pour déclarer au greffe qu’il se pourvoit en cassation.
Le procureur général peut, dans le même délai, déclarer au greffe qu’il demande la cassation de l’arrêt.
La partie civile dispose aussi du même délai ; mais elle ne peut se pourvoir que quant aux dispositions relatives à ses intérêts civils.
Pendant ces quinze jours, et, s’il y a eu recours en cassation, jusqu’à la réception de l’arrêt de la Cour de cassation, il est sursis à l’exécution de l’arrêt de la cour. »
Article 31
« § 1. Les arrêts et jugements par lesquels la détention préventive est maintenue, sont signifiés à l’inculpé dans les vingt-quatre heures, dans les formes prévues à l’article 18.
§ 2. Ces décisions peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation dans un délai de vingt-quatre heures qui court à compter du jour où la décision est signifiée à l’inculpé.
§ 3. Le dossier est transmis au greffe de la Cour
de cassation dans les
vingt-quatre heures à compter du pourvoi. Les moyens de cassation peuvent
être proposés soit dans l’acte de pourvoi, soit dans un écrit déposé à cette
occasion, soit dans un mémoire qui doit parvenir au greffe de la Cour de
cassation au plus tard le cinquième jour après la date du
pourvoi. La Cour de cassation statue dans un délai de quinze jours à
compter de la date du pourvoi, l’inculpé restant en détention. L’inculpé est
mis en liberté si l’arrêt n’est pas rendu dans ce délai.
§ 4. Après un arrêt de cassation avec renvoi, la chambre des mises en accusation à laquelle la cause est renvoyée doit statuer dans les quinze jours à compter du prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation, l’inculpé restant entre-temps en détention. Il est mis en liberté si l’arrêt de la chambre des mises en accusation n’est pas rendu dans ce délai. Pour le surplus, les dispositions de l’article 30, §§ 3 et 4, sont d’application. Si la juridiction de renvoi maintient la détention préventive, sa décision constitue un titre de détention pour un mois à compter de la décision.
Si le pourvoi en cassation est rejeté, la chambre du conseil doit statuer dans les quinze jours à compter du prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation, l’inculpé restant entre-temps en détention. Il est mis en liberté si l’ordonnance de la chambre du conseil n’est pas rendue dans ce délai. »
« Attendu que l’article 72 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, qui ne fait pas mention du pourvoi en cassation, d’une part, ne vise que la procédure d’instruction des recours judiciaires qu’il prévoit, sur lesquels statuent la chambre du conseil et, en cas d’appel, la chambre des mises en accusation, et d’autre part, se réfère nécessairement à la loi relative à la détention préventive en vigueur lors de la promulgation de la loi du 15 décembre 1980 précitée, à savoir celle du 20 avril 1874, qui ne contenait aucune disposition concernant le pourvoi en cassation lequel était formé suivant les règles du Code d’instruction criminelle ;
Attendu que la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, qui consacre un chapitre au pourvoi en cassation, n’a pas modifié ledit article 72 de la loi du 15 décembre 1980 ; que, dès lors, même depuis l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions légales relatives à la détention préventive, le ministère public peut se pourvoir en cassation contre l’arrêt de la chambre des mises en accusation qui ordonne la remise en liberté d’un étranger, ce pourvoi étant réglé par les dispositions du code d’instruction criminelle ;
Attendu qu’il se déduit (...) de l’article 73 de la loi du 15 décembre 1980 précitée, qu’à l’instar du cas qu’il précise où la chambre du conseil décide de ne pas maintenir l’arrestation de l’étranger, ce dernier n’est remis en liberté, après un arrêt de la chambre des mises en accusation contenant la même décision, que lorsque celle-ci est coulée en force jugée, soit au plus tôt à l’expiration du délai [de quinze jours] prévu par l’article 373 du code d’instruction criminelle (...) ».
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 1 DE LA CONVENTION
« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :
(...)
f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. »
A. Sur la recevabilité
43. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
1. Thèse des parties
2. Appréciation de la Cour
53. La Cour constate que le requérant a été détenu en tant que « personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition [était] en cours ». Sa détention doit être examinée au regard du second membre de phrase de l’article 5 § 1 f). La Cour note que cela n’est pas contestée par les parties.
54. Le requérant allègue que son maintien en détention après l’arrêt du 17 février 2010 de la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Bruxelles n’a pas respecté les voies légales car il reposait sur une jurisprudence de la Cour de cassation qui ne peut être considérée comme une « loi » présentant les garanties de qualité et de prévisibilité exigées par l’article 5 § 1 de la Convention. Invoquant la mauvaise foi des autorités, le requérant allègue en outre que la décision de prolonger sa détention prise par l’OE le 26 mars 2010 était arbitraire et contraire aux exigences du paragraphe f) de cette disposition.
56. En l’espèce, la Cour observe qu’à la suite de son refus d’embarquer pour Athènes, le 29 janvier 2010, et jusqu’au 26 mars 2010, le requérant fit l’objet d’une mesure administrative de privation de liberté prévue par l’article 27 §§ 1 et 3 de la loi sur les étrangers (paragraphes 18 et 34 ci-dessus). Contre cette mesure, il saisit la chambre du conseil du tribunal de première instance de Bruxelles d’une requête de mise en liberté sur pied de l’article 71 de cette loi (paragraphes 19 et 36 ci-dessus). Conformément à l’article 72 de la même loi, l’Etat fit appel de l’ordonnance de première instance qui avait ordonné la libération du requérant (paragraphes 20, 21 et 36 ci-dessus). A la suite de la confirmation de l’ordonnance par la cour d’appel de Bruxelles dans son arrêt du 17 février 2010, l’Etat se pourvut en cassation.
57. La Cour constate que cette dernière possibilité n’est pas directement envisagée par l’article 72 de la loi sur les étrangers. Elle résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation telle qu’elle s’est exprimée dans l’arrêt du 14 mars 2001 (paragraphe 40 ci-dessus), critiqué par le requérant. La Cour de cassation, appelée à clarifier sur ce point l’articulation des dispositions légales applicables à la détention administrative des étrangers et à la détention préventive, jugea que, lors de l’entrée en vigueur de la loi du 15 décembre 1980 sur les étrangers, le pourvoi en cassation était régi par les dispositions générales du code d’instruction criminelle, seules applicables à cette époque, qui ouvraient la possibilité d’un tel pourvoi à la personne détenue et au ministère public (paragraphe 38 ci-dessus). Cette possibilité est restée même après l’entrée en vigueur de la loi de 1990 sur la détention préventive (paragraphe 39 ci-dessus), laquelle n’a pas modifié l’article 72 de la loi sur les étrangers.
58. La Cour de cassation a ensuite, dans le même arrêt du 14 mars 2001, décidé que la possibilité d’un pourvoi en cassation contre un arrêt de la chambre des mises en accusation ordonnant la mise en liberté d’un étranger implique que l’article 73 de la loi sur les étrangers trouve à s’appliquer. Concrètement, l’étranger n’est, dans un tel cas, remis en liberté que lorsque l’arrêt de la chambre des mises en accusation est coulé en force de chose jugée.
59. La Cour constate qu’il s’agit d’une jurisprudence bien établie (paragraphe 41 ci-dessus). Elle note également que le requérant était assisté d’un avocat qui, en tant que professionnel, ne pouvait pas ignorer ladite jurisprudence.
60. Aux yeux de la Cour, la jurisprudence de la Cour de cassation était suffisamment précise pour permettre au requérant - en s’entourant au besoin de conseils éclairés de son avocat - de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, la possibilité pour l’Etat de former un pourvoi contre l’arrêt du 17 février 2010 de la chambre des mises en accusation et les conséquences de nature à dériver de ce recours, notamment son caractère suspensif.
61. La Cour relève, de plus, que la jurisprudence de la Cour de cassation n’a pas pour effet de permettre à l’Etat de maintenir l’étranger en détention au-delà des délais prescrits par la loi sur les étrangers, c’est-à-dire du temps nécessaire à l’exécution de l’éloignement et tant que cet éloignement est possible, et ne prive pas les intéressés de solliciter leur mise en liberté à intervalles réguliers. Ladite jurisprudence n’est donc pas de caractère déraisonnable ou arbitraire.
62. Constatant en outre que le droit interne ainsi interprété n’a pas été méconnu à l’endroit du requérant, la Cour estime que le critère de « légalité » fixé par la Convention est satisfait en l’espèce.
66. Au vu de ce qui précède, la Cour constate que la détention du requérant n’a pas seulement eu lieu selon les voies légales mais a satisfait également aux autres exigences de l’article 5 § 1 f) de la Convention.
67. Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 5 § 1.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 4 DE LA CONVENTION
« Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »
A. Sur la recevabilité
70. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
1. Thèse des parties
2. Appréciation de la Cour
77. Elle rappelle également que, de même que toute autre disposition de la Convention et de ses protocoles, l’article 5 § 4 doit s’interpréter de telle manière que les droits y consacrés ne soient pas théoriques et illusoires mais concrets et effectifs (voir, parmi d’autres, Artico c. Italie, arrêt du 13 mai 1980, § 33, série A no 37, Schöps c. Allemagne, no 25116/94, § 47, CEDH 2001-I, Svipsta c. Lettonie, no 66820/01, § 129, CEDH 2006-III (extraits)).
III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
89. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
B. Frais et dépens
93. Le requérant demande le remboursement des frais pour sa défense devant les juridictions belges et devant la Cour. L’avocat fait état de 4 650 EUR calculés sur la base d’un tarif horaire de 75 EUR. 1 875 EUR sont réclamés pour la procédure devant les juridictions nationales et 2 775 EUR pour la procédure devant la Cour.
94. En ce qui concerne les frais et dépens afférents aux procédures devant les juridictions internes, il n’est pas contesté que le requérant bénéficie de l’aide juridique gratuite. La Cour n’aperçoit aucun élément attestant que les frais dépassant les montants perçus par cette voie correspondaient à une réelle nécessité ni que le requérant ait contracté l’obligation juridique de verser des honoraires complémentaires. Il convient dès lors de rejeter ces prétentions.
95. Concernant les frais réclamés et dépens exposés pour la défense du requérant devant elle, la Cour observe que le représentant du requérant est resté en défaut de verser au dossier sa note d’honoraire attestant des frais et dépens qu’il réclame au nom de son client ou tout élément que le montant des honoraires a été convenu avec le requérant. Conformément à sa jurisprudence, en l’absence de tels justificatifs, la Cour rejette ces prétentions également.
C. Intérêts moratoires
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention ;
4. Dit
a) que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 5 000 EUR (cinq mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 11 avril 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Claudia
Westerdiek Mark Villiger
Greffière Président