DEUXIEME
SECTION
AFFAIRE UÇAN ET AUTRES c. TURQUIE
(Requête
no 37377/05)
ARRÊT
STRASBOURG
2
juillet 2013
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions
définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des
retouches de forme.]
En l’affaire Uçan et autres c. Turquie,
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième
section), siégeant en une chambre composée de :
Guido Raimondi, président,
Danutė Jočienė,
Dragoljub Popović,
András Sajó,
Işıl Karakaş,
Paulo Pinto de Albuquerque,
Helen Keller, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 11
juin 2013,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette
date :
PROCÉDURE
. A l’origine de
l’affaire se trouve une requête (no 37377/05) dirigée contre la
République de Turquie et dont six ressortissants de cet Etat, MM. Şevket
Uçan, İbrahim Doğan, Oktay Petek, Erol Korkulu, Aziz Doğan et
Metin Doğan (« les requérants »), ont saisi la Cour le 21
septembre 2005 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
. Les requérants
sont représentés par Mes Y. et M. Filorinalı, avocats à Istanbul.
Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son
agent.
. Le 17 novembre
2009, la requête a été déclarée partiellement irrecevable et les griefs de MM.
Metin Doğan et Aziz Doğan tirés de la durée de leur détention et de l’absence
de recours effectif pour obtenir réparation de la détention subie (article 5 §§
3 et 5) et celui de tous les requérants tiré de la durée de la procédure pénale
engagée à leur encontre (article 6 § 1) ont été communiqués au
Gouvernement.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
. Les requérants
sont nés respectivement en 1961, 1955, 1976, 1974, 1962 et 1957 et résident à
Istanbul.
. Dans le cadre
d’une opération menée contre une organisation illégale armée, le « Parti/Front
révolutionnaire de libération du peuple » (Devrimci
Halk Kurtuluş Partisi/Cephesi - DHKP/C) M.
Aziz Doğan fut arrêté et mis en garde à vue le 12 avril 1996 et placé
en détention provisoire le 16 avril 1996. Quant à MM. İbrahim Doğan,
Şevket Uçan, Erol Korkulu, Oktay Petek et Metin Doğan, ils
furent respectivement arrêtés et mis en garde à vue les 20, 21, 22, 25 et 27
août 1996 et placés en détention provisoire le 3 septembre 1996.
. Par un acte d’accusation
du 6 décembre 1996, une action publique fut diligentée à l’encontre des
requérants et vingt-quatre autres personnes pour appartenance à une
organisation illégale armée au sein de laquelle ils auraient été responsables
de missions spécifiques, pour avoir porté aide et assistance à cette
organisation et pour avoir lancé des explosifs dans des lieux résidentiels.
. La cour de
sûreté de l’Etat d’Istanbul ordonna la mise en liberté provisoire de
Şevket Uçan le 10 mars 1997, d’İbrahim Doğan et Metin Doğan
le 26 mai 1997, d’Erol Korkulu et Oktay Petek le 18 février 1998, et de M. Aziz
Doğan le 10 septembre 1999.
. Toutefois, le
30 juillet 2001, la cour de sûreté de l’Etat d’Istanbul délivra un mandat d’arrêt
pour défaut de comparution contre plusieurs accusés, y compris MM. Erol Korkulu
et Oktay Petek. En ce qui concerne ces deux accusés, ledit mandat n’a pu être
exécuté à ce jour.
. MM. Aziz Doğan et Metin Doğan
furent à nouveau placés en détention provisoire respectivement les 10 et 20
août 2001 puis libérés le 23 mars 2005.
. Le 20 mai
2002, la cour de sûreté de l’Etat d’Istanbul condamna les requérants à différentes peines privatives de
liberté. Toutefois, cet arrêt fit l’objet d’un pourvoi et, le 30 septembre
2003, la Cour de cassation l’infirma.
. La loi no
5190, adoptée le 16 juin 2004, supprima les cours de sûreté de l’État du système
judiciaire turc, et les affaires qui relevaient de leur compétence revinrent
aux cours d’assises. Le 21 octobre 2009, la cour d’assises d’Istanbul condamna
MM. Aziz Doğan, Ibrahim Doğan et Metin Doğan à des
peines privatives de liberté comprises entre huit ans et neuf mois pour la plus
faible et onze ans et trois mois pour la plus lourde. Elle déclara la procédure
close pour cause de prescription à l’égard de M. Şevket Uçan et disjoignit
les dossiers de MM. Erol Korkulu et Oktay Petek, qui étaient toujours en fuite
le jour de l’arrêt.
. Par un arrêt
rendu le 27 février 2012, la Cour de cassation décida de mettre fin à la
procédure diligentée contre Ibrahim Doğan et Metin Doğan pour
prescription, et de confirmer l’arrêt de la cour d’assises en ce qui concerne
Aziz Doğan.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE
PERTINENT
. En droit turc, la détention provisoire est régie par les articles 100 et suivants du code de procédure pénale
(« CPP »), entré en vigueur le 1er juin 2005.
. Selon l’article
100 de ce code, la mise en détention provisoire d’une personne n’est possible
que s’il existe de forts soupçons que la personne concernée ait commis l’infraction
reprochée et s’il existe un motif de détention, à savoir un risque de fuite ou
bien un risque d’altération des preuves ou de pression sur les témoins et
victimes. Cela étant, pour certains délits particulièrement graves parmi
lesquels figure celui reproché aux requérants, l’article 100 § 3 de ce code
indique que l’on peut présumer l’existence des motifs de détention
susmentionnés lorsqu’il existe des raisons plausibles de soupçonner l’intéressé
d’avoir commis l’infraction.
. L’article 141
du code de procédure pénale prévoit la possibilité pour un justiciable de
demander réparation du préjudice découlant de l’application d’une mesure
préventive à son égard. Cette disposition a repris celle de la loi no
466 du 7 mai 1964 (abrogée) sur l’octroi d’indemnités aux personnes
illégalement arrêtées ou détenues. L’article 141 § 1 d)
du code de procédure pénale ajoute une nouveauté par rapport à la loi no
466 : la possibilité pour les personnes jugées en détention provisoire et n’ayant
pas obtenu un jugement dans un délai raisonnable de demander la
réparation de leur préjudice.
. L’article 141
§ 1 d) se traduit comme suit :
« 1) Dans le cadre d’une enquête ou d’un procès
relatifs à une infraction, les personnes qui :
(...)
d) même régulièrement placées en détention
provisoire au cours de l’enquête ou du procès, ne sont pas traduites dans un
délai raisonnable devant l’autorité de jugement et concernant lesquelles une
décision sur le fond n’est pas rendue dans ce même délai,
(...)
peuvent demander à l’État l’indemnisation de tous
leurs préjudices matériels et moraux. »
. L’article 142
§ 1 du code de procédure pénale, relatif aux conditions de la demande d’indemnisation,
se lit comme suit :
« La demande d’indemnisation peut être demandée
dans les trois mois suivant la notification à l’intéressé que la décision ou le
jugement est devenu définitif et dans tous les cas de figure dans l’année
suivant la date à laquelle la décision ou le jugement est devenu définitif. »
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE
5 §§ 3 ET 5 DE LA CONVENTION
. MM. Aziz
Doğan et Metin Doğan contestent la durée
excessive de leur détention provisoire. Ils se plaignent également de l’absence
d’un recours qui leur aurait permis de demander réparation.
Le
Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes, relevant que
les requérants n’ont à aucun moment soulevé, même en substance, leurs doléances
découlant de la durée de leur détention devant les instances nationales. D’après
le Gouvernement, les intéressés auraient dû, en outre, déposer un recours en
indemnisation devant les juridictions internes conformément aux articles 141 et
142 du code de procédure pénale, qui prévoient l’octroi d’indemnités aux
personnes illégalement arrêtées ou injustement détenues. Enfin, le Gouvernement
soutient que la détention des requérants était légale et que pour cette raison les
griefs des requérants sont manifestement mal fondés.
Les
requérants contestent la thèse du Gouvernement.
La Cour
rappelle qu’aux termes de l’article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes. La finalité de
cette règle est de ménager aux Etats contractants l’occasion de prévenir ou de
redresser les violations alléguées contre eux avant que la Cour n’en soit
saisie (voir, parmi d’autres,
Mifsud c. France
(déc.) [GC], no 57220/00, § 15, CEDH 2002-VIII, Simons c. Belgique (déc.), no 71407/10, § 23, 28 août 2012 et plus récemment Şefik Demir c. Turquie, no 51770/07, § 20, 16 octobre 2012).
L’article 35
§ 1 de la Convention ne prescrit cependant que l’épuisement des recours à la
fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats. Un recours
est effectif lorsqu’il est disponible tant en théorie qu’en pratique à l’époque
des faits, c’est-à-dire lorsqu’il est accessible, susceptible d’offrir au
requérant le redressement de ses griefs et présente des perspectives
raisonnables de succès. A cet égard, le simple fait de nourrir des doutes quant
aux perspectives de succès d’un recours donné qui n’est pas de toute évidence
voué à l’échec ne constitue pas une raison valable pour justifier la
non-utilisation de recours internes (Sejdovic c. Italie [GC], no 56581/00, § 46 CEDH 2006-II, Sardinas Albo c. Italie (déc.),
no 56271/00, CEDH 2004-I
(extraits), Brusco c. Italie (déc.), no 69789/01,
CEDH 2001-IX, et plus récemment Alberto Eugénio da Conceição c. Portugal
(déc.), no 74044/11, 29 mai 2012).
La Cour
estime que, en matière de durée de la détention, lorsque la détention
provisoire a pris fin, une action en réparation, susceptible d’aboutir à une
reconnaissance du caractère déraisonnable de la durée de la détention
provisoire et à l’attribution d’une indemnisation liée à ce constat, est en
principe un recours effectif qui doit être épuisé si son efficacité en pratique
a été dûment établie (voir, mutatis mutandis, Şefik Demir, précité, §§ 23-24 et les
références qui y figurent).
La Cour note
que l’article 141 § 1 d) du code de procédure pénale prévoit pour tout détenu n’ayant
pas obtenu un jugement dans un délai raisonnable la possibilité de demander une
indemnisation. Ce recours pouvait conduire d’une part à la reconnaissance du
caractère déraisonnable de la mesure contestée et d’autre part à la réparation
du préjudice subi par le requérant.
La Cour note
que la détention provisoire des requérants au sens de l’article 5 § 3 de la
Convention a pris fin avec leur mise en liberté le 23 mars 2005 et que leur
condamnation a été approuvée par la Cour de cassation le 27 février 2012. À
partir de cette dernière date, les requérants auraient pu demander une
indemnisation sur le fondement de l’article 141 du CPP, ce qu’ils n’ont pas
fait.
Rappelant
ici son rôle subsidiaire par rapport aux systèmes nationaux de garantie des
droits de l’homme, la Cour estime que les requérants avaient à leur disposition
une nouvelle norme légale qui leur aurait permis de donner aux juridictions
internes l’occasion de remédier au niveau national à la prétendue violation de
l’article 5 § 3 de la Convention. Rien n’indique que le contrôle qui sera
exercé par les juridictions internes à cette occasion sera limité d’une
quelconque manière, pour pouvoir douter d’emblée de l’efficacité d’un tel
recours et affirmer que celui-ci serait de toute évidence voué à l’échec. De
surcroît, s’agissant d’une nouvelle disposition légale adoptée dans l’objectif
spécifique de créer un recours susceptible de porter remède à ce type de grief,
il y a intérêt à saisir les juridictions nationales, afin de leur permettre de
faire application de cette disposition (Şefik
Demir, précité, § 32 et
les références qui y figurent).
A la lumière
de ce qui précède, la Cour estime que les deux requérants étaient tenus de
saisir les juridictions internes d’une demande d’indemnisation fondée sur l’article
141 § 1 d) du CPP, ce qu’ils n’ont pas fait. Il s’ensuit
que le présent grief doit être rejeté pour non-épuisement des voies de recours
internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la
Convention.
. Quant au
grief tiré de l’article 5 § 5 la Cour rappelle que
l’article 5 § 5 garantit un droit exécutoire à réparation aux
victimes d’une arrestation ou d’une détention opérée dans des conditions
contraires à d’autres dispositions de l’article 5 (Steel et autres c. Royaume-Uni, 23 septembre
1998, § 81, Recueil des arrêts et décisions 1998-VII). En l’espèce la Cour n’ayant pas constaté une
violation des autres dispositions de l’article 5 de la Convention, il s’ensuit donc que ce grief est
manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3
(a) et
4 de la Convention.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE
6 § 1 DE LA CONVENTION
. Tous les
requérants allèguent que la durée de la procédure a méconnu le principe du
« délai raisonnable » posé par l’article 6 § 1 de la Convention,
ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un
délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) du bien-fondé de
toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »
. Le
Gouvernement s’oppose à cette thèse.
. La période à
considérer varie pour chacun des requérants :
. Pour Aziz
Doğan elle a débuté le 12 avril 1996, avec son arrestation, et a pris fin le
27 février 2012 par l’arrêt de la Cour de cassation. Elle a duré environ seize
années et dix mois.
. S’agissant d’İbrahim
Doğan et de Metin Doğan elle a débuté les 20 et 27 août 1996
respectivement, avec leur arrestation, et s’est terminée 27 février 2012
par l’arrêt de la Cour de cassation. Elle a duré environ seize années et six
mois.
. S’agissant de
Şevket Uçan elle a débuté le 21 août 1996 avec son arrestation et elle s’est
terminée le 21 octobre 2009, par la décision de la cour d’assises mettant fin à
la procédure à son encontre pour cause de prescription.
La procédure a donc duré environ treize années.
. Enfin,
concernant Erol Korkulu et Oktay Petek elle a commencé avec leur arrestation,
les 22 et 25 août 1996 respectivement. La Cour note que
lorsqu’un accusé s’enfuit d’un État adhérant au principe de la prééminence du
droit, il y a une présomption selon laquelle il ne peut pas se plaindre d’une
durée raisonnable de la procédure pour la période postérieure à sa fuite, à
moins qu’il existe des motifs suffisants de nature à faire écarter cette
présomption (Teslim Töre c. Turquie (no 2),
no 13244/02, § 39, 11 juillet 2006 ; Ventura c. Italie, no 7438/76, rapport de la Commission européenne des droits de l’homme
du 15 décembre 1980, Décisions et rapports (DR) 23, pp. 43-44, § 197). Tel
n’est pas le cas en l’espèce. Par conséquent, le terme final de la période à
prendre en considération pour MM. Erol Korkulu et Oktay Petek est le 30 juillet
2001, date du mandat d’arrêt émis à leur encontre pour défaut de comparution, qui
marque le moment à partir duquel il était impossible de faire avancer la
procédure à l’égard des deux accusés puisqu’ils étaient en fuite (voir, mutatis mutandis, X c. Ireland, no 9429/81, décision de la Commission du 2 mars 1983, DR 32,
p. 226). La procédure a donc duré environ cinq années.
A. Sur la recevabilité
. La Cour fait observer
qu’un nouveau recours en indemnisation a été instauré en Turquie à la suite de
l’application de la procédure d’arrêt pilote dans l’affaire Ümmühan Kaplan
c. Turquie (no 24240/07, 20 mars 2012). Elle rappelle que, dans
sa décision Müdür Turgut et autres c. Turquie (no 4860/09,
26 mars 2013), elle a déclaré irrecevable une nouvelle requête, faute pour les
requérants d’avoir épuisé les voies de recours interne, en l’occurrence le
nouveau recours. Pour ce faire, elle a considéré notamment que ce nouveau
recours était, a priori, accessible et susceptible d’offrir des perspectives
raisonnables de redressement pour les griefs relatifs à la durée de la
procédure.
. La Cour
rappelle également que dans son arrêt pilote Ümmühan Kaplan (précité, §
77) elle a précisé notamment qu’elle pourra poursuivre, par la voie de la
procédure normale, l’examen des requêtes de ce type déjà communiquées au
Gouvernement. Elle note en outre que le Gouvernement n’a pas soulevé en l’espèce
une exception portant sur ce nouveau recours. A lumière de ce qui précède, la
Cour décide de poursuivre l’examen de la présente requête.
. Constatant
que le grief tiré de l’article 6 de la Convention n’est pas manifestement mal
fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention et qu’il ne se heurte à
aucun autre motif d’irrecevabilité, elle le déclare recevable.
B. Sur le fond
. La Cour
rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie
suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par la
jurisprudence de la Cour, en particulier la complexité de l’affaire, le
comportement du requérant et celui des autorités compétentes (voir, parmi
beaucoup d’autres, Pélissier et Sassi c. France [GC], no
25444/94, § 67, CEDH 1999-II).
. La Cour a
traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle
du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la
Convention (voir Pélissier et Sassi, précité).
En ce qui
concerne le fait que les requérants MM. Erol Korkulu et Oktay Petek aient pris
la fuite pour un temps significatif au cours de la procédure, la Cour estime qu’il
n’est en l’espèce pas déterminant, dans la mesure où la procédure à leur
encontre durait déjà depuis près de cinq années à la date de leur fuite (voir, mutatis
mutandis, Teslim Töre, précité, §§ 41-42).
. A la lumière
de tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le
Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion
différente dans le cas présent. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière,
la Cour estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive
et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».
. Partant, il y
a eu violation de l’article 6 § 1.
III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE
41 DE LA CONVENTION
. Aux
termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour
déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le
droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement
les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y
a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
. Les
requérants réclament pour chacun 15 000 euros (EUR) au titre du préjudice
moral qu’ils auraient subi.
. Le Gouvernement
estime ces prétentions injustifiées.
. La Cour estime
que les requérants ont subi un préjudice moral certain.
Statuant en équité, elle accorde 11 000 EUR à chacun des requérants Aziz
Doğan, İbrahim Doğan et Metin Doğan, et 8 000 EUR
au requérant Şevket Uçan. S’agissant des requérants Erol Korkulu et Oktay
Petek, la Cour estime que le dommage moral est suffisamment réparé par le
constat de violation de la Convention auquel elle parvient.
B. Frais et dépens
. Les
requérants demandent également 5 500 EUR pour les frais et dépens engagés devant
la Cour. A l’appui, leur avocat présente un décompte horaire de travail signé
par lui-même.
. Le
Gouvernement fait valoir que les requérants ne présentent pas les factures et
autres documents nécessaires à la preuve de la réalité des dépenses alléguées.
. Compte tenu
des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour estime
raisonnable d’allouer la somme de 500 EUR pour les honoraires d’avocat et
l’accorde conjointement aux requérants.
C. Intérêts moratoires
. La Cour juge
approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de
la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois
points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare le grief tiré de l’article 6 § 1 de la
Convention au regard de tous les requérants recevable et le restant de la
requête irrecevable ;
2.
Dit qu’il y a eu violation des articles 6 § 1 de la
Convention à l’égard de tous les requérants ;
3. Dit que le présent arrêt
constitue par lui-même une satisfaction équitable suffisante pour le préjudice
moral subi par les requérants Erol Korkulu et Oktay Petek ;
4. Dit
a) que l’Etat défendeur doit verser dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu
définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes
suivantes, à convertir en livres turques au taux applicable à la date du
règlement :
i) 11 000 EUR (onze mille euros) à chacun des requérants Aziz Doğan, İbrahim Doğan
et Metin Doğan, et 8 000 EUR (huit mille euros) à Şevket
Uçan, pour dommage moral, plus tout montant pouvant être
dû à titre d’impôt sur lesdites sommes ;
ii) 500 EUR (cinq cents euros)
conjointement à tous les requérants pour frais et dépens, plus tout montant
pouvant être dû par les requérants à titre d’impôt sur ladite somme.
b) qu’à compter de l’expiration dudit
délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple
à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale
européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de
pourcentage ;
5. Rejette la demande de
satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit
le 2 juillet 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Stanley
Naismith Raimondi
Guido
Greffier Président