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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> KOLUKIRIKOGLU v. TURKEY - 21002/06 - Committee Judgment (French text) [2013] ECHR 866 (24 September 2013)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/866.html
Cite as: [2013] ECHR 866

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    DEUXIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE KOLUKIRIKOĞLU c. TURQUIE

     

    (Requête no 21002/06)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

     

    STRASBOURG

     

    24 septembre 2013

     

     

    Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

     

     


    En l’affaire Kolukırıkoğlu c. Turquie,

    La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en un Comité composé de :

              Dragoljub Popović, président,
              Paulo Pinto de Albuquerque,
              Helen Keller, juges,
    et de Atilla Nalbant, greffier adjoint de section f.f.,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 3 septembre 2013,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE


  1. .  A l’origine de l’affaire se trouve une Requête (no 21002/06) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Niyazi Kolukırıkoğlu (« le requérant »), a saisi la Cour le 14 avril 2006 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

  2. .  Le requérant est représenté par Me A Giray, avocat à Mersin. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») est représenté par son agent.

  3. .  Le 4 novembre 2010, la Requête a été communiquée au Gouvernement.
  4. EN FAIT


  5. .  Le requérant est né en 1948 et réside à Tarsus.

  6. .  Le 7 octobre 1999, le requérant introduisit une action contre une banque devant le tribunal commercial d’Adana.

  7. .  Dans l’intervalle, la banque ne pouvant plus honorer ses engagements, son contrôle et son administration furent transférés au Fonds de garantie des dépôts bancaires, sur la décision du Conseil de la régulation et du contrôle bancaire.

  8. .  Le 3 octobre 2003, dans le cadre de la procédure d’exécution, le tribunal donna partiellement gain de cause au requérant mais rejeta sa demande d’indemnisation à hauteur de 40 %.

  9. .  Le 3 décembre 2004, la Cour de cassation confirma ce jugement.

  10. .  Le 5 juillet 2005, la Cour de cassation rejeta le recours en rectification.

  11. .  Le 14 octobre 2005, cet arrêt fut notifié au requérant.
  12. EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION


  13. .  Le requérant allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
  14. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »


  15. .  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

  16. .  La période à considérer a débuté le 7 octobre 1999 s’est terminée le 5 juillet 2005. Elle a donc duré environ cinq ans et neuf mois pour deux instances.
  17. A.  Sur la recevabilité


  18. .  La Cour fait observer qu’un nouveau recours en indemnisation a été instauré en Turquie à la suite de l’application de la procédure d’arrêt pilote dans l’affaire Ümmühan Kaplan c. Turquie (no 24240/07, 20 mars 2012). Elle rappelle que, dans sa décision Turgut et autres c. Turquie (no 4860/09, 26 mars 2013), elle a déclaré irrecevable une nouvelle Requête, faute pour les requérants d’avoir épuisé les voies de recours interne, en l’occurrence le nouveau recours. Pour ce faire, elle a considéré notamment que ce nouveau recours était, a priori, accessible et susceptible d’offrir des perspectives raisonnables de redressement pour les griefs relatifs à la durée de la procédure.

  19.  La Cour rappelle également que dans son arrêt pilote Ümmühan Kaplan (précité, § 77) elle a précisé notamment qu’elle pourra poursuivre, par la voie de la procédure normale, l’examen des Requêtes de ce type déjà communiquées au Gouvernement. Elle note en outre que le Gouvernement n’a pas soulevé dans la présente affaire une exception portant sur ce nouveau recours.

  20. .  A lumière de ce qui précède, la Cour décide de poursuivre l’examen de la présente Requête. Toutefois, elle rappelle que cette conclusion ne préjuge en rien l’examen d’une telle exception qui serait éventuellement soulevée par le Gouvernement dans le cadre d’autres Requêtes communiquées.
  21. B.  Sur le fond


  22. .  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII, et Ümmühan Kaplan c. Turquie, précité, § 48,).

  23. .  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».
  24. Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.

    II.  SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES


  25. .  Invoquant l’article 6 de la Convention, le requérant se plaint de l’iniquité de la procédure interne dans la mesure où sa demande d’indemnisation a été rejetée. Invoquant l’article 1 du Protocole no 1, le requérant allègue également une atteinte à son droit de propriété.

  26. .  La Cour a examiné ces griefs. Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, elle n’a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention. Il s’ensuit que cette partie de la Requête doit être rejetée, en application de l’article 35 § 4 de la Convention.
  27. III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION


  28. .  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
  29. « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage


  30. .  Le requérant réclame 4 000 000 de dollars américains (USD) au titre du préjudice matériel et 1 000 000 USD pour le dommage moral qu’il aurait subi.

  31. .  Le Gouvernement conteste ces prétentions.

  32. .  La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle estime que le requérant a subi un tort moral certain. Statuant en équité, elle lui accorde 3 000 euros (EUR) à ce titre.
  33. B.  Frais et dépens


  34. .  Le requérant demande également 200 000 USD pour les frais et dépens engagés les juridictions internes. Il ne présente aucun justificatif pertinent à l’appui de ces prétentions.

  35. .  Le Gouvernement conteste ces prétentions.

  36. .  Vu l’absence de justificatifs pertinents présentés par le requérant, la Cour rejette la demande relative aux frais et dépens de la procédure nationale.
  37. C.  Intérêts moratoires


  38. .  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
  39. PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la Requête recevable quant au grief tiré de la durée excessive de la procédure et irrecevable pour le surplus ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

     

    3.  Dit

    a)  que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, 3 000 EUR (trois mille euros), pour dommage moral, à convertir en livres turques, au taux applicable à la date du règlement :

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 24 septembre 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

            Atilla Nalbant                                                             Dragoljub Popović
        Greffier adjoint f.f.                                                                
    Président


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