En l’affaire Giavi c. Grèce,
La
Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une
chambre composée de :
Isabelle Berro-Lefèvre,
présidente,
Elisabeth Steiner,
Khanlar Hajiyev,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Julia Laffranque,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Erik Møse, juges,
et de Søren Nielsen, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 10
septembre 2013,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette
date :
PROCÉDURE
. A l’origine de
l’affaire se trouve une Requête (no 25816/09) dirigée contre la
République hellénique et dont une ressortissante de cet Etat, Mme Aggeliki
Giavi (« la requérante »), a saisi la Cour le 15 avril 2009 en vertu
de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales (« la Convention »).
. La requérante
est représentée par Me L. Panousis, avocat à Athènes. Le
gouvernement grec (« le Gouvernement ») est représenté par les
déléguées de son agent, Mme G. Papadaki, assesseure auprès du
Conseil juridique de l’Etat, et Mme Z. Hadjipavlou, auditrice auprès
du Conseil juridique de l’Etat.
. La requérante
allègue une violation de l’article 6 § 1 (délai raisonnable) de la Convention
et de l’article 1 du Protocole no 1, pris isolément et/ou combiné
avec l’article 14 de la Convention.
. Le 24 mars
2010, la vice-présidente de la première section a décidé de communiquer la
Requête au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 1 de la
Convention, il a en outre été décidé que
la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
. La requérante
est née en 1931 et réside à Glyka Nera.
. Le 18 juin
1997, la requérante, femme de ménage à l’hôpital général de la préfecture de l’Attique
de l’Ouest, saisit le tribunal de première instance d’Athènes d’une action
contre l’hôpital, par laquelle elle réclamait une somme de 27 413 254
drachmes (80 449,75 euros), correspondant à des compléments de salaires et
indemnités qui ne lui auraient pas été versés entre le 1er juin 1994
et le 21 mars 1997, date de son départ à la retraite. Elle demandait aussi
des intérêts sur cette somme à compter de la notification de l’action à la
partie adverse et jusqu’au versement. L’action fut notifiée à la partie adverse
le 24 juin 1997.
. L’audience eut
lieu le 16 décembre 1997.
. Par un
jugement du 28 avril 1998, le tribunal rejeta l’action au motif qu’à compter du
1er juillet 1988, le régime des salaires du personnel des hôpitaux
publics ne s’appliquait plus à la situation contractuelle de la requérante, qui
avait été modifiée. Le jugement fut mis au net et certifié conforme le 22
septembre 1998.
. Le 24 mars
2000, la requérante interjeta appel contre ce jugement devant la cour d’appel d’Athènes
et le 5 avril 2000 elle invita celle-ci à fixer la date de l’audience. Les
débats eurent lieu le 30 mai 2000.
. Le 5 juillet
2001, la cour d’appel infirma partiellement le jugement et accorda à la
requérante la somme de 22 244 224 drachmes. Elle refusa de lui
accorder des intérêts sur la somme accordée (à compter de la notification de l’action,
le 24 juin 1997, et jusqu’au versement) au motif que la requérante avait
renoncé à percevoir des intérêts car elle avait transformé son action en
recouvrement (katapsifistiki agogi) en action déclaratoire (anagnoristiki
agogi). Elle jugea, en outre, que les prétentions de la requérante pour la
période du 1er juin au 31 décembre 1994 étaient éteintes par la
prescription biennale prévue à l’article 48 § 3 du décret 496/1974, relatif à
la comptabilité des personnes morales de droit public, aux contrats et aux
prescriptions, qu’elle prit en compte d’office en application de l’article 52,
3e phrase, du même décret.
. L’arrêt fut
mis au net et certifié conforme le 24 août 2001.
. Le 10
septembre 2001, la requérante se pourvut en cassation. Elle se fondait, entre
autres, sur les articles 6 § 1 de la Convention et 1 du Protocole no
1. Elle soutenait qu’aucun motif valable ne pouvait justifier l’application d’un
délai de prescription de deux ans aux prétentions des employés de personnes
morales publiques à l’encontre de celles-ci, alors que le délai de droit commun
était de cinq ans (article 250 du code civil), que celui applicable aux autres
créanciers des mêmes personnes morales était également de cinq ans (article 48
§ 1 du décret) et que celui applicable aux créances des mêmes personnes morales
envers les tiers était de cinq ans également (article 44 du décret). Elle
soulignait que les intérêts de trésorerie des personnes morales publiques ne
sauraient leur valoir un traitement de faveur au détriment de leurs employés.
. L’audience,
initialement fixée au 2 avril 2002, fut ajournée, à la demande de la
requérante, au 21 janvier 2003. A cette date, elle fut encore ajournée à la
demande de celle-ci. Le 11 janvier 2007, la requérante demanda la fixation d’une
nouvelle date d’audience. Celle-ci fut fixée au 16 octobre 2007 mais elle
fut reportée, de nouveau à la demande de la requérante, au 23 septembre 2008,
date à laquelle elle eut lieu.
. La requérante
admet que son avocat sollicita l’ajournement des audiences des 2 avril 2002 et
21 janvier 2003 car le rapport rédigé par le juge rapporteur était défavorable
aux thèses de celle-ci et il estimait opportun d’attendre des arrêts du Conseil
d’Etat et de la Cour des comptes qui seraient favorables à ses intérêts.
. Par un arrêt
du 4 novembre 2008 (mis au net et certifié conforme le 15 décembre 2008), la
Cour de cassation rejeta le pourvoi.
. Elle affirma que
la prescription établie par les articles 48 § 3 et 49 du décret, plus courte que
celle établie par l’article 44 pour les créances des personnes morales de droit
public à l’égard de tiers, ne méconnaissait pas l’article 4 § 1 de la
Constitution (égalité devant la loi) car elle était justifiée par le besoin de
liquidation rapide des obligations des personnes morales de droit public. Elle
ajouta que l’établissement de délais de prescription différents suivant le type
de prétentions, de débiteurs et de créanciers ne violait pas l’article 6 § 1 de
la Convention ni l’article 1 du Protocole no 1, qui n’empêchent pas
le législateur d’établir des règles fixant un délai de prescription différent
selon les cas. Par conséquent, la cour d’appel, considérant que les prétentions
de la requérante établies jusqu’au 31 décembre 1994 étaient éteintes par
prescription à la date de l’introduction de son action, deux ans après la fin
de l’année durant laquelle elles étaient nées, n’avait pas violé les articles 6
de la Convention et 1 du Protocole no 1.
. Enfin, la
Cour de cassation souligna que l’examen d’office par les tribunaux du jeu de la
prescription au profit de l’Etat et des personnes morales de droit public, prévue
à l’article 52, 3e phrase du décret et instituée pour des motifs d’intérêt
public, n’était pas contraire aux articles 4 § 1 de la Constitution, 6 § 1 de
la Convention (car les parties adverses des personnes morales n’étaient pas
privées de leur droit de soulever des objections pour réfuter le jeu de la
prescription) et 1 du Protocole no 1 (car cet article n’empêchait
pas le législateur d’établir des règles concernant la prescription des
prétentions et la prise en compte d’office de celle-ci par les tribunaux).
. La somme
accordée à la requérante par la cour d’appel lui fut versée le 9 juillet 2002.
II. LE
DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
A. La prescription
. L’article 250
du code civil prévoit :
« Se prescrivent par cinq ans les
prétentions [qui concernent] : (...) 17o les salaires et
appointements de toute espèce, les revenus arriérés, les pensions de retraite,
les pensions alimentaires, ainsi que toute autre prestation périodiquement
renouvelable (...) »
. Le décret
législatif no 496/1974 du 19 juillet 1974, relatif à la comptabilité
des personnes morales de droit public aux contrats et aux délais de prescription,
dispose ce qui suit :
Article
44 § 1
« Toute dette envers une personne morale de
droit public est éteinte par prescription (...) après l’écoulement de cinq ans
à compter de la fin de l’année économique dans laquelle elle a été
constatée. »
Article
48
« 1. Le délai de prescription des prétentions
pécuniaires contre les personnes morales de droit public est de cinq ans, sauf
s’il est précisé autrement dans le présent décret.
(...)
3. Le délai de prescription pour les prétentions
des employés des personnes morales de droit public contre celles-ci, que ces
employés leur soient liés par des contrats de droit public ou de droit privé,
pour cause de retard dans le versement de salaires, d’autres allocations ou des
indemnités (...) est de deux ans. »
Article
49
« Le délai de prescription commence à courir
à compter de la fin de l’année économique pendant laquelle la prétention est
née et son recouvrement par voie judiciaire est possible. »
Article
52
« (...) La prescription est prise en compte
d’office par les tribunaux. »
. L’article 90
§ 3 de la loi no 2362/1995 sur la comptabilité publique
dispose :
« Les prétentions des fonctionnaires ayant
une relation contractuelle de droit public ou de droit privé (...) contre l’Etat,
qui concernent leur rémunération ou toute autre sorte d’indemnité (...) sont
prescrites dans un délai de deux ans à compter de leur naissance. »
. Par un arrêt
no 9/2009 du 4 mai 2009, la Cour spéciale suprême, chargée de
statuer entre autres sur les conflits de jurisprudence entre les juridictions,
a levé une divergence qui était née d’arrêts contradictoires du Conseil d’Etat
et de la Cour de cassation au sujet de la constitutionnalité de l’article 48 §
3 du décret législatif no 496/1974. La Cour spéciale suprême a jugé
que la prescription biennale prévue à cet article avait été établie pour des
raisons d’intérêt général et notamment le besoin d’une liquidation rapide des
créances découlant des allocations mensuelles accordées par les personnes
morales de droit public. Une liquidation rapide était nécessaire à la
protection du patrimoine et de la situation financière de ces personnes morales
auxquels contribuaient les citoyens par le paiement des impôts. Par conséquent,
la disposition de l’article 48 § 3, qui imposait une prescription biennale pour
les créances des fonctionnaires des personnes morales de droit public, ne
méconnaissait pas le principe d’égalité garanti par l’article 4 de la
Constitution.
. En statuant
ainsi, la Cour spéciale suprême a suivi la jurisprudence de la Cour de
cassation en la matière.
. En outre,
tant la Cour de cassation (arrêts 31/2007 et 272/2009) que le Conseil d’Etat
(arrêt 3546/2004) ont jugé que la prescription biennale ne créait pas une
discrimination entre, d’une part, les fonctionnaires des personnes morales de
droit public et, d’autre part, les employés des entreprises privées ou les
entrepreneurs dans leurs relations avec ces personnes morales, qui eux
bénéficiaient d’une prescription de cinq ans, car cette différenciation se
justifiait non seulement par la nécessité de protéger le patrimoine des
personnes morales de droit public mais aussi en raison du statut spécial des fonctionnaires
et du régime juridique différent qui s’appliquait aux rapports des
fonctionnaires et des employés des entreprises privées avec leurs employeurs.
. Statuant
récemment sur la compatibilité de l’article 90 § 3 de la loi no 2362/1995
sur la comptabilité publique avec la Constitution, la Cour spéciale suprême a
jugé que cet article n’était pas contraire à l’article 4 § 1 (égalité
devant la loi) de la Constitution (arrêt no 1/2012 du 4 avril 2012).
Elle considéra que la prescription biennale avait été instituée par cet article
pour des motifs d’intérêt général et notamment le besoin de liquider rapidement
les prétentions qui résultent des paiements périodiques et des obligations de l’Etat
et qui était nécessaire pour la protection du patrimoine et de la situation financière
de celui-ci. Elle était nécessaire aussi afin d’éviter toute modification des
données économiques sur le fondement desquels l’Etat prévoyait le
fonctionnement de l’administration, les dépenses et la préparation du budget,
et toute conséquence néfaste que pouvait avoir sur l’exécution du budget la
satisfaction des prétentions qui pourraient être accumulées au fil des années
par de nombreuses actions de fonctionnaires portées contre l’Etat. L’intérêt de
celui-ci de prévoir ses recettes et ses dépenses sans qu’il soit entravé par
des dettes non réglées justifiait l’établissement des délais pour l’introduction
des actions judiciaires. La différenciation que comportait l’article 90 § 3 par
rapport aux prescriptions prévues aux articles 90 § 1 et 86 §§ 2 et 3 de la
même loi, se justifiait aussi par les différences existantes entre
fonctionnaires publics et employés de droit privé ainsi que par le statut
juridique différent qui régissait les relations de ces deux catégories de professionnels
avec leurs employeurs.
B. Le code de procédure civile
. L’article
672A du code de procédure civile prévoit :
« Les décisions judiciaires sur les litiges relatifs
aux salaires versés tardivement doivent être rendues obligatoirement, en
première instance, dans un délai de quinze jours à compter de l’audience et, en
appel, dans un délai d’un mois à compter de celle-ci. »
C. La Constitution
. L’article 103
§ 4 de la Constitution dispose :
« Les fonctionnaires qui occupent un poste
statutaire sont inamovibles, tant que ce poste existe. (...) »
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE
1 DU PROTOCOLE No 1, COMBINé
AVEC L’ARTICLE 14 DE LA CONVENTION
. La requérante
se plaint que la fixation de délais de prescription plus courts pour les
créances des employés de personnes publiques à l’encontre de celles-ci par
rapport à ceux s’appliquant à l’Etat en tant que créancier ou à ceux relevant
du droit commun, et qui sont pris en compte d’office par les tribunaux, l’a privée
d’une partie de ses compléments de salaires et indemnités impayés, sans
que cela soit justifié par aucun but d’intérêt public. Elle invoque l’article 1
du Protocole no 1, combiné avec l’article 14 de la Convention. Ces
articles sont ainsi libellés :
Article
1 du Protocole no 1
« Toute personne physique ou morale a droit
au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause
d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes
généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas
atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils
jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt
général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des
amendes. »
Article
14 de la Convention
« La jouissance des droits et libertés
reconnus dans la (...) Convention doit être assurée, sans distinction aucune,
fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les
opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale,
l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute
autre situation. »
. En premier
lieu, le Gouvernement soutient que la requérante n’est pas titulaire d’un
« bien » au sens de la Convention et qui serait reconnu par le droit
interne. Les prétentions de celle-ci à l’encontre de l’hôpital pour la période
du 1er juin au 31 décembre 1994 ont été rejetées comme prescrites
par les juridictions internes. Ces prétentions ne peuvent être fondées ni sur
le droit interne ni sur la jurisprudence, notamment après l’adoption de l’arrêt
de la Cour spéciale suprême qui est contraignant pour toutes les juridictions.
. En deuxième
lieu, le Gouvernement prétend que le choix du législateur de prévoir pour les
prétentions des employés des personnes morales de droit public un délai de
prescription plus court que celui applicable aux employés du secteur privé ou aux
créances des personnes morales elles-mêmes ne constitue pas une atteinte au
droit au respect des biens. L’article 48 § 3 du décret 496/1974 ne prive pas le
fonctionnaire de son bien, mais fixe d’avance un délai suffisant dans lequel l’intéressé
doit tenter le recouvrement de ses créances par voie judiciaire ou
extrajudiciaire. En l’espèce, cet article existait avant la naissance des
prétentions de la requérante et celle-ci devait le connaître.
. Selon le
Gouvernement, l’établissement d’une prescription biennale poursuit un but
légitime d’intérêt public : la liquidation rapide, judiciaire ou
extrajudiciaire, des prétentions découlant des allocations accordées par les
personnes morales de droit public, est nécessaire pour la protection du
patrimoine et de la situation financière de celles-ci. Une telle liquidation
rapide est justifiée tant par le montant élevé des prétentions cumulées d’un
grand nombre de fonctionnaires, qui sont souvent introduites collectivement,
que par les conséquences néfastes que l’introduction intempestive de ces
prétentions pourrait avoir sur le budget des personnes morales. L’article 48 §
3 s’applique à l’ensemble des fonctionnaires, en activité ou à la retraite, et
à la majorité écrasante des prétentions de ceux-ci ; il s’agit donc non
pas d’une exception introduite par le législateur au droit civil ou au droit du
travail, mais d’une réglementation concernant une grande catégorie de
prétentions. Devoir réserver des deniers publics pour couvrir des obligations pouvant
se concrétiser de manière imprévisible plusieurs années après les faits
générateurs des prétentions y afférentes serait source d’importants
dysfonctionnements pour les personnes morales de droit public et introduirait des
aléas dans leur gestion financière.
. Enfin, le
Gouvernement affirme qu’il est compatible avec le droit communautaire de prévoir
dans le droit interne des règles moins favorables pour l’introduction des voies
de recours contre l’Etat par rapport à celles qui concernent les particuliers
(arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes, Aprile
(C-228/1996, § 19), Dillexport (C-343/1996, § 26) et Marks et Spencer
(C-62/2000), §§ 35, 41-42)).
. Sous l’angle
de l’article 14 de la Convention, le Gouvernement réitère pour l’essentiel les
mêmes arguments.
. La requérante
soutient que son droit à percevoir la différence des salaires pour la période
du 1er juin au 31 décembre 1994 a été reconnu par l’arrêt de la cour
d’appel du 5 juillet 2001 et que si elle a été privée de cette somme, c’est parce
que cette même cour a appliqué dans son cas l’article 48 § 3.
. Elle se
prévaut, en outre, de l’arrêt Zouboulidis c. Grèce (no 2) (no 36963/06,
25 juin 2009), dans lequel la Cour a jugé que l’application par les
juridictions internes de dispositions spéciales accordant à l’Etat des
privilèges avait porté atteinte au droit du requérant au respect de ses biens
et rompu le juste équilibre à ménager entre la protection de la propriété et
les exigences de l’intérêt général. Elle souligne que l’arrêt de la Cour
suprême spéciale qui a été rendu avant l’arrêt Zouboulidis précité n’est
pas dirimant car il n’a pas pris en compte l’article 1 du Protocole no
1.
. Selon la
jurisprudence de la Cour, l’article 1 du Protocole nº 1 contient trois normes
distinctes : la première, qui s’exprime dans la première phrase du premier
alinéa et revêt un caractère général, énonce le principe du respect de la
propriété ; la deuxième, figurant dans la seconde phrase du même alinéa,
vise la privation de propriété et la soumet à certaines conditions ; quant
à la troisième, consignée dans le second alinéa, elle reconnaît aux Etats le
pouvoir, entre autres, de réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt
général. Il ne s’agit pas pour autant de règles dépourvues de rapports entre
elles. La deuxième et la troisième ont trait à des exemples particuliers d’atteintes
au droit de propriété ; dès lors, elles doivent s’interpréter à la lumière
du principe consacré par la première (voir, par exemple, Scordino c. Italie (no
1) [GC], no 36813/97, § 78, CEDH
2006-V, et Kozacıoğlu c. Turquie [GC], no 2334/03, § 48, 19 février
2009).
. La Cour
rappelle que la notion de « bien », évoquée à la première partie de l’article
1 du Protocole nº 1, a une portée autonome qui ne se limite pas à la propriété
de biens corporels. Dans chaque affaire, il importe d’examiner si les
circonstances, considérées dans leur ensemble, ont rendu le requérant titulaire
d’un intérêt substantiel protégé par l’article 1 du Protocole nº 1 (Iatridis
c. Grèce [GC], nº 31107/96, § 54, CEDH 1999-II, Beyeler c. Italie,
[GC], nº 33202/96, § 100, CEDH 2000-I, et Broniowski c. Pologne
[GC], nº 31443/96, § 129, CEDH 2004-V).
. De plus, une
distinction est discriminatoire au sens de l’article 14, si elle « manque
de justification objective et raisonnable », c’est-à-dire si elle ne
poursuit pas un « but légitime » ou s’il n’y a pas de « rapport
raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but
visé ». Par ailleurs, les Etats contractants jouissent d’une certaine
marge d’appréciation pour déterminer si et dans quelle mesure des différences
entre situations analogues à d’autres égards justifient des distinctions de
traitement (Zeïbek c. Grèce, no 46368/06, § 46, 9 juillet
2009).
. Dans la
présente affaire, la Cour note que par son arrêt du 5 juillet 2001, la cour d’appel
a accordé à la requérante une somme de 22 244 224 drachmes qui
correspondait à des compléments de salaires et indemnités non versés. Elle
a refusé de lui accorder des intérêts moratoires sur la somme accordée au motif
que l’action avait un caractère déclaratoire et a jugé que les prétentions de
la requérante pour la période du 1er juin au 31 décembre 1994
étaient éteintes par prescription.
. Il en résulte
que les prétentions de la requérante entrent dans le champ d’application de l’article
1 du Protocole no 1 et du droit au respect des biens qu’il garantit,
ce qui suffit à rendre l’article 14 de la Convention applicable (Fabris c.
France [GC], no 16574/08, §§ 48-55, 7 février 2013).
. La Cour
constate que cet aspect de la Requête n’est pas manifestement mal fondé au sens
de l’article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs qu’il ne se
heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer
recevable.
. La Cour
rappelle que le seul fait que les prétentions de la requérante étaient soumises
à un délai de prescription ne pose aucun problème à l’égard de la Convention. L’institution
de délais de prescription est un trait commun aux systèmes juridiques des Etats
contractants, visant à garantir la sécurité́ juridique en fixant un terme
aux actions et à empêcher l’injustice qui pourrait se produire si les tribunaux
étaient appelés à se prononcer sur des événements survenus loin dans le
passé (J.A. Pye (Oxford) Ltd et J.A. Pye (Oxford)
Land Ltd c. Royaume-Uni [GC], no 44302/02,
§ 68, Stubbings et autres c. Royaume-Uni, 22 octobre 1996, § 51, Recueil des arrêts et décisions
1996-IV).
. En général,
la Cour rappelle qu’une ample latitude est d’ordinaire laissée à l’Etat pour
prendre des mesures d’ordre général en matière économique ou sociale (voir par
exemple, James et autres c. Royaume-Uni, 21 février 1986, § 46, série A no 98 ; National
& Provincial Building Society, Leeds Permanent Building Society et
Yorkshire Building Society c. Royaume-Uni, 23 octobre 1997, § 80, Recueil
des arrêts et décisions 1997-VII). De plus, la
Cour jouit d’une compétence limitée pour vérifier le respect du droit interne (Håkansson et Sturesson c. Suède,
21 février 1990, § 47, série A no 171-A) et elle n’a pas pour tâche de se substituer aux juridictions
internes. C’est au premier chef aux autorités nationales, notamment aux cours
et tribunaux, qu’il incombe d’interpréter la législation interne (Waite et
Kennedy c. Allemagne [GC], no 26083/94, § 54, CEDH 1999-I).
. Néanmoins, le
rôle de la Cour est de rechercher si les résultats auxquels sont parvenues les
juridictions nationales sont compatibles avec les droits garantis par la
Convention et ses Protocoles. La Cour relève que, nonobstant le silence de l’article
1 du Protocole no 1 en matière d’exigences procédurales, une
procédure judiciaire afférente au droit au respect des biens doit aussi offrir
à la personne concernée une occasion adéquate d’exposer sa cause aux autorités
compétentes afin de contester effectivement les mesures portant atteinte aux
droits garantis par cette disposition. Pour s’assurer du respect de cette
condition, il y a lieu de considérer les procédures applicables d’un point de
vue général (voir Capital Bank AD c. Bulgarie, no 49429/99, § 134, CEDH 2005-XII (extraits) ; Zafranas
c. Grèce, no 4056/08, § 36, 4 octobre
2011).
. La Cour note
que le Gouvernement réitère et développe ses arguments de l’affaire Zouboulidis
selon lesquels c’est dans un but d’intérêt général que les personnes morales de
droit public bénéficient de délais de prescription plus courts, en l’occurrence
deux ans, afin de pouvoir rapidement apurer leurs comptes. Pour répondre au
reproche que la Cour lui avait adressé dans l’arrêt précité et selon lequel il
ne fournissait pas d’éléments concrets sur l’impact sur la situation financière
de l’Etat qu’aurait une décision favorable aux prétentions de personnes dans la
même situation que le requérant (ibid. § 35), le Gouvernement apporte
des éléments pour démontrer dans la présente affaire que les sommes
revendiquées par les fonctionnaires des personnes morales de droit public
atteignent des montants très importants, ce qui compromettrait sérieusement la
réalisation des buts de service public de ces personnes morales si le délai de
prescription était de cinq ans, tenant compte de la situation économique et
financière actuelle.
. Ainsi le
Gouvernement indique que sont actuellement pendants devant le Conseil d’Etat
les pourvois de 257 employés du même hôpital que celui où travaille la
requérante et dont les prétentions s’élèvent à 2 570 000 euros.
Il indique aussi qu’en exécution de décisions judiciaires, l’Etat a versé aux
employés de 34 hôpitaux de l’Attique une somme globale de
38 247 297,50 euros, intérêts inclus. Les sommes accordées aux
fonctionnaires de l’Etat pour la période 2003-2009 à titre de salaires et
allocations, en vertu de décisions judiciaires, s’élèvent à
224 418 473,77 euros dont 101 280 045,93 euros pour le
seul ministère de la Santé et de la Solidarité sociale. Le Gouvernement soutient
que si les fonctionnaires bénéficiaient d’un délai de prescription de cinq ans,
le montant de ces sommes serait de plus du double.
. La Cour note
que la présente affaire se distingue de l’affaire Zouboulidis par au
moins deux aspects. D’une part, à l’époque des circonstances de fait de l’arrêt
Zouboulidis, il existait une divergence de jurisprudence entre le
Conseil d’Etat et la Cour de cassation qui n’avait pas encore été levée par la
Cour suprême spéciale (paragraphe 22 ci-dessus). D’autre part, les arguments
invoqués par le Gouvernement à l’appui de sa thèse dans cette affaire, étaient
de nature générale et abstraite (§§ 35-36 de l’arrêt précité). Or, la situation
n’est plus la même dans le cadre de la présente affaire, étant donné les
précisions apportées par le Gouvernement et résumées au paragraphe précédent.
. La Cour ne
met pas en doute le droit des Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent
nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général
(voir, parmi beaucoup d’autres, Meïdanis c. Grèce, no
33977/06, § 26, 22 mai 2008) ni le droit des juridictions nationales d’interpréter
les dispositions du droit interne, droits soulignés par le Gouvernement en l’espèce.
Or, les prétentions des salariés des personnes morales de
droit public peuvent justifier une réglementation dans le sens de l’intérêt de
la trésorerie, de la gestion efficace des deniers publics et de la continuité
du service public. La Cour constate à cet égard que le délai de prescription de
deux ans a été institué par le décret législatif no 496/1974 du 19 juillet
1974, relatif à la comptabilité des personnes morales de droit public, aux
contrats et aux délais de prescription. Selon les hautes juridictions
nationales (Cour de cassation, Conseil d’Etat et Cour spéciale suprême), l’intérêt
public visé par le délai spécial de deux ans est, notamment, le besoin d’un
prompt règlement des créances découlant des allocations mensuelles accordées
par les personnes morales de droit public, une liquidation rapide étant
nécessaire à la protection du patrimoine et de la situation financière de ces
personnes morales auxquels contribuaient les citoyens par le paiement des
impôts. Cet intérêt est à rapprocher de celui mis en exergue par la Cour
spéciale suprême, dans son arrêt 1/2012 visant la prescription des prétentions
des fonctionnaires contre l’Etat, d’éviter toute modification des données
économiques sur le fondement desquels l’Etat prévoyait le fonctionnement de l’administration,
les dépenses, la préparation et l’exécution correcte du budget. L’intérêt de prévoir
les recettes et les dépenses sans qu’il soit entravé par des dettes non réglées
justifiait l’établissement d’un délai de prescription de deux ans pour l’introduction
des actions judiciaires, afin d’éviter les conséquences néfastes que pourraient
avoir sur l’exécution du budget la satisfaction des prétentions accumulées au
fil des années par de nombreuses actions de fonctionnaires portées contre l’Etat
(paragraphe 25 ci-dessus). Il en va de même pour le budget des personnes
morales, selon le Gouvernement, qui relève le montant élevé des prétentions
cumulées, souvent introduites collectivement, d’un grand nombre de
fonctionnaires contre celles-ci.
. Les données
fournies par le Gouvernement (paragraphe 46 ci-dessus) illustrent le caractère
imprévisible que pourraient avoir, pour des personnes morales, des prétentions
introduites plusieurs années après les faits générateurs y afférent, les
obligeant à réserver des deniers publics pour couvrir des obligations pouvant
se concrétiser de manière imprévisible, ainsi que les conséquences néfastes de
pareilles prétentions sur leur budget. Il est, en outre, indubitable que la
détermination du bien-fondé de ces actions relèverait des tribunaux et
risquerait d’encombrer davantage leur rôle.
. Le Gouvernement
explique encore que l’article 48 § 3 s’applique à l’ensemble des
fonctionnaires, en activité ou à la retraite, et à la majorité écrasante des
prétentions de ceux-ci ; il s’agit donc non pas d’une exception introduite
par le législateur au droit civil ou au droit du travail, mais d’une
réglementation concernant une grande catégorie de prétentions à l’échelle de la
fonction publique tout entière. La Cour relève sur ce point que, pour la Cour
de cassation et le Conseil d’Etat, la différenciation entre fonctionnaires des
personnes morales et employés des entreprises privées se justifie non seulement
par la nécessité de protéger le patrimoine des personnes morales, mais aussi du
fait du statut spécial des fonctionnaires et du régime juridique différent qui
s’appliquait aux rapports des fonctionnaires publics et des employés privés
avec leurs employeurs respectifs. Un raisonnement analogue a été fait dans l’arrêt
1/2012 précité de la Cour suprême spéciale en ce qui concerne les prétentions
des fonctionnaires contre l’Etat. La Cour suprême spéciale
a considéré notamment que la différenciation que comportait l’article 90 § 3
par rapport aux prescriptions prévues aux articles 90 § 1 et 86 §§ 2 et 3
de la même loi, se justifiait aussi par les différences existantes entre
fonctionnaires publics et employés de droit privé ainsi que par le statut
juridique différent qui régissait les relations de ces deux catégories de
professionnels avec leurs employeurs (paragraphe 25 ci-dessus).
. Il appartient
à l’ordre juridique interne de l’Etat concerné de régler les modalités
procédurales des recours en justice de manière à assurer la sauvegarde des
droits des fonctionnaires pour autant que ces modalités ne rendent pas en
pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés
par l’ordre juridique interne. Un délai de prescription de deux ans ne limite
pas excessivement, de l’avis de la Cour, la possibilité pour les fonctionnaires
de revendiquer en justice des salaires et des allocations qui leur sont dus par
l’administration. En l’occurrence, la requérante n’a pas invoqué d’éléments
concrets qui l’auraient empêchée ou dissuadée d’une manière quelconque d’exercer
son recours dans les deux ans depuis que sa prétention a pris naissance.
. Enfin, la
Cour relève que contrairement à l’arrêt Zouboulidis précité, en l’espèce,
la requérante focalise son grief plutôt sur la différence de traitement qui
existerait entre les fonctionnaires publics, d’une part, et les salariés du
secteur privé ou les créanciers de l’Etat autres que ses propres fonctionnaires
d’autre part. La Cour considère qu’il s’agit là des situations qui ne sont pas
comparables : il n’y a aucune analogie entre fonctionnaires publics et salariés
du secteur privé et quant aux autres créanciers, il s’agit pour la plupart des
fournisseurs de l’Etat qui ont une relation ponctuelle avec celui-ci, à l’occasion
de l’exécution d’un contrat, et non une relation salariale qui est constante, comme
c’est le cas des fonctionnaires. Du reste, la Cour note, en l’occurrence, que
la Cour spéciale suprême a mis en évidence le statut juridique différent qui
régissait les relations de ces deux catégories de professionnels avec leurs
employeurs (paragraphes 24-25 ci-dessus). Il en va ainsi tout particulièrement
du fait que les fonctionnaires publics sont inamovibles en vertu de la
Constitution (paragraphe 27 ci-dessus). Ces différences de statut pourraient justifier
des périodes plus longues en faveur des salariés du secteur privé pour qu’ils
puissent porter en justice leurs différends salariaux.
. A la lumière
de ce qui précède, la Cour constate que l’application par les juridictions
internes des dispositions spéciales qui prévoient un délai de prescription de
deux ans pour les prétentions des employés des personnes morales de droit
public contre celles-ci n’a pas rompu le juste équilibre à ménager entre la
protection de la propriété et les exigences de l’intérêt général.
. Il n’y a donc
pas eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 en combinaison
avec l’article 14 de la Convention.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE
6 § 1 DE LA CONVENTION AU REGARD DE LA DURÉE DE LA PROCÉDURE
. La requérante
se plaint du dépassement d’un « délai raisonnable » pour la
procédure. Elle invoque l’article 6 § 1 de la Convention, dont la partie
pertinente dispose :
« Toute personne a droit à ce que sa cause
soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui
décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère
civil (...) »
. La période à
prendre en considération a débuté le 18 juin 1997, avec la saisine du tribunal
de grande instance par la requérante, et s’est terminée le 15 décembre 2008,
avec la mise au net de l’arrêt de la Cour de cassation. Elle s’est donc étalée
sur onze ans et cinq mois environ pour trois degrés de juridiction, dont sept
ans et trois mois devant la Cour de cassation.
. Le
Gouvernement soutient qu’un retard d’un an six mois et treize jours devant le
tribunal de grande instance (de la mise au net du jugement du tribunal de
première instance à la demande de fixation de la date d’audience devant la cour
d’appel) et un retard de six ans, cinq mois et vingt-et-un jours devant la Cour
de cassation (en raison de la demande d’ajournement de l’audience et de la
demande tardive pour la fixation d’une nouvelle date) sont imputables à la
seule requérante, qui n’a pas pris l’initiative de faire avancer la procédure.
. La requérante
soutient qu’aucun retard ne lui est imputable.
La Cour
rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie
suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa
jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement des
requérants et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour
les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).
. La Cour note
que le litige de la requérante portait sur des compléments de salaires et
indemnités qu’elle estimait lui être dus sur une certaine période et qui ne lui
avaient pas été versés. Dans des litiges de ce type, l’article 672A du code de
procédure civile prévoit que les décisions judiciaires doivent être rendues
rapidement tant en première instance qu’en appel (paragraphe 26 ci-dessus).
. En l’espèce,
la Cour relève que l’audience devant le tribunal de première instance a eu lieu
le 16 décembre 1997 et que le jugement a été rendu le 28 avril 1998 et mis au
net le 22 septembre 1998. L’audience devant la cour d’appel a eu lieu le 30 mai
2000 et l’arrêt a été rendu le 5 juillet 2001 et mis au net le 24 août
2001. De tels délais ne sont pas compatibles avec ceux indiqués dans l’article
672A précité. La Cour note, en outre, que la procédure en première instance a
duré un an et trois mois et celle en appel un an et cinq mois, ce qui selon ses
standards n’est pas excessif.
. Toutefois, la
Cour ne saurait faire abstraction du fait que l’audience devant la Cour de
cassation a été ajournée à trois reprises à la demande de la requérante, soit
du 2 avril 2002 au 21 janvier 2003, puis jusqu’au 16 octobre 2007 et au 23
septembre 2008. Si la période d’inactivité après le deuxième ajournement a été
si longue, c’est parce que la requérante n’a invité la Cour de cassation à
fixer une nouvelle audience que le 11 janvier 2007. Comme elle l’admet
elle-même, son avocat a demandé l’ajournement des audiences des 2 avril 2002 et
21 janvier 2003 car le rapport rédigé par le juge rapporteur était défavorable à
ses thèses et il a estimé opportun d’attendre des arrêts du Conseil d’Etat et
de la Cour des comptes qui seraient favorables à ses intérêts.
. Il ressort
de la chronologie de la procédure que celle devant la Cour de cassation aurait
été également raisonnable si l’audience initialement fixée au 2 avril 2002 n’avait
pas été ajournée à la demande de la requérante. Du reste, l’arrêt de la Cour de
cassation a été rendu le 4 novembre 2008, soit un mois et onze jours après l’audience
du 23 septembre 2008.
. Dans les
circonstances de la cause, la Cour considère que les délais susmentionnés ne
sont pas incompatibles avec l’exigence d’un délai raisonnable de la procédure posée
par l’article 6 § 1 de la Convention.
65. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit
être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
III. SUR LES AUTRES VIOLATIONS
ALLÉGUÉES
. Invoquant l’article
6 § 1 de la Convention, la requérante se plaint d’une violation de son droit à
un procès équitable en ce que les motifs de l’arrêt de la Cour de cassation seraient
arbitraires, erronés et empreints de partialité.
. La Cour note
qu’en l’occurrence, la requérante a pu présenter sans entraves tous les
arguments qu’elle jugeait pertinents pour la défense de ses intérêts. Ses
droits procéduraux ont été respectés au même titre que ceux de la partie
adverse et elle ne s’est vue refuser aucun avantage de procédure dont aurait
joui ce dernier. En effet, les allégations de la requérante portent
exclusivement sur le fond du litige et la Cour ne peut donc pas les examiner.
68. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit
être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la Requête recevable
quant au grief tiré de l’article 1 du Protocole no 1, combiné avec l’article
14 de la Convention et irrecevable pour le surplus ;
2. Dit qu’il n’y a pas eu
violation de l’article 1 du Protocole no 1, combiné avec l’article
14 de la Convention.
Fait en français, puis communiqué par écrit
le 3 octobre 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Søren
Nielsen Isabelle
Berro-Lefèvre
Greffier Présidente