DIMITRAS AND GREEK HELSINKI MONITOR v. GREECE - 62643/12 (Judgment : Article 6 - Right to a fair trial : First Section Committee) French Text [2019] ECHR 594 (25 July 2019)

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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2019/594.html
Cite as: ECLI:CE:ECHR:2019:0725JUD006264312, CE:ECHR:2019:0725JUD006264312, [2019] ECHR 594

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PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE DIMITRAS ET GREEK HELSINKI MONITOR c. GRÈCE

( Requête n o 62643/12 )

 

 

 

 

 

 

ARR Ê T

STRASBOURG

25 juillet 2019

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.


En l ' affaire Dimitras et Greek Helsinki Monitor c. Grèce ,

La Cour européenne des droits de l ' homme ( première section ), siégeant en un c omité composé de   :

Aleš Pejchal, président,
Tim Eicke,
Jovan Ilievski, juges,
et de Renata Degener , greffière adjointe d e section ,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 2 juillet 2019 ,

Rend l ' arrêt que voici, adopté à cette date   :

PROCÉDURE

1 .     À l ' origine de l ' affaire se trouve une requête (n o 62643/12) dirigée contre la République hellénique et dont la Cour a été saisie le 17   septembre 2012 en vertu de l ' article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l ' homme et des libertés fondamentales («   la Convention   ») par un ressortissant de cet État , M.   Panayote   Dimitras («   le requérant   »), et une organisation non gouvernementale ayant son siège à Glyka Nera (Athènes) , le Moniteur grec Helsinki   l ' organisation requérante   »)   les requérants   ») .

2 .     Les requérants ont été représentés devant la Cour par l ' organisation requérante. Le gouvernement grec   le Gouvernement   ») a été représenté par le délegué de son agent, M.   K. Georgiadis, assesseur auprès du Conseil juridique de l ' É tat.

3 .     Les requérants se plaignaient d ' une violation des articles 6 § 1 et 13 de la Convention.

4 .     Le 22 août 2016 , les griefs tirés des articles 6 § 1 et 13 de la Convention concernant l ' accès à un tribunal et la durée de la procédure litigieuse , ainsi que l ' absence alléguée, en droit grec , d ' un recours effectif permettant de dénoncer la durée de la dite procédure ont été communiqués au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l ' article 54 § 3 du règlement de la Cour.

EN FAIT

  1. LES CIRCONSTANCES DE L ' ESPÈCE
5 .     L e requérant est né en 1953 et réside à Glyka Nera. Il est le représe ntant légal de l ' organisation requérante .

6 .     Le 19 avril 2005, au cours d ' une conférence de presse, I.D, à l ' époque secrétaire générale à la S olidarité sociale ( Γενική Γρ αμματ έας Κοινωνικής Αλληλεγγύης ), déclara ce qui suit   :

«   ... l ' organisation non gouvernementale le Moniteur grec Helsinki induit en erreur ( παραπλανά ) les organisations internationales et fait état de pourcentage s élevé s de cas de traite des êtres humains en Grèce , afin de recevoir des subventions en faisant chant er ( εκβιάζοντας ) le m inistère grec des A ffaires étrangères .   »

7 .     Lors de la même conférence de presse, N.K, à l ' époque ministre de la Santé, exprima son accord a vec la déclaration de I.D. et f i t une déclaration au contenu similaire.

8 .     I.D. fit de nouvelles déclarations , au contenu similaire , le s 17 mai et 9   juin 2005.

9 .     L e 19 juillet 2005, le requérant déposa en son nom ainsi qu ' au nom de l ' organisation requérante une plainte contre N. K. et I.D pour diffamation calomnieuse ( συκοφαντική δυσφήμηση ) par voie de presse , avec constitution de partie civile , et demanda 500 000 euros (EUR) pour le dommage moral qui aurait été subi par chacun e des personnes concernées par la plainte .

10 .     Le 1 er novembre 2005, le bureau d u procureur de la Cour de cassation transmit la plainte concernant N.K. au ministre de la Justice. Le 24   novembre 2005, ce dernier informa le bureau du procureur que la plainte avait été transmise au p résident du P arlement grec.

11 .     Le P arlement grec ne se prononça pas sur la plainte déposée à l ' encontre de N. K .

12 .     Le 11 septembre 2009, I.D. se présenta devant le magistrat d ' Athènes ( πταισματοδίκης Αθηνών ), qui lui accorda un délai pour répondre à l ' accusation portée contre elle .

13 .     L e 12 octobre 2009, des poursuites pénales furent engagées à l ' encontre de I.D pour diffamation calomnieuse et cette dernière fut citée à comparaître devant le tribunal correctionnel d ' Athènes siégeant en formation de trois juges («   le tribunal correctionnel   ») le 1 er février 2010.

14 .     L ' acte d ' accusation du 12 octobre 2009 mentionna it que I.D. était accusé e d ' avoir formulé des allégations mensongères susceptibles de nuire «   ( ... ) à la réputation de ladite organisation non gouvernementale [le Moniteur grec Helsinki] , mais également à la respectabilité, fondée sur la valeur morale et sociale, de ses membres et de leur œuvre ( ... )   » .

15 .     Le 1 er février 2010 , par une décision avant dire droit, le tribunal correctionnel ajourna l ' affaire au 17   décembre 2010 en raison d ' un empêchement de l ' avocat de la partie civile (décision n o 9111/2010).

16 .     À cette dernière date, l ' audience de l ' affaire fut de nouveau ajournée, en raison d ' un empêchement de l ' avocat de l ' accusée , et fixée au 20   septembre 2011(décision n o 94467/2010).

17 .     Ce jour-là , l ' audience de l ' affaire fut reportée au 8 février 2012 en raison du dépassement d es horaires du greffe (décision   n o   51299/2011).

18 .     Entretemps, le 8 avril 2010, le requérant et la Société de recherche informationnelle et politique ( Εταιρεία επικοινωνιακής και πολιτικής έρευνας ), une société de droit privé à but non lucratif gérant l ' organisation requérante , avaient saisi le tribunal de première instance d ' Athènes d ' une action en dommages-intérêts contre N.K. Ils se disaient victimes d ' une atteinte à leur s honneur et réputation et réclamaient chacun la somme de 40   000   EUR pour dommage moral.

19 .     Le 8 février 2012, l ' audience devant le tribunal correctionnel fut de nouveau reportée, en raison d ' un empêchement de l ' avocat de l ' accusée , et fixée au 21 mars 2012 (décision n o 8067/2012) .

20 .     À cette dernière date , le requérant comparu t devant le tribu nal correctionnel , se constitua partie civile tant en son nom propre qu ' au nom de l ' organisation requérante et sollicita l ' allocation de la somme de 44   EUR à titre de dommage moral, avec réserve de ses droits .

21 .     Le même jour, le tribunal correctionnel rendit sa décision (jugement   n o   18704/2012). Se prononçant sur une opposition ( ένσταση ) de l ' accusée, l e tribunal statua sur la constitution de partie civile de l ' organisation requérante et décida d ' exclure ( απέβαλε ) celle-ci de la procédure . Il s ' exprima dans les termes suivants à ce sujet   :

«   ( ... ) Par conséquent, indépendamment du fait que le plaignant a déposé la plainte, sur la base de laquelle les poursuites pénales ont été engagées, tant en son nom propre ( ατομικά ) , à savoir en sa qualité de membre ( στέλεχος ) de l ' organisation non gouvernementale «   le Moniteur grec Helsinki   » , qu ' en tant que représentant légal [de ladite organisation], les poursuites pénales examinées ne concernent aucune autre personne que le plaignant. En outre, il est en général problématique que le sujet passif de la diffamation ou d ' une infraction portant atteinte à l ' honneur et à la réputation puisse être une associat ion de personnes de droit privé ( ιδιωτική ένωση προσώπων ) ( ... ) tel le qu ' en l ' espèce semble l ' être ( φέρεται ότι ε ίναι ) l ' organisation non gouvernementale susmentionnée, laquelle , comme il apparaît, n ' est pas revêtue d ' une forme juridique [ au tre que cell e de l ' association de personnes] et constitue une section de la F édération internationale Helsinki pour les droits de l ' homme . Au vu de ce fait, à savoir étant donné que les poursuites pénales concernent seulement le plaignant , qui comparaît également en son nom propre en tant que partie civile, l ' organisation non gouvernementale susmentionnée n ' est pas en mesure de comparaître sous cette qualité, à savoir en tant que partie civile à la procédure litigieuse . Une telle comparution [en tant que partie civile] serait, en tout état de cause, irrecevable, car il n ' est pas prouvé que la société de droit privé , «   Société de recherche informationnelle et politique   » , dont P. Dimitras est l ' administrateur , a la qualité de gérante de la dite organisation non gouve rnementale, «   le Moniteur grec Hels i n ki   » . Par conséquent, il échet de permettre la comparution du plaignant P.   Dimitra s en son nom propre en tant que partie civile et d ' ordonner l ' ex clu sion de la procédure litigieuse de l ' organisation non gouvernementale «   le Moniteur grec Helsinki   » , qui a déclaré vouloir se constituer partie civile ( που δήλωσε παράσταση πολιτικής αγωγής ) .   »

22 .     Le tribunal correctionnel , après avoir procédé à la requalification de l ' accusation de diffamation calomnieuse en celle d ' insultes ( εξύβριση ) (article 361 du code pénal) , constata que l ' accusée avait commis cette dernière infraction . Il mit ensuite fin aux poursuites pénales au motif que l ' infraction concernée é tait prescrit e en application de l ' article 4   § 1 de la loi   n o   4043/12.

23 .     Le 4 mars 2013 , le tribunal de première instance d ' Athènes siégeant en formation de juge unique   le tribunal de première instance   ») se prononça sur l ' action en dommages - intérêts introduite le 8 avril 2010 par le requérant et la Société de recherche informationnelle et politique contre N.K. , fit droit à celle-ci et condamna ce dernier à verser la somme de 40   000   EUR à chacun des demandeurs pour dommage moral (décision   n o   898/2013) .

  1. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
24 .     Les dispositions pertinentes en l ' espèce du code pénal (CP) sont décrites dans les arrêts Rokas c. Grèce (n o 55081/09, § 13, 22   septembre 2015) , et Paraskevopoulos c. Grèce (n o 64184/11, § 15, 28 juin 2018).

25 .     L ' article 4 de la loi n o 404 3/2012, entrée en vigueur le 13   février 2012 , se lit ainsi   :

Article 4

«   1.     L ' acte punissable est prescrit et il est mis fin aux poursuites pour les infractions suivantes, qui ont été commises jusqu ' au 31 décembre 2011 inclus ( μέχρι )   : a) les contraventions et b) les délits, à l ' encontre desquels la loi prévoit [soit] une peine allant jusqu ' à un an d ' emprisonnement [soit] une peine pécuniaire [soit] les deux. Dans le cas des délits, si l ' auteur commet dans l ' année qui suit la publication de la [ présente ] loi une nouvelle infraction avec dol à caractère criminel ou délictuel et s ' il est condamné irrévocablement , quelle que soit la date de la condamnation, à une peine d ' emprisonnement de plus de six mois, les poursuites pénales engagées à son encontre auxquelles il a été mis fin reprennent et le laps de temps écoulé entre la clôture des poursuites et la condamnation irrévocable pour la nouvelle infraction n ' entre pas en ligne de compte pour le calcul de la prescription quant au caractère répréhensible de la première infraction ( παραγραφή του αξιοποίνου της πρώτης πράξης ).

( ... )

3.     Les prétentions civiles qui découlent éventuellement des infractions visées au paragraphe 1 ne sont aucunement affectées.

4.     N e sont pas concernées par la prescription de l ' acte punissable et la clôture des poursuites pénales   les infractions [ réprimée s par les textes suivants]   : a)   l ' article   358 du code pénal   ; b)   la loi n o 690/1945   ; c)   l ' article 28 de la loi   n o   3996/2011   ; et d)   les lois   n os   703/1977 et 3959/2011 .   »

26 .     L es textes visés au paragraphe 4 de l ' article 4 de la loi n o 4043/2012, réprimant des infractions exclues du champ d ' application du par a graphe 1 de cet article , ont trait respectivement à la violation de l ' obligation de verser une pension alimentaire (article 358 du CP), a u non-respect des modalités de paiement de tout type de salaire (loi n o 690/1945), à la violation du droit d u travail (article 28 de la loi n o 3996/2011), au contrôle des monopoles et oligopoles et à la protection de la libre concurrence (loi n o 703/1977), et à la protection de la libre concurrence ( loi n o 3959/2011 ) .

27 .     La partie du rapport explicatif de la loi n o 4043/2012 concernant l ' article 4 de celle-ci se li t ainsi   :

«   Sont proposées la prescription des infractions mineures qui ne sont pas d ' une indignité morale et sociale particulière et [dont les dossiers] encombrent les [rôles des] tribunaux du pays ainsi que la clôture des poursuites pénales [y afférentes] . Les infractions relatives à la violation de l ' obligation de verser une pension alimentaire et au non-versement de tout type de salaire par les employeurs à leurs employés sont exclues du champ d ' application de la disposition.   »

EN DROIT

  1. SUR L ' EXCEPTION PRÉLIMINAIRE CONCERNANT L ' ORGANISATION REQUÉRANTE
28 .     Le Gouvernement invite la Cour à rejeter la requête à l ' égard de l ' organisation requérant e pour défaut de qualité de victime. Se référant à la partie pertinente en l ' espèce du jugement du tribunal co rrectionnel ( paragraphe   2 1 ci-dessus), il indique que cette juridiction a décidé d ' ex clu re l ' organisation requérante de la procédure devant elle . Il ajoute que cette partie du jugement s ' applique à toute la durée de la procédure pénale et ne concerne pas seulement la période postérieure au 21 mars 2012, dat e du prononcé du jugement n o 18704/2012.

29 .     L ' organisation requérante rétorque qu ' elle a été considéré e comme partie civile , et par conséquent comme victime, tout au long de la procédure devant les juridictions internes , et ce jusqu ' au jour de l ' audience, à savoir pendant presque sept ans à partir du dépôt de la plainte. Elle s ' appuie à cet égard sur l ' acte d ' accusation ( paragraphe 14 ci-dessus) . En outre, elle dit qu ' elle n ' a disposé d ' aucun recours contre la décis ion litigieuse du tribunal correctionnel , puisque l ' affaire a urait été archivée à la suite de la prescript ion de l ' infraction en question .

30 .     L ' organisation requérante cite également la décision n o   898/2013 du tribunal de première instance . Selon elle , ledit tribunal a condamné N.K. à verser à chacun des requérants une somme pour dommage moral en raison du caractère insultant et diffamatoire des propos tenus par celui-ci . L ' organisation requérante avance que, en tout état de cause, elle était visée par les déclarations en question . À cet égard, a ucune référence n ' a urait été faite au requérant , et celui-ci a urait été considéré par les juridictions internes comme ayant été insulté en sa qualité de porte-parole de l ' intéressée .

31 .     L ' organisation requérante invite la Cour à déclarer la requête recevable à son égard. À titre subsidiaire, elle invite la Cour à considérer qu e la requête est recevable à son égard au moins en ce qui concerne la période comprise entre le 19 juillet 2005, date du dépôt de la plainte , et le 21 mars 2012, date du prononcé du jugement n o 18704/2012 du tribunal correctionnel.

32 .     La Cour constate que le tribunal correctionnel a estimé que l ' organisation requérante ne pouvait pas comparaître devant lui en tant que partie civile, au motif que cette dernière, en tant qu ' association de personnes de droit privé, ne pouvait pas être le «   sujet passif   » d ' une diffamation ou d ' une infraction portant atteinte à l ' honneur ou à la réputation. Le tribunal correctionnel a également considéré que, en tout état de cause, il n ' était pas prouvé que la société de droit privé Société de recherche informationnelle et politique avait la qualité de gérante de l ' organisation requérante. Il s ' ensuit que cette dernière ne s ' est pas constituée partie à la procédure, puisque la qualité de partie civile ne lui a pas été reconnue, et qu ' elle ne peut donc pas se prétendre «   victime   » au regard de l ' article 34 de la Convention d ' une violation du droit d ' accès à un tribunal ainsi que du droit à voir sa cause entendue dans un délai raisonnable (voir, mutatis mutandis , Geneviève de Morlan et la Société Unic Services c. France (déc.), n o   42724/98, 30   novembre 2009).

33 .     Partant , en ce qui concerne l ' organisation requérante, la requête est incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention au sens de l ' article 35 § 3 de la Convention, et elle doit être rejeté e en application de l ' article 35 § 4.

  1. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L ' ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION QUANT À L ' ACC È S À UN TRIBUNAL
34 .     Le requérant dénonce le rejet de sa plainte avec constitution de partie civile, prononcé pour cause de prescription , en ce qu ' il aurait emporté violation de son droit d ' accès à un tribunal découlant de l ' article 6   § 1 de la Convention . Cette disposition est ainsi libellé e en sa partie pertinente en l ' espèce   :

«   Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.   »

  1. Arguments des parties
35 .     Le Gouvernement se réfère, à titre préliminaire, au rapport explicatif de la loi   n o   4043/2012 , dont l ' article 4 concerne la prescription de certaines infractions. Il soutient que la prescription des infractions mineures visées par ledit rapport ­ ­ - en l ' occurrence celles qualifiées d ' infractions ne présentant pas «   une indignité mor ale et sociale particulière   » - est justifiée par un but d ' intérêt public, à savoir le désengorgement des prisons, le bon fonctionnement du système pénitentiaire et, de manière général e , la bonne administration de la justice. Il estime que cette mesure relève du pouvoir discrétionnaire du législateur national en matière de qualification d ' un comportement d ' acte pénalement répréhensible , ainsi que de sa marge d ' appréciation en ce qui concerne l ' instauration et le fonctionnement d ' un système de justice pénale conforme aux exigences de l ' article 6 de la Convention.

36 .     Le Gouvernement estime par ailleurs que la présente espèce se distingue des affaires Anagnostopoulos c. Grèce (n o   54589/00, 3   avril   2003) et Rokas ( n o 55081/09, 22 septembre 2015 ) , soutenant à cet égard que , en l ' occurrence, la prescription de l ' infraction en cause et la clôture des poursuites pénales y afférentes n ' étaient pas dues à des retards attribuables aux autorités judiciaires compétentes, mais à l ' intervention du législateur. À ses dires, dans l ' affaire Anagnostopoulos ( précité e) , la loi portant qualification délictuelle des infractions en cause, qui rédui sait ainsi le ur délai de prescription , était connue des autorités, puisqu ' elle était déjà entré e en vigueur deux ans avant l ' introduction de l ' affaire devant la chambre d ' accusation du tribunal correctionnel d ' Athènes .

37 .     Le Gouvernement avance que la présente affaire se différenc i e également d es affaires Anagnostopoulos et Rokas ( précité es ) pour les raisons suivantes   : en l ' espèce, une audience a eu lieu devant le tribunal correctionnel   ; à cette occasion, le requérant, qui s ' était constitué partie civile dans le cadre de la procédure et n ' était pas soumis à la prestation de serment , et les témoins à charge , déposant quant à eux sous serment , ont été entendus   ; de plus, lors de cette audience, de s documents ont été lus et l ' accusée a présenté sa défense . Selon le Gouvernement, ledit tribunal a rendu un jugement amplement motivé, ayant considér é que l ' accusée n ' avait pas commis l ' infraction de diffamation, pour laquelle elle a vait été initialement accusée , mais celle d ' insultes .

38 .     En ce qui concerne l ' allégation du requérant selon laquelle, en l ' espèce, même en absence de l ' intervention du législateur, l a prescription de l ' infraction serait constatée (paragraphe 4 1 ci-dessous) , le Gouvernement rétorque qu ' il s ' agit d ' une pure hypothèse basée sur des spéculations.

39 .     Il indique en outre que le jugement n o 18704/2012 du tribunal correctionnel n ' est pas revêtu de l ' autorité de la chose jugée à l ' égar d du procès civil. Selon lui, le requérant aurait pu introduire une action en réparation devant les juridictions civiles compétentes, à l ' instar du requérant de l ' affaire Sigalas c. Grèce (n o 19754/02, 22 septembre 2005). Toujours selon lui , dans cette dernière affaire, la Cour a constaté que la prescription de l ' action pénale n ' avait pas entraîné la perte des prétentions civiles du dit requérant contre l ' accusé, puisque l ' intéressé avait déjà saisi les juridictions civiles d ' une action tendant à la réparation d u préjudice moral qu ' il disait avoir subi .

40 .     L e requérant réplique que la présente affaire est similaire aux affaires Anagnostopoulos et Rokas ( précitées ) . Plus précisément, à ses dires, dans l ' affaire Anagnostopoulos ( précité e ) , pour parvenir à un co nstat de violation de l ' article   6 § 1 de la Convention à raison d ' un manque de diligence des autorités judiciaires ayant abouti à la prescription de l ' infraction , la Cour a pris en compte le fait que la prescription de l ' infraction concernée avait également été causée par l ' intervention du législateur, à la suite de laquelle l ' infraction incriminée avait reçu une qualification délic tuelle au lieu de criminelle. Toujours à ses dires , dans cet te affaire , la Cour a noté que les accusés avaient été renvoyés en jugement cinq ans après la date des faits incriminés , de sorte que les délits concernés s ' étaient trouvés déjà couverts par la prescription à la date de la première audience. Selon le requérant , dans l ' affaire Rokas (précitée), dans laquelle une violation de l ' article 6 § 1 de la Convention a également été constatée, la Cour a conclu que la prescription des infractions en question était la conséquence de retards injustifiés de la part des autorités judiciaires, et elle a observé que l ' action civile introduite par la partie requérant e était restée pendante durant plus de cinq ans.

41 .     Se livrant à une analyse chronologique des faits en cause dans la présente espèce, le requérant expose que la personne incriminée a été r envoyé e en jugement le 12 octobre 2009, à savoir plus de quatre ans après le dépôt de la plainte et quelques mois avant l ' expiration de la prescription quinquennale. Il ajoute que le tribunal correctionnel a accédé à plusieurs demandes consécutives d ' ajournement de l ' audience formulées par l ' accusée et que l ' audience a fin alement eu lieu le 21 mars 2012, à savoir sept ans après la commission de l ' acte litigieux et un an avant la prescription définitive de l ' infraction en question. Il soutient qu e même en l ' absence de l ' intervention du législateur, en tout état de cause , en cas d ' appel interjeté par I.D. contre le jugement du tribunal correctionnel, l a prescription de l ' infraction serait constatée .

  1. Appréciation de la Cour
42 .     La Cour note d ' emblée que les parties ne contestent pas l ' applicabilité de l ' article 6 § 1 de la Convention dans la présente espèce. À cet égard, elle note que le système juridique grec prévoit que l ' intéressé qui dépose une plainte avec constitution de partie civile déclenche en principe l ' engagement de poursuites judiciaires afin d ' obtenir des juridictions pénales une déclaration de culpabilité et, en même temps, une réparation, fût-elle minime ( Perez c.   France [GC], n o 47287/99, §§   70-71, CEDH   2004-I, et Baka c. Grèce , n o   24891/10, § 21, 18 février 2016) . Tel est le cas dans la présente affaire. L ' article 6 de la Convention est dès lors applicable en l ' espèce sous son volet civil.

43 .     L a Cour observe que , en l ' occurrence, le requérant se plaint que son droit d ' accès à un tribunal a it été violé en raison d ' un manque de diligence des juridictions internes et de l ' introduction de la loi n o   4043/201 2 relative à la prescription de l ' infraction en cause . Le Gouvernement estime quant à lui que la prescription de l ' infraction en l ' espèce n ' est pas due à des retards attribuables aux autorités judiciaires mais à l ' intervention du législateur.

44 .     La question qui se pose dès lors dans la présente espèce est celle de savoir si le fait que les juridictions pénales n ' ont pas examiné la constitution de partie civile du requérant après avoir mis un terme à la procédure pénale pour cause de prescription, à la suite de l ' entrée en vigueur de la loi   n o   4043/2012, a porté atteinte au droit d ' acc ès de l ' intéressé à un tribunal .

45 .     La Cour rappelle à cet égard que chaque justiciable a le droit à ce qu ' un tribunal connaisse de toute contestation relative à ses droits et obligations de caractère civil. C ' est ainsi que l ' article 6 § 1 de la Convention consacre le «   droit à un tribunal   », dont le droit d ' accès, à savoir le droit de saisir le tribunal en matière civile, ne constitue qu ' un aspect ( Prince   Hans - Adam II de Liechtenstein c. Allemagne [GC], n o 42527/98, §   43, CEDH 2001-VIII, et Cudak c. Lituanie [GC], n o 15869/02, § 54, 23   mars 2010).

46 .     Ce droit n ' est toutefois pas absolu   : il se prête à des limitations implicitement admises, car il commande de par sa nature même une réglementation par l ' État. Les États contractants jouissent en la matière d ' une certaine marge d ' appréciation. Il appartient pourtant à la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention   ; elle doit se convaincre que les limitations mises en œuvre ne restreignent pas l ' accès offert à l ' individu d ' une manière ou à un point tels que le droit s ' en trouve atteint dans sa substance même. En outre, pareille s limitation s ne se concilie nt avec l ' article 6 § 1 de la Convention que si elle s tend ent à un but légitime et s ' il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ( Waite et Kennedy c. Allemagne [GC], n o   26083/94, § 59, CEDH 1999-I). En effet, le droit d ' accès à un tribunal se trouve atteint lorsque sa réglementation cesse de servir les buts de la sécurité juridique et de la bonne administration de la justice et constitue une sorte de barrière qui empêche le justiciable de voir son litige tranché au fond par la juridiction compétente ( Tsalkitzis c. Grèce , n o 11801/04, §   44, 16   novembre 2006).

47 .     La Cour note qu ' elle a constaté une violation de l ' article   6   §   1 de la Convention dans plusieurs affaires dans lesquelles l ' abandon des poursuites et le non-examen d ' une constitution de partie civile en résultant étaient dus à un manque de diligence des autorités ( Anagnostopoulos , précité, §§   31-32, Gousis c. Grèce , n o 8863/03, §§   34-35, 29 mars 2007, Atanasova c.   Bulgarie , n o   72001/01, §§ 35-47, 2 octobre 2008, Dinchev c.   Bulgarie , n o   23057/03, §§ 40-52, 22 janvier 2009, Tonchev c. Bulgarie , n o 18527/02, §§   50-53, 19 novembre 2003, et Boris Stojanovski c. l ' ex-République Yougoslave de Macédoine , n o 41916/06, §§   56-57, 6 mai 2010).

48 .     Elle rappelle que, dans d ' autres affaires où était en cause l ' absence d ' examen au fond de constitutions de partie civile en raison de l ' irrecevabilité des plaintes pénales auxquelles elles étaient jointes, elle a attaché de l ' importance à l ' accessibilité et à l ' eff ectivité des autres voies judiciaires ouvertes aux intéressés pour faire valoir leurs prétentions, notamment les actions disponibles devant les juridictions civiles ( Forum   Maritime S.A. c. Roumanie , n os 63610/00et 38692/5, § 91, 4   octobre   2007). Dans les cas où elle a considéré que les requérants disposaient effectivement de pareils recours, elle a conclu à l ' absence de violation du droit d ' accès à un tribunal ( Assenov et autres c. Bulgarie , n o   24760/94, § 112, Recueil des arrêts et décisions 1998   - VIII, Ernst et   autres c. Belgique , n o   33400/96, §§   53-55, 15 juillet 2003, Moldovan et   autres c. Roumanie (n o   2) , n o   41138/98et 64320/01, §§ 119-122, 12 juillet 2005, et Lacerda Gouveia et autres c. Portugal , n o 11868/07, § 80, 1 er mars 2011).

49 .     La Cour observe que, dans son arrêt C oëme et autres ( n os 32 492/96, 32547/96, 32548/96, 33209/96et 33210/96, CEDH 2000 - VII §   149), elle a qualifié les règles en matière de prescription de lois de procédure. Par ailleurs, comme elle l ' a rappelé dans son arrêt de Grande Chambre Scoppola c.   Italie (n o 2) (n o 10246/03, 17 septembre 2009), elle a estimé raisonnable l ' application par les juridictions internes du principe tempus regit actum en ce qui concerne les lois de procédure .

50 .     Dans l a présent e espèce , la Cour note que l ' article 4 de l a loi   n o   4043/2012, qui prévoit la prescription de certaines infractions, concern e une loi de procédure. Ledit article prévoit, entre autres, la prescription des délits commis jusqu ' au 31   décembre 2011 inclus et passibles soit d ' une peine allant jusqu ' à un an d ' emprisonnement soit d ' une peine pécuniaire soit des deux, à la condition que l ' auteur du délit ne commette pas de nouvelle infraction dans l ' année suivant la publication de la loi et ne soit pas condamné à une peine privative de liberté supérieure à six mois.

51 .     La Cour observe que, dans la présente affaire, l ' acte incriminé était couvert par la prescription prévue à l ' article 4 de la loi   n o   4043/2012 car, d ' une part, il avait été commis le 19 avril 2005, et, d ' autre part, il étai t, en application de l ' article 361 du CP , passible soit d ' une peine allant jusqu ' à un an d ' emprisonnement soit d ' une peine pécuniaire soit des deux. Dès lors, elle estime que l ' application par les juridictions internes de l ' article 4 de la loi n o   4043/2012 n ' était en l ' espèce pas déraisonnable , d ' autant plus que cette disposition était plus favorable aux personnes accusées que les articles   111 et 113 du CP en vigueur au moment de la commission de l ' infraction concernée .

52 .     Partant, la Cour considère que la présente affaire doit être distinguée des affaires dans lesquelles elle a conclu à la violation de l ' article   6 § 1 de la Convention , lorsque la clôture des poursuites pénales et le défaut d ' examen de l ' action civile étaient dus à des circonstances imputables aux autorités judiciaires, notamment à des retards excessifs dans le cours de la procédure ayant entraîné la prescription de l ' infraction ( Anagnostopoulos , précité, §§   31-32, et Gousis , précité, §§ 34-35). Il en résulte que la prescription de l ' infraction en l ' espèce était due à l ' intervention du législateur , et non à un manque de diligence des juridictions internes compétentes.

53 .     Enfin, la Cour not e que, selon les dires du Gouvernement, non contestés par le requérant , celui-ci aurait pu introduire une action en indemnisation contre I.D. devant les juridictions civiles compétentes. Elle constate en outre que, d ' après le paragraphe   3 de l ' article   4 de la loi   n o   4043/2012, la clôture des poursuites pénales n ' entraîne pas la perte des prétentions civiles qui découlent éventuellement des infractions visées au paragraphe 1 du même article ( paragraphe 2 5 ci-dessus). Elle relève par ailleurs qu e le tribunal de première instance a fait droit à une action en dommages-intérêts engagée , entre autres, par le requérant contre N.K. , puisqu ' il a condamné ce dernier à verser à l ' intéressé la somme de 40   000   EUR pour dommage moral . Il s ' ensuit que le requérant pouvait introduire une action en dommages-intérêts contre I.D. devant les juridictions civiles tendant à la réparation d u préjudice moral et qu ' il a choisi de ne pas utiliser cette voie judiciaire pour faire valoir ses droits ( Dimitras c.   Grèce , n o   11946/11, §   46, 19 avril 2018). La Cour rappelle que, dans des affaires similaires, où elle a considéré que les requérants disposaient de pareils recours, elle a conclu à l ' absence de violation du droit d ' ac cès à un tribunal (paragraphe 4 8 ci-dessus, avec les références qui s ' y trouvent citées).

54 .     Eu égard à ce qui précède, la Cour conclut que la restriction apportée au droit d ' accès du requérant à un tribunal n ' a pas porté atteinte à la substance même dudit droit et qu ' elle n ' était pas disproportionnée au regard de l ' article 6 § 1 de la Convention.

55 .     Il s ' ensuit que le grief tiré de l ' article 6 § 1 de la Convention relativement au droit d ' accès à un tribunal doit être rejeté pour défaut manifeste de fond ement , en application de l ' article 35 § 3 a) et 4 de la Convention.

  1. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L ' ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION QUANT À LA DUR É E DE LA PROC É DURE
56 .     I nvoquant l ' article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de la durée de la procédure pénale engagée contre I.D. , dans le cadre de laquelle il s ' est constitué partie civile.

  1. Sur la recevabilité
57 .     Constatant que ce grief n ' est pas manifestement mal fondé au sens de l ' article 35 § 3 a) de la Convention et qu ' il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d ' irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

  1. Sur le fond
58 .     Le requérant indique que la procéd ure litigieuse a commencé le 19   juillet 2005, date à laquelle il a déposé sa plainte et s ' est constitué partie civile, et qu ' elle s ' est terminée le 21 mars 2012, date à laquelle le trib unal correctionnel a prononcé son jugement . Selon lui, la procédure en cause a ainsi duré sept ans environ pour une instance de juridiction.

59 .     Le Gouvernement déclare quant à lui que la durée de la procédure devant le tribunal correctionnel a été de deux ans environ ( la période en question ayant, d ' après lui, été comprise entre le 1 er février 2010 et le 21   mars 2012). Il estime que ce délai est raisonnable, puisqu ' ont eu lieu des ajournement s , qui, de son avis , sont attribu ables , aux parties au litige , et non aux autorités judiciaires ou à la charge de travail d es juridictions internes .

60 .     La Cour note que les parties sont en désaccord en ce qui concerne le dies a quo de la procédure litigieuse. En l ' espèce, elle observe qu ' il ressort du dossier que , lors du dépôt de sa plainte le 19 juillet 2005, le requérant a exprimé son intention de se constituer partie civile dans le cadre de la procédure pour une somme de 500   000 EUR pour chacune des personnes concernées dans sa plainte. Dès lors, la Cour estime que la péri ode à considérer a débuté le 19 juillet 2005, date à laquelle le requérant a déposé sa plainte avec constitution de partie civile dans le cadre de la procédure ( L.E. c.   Grèce , n o   71545/12, §   92, 21 janvier 2016) , et qu ' elle a pris fin le 21   mars 2012, date à laquelle le jugement n o 18704/2012 a été prononcé . La procédure litigieuse a donc duré six ans et plus de huit mois pour une instance de juridiction.

61 .     La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d ' une procédure s ' apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l ' affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes, ainsi que l ' enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d ' autres, Michelioudakis c. Grèce , n o 54447/10, §§   42-43, 3 avril 2012 et Glykantzi c.   Grèce , n o 40150/09, § 47 , 30 octobre 2012 ).

62 .     Elle rappelle aussi avoir traité à maintes reprises d ' affaires soulevant la question de la durée excessive des procédures devant les juridictions nationales dans lesquelles elle a constaté la violation de l ' article 6 § 1 de la Convention ( Michelioudakis , précité, et les références citées aux paragraphes 68-70 , ainsi que Glykantzi , précité , et les références citées aux paragraphes 68-72 ).

63 .     En l ' espèce, la Cour note que l ' affaire ne présentait aucune complexité particulière. Elle observe que l ' action civile introduite par le requérant est restée pendante devant les juridictions saisies pendant plus de quatre ans avant la fixation d ' une date d ' audience , et elle est d ' avis qu ' une telle durée ne saurait être considéré e comme raisonnable en l ' occurrence . En outre, même en tenant compte du fait que le requérant a contribué , par sa demande d ' ajournement de l ' affaire, au prolongement de la procédure devant le tribunal correctionnel, la Cour estime que la durée restante de la procédure est excessive. Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, elle considère que le Gouvernement n ' a pas exposé de faits ou d ' arguments pouvant justifier la durée de la procédure en l ' espèce . Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, elle estime que la durée de la procédure litigieuse n e répond pas à l ' exigence du «   délai raisonnable   ».

64 .     Partant, il y a eu violation de l ' article 6 § 1 de la Convention, applicable sous son volet civil, à cet égard.

  1. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L ' ARTICLE 13 DE LA CONVENTION EN RAISON DE L ' ABSENCE D ' UN RECOURS EFFECTIF PERMETTANT DE D É NONCER LA DUR É E DE LA PROC É DURE
65 .     Le requérant se plaint également de l ' absence d ' un recours effectif qui lui aurait permis de dénoncer la durée, selon lui excessive, de la procédure en cause. Il invoque à cet égard l ' article 13 de la Convention, ainsi libellé en ses passages pertinents en l ' espèce   :

«   Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l ' octroi d ' un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l ' exercice de leurs fonctions officielles.   »

  1. Sur la recevabilité
66 .     Le Gouvernement invite la Cour à déclarer irrecevable le grief tiré de l ' article 13 de la Convention, considérant que l e requérant n ' a aucun grief défendable à cet égard.

67 .     La Cour estime que, compte tenu de sa conclusion quant à la violation de l ' article 6 § 1 de la Convention (paragraphes 6 3 -6 4 ci - dessus), le grief soul evé par le requérant est défendable aux fins de l ' article 13 de la Convention ( Kudła c. Pologne [GC], n o 30210/96, § 157, CEDH 2000-XI).

68 .     En outre, constatant que ce grief n ' est pas manifestement mal fondé au sens de l ' article 35 § 3 a) de la Convention et qu ' il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d ' irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

  1. Sur le fond
69 .     La Cour rappelle que l ' article 13 de la Convention garantit un recours effectif devant une instance nationale permettant de se plaindre d ' une méconnaissance de l ' obligation, imposée par l ' article 6 § 1 de la Convention, d ' entendre les causes dans un délai raisonnable ( Kudła , précité, §   156).

70 .     Par ailleurs, elle rappelle avoir déjà eu l ' occasion de constater que l ' ordre juridique hellénique n ' offrait pas aux justiciables un recours effectif au sens de l ' article 13 de la Convention leur permettant de se plaindre de la durée d ' une procédure ( Michelioudakis , précité, § 51, et les références qui s ' y trouvent citées , et Glykantzi , précité, et les références citées au paragraphe 54 ).

71 .     Eu égard à ce qui précède , il convient de conclure à la violation de l ' article 13 de la Convention à raison, à l ' époque des faits, de l ' absence en droit interne d ' un recours qui aurait permis au requérant d ' obtenir la sanction de son droit à voir sa cause entendue dans un délai raisonnable au sens de l ' article 6 § 1 de la Convention.

  1. SUR L ' APPLICATION DE L ' ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
72 .     Aux termes de l ' article 41 de la Convention,

«   Si la Cour déclare qu ' il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d ' effacer qu ' imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s ' il y a lieu, une satisfaction équitable.   »

  1. Dommage
73 .     Le requérant réclame au total 5   000 euros ( EUR ) au titre du préjudice moral qu ' il dit avoir subi pour la vio lation des articles   6 §   1 et   13 de la Convention .

74 .     Le Gouvernement estime que cette somme est excessive, étant donné les circonstances particulières de l ' espèce et la situation financière actuelle de la Grèce , et il est d ' avis qu ' un constat de violation constitue rait une satisfaction équitable.

75 .     La Cour considère qu ' il y a lieu d ' octroyer au requérant   3   6 00   EUR au titre du p réjudice moral pour la violation des articles   6 § 1 et 13 de la Convention à raison de la durée excessive de la procédure litigieuse et de l ' absence d ' un recours effectif à cet égard, plus tout montant pouvant être dû à titre d ' impôt.

  1. Frais et dépens
76 .     Le requérant sollicite également 1   000 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour. Il produit , à l ' appui de sa demande , une copie d ' une note d ' honoraires détaillée. Il invite la Cour à ordonner le versement de la somme en question directement sur le compte de son représentant, à savoir l ' organisation requérante .

77 .     Le Gouvernement indique que le requérant demande le versement de la somme qui serait allouée par la Cour sur le compte bancaire d e l ' organisation requérante , alors que, selon lui, la requête devrait être déclarée irrecevable à l ' égard de ce lle-ci . En outre, i l considère que la demande est excessive et non étayée , et il avance que le requérant n ' a produit aucune facture prouvant le versement de ladite somme. Il est d ' avis que, au cas où la Cour estimerait devoir accorder une somme au requérant pour les frais et dépens engagés devant elle, celle-ci ne devrait pas dépasser 500   EUR .

78 .     Selon la jurisprudence de la Cour , un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux . En l ' espèce, compte tenu du document dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable d ' allouer au requérant la somme de 350     EUR au titre des frais et dépens pour la procédure devant elle, plus tout montant pouvant être dû à titre d ' impôt. Cette somme sera à verser sur le compte bancaire de l ' organisation requérante, en sa qualité de représentant e du requérant.

  1. Intérêts moratoires
79 .     La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d ' intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR , À L ' UNANIMITÉ,

  1. Déclare la requête recevable dans le chef du requérant en ce qui concerne les griefs tirés de s articles 6 § 1 et 13 de la Convention quant à la durée de la procédure litigieuse et quant à l ' absence d ' un recours effectif à cet égard , et irrecevable pour le surplus   ;
  2. Dit qu ' il y a eu violation des article s 6 § 1 et 13 de la Convention à raison de la durée de la procédure litigieuse et de l ' absence d ' un recours effectif permettant de s e plaindre à cet égard   ;
  3. Dit

a)     que l ' État défendeur doit verser au requérant , dans les trois mois, les sommes suivantes   :

  1. 3   6 00 EUR ( trois mille six cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d ' impôt, pour dommage moral ,
  2. 350 EUR ( trois cent cinquante euros), plus tout montant pouvant être dû par le requérant à titre d ' impôt, pour frais et dépens , à verser sur le compte bancaire du représentant du requérant, à savoir l ' organisation requérante ,

b)     qu ' à compter de l ' expiration dudit délai et jusqu ' au versement, ces montants seront à majorer d ' un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage   ;

  1. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 25 juillet 2019 , en application de l ' article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour .

              Renata Degener Aleš Pejchal
              Greffière adjointe Président


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