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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> I.M. AND OTHERS v. ITALY - 25426/20 (Judgment : Article 8 - Right to respect for private and family life : First Section) French Text [2022] ECHR 985 (10 November 2022)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2022/985.html
Cite as: CE:ECHR:2022:1110JUD002542620, ECLI:CE:ECHR:2022:1110JUD002542620, [2022] ECHR 985

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PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE I.M. ET AUTRES c. ITALIE

(Requête no 25426/20)

 

 

ARRÊT

Art 8 • Obligations positives • Enfants contraints, pendant trois ans, aux rencontres avec leur père violent dans un environnement non protecteur et suspension de l’autorité parentale de la mère hostile à celles-ci • Pas d’évaluation du risque et de mise en balance des intérêts en présence • Intérêt supérieur des enfants méconnu • Pratique très répandue des tribunaux de qualifier de parents « non coopératifs » les femmes qui s’opposent aux rencontres de leurs enfants avec leur ex-conjoint invoquant des faits de violence domestique

 

STRASBOURG

10 novembre 2022

 

 

 

 

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l’affaire I.M. et autres c. Italie,


La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une Chambre composée de :

          Marko Bošnjak, président,

          Péter Paczolay,

          Alena Poláčková,

          Erik Wennerström,

          Raffaele Sabato,

          Lorraine Schembri Orland,

          Davor Derenčinović, juges,

et de Liv Tigerstedt, greffière adjointe de section,


Vu :


la requête (no 25426/20) dirigée contre la République italienne et dont trois ressortissants de cet État (« les requérants ») ont saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 19 juin 2020,


la décision de porter à la connaissance du gouvernement italien (« le Gouvernement ») les griefs tiré des articles 3 et 8 de la Convention et de déclarer la requête irrecevable pour le surplus,


la décision de ne pas dévoiler l’identité des requérants,


les observations des parties,


Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 4 octobre 2022,


Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

INTRODUCTION


1.  La requête concerne un manquement allégué de l’État défendeur à son devoir de protéger et d’assister la première requérante et ses enfants (les deuxième et troisième requérants) lors des rencontres organisées avec le père de ces derniers, toxicomane et alcoolique accusé de mauvais traitements et de menaces envers la première requérante. Elle porte en outre sur la décision des juridictions internes de suspendre l’autorité parentale de la première requérante, considérée par elles comme un parent « hostile aux rencontres avec le père » au motif qu’elle avait invoqué des faits de violence domestique et le manque de sécurité des rencontres pour refuser d’y prendre part.

EN FAIT


2.  Les requérants sont nés respectivement en 1988, 2010 et 2013 et résident à C. La première requérante agit également pour le compte de ses enfants. Ils ont été représentés par Me R. Benedetti, avocate.


3.  Le Gouvernement a été représenté par son agent, M. L. D’Ascia, avocat de l’État.


4.  De la relation entre la première requérante et G.C. naquirent deux enfants (les deuxième et troisième requérants, ci-après « les enfants »).


5.  Le 9 juillet 2014, la première requérante quitta le domicile familial avec ses enfants en raison des violences que lui faisait subir G.C., qui était toxicomane et alcoolique.


6.  Le 10 juillet 2014, la première requérante déposa une plainte pénale et se réfugia dans un centre antiviolence, lequel informa le procureur de la République près le tribunal pour enfants de Rome (ci-après « le tribunal ») de la situation de détresse de l’intéressée et de ses enfants et lui demanda de prendre des mesures afin de les protéger.


7.  Le 11 août 2014, le procureur considéra que la gravité de la situation marquée par la violence à laquelle les enfants étaient exposés commandait l’adoption d’une mesure urgente de suspension de l’autorité parentale de G.C. avec possibilité pour lui de les rencontrer en milieu protégé. Il demanda l’ouverture de la procédure prévue par les articles 330 et 333 du code civil.


8.  Le 16 décembre 2014, la première requérante et G.C. furent entendus par le tribunal. L’intéressée informa le tribunal que G.C. était toxicomane et alcoolique et très agressif. G.C. contesta les dires de la première requérante.


9.  Entre 2014 et 2015, G.C. essaya en vain de découvrir le lieu où la première requérante et ses enfants s’étaient réfugiés.


10.  Le 17 février 2015, le tribunal constata que G.C. ne voyait plus ses enfants depuis juillet 2014 et l’autorisa à les rencontrer dans des conditions de « stricte protection » auprès des services sociaux de Rome une fois par semaine, en présence d’un psychologue.


11.  Ces rencontres ne furent jamais organisées, faute de moyens, ce dont le tribunal fut informé.


12.  Au terme de son hébergement dans le centre antiviolence, la première requérante convint avec les services sociaux et la commune de M.R. de poursuivre son parcours dans une autre maison d’accueil disposée à l’héberger avec ses enfants pendant quatre-vingt-dix jours. Le transfert eut lieu le 16 juin 2015, ce dont le tribunal fut informé le 18 juin 2015.


13.  Le 14 juillet 2015, après avoir pris acte de l’impossibilité pour les services sociaux de Rome d’organiser les rencontres, le tribunal ordonna que celles-ci se déroulent en présence d’un psychologue dans la maison d’accueil où la première requérante était hébergée, dévoilant ainsi le lieu où l’intéressée et ses enfants s’étaient réfugiés.


14.  Le Gouvernement affirme que G.C. savait déjà dans quelle maison d’accueil les enfants étaient hébergés.


15.  Le 24 juillet 2015, la structure qui hébergeait la première requérante et ses enfants se déclara préoccupée de la divulgation de leur lieu d’accueil, soulignant que le tribunal avait ainsi rendu vaines toutes les démarches faites depuis plus d’un an pour les protéger. Elle signala également au tribunal qu’elle ne disposait pas de personnel spécialisé, qu’elle manquait également de ressources financières et qu’il était donc impossible de garantir la tenue de rencontres père-enfants.


16.  Entre-temps, avec l’accord des services sociaux et du centre antiviolence, la première requérante déménagea avec ses enfants chez ses parents dans la commune de C. et consentit à les conduire aux rencontres en milieu protégé organisées une fois par semaine dans la commune de M.R., située à une soixantaine de kilomètres de distance.


17.  Toutefois, la municipalité de M.R. informa le tribunal qu’elle ne disposait pas d’un lieu adapté à la tenue de rencontres dans des conditions de « stricte protection ». Les rencontres se déroulèrent sans aucune forme de protection et les enfants furent témoins du comportement méprisant de G.C. envers la première requérante.


18.  Entre le 6 août 2015 et le 24 septembre 2015, huit rencontres furent organisées en présence non pas d’un psychologue, mais d’un agent des services sociaux. Elles se tinrent dans différents lieux de la commune, notamment dans la bibliothèque, sur la place principale et dans une salle de la mairie.


19.  Le 29 septembre 2015, les services sociaux de la commune de M.R. adressèrent un rapport au tribunal. Ce rapport signalait que G.C. avait un comportement inapproprié avec ses enfants, auxquels il proférait des propos désobligeants et offensants à l’égard de la première requérante. Il indiquait que G.C. avait filmé ses enfants pendant une rencontre, dans le but d’apporter la preuve de la manipulation qu’il imputait à la première requérante. Il ajoutait que l’assistante sociale chargée du dossier avait dû faire intervenir l’avocat de G.C. afin que celui-ci lui expliquât qu’il ne devait pas avoir une attitude agressive avec ses enfants lors des rencontres. Les services sociaux demandèrent au tribunal de leur adjoindre un expert ayant mission d’observer les parents et leur relation avec leurs enfants et de garantir un développement sain de ces derniers.


20.  Entre le 1er octobre 2015 et le 29 novembre 2015, seules deux rencontres furent organisées, dont une sur la place du marché de la commune de M.R. Les autres furent annulées en raison de l’état de santé des enfants.


21.  Le 12 novembre 2015, l’assistante sociale informa le tribunal qu’il y avait des difficultés dans le déroulement des rencontres et demanda leur déplacement dans la commune de C., où les enfants résidaient avec la première requérante.


22.  Le 30 novembre 2015, l’assistante sociale informa le tribunal qu’elle n’était plus disponible pour superviser la tenue des rencontres. Elle lui demanda d’intervenir d’urgence pour protéger les enfants et prendre des mesures concernant les modalités du déroulement des rencontres et les problèmes liés à la distance entre le domicile des enfants et le lieu des rencontres. Elle lui demanda également de trouver une structure dans la commune de C., où les enfants vivaient désormais.


23.  Entendue par le tribunal dans le cadre du procès pénal ouvert contre G.C. pour mauvais traitements, l’assistante sociale expliqua que les locaux de la municipalité de M.R. n’étaient pas adaptés pour garantir la protection de la première requérante et de ses enfants, ni pour assurer une gestion et un suivi corrects des rencontres organisées avec ces derniers. Elle signala également que G.C. était méprisant envers la première requérante, qu’il ne respectait pas le règlement et que ces problèmes avaient été signalés à la municipalité, car la situation ne permettait pas une gestion saine de la relation avec les enfants. Elle précisa que G.C. menaçait toute personne qui entrait en contact avec lui, y compris elle-même.


24.  Les rencontres reprirent en présence d’une autre assistante sociale.


25.  Le 17 décembre 2015, la première requérante signala au tribunal que les rencontres ne respectaient pas les prescriptions en ce qu’elles ne se déroulaient pas dans des conditions de stricte protection et lui demanda de garantir sa protection ainsi que celle de ses enfants.


26.  Le même jour, la commune de M.R. demanda à nouveau au tribunal d’intervenir d’urgence pour fixer les modalités et le lieu de ces rencontres protégées entre les enfants et leur père. En attendant, ces rencontres furent suspendues.


27.  Le 18 décembre 2015, les services sociaux demandèrent au tribunal d’intervenir d’urgence.


28.  En l’absence d’intervention du tribunal, les services sociaux décidèrent d’organiser à nouveau des rencontres.


29.  La première requérante, qui avait trouvé un emploi dans un magasin, informa les services sociaux qu’elle ne pouvait pas prendre de congés pour parcourir cent vingt kilomètres afin de conduire ses enfants aux rencontres prévues pendant la période de fin d’année et demanda également que les rencontres fussent organisées en milieu protégé.


30.  La commune de M.R. informa le tribunal que la première requérante n’avait pas conduit ses enfants aux rencontres prévues les 14 et 21 janvier 2016.


31.  G.C. déposa plainte contre la première requérante pour non-exécution d’une décision de justice et non-présentation d’enfants. Une procédure pénale fut ouverte.


32.  Quatre mois plus tard, le 2 mars 2016, le tribunal décida d’entendre non pas l’assistante sociale qui avait renoncé à sa mission et lui avait demandé d’intervenir sur les modalités des rencontres, mais uniquement les services sociaux qui avaient pris le relais après son départ et n’avaient jamais rencontré les enfants. Les services sociaux indiquèrent que la première requérante s’opposait aux rencontres et que la commune de M.R. n’était pas territorialement compétente en la matière.


33.  Le 14 mars 2016, le tribunal entendit les parties.


34.  Le 18 mai 2016, le tribunal décida de suspendre l’autorité parentale des deux parents. Il releva que la première requérante s’opposait à la tenue des rencontres. Il prit acte de ce que G.C. avait été renvoyé en jugement pour mauvais traitements et menaces contre la première requérante. Il ordonna une expertise afin d’évaluer les capacités parentales de deux parents. Il ne fit pas mention des griefs de la première requérante portant sur les modalités d’organisation des rencontres et sur le danger auquel elle et ses enfants étaient exposés.


35.  Le 7 juin 2016, G.C. fut renvoyé en jugement pour les mauvais traitements infligés à la première requérante entre 2009 et 2014 ainsi que pour les menaces et les propos méprisants proférés contre elle pendant les rencontres protégées. L’audience fut fixée au 5 septembre 2016.


36.  Un mois après la suspension de l’autorité parentale de la première requérante, et plus précisément le 14 juin 2016, le tribunal civil de Tivoli, saisi par l’intéressée sur le fondement de l’article 337 du code civil, décida de lui attribuer la garde exclusive de ses enfants et ordonna que les rencontres se déroulent conformément aux prescriptions du tribunal pour enfants.


37.  La première requérante interjeta appel de la décision du tribunal pour enfants suspendant son autorité parentale (paragraphe 34 ci-dessus). Dans son appel, elle alléguait que les rencontres ne se déroulaient pas en milieu protégé dans des lieux adaptés en présence d’un personnel spécialisé (tel qu’un médiateur éducateur), qu’elles n’étaient pas enregistrées sur un support vidéo et qu’elles n’avaient pas lieu en présence d’un psychologue.


38.  Par une décision du 2 août 2016, la cour d’appel de Rome rejeta le recours de l’intéressée, soulignant que celle-ci n’avait pas respecté le droit de G.C. à la coparentalité.


39.  Le 12 octobre 2016, le centre chargé par le tribunal de l’évaluation de la première requérante et de G.C. déposa son rapport. G.C. y était décrit comme un individu au comportement agressif et incapable de contrôler ses impulsions et sa frustration. L’expert mandaté par le centre recommandait des rencontres en milieu protégé, soulignant que la première requérante était fragilisée par les violences subies, mais qu’elle possédait des compétences parentales. Le rapport préconisait que la première requérante s’abstînt d’interférer dans la relation entre les enfants et leur père. Il indiquait également que la première requérante avait constaté que ses enfants étaient mal à l’aise après les rencontres.


40.  Le 23 janvier 2017, le tribunal chargea les services sociaux de trouver une structure adéquate pour organiser les rencontres, d’effectuer une enquête sociale sur G.C. et de vérifier sa toxicomanie. Il ordonna également la mise en place d’un dispositif de soutien aux deux parents.


41.  En 2017, un nouveau lieu fut choisi pour le déroulement des rencontres.


42.  Le 9 février 2017, l’assistante sociale signala que G.C. était agressif lors des rencontres.


43.  Le 3 avril 2017, le tribunal civil de Tivoli révoqua la décision ayant attribué la garde exclusive des enfants à la première requérante. Les parties n’ont pas communiqué cette décision au greffe de la Cour.


44.  Le 1er juin 2017, un rapport sur le déroulement des 11 rencontres fut adressé au tribunal. Il soulignait que G.C. continuait à avoir des éclats verbaux contre la première requérante, qu’il médisait d’elle auprès de ses enfants et qu’il n’était pas disposé à se conformer aux indications des assistants sociaux.


45.  Lors de l’audience du 11 juillet 2017, l’assistante sociale signala au tribunal que G.C. ne pouvait pas maîtriser sa colère, et que cela exposait les enfants à un grand stress.


46.  Le 19 octobre 2017, le tribunal pénal de Tivoli statua sur le recours de G.C. contre la proposition du parquet de classer la plainte déposée pour non-exécution d’une décision judiciaire (voir paragraphe 31 ci-dessus) et soustraction d’enfants. Il ordonna le classement de cette plainte, pour les motifs suivants :

« L’ensemble des pièces produites attestent des efforts déployés par la première requérante pour assurer la présence des enfants aux rencontres avec leur père en milieu protégé ordonnées par l’autorité judiciaire, pour autant qu’elles se déroulent dans des lieux et conditions garantissant toute la sécurité requise.

(...)

« les pièces versées au dossier révèlent des difficultés logistiques et opérationnelles évidentes, liées à la disponibilité des locaux ainsi qu’aux engagements professionnels de la première requérante et exacerbées par les interrogations compréhensibles de la municipalité de R.M. sur sa capacité à superviser des rencontres aussi délicates et exigeantes ».


47.  Le 10 janvier 2018, un autre rapport fut adressé au tribunal. Il indiquait que G.C. avait dû être éloigné à deux reprises de la salle de rencontres parce qu’il avait manifesté un comportement agressif - y compris physiquement - contre le personnel et les objets qui s’y trouvaient. Il estimait qu’il n’était pas envisageable de poursuivre les rencontres, car la sécurité des enfants et des intervenants n’était pas assurée. La psychologue autrice du rapport demanda le déplacement des rencontres dans une autre pièce du rez-de-chaussée afin que les personnes concernées pussent s’en échapper facilement pour se protéger et protéger les enfants de la violence de G.C.


48.  En l’absence d’une décision du tribunal pour enfants, les services sociaux de la commune de C. chargèrent un consortium d’organiser les rencontres.


49.  Le 5 mars 2018, un nouveau rapport fut adressé au tribunal. Il indiquait que les rencontres, qui avaient été déplacées, se déroulaient de manière plus apaisée mais hors la présence d’un psychologue. À cet égard, il soulignait que les enfants avaient besoin d’une assistance psychologique dans un autre lieu.


50.  Le 20 mars 2018, la première requérante informa le tuteur des enfants que les services sociaux les avaient laissés seuls avec G.C., que ce dernier s’était irrité contre eux, qu’ils avaient eu peur et s’étaient agités.


51.  Le tribunal pour enfants fut informé que G.C. n’était plus suivi en centre d’addictologie depuis le 25 octobre 2017.


52.  Le 21 mars 2018, l’assistante sociale demanda à être entendue par le tribunal pour discuter de la situation des enfants, aucune amélioration n’étant intervenue entre-temps.


53.  Le 6 avril 2018, le tribunal entendit le tuteur, qui l’informa que les enfants étaient exposés à l’agressivité de leur père depuis 2017 et que les rencontres en plein air organisées peu de temps auparavant avaient dû être annulées parce que leur sécurité n’était pas garantie. Le tuteur souligna que G.C. ne réussissait pas à se focaliser sur les besoins et les émotions des enfants.


54.  Le 10 avril 2018, le procureur demanda au tribunal de réintégrer la première requérante dans l’exercice de son autorité parentale.


55.  En attendant la décision du tribunal, les services sociaux suspendirent les rencontres.


56.  La première requérante bénéficia d’une assistance psychologique spécifique.


57.  Le 7 novembre 2018, le tribunal confirma la suspension des rencontres entre les enfants et G.C. et chargea les services sociaux de mettre en place un dispositif de soutien au profit de ce dernier. Il ne mentionna pas la demande du procureur tendant à la réintégration de la première requérante dans son autorité parentale.


58.  Le 10 janvier 2019, les services sociaux informèrent le tribunal que G.C. était incarcéré pour purger la peine de six ans d’emprisonnement à laquelle il avait été condamné pour des délits liés à un trafic de drogue commis entre 1994 et 2018.


59.  Le 5 avril 2019, le psychologue des services sociaux adressa au tribunal un rapport d’actualisation sur la situation de la première requérante et de ses enfants. Il y était indiqué que la première requérante avait démontré qu’elle était un parent attentif aux besoins de ses enfants en situation de détresse et que la deuxième requérante suivait une psychothérapie.


60.  Le 8 avril 2019, les services sociaux informèrent le tribunal que la première requérante suivait une thérapie et sollicitèrent sa réintégration dans son autorité parentale, estimant qu’elle était en mesure d’exercer son rôle parental. Ils indiquèrent notamment qu’elle portait une attention particulière au parcours thérapeutique de sa fille (la deuxième requérante), qui était en situation de détresse psychologique.


61.  Par une décision du 15 mai 2019, le tribunal réintégra la première requérante dans son autorité parentale et déchut G.C. de son autorité parentale.


62.  Le 19 décembre 2019, la cour d’appel de Rome confirma cette décision, soulignant que par ses comportements agressifs, destructeurs et méprisants lors des rencontres, G.C. avait manqué à son devoir de garantir à ses enfants un développement sain et serein. Elle constata en outre que la deuxième requérante avait besoin d’un suivi psychologique spécifique.


63.  Selon les dernières informations fournies à la Cour, la procédure pénale pour mauvais traitements ouverte contre G.C. est toujours pendante depuis 2016.

LE CADRE JURIDIQUE ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

I.        Le régime juridique interne


64.  Certaines dispositions du droit interne pertinent en l’espèce sont exposées dans l’arrêt R.V. et autres c. Italie (no 37748/13, §§ 65-69, 18 juillet 2019).


65.  Les dispositions civiles et pénales pertinentes en matière de violence domestique sont exposées dans l’arrêt Landi c. Italie (no 10929/19, §§ 47-49, 7 avril 2022).


66.  Aux termes du premier alinéa de l’article 337 ter du code civil, l’enfant mineur a le droit d’entretenir une relation équilibrée et continue avec chacun de ses parents, de recevoir des soins, une éducation et une assistance morale de chacun d’eux et d’entretenir des relations significatives avec les ascendants et les membres de la famille de chaque branche parentale. Le deuxième alinéa du même article dispose que pour atteindre le but visé au premier alinéa dans les procédures relevant de l’article 337 bis du code civil, le juge doit tenir compte des seuls intérêts moraux et matériels des enfants lorsqu’il adopte des mesures les concernant. Il précise que le juge doit envisager en priorité la possibilité, pour les enfants mineurs, de rester sous la garde de leurs deux parents, ou, à défaut, décider à qui les enfants doivent être confiés et déterminer le moment et les modalités de leur présence auprès de chacun de leurs parents ainsi que la mesure et les modalités de la contribution respective de ces derniers à l’entretien, aux soins, à l’éducation et à l’instruction de leurs enfants. Il ajoute que le juge peut modifier les modalités de garde et prendre acte des différents accords intervenus entre les parties prenantes.


Le juge du fond est compétent pour la mise en œuvre des décisions relatives aux modalités de garde et peut décider d’office de confier les enfants à l’un de ses parents. À cet effet, le procureur de la République adresse au juge des tutelles une copie de la décision confiant les enfants à l’un des parents.

A.    La jurisprudence de la Cour de cassation


67.  La Cour de cassation a rendu en la matière des décisions dont les extraits pertinents sont reproduits ci-dessous.

1.     L’ordonnance no 13217 du 17 mai 2021


68.  Dans cette ordonnance, la Cour de cassation a précisé que les juges étaient tenus de vérifier la véracité des allégations de comportements préjudiciables aux mineurs et qu’ils ne pouvaient se borner à s’appuyer sur des expertises techniques.

« Lorsque, dans le cadre d’une procédure de garde d’un enfant mineur, un parent impute à l’autre parent, aux fins de la modification du régime de garde, un comportement qui vise à l’éloigner moralement et matériellement de l’enfant, comportement décrit comme révélant un syndrome d’aliénation parentale (SAP) - en l’occurrence sous sa variété du « syndrome de la mère malveillante », le juge du fond doit vérifier la réalité de ce comportement au moyen des modes de preuve ordinaires - y compris les expertises techniques et les présomptions - indépendamment de toute considération abstraite sur la question de savoir si l’existence de cette pathologie est scientifiquement prouvée et en gardant à l’esprit que les compétences parentales comprennent également la capacité de préserver le maintien des relations parentales avec l’autre parent afin de protéger le droit de l’enfant à la coparentalité et à un développement équilibré et serein.

En l’espèce, la Cour de cassation a annulé la décision par laquelle le tribunal avait attribué la « garde exclusive renforcée » au père compte tenu de la gravité du comportement de la mère, car le tribunal avait négligé de valoriser la relation positive de celle-ci avec l’enfant et de procéder à une évaluation plus large des possibilités qui s’offraient à elle d’entreprendre des démarches en vue de rétablir ses compétences parentales ».

2.     L’ordonnance no 9691 du 24 mars 2022


69.  Dans cette ordonnance, la Cour de cassation a annulé une décision - confirmée par la cour d’appel de Rome - par laquelle le tribunal pour enfants de Rome avait ordonné le placement d’un enfant dans un foyer d’accueil après avoir prononcé la déchéance de l’autorité parentale de sa mère qui, depuis des années, vivait avec lui dans la crainte d’une mesure de retrait de son autorité parentale en raison de l’invocation constante, dans le cadre de la procédure, du syndrome d’aliénation parentale et de toutes ses conséquences. La Haute juridiction a rappelé que les mesures relatives à l’autorité parentale ne pouvaient s’appuyer sur des théories dépourvues de fondement scientifique telles que le syndrome d’aliénation parentale.

« La violation du droit à la coparentalité par un parent qui fait obstacle à la relation de l’enfant avec l’autre parent (y compris par des comportements assimilables à des formes graves de violence psychologique) et la nécessité qui en découle de garantir la mise en œuvre de ce droit n’exigent pas nécessairement le prononcé de la déchéance de l’autorité parentale du parent malveillant et le retrait de l’enfant de son domicile, mesures extrêmes qui rompent inéluctablement toute relation juridique, morale et affective avec l’enfant. Conformément au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, il faut vérifier au cas par cas si pareilles mesures trouvent leur limite dans la nécessité d’éviter une atteinte, pouvant être irréparable, au développement physique et cognitif de l’enfant causée par son éloignement brusque et définitif du parent avec lequel il a toujours vécu et de la coupure de toute habitude de vie ».

B.    La loi de délégation Cartabia


70.  Le 25 novembre 2021, la Chambre des députés a approuvé définitivement la loi no 206 déléguant au gouvernement le pouvoir d’adopter des mesures visant à renforcer l’efficacité du procès civil et à réformer le régime des modes alternatifs de résolution des conflits ainsi qu’une série de mesures urgentes visant à rationaliser les procédures concernant les droits des personnes et des familles ainsi que les procédures d’exécution forcée.


En vertu de l’alinéa 23 de l’article 1 de cette loi, le gouvernement doit aussi introduire des dispositions spécifiques prévoyant que lorsqu’un enfant refuse de rencontrer l’un de ses parents ou les deux, le juge, après l’avoir entendu en personne et avoir recueilli toute information jugée nécessaire, doit déterminer d’urgence les raisons de ce refus et prendre des mesures dans l’intérêt supérieur de l’enfant en tenant compte, le cas échéant, de tout épisode de violence aux fins de la fixation des modalités de la garde de l’enfant et de l’exercice du droit de visite à son égard. Dans tous les cas, le juge doit veiller à ce que les rencontres entre les parents et l’enfant aient lieu, avec l’assistance des services sociaux si nécessaire, et sans que la sécurité de l’enfant victime de maltraitance parentale ne s’en trouve compromise. Les dispositions à adopter doivent également prévoir que si le juge décide de recourir à un expert, il doit le désigner par une ordonnance motivée indiquant les investigations à effectuer, l’expert ainsi désigné devant pour sa part respecter les protocoles et méthodologies reconnus par la communauté scientifique et s’abstenir de procéder à des évaluations fondées sur des caractéristiques ou des profils de personnalité non homologués par celle-ci.

II.     LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNATIONAUX PERTINENTS


71.  Les dispositions pertinentes de la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (« la Convention d’Istanbul »), qui est entrée en vigueur à l’égard de l’Italie le 1er août 2014, ont été citées dans l’affaire Landi (précitée, §§ 52-55).


72.  L’article 31 de la Convention d’Istanbul se lit ainsi :

Garde, droit de visite et sécurité

1. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que, lors de la détermination des droits de garde et de visite concernant les enfants, les incidents de violence couverts par le champ d’application de la présente Convention soient pris en compte.

2. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que l’exercice de tout droit de visite ou de garde ne compromette pas les droits et la sécurité de la victime ou des enfants.


73.  Les passages pertinents du rapport d’évaluation de référence sur l’Italie publié par le GREVIO le 13 janvier 2020 se lisent ainsi (notes de bas de pages omises) :

3. Garde, droit de visite et sécurité (article 31)

180. Depuis l’adoption de la loi no 54/2006, les tribunaux civils italiens sont liés par le principe de la garde partagée comme solution par défaut en cas de séparation ou de divorce. Les chiffres de l’ISTAT révèlent qu’en pratique, la garde partagée est appliquée dans près de 90 % de ces cas.

Il n’existe aucune obligation expresse, en vertu des lois applicables, pour les organismes publics de veiller à ce que, dans la détermination des droits de garde et de visite, les incidents de violence couverts par le champ d’application de la convention soient pris en compte, comme l’exige le paragraphe 1 de l’article 31 de la convention. Néanmoins, plusieurs dispositions du Code civil permettent de donner la priorité à l’intérêt supérieur de l’enfant au-delà du principe du partage des responsabilités parentales. Ainsi, en vertu de l’article 330 du Code civil, les tribunaux peuvent décider la déchéance de l’autorité parentale lorsqu’un parent viole ou néglige ses devoirs parentaux ou abuse de son autorité au détriment grave de l’enfant. L’article 333 du Code civil prévoit le retrait du parent du domicile familial lorsque le comportement du parent ne justifie pas la révocation de sa responsabilité parentale mais semble néanmoins porter préjudice à l’enfant. En outre, l’article 337quater du Code civil dispose que la garde exclusive d’un enfant peut être accordée à un parent si le fait de confier la garde à l’autre parent serait contraire à l’intérêt de l’enfant. En vue d’assurer l’application effective de ces dispositions, le décret-loi no 93/2013 a introduit l’obligation pour le ministère public d’informer les tribunaux pour enfants de toute procédure pénale en cours concernant une infraction de mauvais traitements, de violences sexuelles aggravées et/ou de harcèlement commis contre un enfant ou par le parent d’un enfant contre l’autre parent. Les voies de communication entre les tribunaux pénaux et les tribunaux civils/pour mineurs ont été encore améliorées avec l’adoption de la loi n 69 du 19 juillet 2019.

181. Le GREVIO note toutefois que ces dispositions semblent de facto rarement utilisées pour protéger les enfants qui ont été témoins de violences contre leur mère, même dans les cas où ces violences ont abouti à une condamnation et/ou à d’autres mesures, y compris des ordonnances de protection, contre l’auteur. Le GREVIO est particulièrement préoccupé par les informations fournies par les ONG qui indiquent que le système en place, plutôt que d’offrir une protection aux victimes et à leurs enfants, « se retourne » contre les mères qui cherchent à protéger leurs enfants en signalant la violence et les expose à une victimisation secondaire.

182. Ces informations sont corroborées par des rapports institutionnels et de nombreuses recherches illustrant les effets néfastes sur les victimes et leurs enfants de l’absence de voies de communication efficaces entre les juridictions civiles et pénales et/ou d’une compréhension insuffisante du phénomène de la violence à l’égard des femmes et de ses conséquences sur les enfants: les magistrats de droit civil ont tendance à s’appuyer sur les conclusions des expertises judiciaires et/ou des rapports des services sociaux qui assimilent souvent les cas de violence à des situations de conflit et dissocient totalement les considérations relatives à la relation entre la victime et l’auteur de la violence de celles qui concernent la relation entre le parent violent et l’enfant. De plus, les allégations de violence de la part de leur partenaire sont souvent rejetées pour des motifs aussi douteux que le « syndrome d’aliénation parentale » et les mères sont blâmées pour la réticence de leurs enfants à rencontrer leur père violent. Les tests de personnalité qui ne sont pas adaptés aux situations de violence font que de nombreuses victimes ont été trouvées inaptes en tant que parents. Le GREVIO souligne le risque élevé et le potentiel de la notion d’aliénation parentale et des concepts connexes à être utilisés de manière à ce que la violence à l’égard des femmes et de leurs enfants ne soit pas détectée et/ou contestée dès lors qu’ils ignorent la nature fondée sur le genre de la violence domestique et les aspects essentiels du bien-être des enfants.

183. Par conséquent, non seulement certains tribunaux civils et certaines UTC ne détectent pas les cas de violence, mais ils ont tendance à les ignorer. Lorsque des procédures pénales parallèles sont engagées, cela peut conduire à des situations où les victimes sont poussées à abandonner les poursuites pénales contre l’auteur, en partant du principe que le maintien de ces accusations empêche de pacifier la famille et de parvenir à un accord sur les questions de garde et de droit de visite, au nom de principes tels que la « disposition amicale des parents ». Le GREVIO a rassemblé de nombreux éléments de preuve, y compris de nombreux témoignages individuels, qui suggèrent que les tribunaux civils exigent souvent des victimes qu’elles rencontrent leur partenaire violent, quelle que soit la plainte de la victime et sans examen ni évaluation des risques appropriés, jusqu’à ce qu’un tel accord « amiable » soit conclu.

184. Le GREVIO souligne que la violence conjugale est un facteur essentiel dans la détermination de la garde des enfants. Le GREVIO note qu’un système fondé sur la conclusion d’accords entre les parents dans l’intérêt supérieur de leurs enfants pourrait ne poser aucun problème à la plupart des parents séparés. Cependant, elle n’est pas appropriée pour les couples dont les relations ont été marquées par la violence. Le GREVIO rappelle que la violence entre partenaires est révélatrice d’un déséquilibre de pouvoir dans la relation qui peut compromettre la capacité de négocier équitablement et de parvenir à un accord mutuellement acceptable. Une femme qui a été victime de violence domestique aura généralement besoin d’un soutien particulier pour négocier des ententes avec l’autre parent qui a été violent. Les réunions conjointes entre le parent violent et le parent non violent en vue de parvenir à une entente sur les décisions en matière de garde peuvent être considérées comme une médiation obligatoire puisque la victime n’a d’autre choix que d’y assister pour parvenir à une entente, contrairement aux exigences de l’article 48 de la convention.

185. En outre, le GREVIO note avec une extrême préoccupation la pratique très répandue par les tribunaux civils de considérer une femme qui soulève la question de la violence domestique comme une raison de ne pas assister aux réunions et de ne pas accepter la garde ou le droit de visite, comme un parent « non coopératif » et donc une « mère inapte » qui mérite une sanction. Les conséquences négatives pour les victimes varient : elles vont de l’obligation pour les victimes de se soumettre à un traitement thérapeutique ou à des séances de formation pour améliorer leurs compétences parentales, à la limitation et/ou à la privation de leurs droits parentaux. Les tribunaux peuvent également soumettre les enfants à un traitement psychologique pour se remettre de l’« aliénation parentale », au lieu de les orienter vers un soutien approprié. Le GREVIO souligne la nécessité pour les tribunaux civils d’enquêter sur tous les cas de violence et d’abus signalés, soit en assurant la liaison avec les tribunaux pénaux lorsque des procédures pénales sont en cours contre le père des enfants de la victime, soit en recherchant activement des informations auprès d’autres organes, notamment, mais pas exclusivement, les services répressifs, les municipalités, la santé et l’éducation et les services spécialisés de soutien aux femmes.

186. À la lumière de nombreuses recherches montrant que des arrangements inadéquats en matière de garde des enfants et de droit de visite peuvent exposer les femmes à des abus après la séparation et à une victimisation secondaire, le GREVIO souligne que la sécurité du parent non violent et des enfants doit être un facteur central pour décider de l’intérêt supérieur de l’enfant en matière de garde et de droit de visite. En ce qui concerne ce dernier point, le paragraphe 2 de l’article 31 de la convention exige que l’exercice d’un droit de visite ou de garde ne compromette pas les droits et la sécurité de la victime ou des enfants. Cette obligation découle du fait que, pour de nombreuses victimes et leurs enfants, le respect des décisions relatives aux relations personnelles peut présenter un risque grave pour la sécurité, car il implique souvent de rencontrer l’auteur en personne et peut contribuer à des cas graves de violence, notamment le meurtre de la femme et/ou des enfants. Une évaluation adéquate des risques doit donc faire partie intégrante de ces processus, y compris lorsqu’ils sont fondés sur un accord des parents, afin de garantir que les dispositions convenues sont dans l’intérêt supérieur de l’enfant et, en particulier, que la sécurité du parent et de l’enfant est protégée. Bien que le GREVIO soutienne pleinement le droit de l’enfant de maintenir ses liens avec ses deux parents, tel que consacré par l’article 9, paragraphe 3 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, l’exposition à la violence domestique en tant que victime ou témoin - exige que des exceptions soient prévues dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

187. Le GREVIO note que le libellé générique des dispositions légales applicables ne fournit aucune indication pour éviter les pratiques judiciaires problématiques décrites ci-dessus. Il note en outre que, s’il existe certains exemples de bonnes pratiques judiciaires, la jurisprudence des juridictions supérieures ne met pas systématiquement au ban l’utilisation d’arguments défensifs fondés sur l’« aliénation parentale » ou s’apparentant à celle-ci, pas plus qu’elle n’énonce clairement le devoir des juges de procéder à l’évaluation des cas de violence domestique et des risques afin de déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant. Des directives nationales ont été élaborées qui font explicitement référence aux exigences de l’article 31 de la Convention d’Istanbul en ce qui concerne le travail de toutes les entités statutaires chargées de protéger les enfants, telles que les services judiciaires et sociaux, mais elles ne sont ni obligatoires ni intégrées de manière diffuse dans les pratiques. Le GREVIO note avec une extrême préoccupation que dans certains tribunaux, les directives sont remplacées par des directives locales qui ignorent les normes de la Convention d’Istanbul. De manière générale, le GREVIO craint que les difficultés rencontrées pour satisfaire aux exigences de l’article 31 ne soient la conséquence de l’introduction d’une réforme juridique sur la garde partagée qui n’a pas évalué soigneusement les inégalités persistantes entre les femmes et les hommes et les taux élevés d’exposition des femmes et des enfants témoins à la violence, ainsi que les risques de violence après séparation.

188. Le GREVIO exhorte les autorités italiennes à prendre les mesures nécessaires, y compris des amendements législatifs, pour faire en sorte que les tribunaux compétents soient tenus d’examiner toutes les questions liées à la violence à l’égard des femmes lors de la détermination des droits de garde et de visite et d’évaluer si cette violence justifierait de restreindre la garde et le droit de visite. À cette fin, les autorités devraient :

a. envisager de modifier leur législation pour reconnaître explicitement la nécessité de tenir compte des incidents de violence couverts par la convention dans la détermination des droits de garde et de visite des enfants ;

b. prendre des mesures pour intégrer un processus systématique de filtrage des cas liés à la détermination des droits de garde et de visite afin de déterminer si la violence a été un problème dans la relation et si elle a été signalée ;

c. enquêter comme il se doit sur tout signalement de violence, en améliorant la coopération avec les tribunaux pénaux et tout organe compétent, y compris, mais sans s’y limiter, les forces de l’ordre, les services de santé, d’éducation et de soutien spécialisé pour les femmes ;

d. intégrer des procédures d’évaluation des risques dans la détermination des droits de garde et de visite afin de déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant ;

e. veiller à ce que seuls les professionnels, en particulier les psychologues et les pédopsychiatres, qui sont au fait de la question de la violence à l’égard des femmes et des exigences de la Convention d’Istanbul, puissent être nommés par les tribunaux pour donner des conseils sur les questions de garde et de visite dans les situations de violence à l’égard des femmes ;

f. interdire l’utilisation par les experts, les travailleurs sociaux et les tribunaux de concepts liés à l’ « aliénation parentale », ainsi que de toute autre approche ou principe, tels que la « disposition amicale des parents », qui tendent à considérer les mères qui invoquent la violence comme des parents « non coopératifs » et « inaptes », et à leur reprocher la mauvaise relation entre un parent violent et ses enfants ;

g. abandonner la pratique consistant à imposer à la victime et à ses enfants l’obligation d’assister à des réunions conjointes avec l’auteur afin de parvenir à un accord sur la garde et le droit de visite, ce qui revient à une médiation obligatoire ;

h. intégrer des garanties dans les procédures, telles que l’offre de rendez-vous séparés aux parents et la création de salles d’attente séparées dans les tribunaux, afin de tenir compte du déséquilibre de pouvoir entre la victime et l’auteur du crime et de prévenir le risque de revictimisation ;

i. assurer une utilisation appropriée des dispositions légales qui permettent de réduire, de lever et/ou de soumettre à des garanties les droits de garde et de visite de l’auteur chaque fois qu’une situation de violence est constatée et promouvoir la détermination des droits de garde et de visite à titre provisoire jusqu’à ce que tous les faits de violence à l’égard des femmes signalés aient été correctement évalués.

Ces mesures devraient s’accompagner d’une formation appropriée et de l’élaboration de directives professionnelles visant à sensibiliser les professionnels concernés aux effets néfastes de la violence sur les enfants, y compris les enfants témoins, et à les familiariser avec les dispositions de la Convention d’Istanbul relatives au règlement du droit de garde et de visite. Ces lignes directrices devraient remplacer les méthodologies et lignes directrices existantes qui tendent à réduire la violence à un conflit, à promouvoir la médiation sans tenir dûment compte de la violence et à recourir à des concepts discutables tels que l’ « aliénation parentale » qui donnent la priorité au maintien à tout prix de la relation parent-enfant, au-delà de toute considération concernant la violence. Les progrès dans ce domaine devraient être mesurés au moyen de données et d’analyses de la jurisprudence illustrant comment les tribunaux de la famille considèrent les incidents de violence et comment ils motivent leurs décisions en matière de garde et de droit de visite. »


74.  Le 14 juin 2022, le GREVIO a publié son 3ème rapport général portant sur la garde des enfants, les visites et la violence domestique, établi sur la base des évaluations réalisées jusque-là dans différents États. Décrivant les forces et les faiblesses des États en ce qui concerne la mise en œuvre des articles 26, 31 et 45 de la Convention d’Istanbul à l’égard des victimes de violence domestique et les décisions relatives à la garde et aux visites des enfants, le rapport souligne que, bien que tous les États parties aient pris des mesures satisfaisantes, « le chemin à parcourir reste long ». Selon le GREVIO, des lacunes subsistent malgré les progrès enregistrés. Le rapport met notamment en évidence les lacunes suivantes :

« Manquement à prendre en compte les actes de violence domestique dans les décisions judiciaires relatives à la garde et aux visites

En Albanie, en Belgique, en Italie, à Monaco, en Pologne, à Saint-Marin, en Slovénie et en Turquie, le GREVIO a constaté qu’il n’était pas fait expressément référence à la violence domestique parmi les critères juridiques à prendre en compte au moment de déterminer les droits de garde et/ou de visite.

(...)

Le GREVIO a pris note avec préoccupation des informations fournies par plusieurs experts et professionnels œuvrant dans ce domaine, qui donnaient à penser que les indices de violence exercée par un parent contre l’autre n’étaient que rarement, voire jamais, pris en compte lors des décisions relatives aux droits de garde et de visite.

(...) ».

Manquement à garantir des visites encadrées en toute sécurité

« Les États tendent à privilégier ce qui est de l’intérêt supérieur de l’enfant, à savoir maintenir le contact avec les deux parents à tout prix, même si l’enfant a été témoin de violences. Un certain nombre de lacunes ont été relevées dans la mise en œuvre de l’article 31, paragraphe 2, en ce qui concerne les structures et le personnel chargé de permettre ces visites encadrées.

Le GREVIO a noté que plusieurs Parties ne disposaient pas des ressources/ infrastructures nécessaires pour permettre des visites encadrées en toute sécurité. Il a par exemple fait observer, dans ses rapports d’évaluation de référence sur l’Andorre et la France, que ces espaces de rencontre étaient mieux équipés pour s’occuper de relations conflictuelles que d’affaires de violence. Il a donc attiré l’attention des autorités sur les risques élevés que fait courir aux victimes et aux enfants le maintien des contacts entre la victime et l’auteur des violences, sans protection ni mesures appropriées.

En l’absence de dispositions adaptées, les victimes peuvent en fait avoir l’impression que la seule façon de protéger leurs enfants face à la violence est de refuser de respecter les décisions prises en matière de droit de visite.

(...) ».


75.  La Convention sur les relations personnelles concernant les enfants (STE no192) a été signée par l’Italie le 15 mai 2003, mais elle n’a pas été ratifiée.


L’objet de la Convention est de définir des principes généraux à appliquer aux décisions relatives aux relations personnelles des enfants, c’est-à-dire - selon l’article 2 de ladite Convention - « le séjour de l’enfant, limité dans le temps, chez une personne (...) avec laquelle l’enfant ne vit pas habituellement, ou la rencontre entre l’enfant et cette personne » et d’établir des mesures de sauvegarde et des garanties appropriées pour assurer le bon déroulement des visites.


Les dispositions pertinentes se lisent ainsi :

Article 4 - Relations personnelles entre un enfant et ses parents

« 1. Un enfant et ses parents ont le droit d’obtenir et d’entretenir des relations personnelles régulières.

2. De telles relations personnelles ne peuvent être restreintes ou exclues que lorsque cela est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

3. Lorsqu’il n’est pas dans l’intérêt supérieur d’un enfant d’entretenir des relations personnelles sans surveillance avec l’un de ses deux parents, la possibilité d’entretenir des relations personnelles sous surveillance ou d’autres formes de relations personnelles avec ce parent doit être envisagée ».

Article 10 - Mesures de sauvegarde et garanties à prendre concernant les relations personnelles

« 1. Chaque Etat Partie doit prévoir et promouvoir l’utilisation de mesures de sauvegarde et de garanties (...)

2. Lorsque les circonstances de l’affaire l’exigent, les autorités judiciaires peuvent, à tout moment, subordonner une décision relative aux relations personnelles à des mesures de sauvegarde et à des garanties (...)

a Les mesures de sauvegarde et les garanties visant à assurer la mise en œuvre de la décision peuvent notamment comprendre:

– la surveillance des relations personnelles ;

(...) ».

EN DROIT

I.        SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE l’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION


76.  Les requérants, qui se disent victimes de violences domestiques, reprochent aux autorités de ne pas avoir pris les mesures nécessaires et appropriées pour les protéger, alors pourtant qu’elles avaient été averties à plusieurs reprises du manque de sécurité des rencontres des deuxième et troisième requérants avec leur père violent, toxicomane et alcoolique. En effet, selon eux, ces rencontres ne se sont pas déroulées dans les conditions de « stricte protection » prescrites par le tribunal, et le manquement des autorités à cet égard les a exposés à de nouvelles violences.


En outre, la première requérante se plaint d’avoir été qualifiée de « parent non coopératif » et d’avoir en conséquence été suspendue de son autorité parentale au seul motif, selon elle, qu’elle avait voulu protéger ses enfants en mettant en exergue le manque de sécurité des rencontres. Elle allègue que ses arguments n’ont pas été pris en compte et qu’elle a subi une victimisation secondaire. Les requérants invoquent les articles 3 et 8 de la Convention.


77.  La Cour rappelle qu’elle n’est pas tenue par les moyens de droit avancés par un requérant en vertu de la Convention et de ses Protocoles et qu’elle peut décider de la qualification juridique à donner aux faits d’un grief en examinant celui-ci sur le terrain d’articles ou de dispositions de la Convention autres que ceux invoqués par le requérant (Radomilja et autres c. Croatie [GC], nos 37685/10 et 22768/12, § 126, 20 mars 2018). Eu égard à sa jurisprudence (Remetin c. Croatie (no 2), no 7446/12, § 67, 24 juillet 2014) et à la nature des griefs exposés par les requérants, la Cour estime que les questions soulevées en l’espèce doivent être examinées sous le seul angle de l’article 8 de la Convention.


Le passage pertinent de l’article 8 de la Convention est ainsi libellé :

« 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). »

A.         Sur la recevabilité


78.  Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour la déclare recevable.

B.          Sur le fond

1.     Thèses des parties

a)      Les requérants


79.  Les requérants se plaignent de la passivité des autorités et allèguent que le système de protection mis en place au profit d’une femme et de ses enfants fuyant la violence domestique s’est avéré inefficace et inadéquat.


80.  La première requérante avance que les autorités ont toléré la violence exercée par G.C. et que les remèdes mis en place n’ont pas été efficaces pour la protéger et protéger ses enfants.


81.  Les deuxième et troisième requérants indiquent avoir été exposés à la violence dans leur foyer et se plaignent d’avoir été soumis par la suite à un traitement inhumain et dégradant en ce qu’ils ont été contraints de rencontrer leur père dans des conditions qui ne garantissaient pas leur protection, faute de contrôle et de surveillance de la part des autorités compétentes. Ils avancent que les autorités nationales n’ont pas pris en compte les souffrances subies par eux et n’ont pas garanti la protection de leur intégrité personnelle.


82.  Les requérants affirment que les rencontres se sont déroulées dans des lieux inadaptés et hors la présence d’un psychologue.


83.  Ils soutiennent que les autorités ont accordé la priorité au « droit de visite » de G.C. au lieu d’assurer la protection des enfants contre tout préjudice additionnel résultant tant de la conduite de leur père que du déroulement des rencontres elles-mêmes.


84.  Selon eux, les autorités savaient que G.C. s’était montré agressif envers les enfants dès la première rencontre. Lors des rencontres suivantes, il aurait continué à exprimer verbalement aux enfants son fort ressentiment envers la première requérante. Les services sociaux n’auraient pas interrompu les rencontres et auraient dérogé de leur propre chef à la décision du tribunal en organisant des rencontres dans des lieux tels qu’une bibliothèque et une place publique, où toute forme de contrôle et de surveillance du comportement de G.C. était exclue.


85.  En outre, les requérants allèguent que le tribunal, pourtant averti dès novembre 2015 par l’assistante sociale, n’est intervenu que quatre mois plus tard et n’a pas examiné les problèmes liés au déroulement des rencontres et aux violences infligées à la première requérante et à ses enfants, se bornant à suspendre l’autorité parentale des deux parents après les avoir déclarés « incapables d’exercer adéquatement leur rôle parental ».


86.  Ils soutiennent que malgré la persistance des violences et les signalements répétés, les autorités ont manqué à leur devoir de prévention et de protection des enfants contre les violences de G.C. et n’ont pas pris toutes les mesures raisonnables pour empêcher la réitération d’agressions violentes portant atteinte à l’intégrité psychologique et physique d’enfants mineurs.


87.  La première requérante reproche aux autorités d’avoir fait preuve de négligence en ce qui concerne la situation de ses enfants, déjà victimes de la violence de leur père, et d’avoir soutenu la figure paternelle au lieu de favoriser une relation saine entre le père et ses enfants.


88.  Elle reconnaît que les services sociaux ne sont pas restés passifs, intervenant sporadiquement lors des rencontres lorsque G.C. se montrait agressif et irrespectueux des règles, mais elle avance que les mesures prises par les autorités n’ont pas été suffisantes pour empêcher G.C. de faire subir de nouvelles violences à ses enfants. Selon elle, les autorités locales n’ont pas fait preuve de la diligence nécessaire pour empêcher la réitération d’agressions contre les enfants, perpétrées sans entrave et en toute impunité par G.C.


89.  Le tribunal ne serait intervenu d’aucune manière pour protéger les enfants, ni de façon ciblée pour juguler la violence de G.C., ni pour vérifier l’adéquation des lieux où se déroulaient les rencontres.


90.  Par ailleurs, la première requérante se plaint d’avoir été qualifiée de « parent non coopératif » et d’avoir en conséquence été suspendue de son autorité parentale au seul motif, selon elle, qu’elle avait voulu protéger ses enfants en mettant en exergue le manque de sécurité des rencontres. Elle allègue que ses arguments n’ont pas été pris en compte et qu’elle a subi une victimisation secondaire.


91.  Elle soutient que le tribunal a justifié la suspension de son autorité parentale par le fait qu’elle était « incapable d’exercer de manière adéquate son rôle parental » car elle avait adopté un « comportement hostile au rétablissement d’un rapport père-enfant », mais qu’il n’a pas mentionné les violences subies, ni le fait que les rencontres ne se déroulaient pas dans les conditions de « stricte protection » qu’il avait lui-même prescrites, ni le malaise éprouvé par les enfants, que l’assistante sociale avait selon elle signalé en 2015.


92.  Elle affirme par ailleurs que les juridictions n’ont pas pris en compte sa vulnérabilité en tant que victime de violences domestiques. Elle leur reproche d’avoir à nouveau fait d’elle une victime en la considérant comme un parent inapte au seul motif, selon elle, qu’elle a cherché à exercer son droit et à remplir son devoir de protéger ses enfants mineurs, au lieu de la soutenir et de la guider dans les actions à mener pour sortir de la violence.


93.  Enfin, elle affirme que l’inaction totale des autorités a prolongé de manière déraisonnable la suspension de son autorité parentale, alors pourtant que le procureur et les services sociaux avaient demandé que celle-ci lui fût restituée.

b)      Le Gouvernement


94.  Le Gouvernement soutient que les nombreux rapports des services sociaux montrent que les agents chargés du suivi de la famille et de l’organisation des rencontres père-enfants ont scrupuleusement évalué l’adéquation des lieux choisis pour le déroulement de celles-ci. Selon lui, ces agents ont observé la dynamique relationnelle entre le père et les enfants et en ont informé le tribunal, et ils ont également autorisé la présence de la mère et du grand-père maternel dans les lieux des rencontres afin de protéger les mineurs et de préserver leur sérénité.


95.  Par ailleurs, le Gouvernement affirme que la raison pour laquelle les rencontres n’ont pu se dérouler dans le centre où la première requérante était hébergée tient au transfert de celle-ci et de ses enfants, survenu le 31 juillet 2015, dans un foyer familial situé dans une autre commune.


96.  Selon lui, il ressort également des rapports établis en 2015 que les services sociaux n’ont jamais constaté entre les parties prenantes de situations dangereuses ou de tensions susceptibles de mettre en danger la sérénité des mineurs.


97.  à cet égard, il souligne que les « rencontres en milieu protégé » ont précisément pour but de réunir des parents et des enfants en les soustrayant à des conditions de séparation traumatisantes et/ou violentes et en les plaçant dans un espace neutre où les parents sont soumis à l’observation et à la surveillance constantes d’un personnel qualifié dans un cadre technique professionnel.


98.  Il indique qu’en l’espèce, les rencontres en milieu protégé se sont déroulées régulièrement entre août 2015 et le 8 octobre 2015 et que les services sociaux ont jugé qu’elles produisaient des résultats positifs.


99.  Il précise que lorsque G.C. a commencé à avoir un comportement inapproprié, dénigrant la première requérante devant les enfants et contestant le travail des assistants sociaux, ces derniers ont rapidement suspendu les rencontres et informé le tribunal pour enfants que les conditions de sécurité et de sérénité des enfants n’étaient plus réunies.


100.  Enfin, en ce qui concerne le grief relatif à l’absence de psychologue, le Gouvernement soutient que c’est comportement de la première requérante qui a empêché le psychologue désigné en décembre 2015 de rencontrer les enfants.


101.  Il estime que les manifestations de détresse des enfants, en particulier celles de la deuxième requérante, semblent être principalement imputables à la plus grande exposition de l’enfant aux vicissitudes familiales et à l’intensité du conflit entre les parents.


102.  Par ailleurs, il souligne que le tribunal a suspendu l’autorité parentale des deux parents, et pas seulement celle de la première requérante. Selon lui, cette décision a été prise afin de protéger les enfants et d’assurer un exercice effectif de la coparentalité.


103.  Le tribunal pour enfants aurait pris d’emblée toutes les mesures appropriées pour protéger les enfants et préserver en même temps le lien familial avec leur père, en maintenant des contacts constants avec les services sociaux concernant le déroulement des rencontres en milieu protégé et en mettant en place un dispositif de soutien psychologique à la parentalité, qui aurait eu un résultat positif dans le cas de la première requérante.

2.     Appréciation de la Cour

a)      Principes généraux


104.  La Cour rappelle que la suspension de l’autorité parentale de la requérante a interféré avec son droit au respect de la vie familiale au sens de l’article 8 de la Convention (mutatis mutandis R.M. c. Lettonie, n53487/13, § 102, 9 décembre 2021). Pareille ingérence méconnaît cet article à moins qu’elle ne soit « prévue par la loi », ne vise un ou des buts légitimes au regard du paragraphe 2 de l’article 8 et ne puisse passer pour une mesure « nécessaire dans une société démocratique.


105.  La Cour rappelle également qu’en ce qui concerne la vie familiale d’un enfant, il existe actuellement un large consensus - y compris en droit international - autour de l’idée que dans toutes les décisions concernant des enfants, leur intérêt supérieur doit primer (Strand Lobben et autres c. Norvège [GC], no 37283/13, § 207, 10 septembre 2019, Neulinger et Shuruk c. Suisse [GC], no 41615/07, § 135, CEDH 2010, et X c. Lettonie [GC], n27853/09, § 96, CEDH 2013).

 

 


108.  Si l’article 8 de la Convention ne renferme aucune condition explicite de procédure, le processus décisionnel doit être équitable et propre à respecter comme il se doit les intérêts protégés par cette disposition. Les parents doivent être suffisamment associés au processus décisionnel, pris dans son ensemble, pour que l’on puisse considérer qu’ils ont bénéficié de la protection requise de leurs intérêts et qu’ils ont été pleinement en mesure de présenter leur cause. Les juridictions nationales doivent se livrer à un examen approfondi de l’ensemble de la situation familiale et de toute une série d’éléments, d’ordre factuel, affectif, psychologique, matériel et médical notamment, et procéder à une appréciation équilibrée et raisonnable des intérêts respectifs de chacun, avec le souci constant de déterminer quelle était la meilleure solution pour l’enfant, considération qui revêt une importance cruciale dans toute affaire. La marge d’appréciation laissée aux autorités nationales compétentes variera selon la nature des questions en litige et l’importance des intérêts en jeu (Petrov et X c. Russie, no 23608/16, §§ 98-102, 23 octobre 2018).

b)      Application en l’espèce des principes susmentionnés

i.        Sur la violation alléguée de l’article 8 dans le chef des deuxième et troisième requérants


109.  La question qui se pose en l’espèce est celle de savoir si, compte tenu de l’ample marge d’appréciation dont il disposait, l’État défendeur a ménagé un juste équilibre entre les différents intérêts en présence, étant entendu que l’intérêt supérieur de l’enfant doit primer. En particulier, la Cour rappelle que la marge d’appréciation varie en fonction de la nature des questions et de la gravité des intérêts en jeu, tels que, d’une part, l’importance de protéger un enfant dans une situation dont on estime qu’elle menace gravement sa santé ou son développement (Wunderlich c. Allemagne, no 18925/15, § 47, 10 janvier 2019) et, d’autre part, l’objectif de réunir la famille dès que les circonstances le permettent (K. et T. c. Finlande [GC], no 25702/94, § 155, CEDH 2001-VII, et Mohamed Hasan c. Norvège, no 27496/15, § 145, 26 avril 2018).


110.  Pour ce qui est de la protection de l’intégrité physique et morale d’un individu face à autrui, la Cour a déjà dit que les obligations positives qui pèsent sur les autorités - dans certains cas en vertu de l’article 2 ou de l’article 3 de la Convention, et dans d’autres cas en vertu de l’article 8, considéré seul ou combiné avec l’article 3 - peuvent comporter un devoir de mettre en place et d’appliquer en pratique un cadre juridique adapté offrant une protection contre les actes de violence pouvant être commis par des particuliers (Söderman c. Suède [GC], no 5786/08, 80, CEDH 2013).


111.  En ce qui concerne les enfants, qui sont particulièrement vulnérables, les dispositifs créés par l’État pour les protéger contre des actes de violence tombant sous le coup des articles 3 et 8 doivent être efficaces et inclure des mesures raisonnables visant à empêcher les mauvais traitements dont les autorités avaient ou auraient dû avoir connaissance ainsi qu’une prévention efficace mettant les enfants à l’abri de formes aussi graves d’atteinte à l’intégrité de la personne (Söderman, précité, § 81, et dans le contexte de la violence domestique voir Hajduová c. Slovaquie, no 2660/03, § 49, 30 novembre 2010). Pareilles mesures doivent viser à garantir le respect de la dignité humaine et la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant (C.A.S. et C.S. c. Roumanie, no 26692/05, § 82, 20 mars 2012).


112.  La Cour note que, nonobstant la décision du tribunal pour enfants autorisant des rencontres dans des conditions de stricte protection et en présence d’un psychologue, ces rencontres n’ont pas eu lieu selon les modalités indiquées par le tribunal. Lors d’une première période allant d’août 2015 à janvier 2016, les enfants ont dû rencontrer leur père dans des lieux inadaptés et hors la présence d’un psychologue.


113.  Les services sociaux ont indiqué dans leur rapport que les lieux choisis n’étaient pas adaptés et, en décembre 2015, l’assistante sociale qui suivait les enfants a demandé au tribunal d’intervenir d’urgence pour les protéger.


114.  La Cour note que le tribunal est resté en défaut pendant près de quatre mois de répondre avec diligence aux sollicitations des services sociaux et de la première requérante.


115.  La première requérante ayant pris le parti de ne pas conduire ses enfants aux rencontres prévues, le tribunal a décidé en mai 2016 de la considérer comme un parent hostile au rétablissement d’un rapport père-enfants et de suspendre son autorité parentale sans examiner ses arguments et sans avoir égard au contexte de violence domestique évoqué dans sa première décision.


116.  La Cour note que le tribunal n’a pas entendu l’assistante sociale qui avait signalé le danger auquel les enfants étaient exposés, qu’il n’a aucunement tenu compte des arguments de la première requérante et qu’il a au contraire ordonné la poursuite des rencontres. De plus, le psychologue n’a été désigné qu’en décembre 2015.


117.  La Cour observe que les rencontres se sont poursuivies pendant environ trois ans, et que même si elles se sont déroulées en présence d’un psychologue dans un second temps, le comportement méprisant de G.C., qui se montrait agressif envers les agents des services sociaux, a conduit ces derniers à demander au tribunal de les autoriser à déplacer les rencontres dans un endroit d’où il leur aurait été facile de s’échapper en cas de comportement violent.


118.  Il ressort des différents rapports des services sociaux que, dans un premier temps les rencontres ont été organisées et se sont déroulées dans des lieux inadaptés hors la présence d’un psychologue, et que, dans un deuxième temps, à partir de mars 2016, elles ont été marquées par une forte agressivité de G.C. et ont été maintenues même en 2018, époque à laquelle les enfants avaient été laissé seuls avec leur père, sans qu’aucune amélioration de la situation ne fût intervenue entre-temps et nonobstant les différents signalements adressés à l’autorité judiciaire au sujet de l’accroissement de l’agressivité de G.C.


119.  À cet égard, la Cour constate que le comportement agressif de G.C. avait été signalé en février 2017 (paragraphe 42 ci-dessus), en juin et juillet 2017 (paragraphes 44-45 ci-dessus), en janvier 2018 (paragraphe 47 ci‑dessus), en mars 2018 (paragraphe 52 ci-dessus) et que, en avril 2018, le tuteur des enfants avait informé le tribunal de la situation difficile dans laquelle ils se trouvaient, leur sécurité n’étant pas garantie.


120.  La Cour note que nonobstant tous ces signalements, le tribunal n’est intervenu pour suspendre les rencontres qu’en novembre 2018, soit un an et neuf mois après le premier signalement.


121.  La Cour constate que tout au long de cette période, les enfants ont été contraints de rencontrer leur père dans des conditions qui n’étaient pas rassurantes et ne garantissaient pas leur tranquillité et leur épanouissement, alors même que le tribunal avait été averti que G.C. ne suivait plus son programme de désintoxication et que la procédure pénale ouverte contre lui pour mauvais traitements était pendante. Le tribunal, qui avait aussi été informé que les enfants avaient besoin de suivre un parcours de soutien psychologique, ne semble pas avoir tenu compte de leur bien-être d’autant plus que ces rencontres les ont exposés à la fois à être témoins des violences commises à l’encontre de la première requérante (mutatis mutandis Eremia c. République de Moldova, no 3564/11, §§ 77-79, 28 mai 2013) et à celles qu’ils ont subies directement du fait de l’agressivité de leur père.


122.  La Cour ne comprend pas pourquoi le tribunal, auquel des signalements avaient été adressés dès 2015 et réitérés les années suivantes, a décidé de maintenir les rencontres alors que le bien-être et la sécurité des enfants n’étaient pas assurés. Le tribunal n’a à aucun moment évalué le risque auquel les enfants étaient exposés et n’a pas mis en balance les intérêts en présence. En particulier, la motivation de ses décisions ne fait pas apparaître que les considérations tenant à l’intérêt supérieur des enfants devaient l’emporter sur l’intérêt de G.C. à maintenir des contacts avec eux et à poursuivre les rencontres.


123.  La Cour est d’avis que les rencontres tenues depuis 2015, qui se sont d’abord déroulées dans des conditions non conformes à la décision du tribunal, puis selon des modalités qui ne garantissaient pas un environnement protecteur pour les enfants, ont perturbé l’équilibre psychologique et émotionnel de ces derniers comme signalé par les services sociaux lesquels avaient souligné à plusieurs reprises la nécessité d’un soutien psychologique pour les enfants.


124.  La Cour note également que la cour d’appel de Rome a constaté le 19 décembre 2019 que G.C. avait manqué à son devoir de garantir aux enfants un développement sain et serein par ses comportements agressifs, destructeurs et méprisants lors des rencontres (paragraphe 62 ci-dessus).


125.  Les considérations qui précèdent suffisent à la Cour pour conclure que les enfants ont été contraints depuis 2015 de rencontrer G.C. dans des conditions ne garantissant pas un environnement protecteur et que, nonobstant les efforts déployés par les autorités pour maintenir le lien entre eux et G.C., leur intérêt supérieur à ne pas être contraints à des rencontres se déroulant dans les conditions susmentionnées a été méconnu.


126.  Partant, il y a eu violation de l’article 8 de la Convention dans le chef des deuxième et troisième requérants.

ii.      Sur la violation alléguée de l’article 8 dans le chef de la première requérante


127.  En premier lieu, la Cour considère que la décision litigieuse constitue une ingérence dans l’exercice par la requérante de son droit au respect de la vie familiale tel que garanti par le paragraphe premier de l’article 8 de la Convention. En deuxième lieu, la Cour considère que la décision était prévue par la loi, à savoir les articles 330 et suivants du code civil, et qu’elles poursuivaient les buts légitimes de « protection de la santé » et « des droits et libertés » des enfants, ce qui n’est pas davantage contesté par les parties. Il lui revient, en troisième lieu, de contrôler si l’ingérence était « nécessaire dans une société démocratique ».


128.  La Cour doit rechercher, à la lumière de l’ensemble des circonstances de l’affaire, si les juridictions qui sont intervenues en l’espèce ont justifié par des motifs pertinents et suffisants la suspension pendant trois ans de l’autorité parentale de la première requérante en tenant compte de l’intérêt supérieur des enfants et en ménageant un juste équilibre entre les différents intérêts en présence.


129.  La Cour note qu’après avoir accompagné ses enfants pendant cinq mois à des rencontres qui se déroulaient sans les garanties prévues par la décision du tribunal, comme l’avait d’ailleurs signalé l’assistante sociale en sollicitant une intervention urgente du tribunal afin de protéger les enfants, la première requérante a décidé de ne plus les y conduire.


130.  Statuant cinq mois après les signalements des services sociaux et de la première requérante, le tribunal a jugé que celle-ci manifestait un comportement hostile aux rencontres et a décidé de suspendre son autorité parentale sans procéder à une mise en balance des différents intérêts en jeu, sans entendre l’assistante sociale qui avait suivi le déroulement des rencontres jusqu’en décembre 2015 et lui avait signalé les problèmes constatés par elle, et sans tenir compte des difficultés marquant le déroulement des rencontres, telles que l’absence d’un psychologue.


131.  La Cour note également qu’un mois plus tard, le tribunal civil de Tivoli saisi par la première requérante (paragraphe 36 ci-dessus) a décidé de lui confier la garde exclusive des enfants et a ordonné que les rencontres se déroulent selon les prescriptions du tribunal pour enfants.


132.  Il apparaît également que le 3 avril 2017, le tribunal civil de Tivoli a révoqué sa décision attribuant l’octroi de la garde exclusive à la première requérante. La Cour souligne toutefois que cette décision n’a pas été produite par les parties, mais a été citée par la cour d’appel dans sa décision de 2019.


133.  La Cour constate que la décision de suspension de l’autorité parentale rendue par le tribunal pour enfants de Rome a ensuite été confirmée par la cour d’appel et levée seulement en mai 2019, nonobstant la demande formulée par le procureur le 10 novembre 2018 et celle des services sociaux, adressée en avril 2019.


134.  Il n’apparaît pas que la suspension de l’autorité parentale ait provoqué un changement de domicile des enfants, qui sont restés chez la première requérante, comme on peut le déduire des décisions contradictoires rendues respectivement par tribunal civil de Tivoli et le tribunal pour enfants et la cour d’appel de Rome (paragraphes 34, 36 et 38 ci-dessus).


135.  Toutefois, la Cour constate que même si le domicile des enfants été fixé chez la première requérante, la suspension de l’autorité parentale entraîne, en droit italien, la privation du droit de prendre des décisions dans l’intérêt des enfants, de les représenter légalement et d’influer de la sorte sur leur développement personnel, même si le parent dont l’autorité parentale a été suspendue cohabite avec eux.


136.  La Cour estime que les décisions des juridictions internes suspendant l’autorité parentale de la première requérante n’ont pas tenu compte des difficultés ayant marqué le déroulement des rencontres et le manque de sécurité signalé à plusieurs reprises par les divers intervenants. La situation de violence vécue par la première requérante et ses enfants n’a nullement été prise en compte, pas davantage que la procédure pénale pendante contre G.C. pour mauvais traitements.


137.  La Cour note également que dans son rapport sur l’Italie, le GREVIO a souligné que la sécurité du parent non violent et des enfants devait être un facteur central pour décider de l’intérêt supérieur de l’enfant en matière de garde et de droit de visite. Le GREVIO a également observé que les juridictions internes ne tenaient pas compte de l’article 31 de la Convention d’Istanbul.


138.  La Cour partage les inquiétudes du GREVIO quant à l’existence d’une pratique, très répandue parmi les tribunaux civils, consistant à considérer les femmes qui invoquent des faits de violence domestique pour refuser de prendre part aux rencontres de leurs enfants avec leur ex-conjoint et s’opposer au partage de la garde avec lui ou à ce qu’il bénéficie d’un droit de visite comme des parents « non coopératifs » et donc des « mères inaptes » méritant une sanction.


139.  La Cour n’est pas convaincue que les autorités internes aient en l’espèce justifié par des motifs pertinents et suffisants la suspension pendant trois ans de l’autorité parentale de la première requérante. Les juridictions concernées n’ont pas examiné avec soin la situation de la première requérante. La Cour observe que le tribunal et la cour d’appel ont décidé de suspendre l’autorité parentale de l’intéressée en se fondant sur le comportement prétendument hostile de celle-ci aux rencontres et à l’exercice de la coparentalité par G.C., sans tenir compte de tous les éléments pertinents de l’affaire.


140.  À la lumière de ce qui précède, la Cour considère que le tribunal pour enfants et la cour d’appel n’ont pas fait état de motifs suffisants et pertinents pour justifier leur décision de suspendre l’autorité parentale de la première requérante pour la période comprise entre mai 2016 et mai 2019.


141.  Par conséquent, il y a eu violation de l’article 8 de la Convention dans le chef de la première requérante.

II.     SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION


142.  Aux termes de l’article 41 de la Convention :

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.    Dommage


143.  La première requérante demande 30 000 euros (EUR) au titre du dommage moral qu’elle estime avoir subi, et 100 000 EUR pour le dommage que ses enfants auraient subi.


144.  Le Gouvernement sollicite le rejet de ces prétentions.


145.  Tenant compte des circonstances de l’espèce, la Cour considère que les deuxième et troisième requérants ont subi un préjudice moral qui ne saurait être réparé par le seul constat de violation de l’article 8 de la Convention. En revanche, en ce qui concerne la première requérante, la Cour constate que ses enfants sont restés chez elle pendant toute la durée de la mesure de suspension de l’autorité parentale. Dans ces conditions, elle estime que le constat de violation suffit à compenser le préjudice moral subi par l’intéressée.


146.  Par conséquent, eu égard à l’ensemble des éléments dont elle dispose, et statuant en équité, comme le veut l’article 41 de la Convention, la Cour octroie conjointement aux deuxième et troisième requérants 7 000 EUR pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt.

B.    Frais et dépens


147.  Les requérants réclament 10 000 EUR au titre des frais et dépens engagés dans le cadre de la procédure menée devant les juridictions internes et 5 000 EUR au titre de ceux qu’ils ont engagés aux fins de la procédure menée devant la Cour.


148.  Le Gouvernement s’oppose à ces prétentions.


149.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, la Cour rejette la demande relative aux frais et dépens, les requérants n’ayant produit aucun justificatif à cet égard.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1.      Déclare la requête recevable ;

2.      Dit qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention ;

3.      Dit

a)     que l’État défendeur doit verser conjointement aux deuxième et troisième requérants, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention 7 000 EUR (sept mille euros) plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt, pour dommage moral ;

b)     que le constat de violation constitue en lui-même une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral subi par la première requérante ;

4.      Rejette le surplus de la demande de satisfaction équitable.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 10 novembre 2022, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

                       

            Liv Tigerstedt                                                    Marko Bošnjak
          Greffière adjointe                                                      Président

 


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