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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> ISKRA v. UKRAINE - 12489/17 (Judgment : Article 2 of Protocol No. 4 - Freedom of movement-{general} : Fifth Section Committee) French Text [2023] ECHR 512 (22 June 2023) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2023/512.html Cite as: CE:ECHR:2023:0622JUD001248917, ECLI:CE:ECHR:2023:0622JUD001248917, [2023] ECHR 512 |
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CINQUIÈME SECTION
AFFAIRE ISKRA c. UKRAINE
(Requête no no )
ARRÊT
STRASBOURG
22 juin 2023
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Iskra c. Ukraine,
La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en un comité composé de :
Stéphanie Mourou-Vikström, présidente,
Mattias Guyomar,
Kateřina Šimáčková, juges,
et de Martina Keller, greffière adjointe de section,
Vu la requête (no 12489/17) dirigée contre l’Ukraine et dont un ressortissant de cet État, M. Mykola Mykolayovych Iskra (« le requérant »), né en 1965 et résidant à Korosten, représenté par M. S.Y. Vengeruk, avocat à Jytomyr, a saisi la Cour le 7 février 2017 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),
Vu la décision de porter la requête à la connaissance du gouvernement ukrainien (« le Gouvernement »), représenté par son agent, M. I. Lishchyna,
Vu les observations des parties,
Vu la décision par laquelle la Cour a rejeté l’opposition du Gouvernement à l’examen de la requête par un comité,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 1er juin 2023,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
OBJET DE L’AFFAIRE
1. La présente requête porte sur une interdiction de quitter le territoire imposée au requérant au motif qu’il n’avait pas remboursé une dette constatée par une décision de justice. Le requérant invoque l’article 2 du Protocole n 4 à la Convention.
2. Le 25 octobre 2016, la cour d’appel de la région de Jytomyr accueillit la demande dont l’huissier L., du service des huissiers de l’État, l’avait saisie aux fins d’obtenir que le requérant fût frappé d’une interdiction de quitter le territoire jusqu’au paiement intégral d’une dette qui avait été constatée par une décision de justice.
3. Le 9 novembre 2016, les informations relatives à l’interdiction de quitter le territoire imposée au requérant furent saisies dans la base de données de la police des frontières.
4. Dans sa dernière communication, en date du 14 mars 2018, le requérant a indiqué que l’interdiction de quitter le territoire dont il faisait l’objet était toujours en vigueur.
APPRÉCIATION DE LA COUR
SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 2 DU PROTOCOLE No 4 à LA CONVENTION
5. Le requérant soutient que la restriction apportée à son droit de quitter le territoire ukrainien n’est ni justifiée ni nécessaire.
6. Le Gouvernement estime pour sa part que cette restriction est justifiée et fondée.
7. Constatant que le grief formulé par le requérant n’est pas manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour le déclare recevable.
8. Les principes pertinents en l’espèce sont résumés dans l’arrêt Stetsov c. Ukraine (no 5170/15, §§ 25-32, 11 mai 2021), qui porte sur une situation comparable.
9. Le requérant dans la présente affaire, comme celui dans l’affaire Stetsov précitée, a été soumis à des mesures qui n’étaient pas suffisamment justifiées et qui ne pouvaient être ni reconsidérées ni réexaminées avant la date à laquelle le remboursement des dettes aurait été intégralement effectué. La Cour conclut donc que les autorités ukrainiennes ont manqué à l’obligation qui leur incombait en vertu de l’article 2 du Protocole no 4 à la Convention de veiller à ce que toute atteinte portée au droit d’une personne de quitter son pays soit, dès le départ et pendant toute sa durée, justifiée et proportionnée au regard des circonstances de l’espèce.
Partant, il y a eu violation du droit du requérant à la liberté de circulation garanti par l’article 2 § 2 du Protocole no 4 à la Convention.
APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
10. Le requérant demande 10 000 euros (EUR) au titre du dommage moral qu’il estime avoir subi et 10 000 EUR au titre des frais et dépens qu’il dit avoir engagés dans le cadre de la procédure menée devant les juridictions internes et devant la Cour.
11. Le Gouvernement conteste cette demande, qu’il estime non étayée et excessive.
12. La Cour considère que le requérant a dû subir un dommage moral que le seul constat de violation de la Convention ne suffit pas à réparer. Statuant en équité, elle lui alloue 1 000 EUR pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt.
13. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. Compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour juge raisonnable d’allouer au requérant la somme de 2 000 EUR tous frais confondus.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 2 du Protocole n 4 à la Convention ;
3. Dit,
a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans un délai de trois mois, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur :
i. 1 000 EUR (mille euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt, pour dommage moral ;
ii. 2 000 EUR (deux mille euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme par le requérant à titre d’impôt, pour frais et dépens ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 22 juin 2023, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Martina Keller Stéphanie Mourou-Vikström
Greffière adjointe Présidente