BAYRAM AND ASTOIANI v. GREECE - 31030/19 (Article 3 - Prohibition of torture : Third Section Committee) French Text [2024] ECHR 427 (16 May 2024)

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European Court of Human Rights


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2024/427.html
Cite as: [2024] ECHR 427

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TROISIÈME SECTION

AFFAIRE BAYRAM ET ASTOIANI c. GRÈCE

(Requêtes nos 31030/19 et 61775/19)

 

 

 

 

 

 

ARRET
 

STRASBOURG

16 mai 2024

 

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.


En l'affaire Bayram et Astoiani c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant en un comité composé de:

 Peeter Roosma, président,
 Andreas Zünd,
 Oddný Mjöll Arnardóttir, juges,

et de Viktoriya Maradudina, greffière adjointe de section f.f.,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 18 avril 2024,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE


1.  À l'origine de l'affaire se trouvent des requêtes dirigées contre la Grèce et dont la Cour a été saisie en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») aux différentes dates indiquées dans le tableau joint en annexe.


2.  Les requérants ont été représentés par M. Th. Tsiatsios, avocat à Thessalonique.


3.  Les requêtes ont été communiquées au gouvernement grec (« le Gouvernement »).

EN FAIT


4.  La liste des requérants et les précisions pertinentes sur les requêtes figurent dans le tableau joint en annexe.


5.  Les requérants se plaignent de mauvaises conditions de détention dans les locaux de la police indiqués au tableau joint et tirent également d'autres griefs des dispositions de la Convention.

EN DROIT

  1. SUR LA JONCTION DES REQUÊTES


6.  Compte tenu de la similitude des requêtes, la Cour estime approprié de les examiner conjointement en un seul arrêt.

  1. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 3 DE LA CONVENTION


7.  Les requérants allèguent principalement avoir subi de mauvaises conditions de détention. Ils invoquent l'article 3 de la Convention.


8.  Le Gouvernement invite la Cour à rejeter les requêtes pour non-épuisement des voies de recours internes. En premier lieu, il soutient que les requérants ont omis d'introduire une action en dommages-intérêts sur le fondement de l'article 105 de la loi d'accompagnement du code civil combiné. En deuxième lieu, le Gouvernement soutient que les requérants bien qu'ayant déposé des objections, ils n'ont soulevé aucun grief relatif à leurs conditions de détention. En ce qui concerne la requête no 61775/19, il note que, même si le requérant a déposé des objections, il les a retirées par la suite et que, par conséquent, la procédure fut abandonnée.


9.  Les requérants dans les deux requêtes sont en désaccord avec les objections du Gouvernement.


10.  En ce qui concerne la première branche de l'exception, la Cour renvoie aux principes énoncés dans sa jurisprudence pertinente (De los Santos et de la Cruz c. Grèce, nos 2134/12 et 2161/12, §§ 28-37, 26 juin 2014, A.F. c. Grèce, no 53709/11, §§ 55-62, 13 juin 2013). Quant à la deuxième branche, la Cour note que les requérants ont soulevé le grief relatif à leurs conditions de détention devant le tribunal administratif. En outre, le requérant de la requête no 61775/19 a introduit des objections à nouveau soulevant le grief pertinent.


11.  Constatant que les requêtes ne sont pas manifestement mal fondées au sens de l'article 35 § 3 a) de la Convention et qu'elles ne se heurtent à aucun autre motif d'irrecevabilité, la Cour les déclare recevables.


12.  Les requérants allèguent principalement avoir subi de mauvaises conditions de détention. Le Gouvernement affirme que durant la courte durée de détention des requérants les conditions régnant dans les locaux de la police n'avaient pas atteint le seuil de gravité requis pour être qualifiées d'inhumaines ou de dégradantes.


13.  La Cour observe que les requérants ont été détenus dans des conditions médiocres. Des précisions à ce sujet sont fournies dans le tableau joint en annexe. La Cour renvoie aux principes énoncés dans sa jurisprudence relative aux mauvaises conditions de détention (voir, par exemple, Muršić c. Croatie [GC], no 7334/13, §§ 96-101, CEDH 2016, S.Z. c. Grèce, no 66702/13, §§ 40-41, 21 juin 2018, De los Santos et de la Cruz c. Grèce, nos 2134/12 et 2161/12, §§ 43-44, 26 juin 2014, Aslanis c. Grèce, no 36401/10, §§ 38-39, 17 octobre 2013, voir aussi à des fins illustratives, Tenko c. Grèce, [Comité], no 7811/15, §§ 27-29, 21 juillet 2016) où elle a conclu à la violation de l'article 3 au sujet de questions similaires à celles qui font l'objet de la présente affaire. Mises à part les déficiences particulières quant à la détention des intéressés dans chacune des affaires précitées, la Cour a fondé son constat de violation de l'article 3 de la Convention sur la nature même des commissariats de police, lesquels sont des lieux destinés à accueillir des personnes pour une courte durée. Ainsi, des durées de détention provisoire au sein des commissariats de police comprises entre un et trois mois ont été considérées comme contraires à l'article 3 de la Convention (S.Z., précité, § 40).


14.  La Cour relève que les requérants ont été détenus pendant plus d'un mois dans des locaux qui, par leur nature même, ne sont pas adaptés aux besoins d'une incarcération prolongée.


15.  Après examen de l'ensemble des éléments qui lui ont été soumis, la Cour ne décèle aucun fait ou argument propre à la convaincre de parvenir à une conclusion différente quant au bien-fondé du grief en question. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, elle estime qu'en l'espèce les conditions de détention des requérants étaient mauvaises.


16.  Il s'ensuit que ce grief révèle une violation de l'article 3 de la Convention.

  1. SUR LES AUTRES GRIEFS


17.  Les requérants ont également soulevé d'autres griefs sous l'angle de l'article 5 §§ 1 et 4 de la Convention.


18.  La Cour a examiné les requêtes et constate, au vu de l'ensemble des éléments en sa possession, et pour autant que les faits litigieux relèvent de sa compétence, que ces griefs soit ne remplissent pas les critères de recevabilité énoncés aux articles 34 et 35 de la Convention, soit ne révèlent aucune apparence de violation des droits et libertés consacrés par la Convention ou ses Protocoles.


19.  Il s'ensuit que cette partie des requêtes doit être rejetée en application de l'article 35 § 4 de la Convention.

  1. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION


20.  Eu égard aux documents en sa possession et à sa jurisprudence (Muršić, précité), la Cour estime raisonnable d'allouer les sommes indiquées dans le tableau joint en annexe.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,

  1. Décide de joindre les requêtes ;
  2. Déclare les requêtes recevables quant au grief concernant l'article 3 de la Convention, et irrecevables pour le surplus ;
  3. Dit qu'il y a eu violation de l'article 3 de la Convention ;
  4. Dit

a)    que l'État défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois, les sommes indiquées dans le tableau joint en annexe au taux applicable à la date du règlement ;

b)    qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 16 mai 2024, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Viktoriya Maradudina Peeter Roosma
Greffière adjointe f.f. Président


ANNEXE

Liste de requêtes concernant des griefs tirés de l'article 3 de la Convention

(mauvaises conditions de détention)

No.

Numéro et date d'introduction de la requête

Nom du requérant et année de naissance

Nom et ville du représentant

Établissement

Dates de début et de fin

Durée

Surface par détenu

Problèmes dénoncés

Montant alloué pour dommage moral par requérant

(en euros)[1]

Montant alloué pour frais et dépens par requête

(en euros)[2]

  1.    

31030/19

30/05/2019

Mehmet Sena BAYRAM

1965

 

Tsiatsios Theodoros

Thessalonique

Sous-direction des transferts de Thessalonique

13/12/2018 à

09/02/2019

1 mois et 28 jours

<3 m²

manque d'air frais, manque ou insuffisance d'activités de loisirs ou éducatives, manque ou insuffisance d'exercices physiques à l'air libre, nombre insuffisant de places pour dormir

1 400

250

  1.    

61775/19

21/11/2019

Mikheili ASTOIANI

1987

 

Tsiatsios Theodoros

Thessalonique

Sous-direction des transferts de Thessalonique

29/04/2019 à

24/06/2019

1 mois et 27 jours

< 3 m²

manque d'air frais, manque ou insuffisance d'activités de loisirs ou éducatives, manque ou insuffisance d'exercices physiques à l'air libre

1 400

250

 

 


[1] Plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt par la partie requérante.

[2] Plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt par la partie requérante.


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