CRACIUN AND OTHERS v. ROMANIA - 512/21 (Article 8 - Right to respect for private and family life : Fourth Section Committee) French Text [2024] ECHR 431 (16 May 2024)

BAILII [Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback]

European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> CRACIUN AND OTHERS v. ROMANIA - 512/21 (Article 8 - Right to respect for private and family life : Fourth Section Committee) French Text [2024] ECHR 431 (16 May 2024)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2024/431.html
Cite as: [2024] ECHR 431

[New search] [Contents list] [Help]


 

 

 

QUATRIÈME SECTION

 

AFFAIRE CRĂCIUN ET AUTRES c. ROUMANIE

(Requête no 512/21 et 4 autres requêtes -

voir liste en annexe)

 

 

 

 

 

 

ARRET

STRASBOURG

16 mai 2024

 

 

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.


En l'affaire Crăciun et autres c. Roumanie,

La Cour européenne des droits de l'homme (quatrième section), siégeant en un comité composé de :

 Branko Lubarda, président,
 Anne Louise Bormann,
 Sebastian Răduleţu, juges,

et de Viktoriya Maradudina, greffière adjointe de section f.f.,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 18 avril 2024,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE


1.  À l'origine de l'affaire se trouvent des requêtes dirigées contre la Roumanie et dont la Cour a été saisie en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») aux différentes dates indiquées dans le tableau joint en annexe.


2.  Les requêtes ont été communiquées au gouvernement roumain (« le Gouvernement »).

EN FAIT


3. La liste des requérants et les précisions pertinentes sur les requêtes figurent dans le tableau joint en annexe.


4.  Les requérants se trouvaient en détention lorsque sont survenus les décès des membres de leur famille proche (voir tableau joint en annexe). Ils demandèrent aux autorités pénitentiaires une autorisation de sortie de la prison afin d'assister aux funérailles. Il ressort des documents de l'Administration nationale des prisons que la « commission de récompenses » des prisons concernées a rejeté les demandes des requérants aux dates et pour les motifs indiqués dans le tableau joint en annexe.

EN DROIT

  1. SUR LA JONCTION DES REQUÊTES


5.  Compte tenu de la similitude des requêtes, la Cour estime approprié de les examiner conjointement en un seul arrêt.

  1. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 8 § 1 de la Convention


6.  Les requérants dénoncent le refus opposé aux détenus d'assister aux funérailles des membres de leur famille proche. Ils invoquent l'article 8 de la Convention.


7.  Dans l'arrêt de principe Kanalas c. Roumanie, no 20323/14, 6 décembre 2016, la Cour a conclu à la violation au sujet de questions similaires à celles qui font l'objet de la présente affaire.


8.  Après examen de l'ensemble des éléments qui lui ont été soumis, la Cour ne décèle aucun fait ou argument propre à la convaincre de parvenir à une conclusion différente quant au bien-fondé des griefs en question.


9.  En particulier, dans les requêtes nos 512/21, 57755/21, 59365/21 et 61086/21 le Gouvernement allègue que, la crise sanitaire provoquée par l'épidémie de Covid-19 justifiait le refus de sortie de la prison. Cependant, la Cour constate que dans les requêtes nos 512/21 et 59365/21, la crise sanitaire n'a pas été mentionnée parmi les motifs invoqués par la commission de récompenses pour justifier le rejet des demandes formulées par les requérants.


10.  Dans les requêtes nos 57755/21 et 61086/21 le Gouvernement invoque de manière générale la crise sanitaire sans étayer des circonstances concrètes qui auraient représenté un risque sanitaire pour le requérant ou pour des tiers. Par ailleurs, la Cour note qu'aux dates de rejet des demandes de sortie, l'état d'urgence à cause de la pandémie de COVID-19 avait été levé en Roumanie.


11.  Des lors, la Cour estime que le contexte de la crise sanitaire invoqué par le Gouvernement ne saurait constituer un facteur à prendre en compte dans l'examen de l'ingérence dans la vie familiale des requérants.


12.  Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour considère que les raisons invoquées par les autorités nationales pour refuser aux requérants l'autorisation de sortie afin d'assister aux funérailles des membres de la famille proche ne suffisent pas à démontrer que l'ingérence dénoncée était « nécessaire dans une société démocratique ».


13.  Il s'ensuit que ces griefs sont recevables et révèlent une violation de l'article 8 § 1 de la Convention.

  1. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION


14.  Eu égard aux documents en sa possession et à sa jurisprudence (Császy c. Hongrie, no 14447/11, 21 octobre 2014), la Cour estime raisonnable d'allouer les sommes indiquées dans le tableau joint en annexe.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,

  1. Décide de joindre les requêtes ;
  2. Déclare les requêtes recevables
  3. Dit que ces griefs révèlent une violation de l'article 8 § 1 de la Convention en raison de le refus au prisonnier d'assister aux funérailles de membres de famille proche ;
  4. Dit

a)    que l'État défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois, les sommes indiquées dans le tableau joint en annexe, à convertir dans la monnaie de l'État défendeur au taux applicable à la date du règlement ;

b)    qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 16 mai 2024, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

 

 Viktoriya Maradudina Branko Lubarda
Greffière adjointe f.f. Président

 

 


ANNEXE

 

Liste de requêtes concernant des griefs tirés de l'article 8 § 1 de la Convention

(refus au prisonnier d'assister aux funérailles de membres de famille proche)

 

No.

Numéro et date d'introduction de la requête

Nom du requérant et année de naissance

Nom et ville du représentant

Date du refus des autorités pénitentiaires d'autoriser la sortie et motifs invoqués, le cas échéant

Personne décédée

Procédure judiciaire, le cas échéant

Montant alloué pour dommage matériel et moral et frais et dépens par requérant

(en euros)[1]

  1.    

512/21

14/12/2020

Ion CRĂCIUN

1973

Irina Maria Peter

Bucarest

10/07/2020

- les conditions prévues pour obtenir une récompense n'étaient pas réunies

 

père

Par une décision du 28/09/2020, le juge de l'application des peines de la prison de Jilava rejeta la contestation du requérant.

3 000

  1.    

57755/21

17/12/2021

Gheorghe-Mihail DUDĂ

1988

 

 

04/09/2021

- les conditions prévues pour obtenir une récompense n'étaient pas réunies ;

- la crise sanitaire provoquée par Covid-19

grand-mère

 

3 000

  1.    

59365/21

04/12/2021

Sorin-Alexandru BĂLȚĂTESCU

1991

Dragoş Ciupercescu

Bucarest

19/07/2021

- les conditions prévues pour obtenir une récompense n'étaient pas réunies

père

Par une décision du 11/08/2021, le juge de l'application des peines de la prison de Rahova rejeta comme irrecevable la contestation du requérant du refus d'autorisation de sortie. Cette décision fut confirmée par un jugement définitif du 13/09/2021.

 

3 000

  1.    

61086/21

21/01/2022

Marius-Florin HOCA

1983

 

 

22/11/2021

- la crise sanitaire provoquée par Covid-19 ;

 

29/11/2021

- la crise sanitaire provoquée par Covid-19

père

 

 

 

mère

 

6 000

  1.    

17889/23

03/04/2023

Ovidiu RUSU

1979

 

 

18/01/2023

- les conditions prévues pour obtenir une récompense n'étaient pas réunies

père

 

 

3 000

 

 


[1] Plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt par la partie requérante.


BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2024/431.html