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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> W.S. v. GREECE - 65275/19 (Article 3 - Prohibition of torture : Fifth Section Committee) French Text [2024] ECHR 462 (23 May 2024) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2024/462.html Cite as: [2024] ECHR 462 |
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CINQUIÈME SECTION
AFFAIRE W.S. c. GRÈCE
(Requête no 65275/19)
ARRÊT
STRASBOURG
23 mai 2024
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire W.S. c. Grèce,
La Cour européenne des droits de l'homme (cinquième section), siégeant en un comité composé de :
Stéphanie Mourou-Vikström, présidente,
Lado Chanturia,
Mattias Guyomar, juges,
et de Sophie Piquet, greffière adjointe de section f.f.,
Vu :
la requête (no 65275/19) contre la République hellénique et dont un ressortissant afghan, M. W.S. (« le requérant »), né en 2003 et représenté par Me N. Georgiou, avocate à Athènes, a saisi la Cour le 27 décembre 2019 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),
la décision de porter la requête à la connaissance du gouvernement grec (« le Gouvernement »), représenté par ses agents, Me Ν. Marioli et Me S. Papaioannou, juristes auprès du Conseil juridique de l'État,
la décision de ne pas dévoiler l'identité du requérant (article 47 § 4 du règlement de la Cour (« le règlement »),
la décision de traiter en priorité la requête (article 41 du règlement de la Cour (« le règlement »),
la mesure provisoire indiquée au gouvernement défendeur en vertu de l'article 39 du règlement,
les observations des parties,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 18 avril 2024,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
OBJET DE L'AFFAIRE
1. La requête concerne principalement les conditions de vie en Grèce du requérant, mineur non accompagné et demandeur de protection internationale, ainsi que les conditions de son séjour dans des commissariats de police où il avait été placé sous le régime de la « garde protectrice ». Elle concerne également le traitement de la demande de regroupement familial du requérant par les autorités.
2. Le requérant soutient être arrivé en Grèce en octobre 2019. Il ressort des documents qu'il produit que le 15 octobre 2019, l'ONG « Forge for Humanity » informa par courrier électronique les autorités compétentes que le requérant était un mineur non accompagné qui souhaitait introduire une demande de protection internationale. Le 17 décembre 2019, le requérant déposa une demande de protection internationale auprès du Bureau régional d'asile du Pirée. Le même jour, le Service national de solidarité sociale fut également saisi afin de trouver un logement au requérant. Selon les documents versés au dossier, l'Equal Rights Beyond Borders envoya le même jour une lettre par courrier électronique au Bureau régional d'asile du Pirée, demandant l'attribution d'un logement au requérant (notant qu'il était sans abri) ainsi la nomination d'un tuteur légal. Ils les informèrent également que le requérant souhaitait bénéficier d'un regroupement familial avec son oncle au Royaume-Uni. Le 19 décembre 2019, sa demande de regroupement familial fut transmise à l'unité « Dublin » du Service d'asile.
3. Après avoir été saisie, la Cour, le 30 décembre 2019, a décidé, en vertu de l'article 39 de son Règlement, d'indiquer aux autorités grecques de transférer le requérant dans un logement offrant, eu égard à son statut particulier, des conditions d'accueil compatibles avec l'article 3 de la Convention.
4. Le 31 décembre 2019, le Procureur des mineurs contacta la représentante du requérant pour l'informer que celui-ci devait se présenter au commissariat de police le plus proche situé dans la zone où il se trouvait. Le 5 janvier 2020, le requérant se présenta au commissariat d'Omonia avant d'être transféré au commissariat de Kolonos, où il fut placé en garde à vue jusqu'au 22 janvier 2020. Au cours de cette période, le requérant fut diagnostiqué comme étant atteint de la gale et des médicaments lui furent prescrits.
5. Le 17 janvier 2020, alors que le requérant était encore en garde à vue, il adressa à la Cour une nouvelle demande provisoire en vertu de l'article 39 de son Règlement, soulignant, notamment, qu'il avait tenté de se suicider pendant sa détention. Le même jour, la Cour décida d'indiquer au gouvernement grec de prendre toute mesure de nature à garantir au requérant une assistance médicale et psychiatrique appropriée et de veiller à ce qu'il soit hébergé dans un environnement compatible avec son état de santé.
6. Il ressort des documents fournis par le Gouvernement que le 20 janvier 2020, le Procureur des mineurs examina la possibilité de transfert du requérant vers un hôpital. Toutefois, un tel transfert fut refusé en raison de la gale contagieuse dont souffrait le requérant. Le même jour, la représentante du requérant fut informée par les autorités d'un lieu de transit disponible pour le requérant. Il a toutefois été convenu entre eux que l'intéressé n'y serait pas transféré mais directement placé dans une structure d'hébergement.
7. Le 23 janvier 2020, le requérant fut transféré dans la structure d'hébergement « INOI ».
8. Quant à la demande de regroupement familial du requérant avec son oncle, le 3 mars 2020, l'unité « Dublin » du Service d'asile l'avait transmise, accompagnée de tous les documents nécessaires, au Royaume-Uni, conformément au règlement de Dublin. Au moment du dépôt des observations du Gouvernement, les autorités grecques avaient anticipé les deux cas de figure de la réponse attendue des autorités compétentes du Royaume-Uni, à savoir réponse favorable ou défavorable à ladite demande, afin de procéder en conséquence à l'examen de la demande de protection internationale du requérant.
9. Le requérant soutient que d'octobre 2019 au 23 janvier 2020, date à laquelle il a été transféré à la structure d'hébergement « INOI », il a été soumis à des conditions désespérantes, très stressantes et inadaptées à sa situation personnelle.
10. Il soutient en particulier que, depuis son arrivée en Grèce jusqu'au 5 janvier 2020, date à laquelle il a été placé en garde à vue au commissariat, il n'a pas eu accès à un logement sûr et convenable. Il fait valoir, à cet égard, qu'il a notamment été obligé de rester sans abri à Athènes et qu'il a été hébergé pendant près de deux mois dans un appartement appartenant à des compatriotes. Il affirme en outre qu'il ne pouvait pas subvenir à ses besoins essentiels puisqu'il ne disposait pas de nourriture, de vêtements, de médicaments, de sac de couchage, ni même de couvertures pour passer la nuit, et qu'il n'avait accès ni aux toilettes ni à la douche.
11. Le requérant précise avoir développé des troubles psychologiques et ressenti de la peur et de l'incertitude en raison des conditions de son accueil en Grèce.
12. Il fait par ailleurs observer que malgré son âge mineur, aucune mesure de tutelle n'a été prise dans son intérêt supérieur.
13. Enfin, il fait valoir que, compte tenu de son statut de mineur demandeur d'asile non accompagné, il relevait de la « catégorie des membres les plus vulnérables de la société », et que par conséquent le traitement que les autorités lui ont infligé, notamment le fait d'avoir vécu sans abri et sans tutelle, était inhumain et dégradant.
14. Concernant la période du 5 janvier au 22 janvier 2020, durant laquelle le requérant a été placé en garde à vue, il affirme avoir été soumis à des conditions dévastatrices pour lui. Il soutient en particulier, que pendant son séjour au commissariat de Kolonos, il a été isolé du monde extérieur, sans accès à une cour ou à une aire de loisirs, et a été contraint de rester pendant toute cette période à l'intérieur du commissariat, ce qui lui a provoqué un sentiment d'isolement et un stress extrême. Il note qu'il y avait un manque total d'interprètes, d'assistances psycho-sociale et médicale ainsi que juridique. Il affirme en outre qu'en raison des conditions dans lesquelles il a été placé en garde à vue au commissariat de Kolonos et de la détresse mentale qu'elles lui ont causée, il a tenté de se suicider. Cependant, le lendemain de cet incident, il s'est retrouvé menotté avec deux autres mineurs attendant d'être hospitalisés.
15. Le Gouvernement soutient que les autorités ont pris les mesures adéquates pour assurer au requérant des conditions de vie et une protection convenables.
16. Il fait notamment valoir que, pendant la période où le requérant était placé en garde à vue au commissariat de Kolonos, il a bénéficié d'un hébergement temporaire dans un environnement sûr, aménagé pour accueillir des mineurs non accompagnés. Il y a eu accès à des conditions sanitaires, à des soins médicaux et à une nourriture adéquats. Il avait en outre des contacts libres avec ses avocats et ses proches et pouvait y recevoir la visite d'ONG, de psychologues et d'autres organismes internationaux intéressés. Le requérant y a bénéficié de consultations médicales et d'un traitement spécial approprié à sa maladie infectieuse. A la suite de l'automutilation du requérant, il a immédiatement reçu les premiers soins.
APPRÉCIATION DE LA COUR
17. Le Gouvernement objecte que le requérant n'a pas la qualité de victime. Il soutient, en particulier, que dès que les autorités ont été informées de la situation du requérant, elles ont immédiatement réagi et un logement lui a été attribué dans les plus brefs délais. Il considère également que le fait que le requérant ait été placé en garde à vue fut pour lui une garantie de sécurité. Le Gouvernement excipe, en outre, du non-épuisement des voies de recours internes. Il soutient que le requérant aurait pu déposer une demande écrite au Procureur des mineurs en sa qualité de tuteur provisoire des mineurs. Le Gouvernement considère également que le grief du requérant est manifestement mal fondé. Il fait ainsi valoir que les autorités se sont immédiatement mobilisées pour le localiser, le protéger et lui trouver un logement, tout en soulignant qu'il a dû rester au commissariat jusqu'à ce qu'il soit guéri de la maladie infectieuse dont il souffrait.
18. Le requérant retorque qu'il a la qualité de victime compte tenu de ses conditions de vie dévastatrices depuis son arrivée en Grèce jusqu'à son placement en centre d'hébergement. En ce qui concerne l'exception du Gouvernement tirée du non-épuisement des voies des recours internes, le requérant réplique que le Procureur de mineurs était ou aurait dû être informé de sa situation au moment de l'enregistrement de sa demande de protection internationale et indique qu'un autre type de plainte écrite n'est pas prévu par la loi ni disponible de facto. Il note en outre que ses conditions de vie étaient déplorables compte tenu de la période pendant laquelle il est resté sans abri ainsi que pendant la durée de sa garde à vue, qui ne pouvait être justifiée par des raisons médicales.
19. De l'avis de la Cour, les exceptions du Gouvernement tirées du défaut de qualité de victime et du défaut manifeste de fondement du grief du requérant relèvent de l'examen au fond du grief formulé sous l'angle de l'article 3 de la Convention. Elle décide donc de joindre ces objections au fond.
20. Concernant le non-épuisement des voies des recours internes, la Cour relève que le Gouvernement n'a pas fourni d'exemples d'arrêts établissant que les personnes concernées auraient obtenu un redressement approprié pour l'éventuelle violation qu'elles auraient subie dans des situations similaires (voir A.D. c. Grèce [CTE], no 55363/19, 4 avril 2023, §§ 24-25).
21. Constatant que ce grief n'est pas manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre motif visé à l'article 35 de la Convention, la Cour le déclare recevable.
22. Le requérant soutient que l'article 3 de la Convention a été violé en raison de ses conditions de vie inadéquates du 15 octobre 2019 au 23 janvier 2020. Il se plaint notamment du manque de logement stable et de biens matériels de première nécessité, ainsi que de l'absence de mise en place par les autorités internes d'une tutelle permanente à son égard. Il dénonce également les conditions de sa détention lors de son placement en garde à vue par les autorités, qui lui ont causé une terrible détresse physique et mentale, dont témoigne sa tentative de suicide.
23. Le Gouvernement soutient que, malgré les difficultés extrêmes que causait le nombre croissant de mineurs non accompagnés entrant irrégulièrement dans le pays à l'époque des faits, les autorités se mobilisèrent immédiatement afin de placer le requérant dans un centre d'hébergement approprié. Il note en outre que le placement du requérant en garde à vue était la seule solution à sa disposition, dans ce contexte, permettant de lui assurer des conditions de vie appropriées et que celui-ci a duré le temps nécessaire jusqu'à la fin du traitement médical qu'il a dû suivre pour sa maladie infectieuse. Selon le Gouvernement, il n'y a pas eu violation de l'article 3 de la Convention.
24. La Cour rappelle tout d'abord qu'elle a déjà constaté que les États situés aux frontières extérieures de l'Union européenne rencontrent des difficultés considérables pour faire face à un flux croissant de migrants et de demandeurs d'asile. Toutefois, vu le caractère absolu de l'article 3, cela ne saurait exonérer un État de ses obligations au regard de cette disposition (M.S.S. c. Belgique et Grèce [GC], no 30696/09, § 223, CEDH 2011).
25. La Cour rappelle également qu'elle s'est déjà penchée sur les conditions d'existence en Grèce de demandeurs d'asile qui étaient livrés à eux-mêmes et avaient vécu pendant de longs mois dans une situation de dénuement extrême (M.S.S., précité, §§ 263-264, Rahimi c. Grèce, no 8687/08, §§ 92-94, 5 avril 2011 et Al. K. c. Grèce, no 63542/11, §§ 59 et 62, 11 décembre 2014).
26. La Cour réaffirme en outre qu'elle a déjà eu à connaître, à plusieurs reprises, des affaires relatives aux conditions de détention de mineurs non accompagnés demandeurs d'asile placés en « garde protectrice » dans des commissariats de police en Grèce (Sh.D. et autres c. Grèce, Autriche, Croatie, Hongrie, Macédoine du Nord, Serbie et Slovénie, no 14165/16, §§ 48-51, 13 juin 2019, H.A. et autres c. Grèce, no 19951/16, §§ 166-170, 28 février 2019).
27. La Cour relève que ces considérations sont pertinentes dans les circonstances de la présente espèce. Elle note, en particulier, que les autorités ont été informées de la situation particulière du requérant et notamment du fait qu'il était un mineur non-accompagné sans logement stable, sans accès aux produits de première nécessité et sans tuteur légal permanent à tout le moins depuis le 17 décembre 2019, date à laquelle il a déposé sa demande de protection internationale (voir paragraphe 2 ci-dessus). Cependant, ce n'est que le 23 janvier 2020 que le requérant a été placé dans une structure d'hébergement adaptée à sa situation personnelle (paragraphe 7 ci-dessus), soit un mois et sept jours au total après sa demande. Du 17 décembre 2019 au 4 janvier 2020, le requérant a été livré à lui-même, avant d'être placé, du 5 janvier 2020 au 22 janvier 2020, en « garde protectrice » au commissariat de police (paragraphe 4 ci-dessus).
28. La Cour rappelle qu'elle a conclu, dans des affaires soulevant des questions semblables à celles de la présente espèce, à la violation de l'article 3 de la Convention, en raison des conditions de vie inadéquates des mineurs non accompagnés livrés à eux-mêmes en Grèce, ainsi qu'en raison des conditions de leur détention lors de leur placement en « garde protectrice » aux commissariats de police (voir paragraphes 25 et 26 respectivement ci-dessus).
29. Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n'a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente en l'espèce de celle à laquelle elle est parvenue dans les affaires précitées.
30. Partant, la Cour rejette les exceptions du Gouvernement tirées du défaut de qualité de victime du requérant et du défaut manifeste de fondement du grief du requérant et conclut qu'en l'espèce il y a eu violation de l'article 3 de la Convention.
31. Le requérant soutient que le Gouvernement aurait manqué aux obligations qui découlent pour lui de l'article 34 de la Convention, en ne lui offrant pas des conditions d'accueil compatibles, eu égard à son statut particulier, avec l'article 3 de la Convention en méconnaissance des mesures indiquées au Gouvernement par la Cour sur le fondement de l'article 39 de son Règlement.
32. Le Gouvernement soutient que, dès la notification des mesures provisoires de la Cour, toutes les diligences requises ont été effectuées pour offrir au requérant des conditions d'accueil adéquates conformément aux exigences attachées au respect de l'article 34 de la Convention.
33. La Cour constate que cette partie de la requête n'est pas manifestement mal fondée au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs que celle-ci ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable.
34. La Cour rappelle qu'elle s'est déjà prononcée, au regard de l'article 34 de la Convention, sur les conséquences du fait pour un gouvernement défendeur de ne pas s'être conformé aux mesures que la Cour lui avait indiquées en vertu de l'article 39 de son règlement (Mamatkoulov et Askarov c. Turquie ([GC], nos 46827/99 et 46951/99, §§ 99-129, CEDH 2005-I).
35. En premier lieu, la Cour rappelle que le 30 décembre 2019, elle a décidé, en vertu de l'article 39 de son règlement, d'indiquer aux autorités grecques de transférer le requérant dans un logement offrant des conditions d'accueil compatibles, eu égard à son statut de mineur non accompagné demandeur d'asile et avec l'article 3 de la Convention (voir paragraphe 3 ci-dessus). Elle note que, dès le lendemain, le Procureur des mineurs a pris attache avec la représentante du requérant en lui demandant de se présenter, dans les meilleurs délais, au commissariat le plus proche. Celui-ci s'est présenté, le 5 janvier 2020, et, dès le jour-même, a été placé en « garde protectrice » au commissariat de police (voir paragraphe 4 ci-dessus). En second lieu, la Cour rappelle que le 17 janvier 2020, elle a décidé, en vertu de l'article 39 de son Règlement, d'indiquer au gouvernement grec une nouvelle mesure provisoire en lui demandant de garantir au requérant une assistance médicale et psychiatrique appropriée et de veiller à ce qu'il soit hébergé dans un environnement compatible avec son état de santé (voir paragraphe 5 ci-dessus). Dès le 20 janvier, le Procureur des mineurs s'est saisi de la situation du requérant, envisageant, dans un premier temps, un transfert à l'hôpital puis dans un lieu de transit avant de décider, le 23 janvier 2020, de le placer dans une structure d'hébergement adaptée à sa situation personnelle (voir paragraphe 7 ci-dessus).
36. Dans ces conditions, tout en relevant que les mesures ordonnées, sur le fondement de l'article 39 de son Règlement, n'ont pas immédiatement été mises en place, la Cour considère que, dans les circonstances de l'espèce et compte tenu des diligences effectuées par les autorités compétentes, la Grèce a respecté les obligations qui lui incombaient au regard de l'article 34 de la Convention.
37. Elle en déduit qu'il n'y a pas eu violation de cette disposition.
38. Invoquant l'article 8 de la Convention, le requérant se plaint du retard mis par les autorités dans le traitement de sa demande de protection internationale, ce qui, au moment de l'introduction de sa requête devant la Cour, risquait de porter atteinte à son droit au regroupement familial avec son oncle au Royaume-Uni.
39. La jurisprudence de la Cour relative aux exigences de forme pour le traitement des demandes de regroupement familial a été résumée dans l'affaire M.A. c. Danemark [GC], no 6697/18, §§ 137-139, 9 juillet 2021.
40. La Cour note que la demande de regroupement familial du requérant a été transmise à l'unité « Dublin » du Service d'asile le 19 décembre 2019, soit deux jours après l'enregistrement officiel de sa demande de protection internationale auprès des autorités (voir paragraphe 2 ci-dessus). La Cour observe que le 3 mars 2020, cette unité l'avait transmise, accompagnée de tous les documents nécessaires, au Royaume-Uni conformément au règlement de Dublin (voir paragraphe 8 ci-dessus).
41. De l'avis de la Cour, la procédure concernant la demande de regroupement familial du requérant a été effectivement examinée et menée par les autorités grecques (paragraphes 2 et 8 ci-dessus). La Cour considère ainsi que le risque exprimé par le requérant de se voir privé de son droit au regroupement familial en raison du retard mis par les autorités dans le traitement de sa demande de protection internationale n'est pas suffisamment étayé pour conclure à une violation de l'article 8 de la Convention. Il s'ensuit que le grief tiré de l'article 8 da Convention est, dans cette mesure, manifestement mal fondé et qu'il convient de le déclarer irrecevable en application l'article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
42. La Cour rappelle que, en vertu de l'article 28 § 2 de la Convention, le présent arrêt est définitif. La mesure provisoire indiquée auparavant dans le cadre de la requête introduite en l'espèce n'a donc plus lieu d'être.
IV. APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
43. Le requérant demande 10 000 EUR pour dommage moral. Il ne réclame pas de frais et dépens.
44. Le Gouvernement estime que la somme réclamée par le requérant est excessive et injustifiée et qu'un constat de violation constituerait une satisfaction équitable suffisante.
45. La Cour octroie au requérant la somme de 5 000 EUR pour tout dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt sur cette somme.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
a) que l'État défendeur doit verser au requérant, dans un délai de trois mois, la somme de 5 000 EUR (cinq mille euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d'impôt, pour dommage moral ;
b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ce montant sera à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 23 mai 2024, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Sophie Piquet Stéphanie Mourou-Vikström
Greffière adjointe f.f. Présidente