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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> T. Port v Commission (Agriculture) French text [2003] EUECJ C-213/01P (06 March 2003)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2003/C21301P.html
Cite as: [2003] EUECJ C-213/1P, [2003] EUECJ C-213/01P

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ARRÊT DE LA COUR

6 mars 2003(1)

«Pourvoi - Bananes - Importation des États ACP et des pays tiers - Calcul de la quantité de référence annuelle attribuée aux opérateurs - Importation effectuée conformément aux mesures provisoires décidées par une juridiction nationale dans le cadre d'une procédure de référé - Recours en indemnité»

Dans l'affaire C-213/01 P,

T. Port GmbH & Co. KG, établie à Hambourg (Allemagne), représentée par Me G. Meier, Rechtsanwalt,

partie requérante,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (cinquième chambre) du 20 mars 2001, T. Port/Commission (T-52/99, Rec. p. II-981), et tendant à l'annulation partielle de cet arrêt,

l'autre partie à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. K.-D. Borchardt et M. Niejahr, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR

composée de M. G. C. Rodríguez Iglesias, président, MM. J.-P. Puissochet, M. Wathelet, R. Schintgen (rapporteur) et C. W. A. Timmermans, présidents de chambre, MM. C. Gulmann, D. A. O. Edward, A. La Pergola, P. Jann et V. Skouris, Mmes F. Macken et N. Colneric, MM. S. von Bahr, J. N. Cunha Rodrigues et A. Rosas, juges,

avocat général: M. P. Léger,


greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 26 novembre 2002,

rend le présent

Arrêt

  1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 23 mai 2001, T. Port GmbH & Co. KG (ci-après «T. Port») a, en vertu de larticle 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre larrêt du Tribunal de première instance du 20 mars 2001, T. Port/Commission (T-52/99, Rec. p. II-981, ci-après l«arrêt attaqué»), tendant à lannulation partielle de cet arrêt.

    Le cadre juridique

  2. Dans larrêt attaqué, le Tribunal a exposé le cadre juridique comme suit:

    «1 Le règlement (CEE) n° 404/93 du Conseil, du 13 février 1993, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (JO L 47, p. 1), a mis en place, à partir du 1er juillet 1993, un système commun d'importation de bananes qui s'est substitué aux différents régimes nationaux. Une distinction a été opérée entre les bananes communautaires, récoltées dans la Communauté, les bananes pays tiers, en provenance de pays tiers autres que les États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), les bananes traditionnelles ACP et les bananes non traditionnelles ACP. Les bananes traditionnelles ACP et les bananes non traditionnelles ACP correspondaient aux quantités de bananes exportées par les pays ACP qui, respectivement, n'excédaient pas ou dépassaient les quantités exportées traditionnellement par chacun de ces États, telles que fixées en annexe au règlement n° 404/93.

    2 Pour assurer une commercialisation satisfaisante des bananes communautaires ainsi que des bananes originaires des États ACP et des autres pays tiers, le règlement n° 404/93 prévoyait l'ouverture d'un contingent tarifaire annuel de 2,2 millions de tonnes (poids net) pour les importations de bananes pays tiers et de bananes non traditionnelles ACP.

    3 L'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 404/93, ancienne version, opérait une répartition de ce contingent tarifaire, l'ouvrant à concurrence de 66,5 % à la catégorie des opérateurs qui avaient commercialisé des bananes pays tiers et/ou des bananes non traditionnelles ACP (catégorie A), 30 % à la catégorie des opérateurs qui avaient commercialisé des bananes communautaires et/ou des bananes traditionnelles ACP (catégorie B) et 3,5 % à la catégorie des opérateurs établis dans la Communauté qui avaient commencé à commercialiser des bananes autres que les bananes communautaires et/ou traditionnelles ACP à partir de 1992 (catégorie C).

    4 L'article 19, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 404/93, ancienne version, était libellé comme suit:

    Sur la base de calculs séparés pour chacune des catégories d'opérateurs visés au paragraphe 1 [...] chaque opérateur obtient des certificats d'importation en fonction des quantités moyennes de bananes qu'il a vendues dans les trois dernières années pour lesquelles des chiffres sont disponibles.

    5 Le règlement (CEE) n° 1442/93 de la Commission, du 10 juin 1993, portant modalités d'application du régime d'importation de bananes dans la Communauté (JO L 142, p. 6), définissait, notamment, les critères de détermination des types d'opérateurs des catégories A et B qui pouvaient présenter des demandes de certificats d'importation, selon l'activité que ces opérateurs avaient exercée au cours de la période de référence.

    6 Ce régime d'importation a fait l'objet d'une procédure de règlement des différends, dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), à la suite de plaintes déposées par certains pays tiers.

    7 Ladite procédure a donné lieu à des rapports du groupe spécial de l'OMC du 22 mai 1997 et à un rapport du 9 septembre 1997 de l'organe d'appel permanent de l'OMC qui a été adopté par l'organe de règlement des différends par décision du 25 septembre 1997. Par cette décision, l'organe de règlement des différends a déclaré incompatibles avec les règles de l'OMC plusieurs aspects du système communautaire d'importation de bananes.

    8 Afin de se conformer à cette décision, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 1637/98, du 20 juillet 1998, modifiant le règlement n° 404/93 (JO L 210, p. 28). Par la suite, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 2362/98, du 28 octobre 1998, portant modalités d'application du règlement n° 404/93 en ce qui concerne le régime d'importation de bananes dans la Communauté (JO L 293, p. 32).

    9 Dans le cadre du nouveau régime d'importation de bananes, la répartition du contingent entre trois catégories différentes d'opérateurs a été supprimée, le règlement n° 2362/98 prévoyant une simple répartition entre opérateurs traditionnels et opérateurs nouveaux, tels que définis par ce règlement. La subdivision des opérateurs des catégories A et B selon les types d'activités qu'ils exerçaient sur le marché a également été supprimée.

    10 Ainsi, l'article 4 du règlement n° 2362/98 est libellé comme suit:

    1. Chaque opérateur traditionnel, enregistré dans un État membre conformément à l'article 5, obtient, pour chaque année, pour l'ensemble des origines mentionnées à l'annexe I, une quantité de référence unique déterminée en fonction des quantités de bananes qu'il a effectivement importées pendant la période de référence.

    2. Pour des importations à réaliser en 1999, dans le cadre des contingents tarifaires et des bananes traditionnelles ACP, la période de référence est constituée par les années 1994, 1995 et 1996.

    11 L'article 5, paragraphes 2 à 4, du règlement n° 2362/98 dispose:

    2. En vue de l'établissement de sa quantité de référence, chaque opérateur communique à l'autorité compétente, chaque année avant le 1er juillet:

    a) le total des quantités de bananes des origines mentionnées à l'annexe I qu'il a importées effectivement pendant chacune des années de la période de référence;

    b) les pièces justificatives mentionnées au paragraphe 3.

    3. L'importation effective est attestée conjointement:

    a) par la production d'une copie des certificats d'importation utilisés, pour la mise en libre pratique des quantités indiquées par le titulaire du certificat [...] et

    b) par la preuve du paiement des droits de douane applicables le jour de l'accomplissement des formalités douanières d'importation, paiement opéré soit directement aux autorités compétentes, soit par l'intermédiaire d'un agent ou mandataire en douane.

    L'opérateur qui apporte la preuve qu'il a payé les droits de douane applicables lors de la mise en libre pratique d'une quantité donnée de bananes, directement aux autorités compétentes ou par l'intermédiaire d'un agent ou mandataire en douane sans être le titulaire ou le cessionnaire du certificat d'importation correspondant utilisé pour cette opération [...] est considéré avoir réalisé l'importation effective de cette quantité, s'il a été enregistré dans un État membre en application du règlement (CEE) n° 1442/93 et/ou s'il remplit les conditions posées par le présent règlement pour l'enregistrement comme opérateur traditionnel. Les agents ou mandataires en douane ne peuvent pas revendiquer l'application du présent alinéa.

    4. Pour les opérateurs établis en Autriche, en Finlande et en Suède, la preuve des quantités mises en libre pratique dans ces nouveaux États membres, en 1994 et jusqu'au troisième trimestre de l'année 1995, est apportée par la production des copies des documents douaniers appropriés ainsi que des autorisations d'importation délivrées par les autorités compétentes, dûment utilisés.

    12 L'article 6, paragraphe 3, du règlement n° 2362/98 dispose:

    Compte tenu des communications effectuées en application du paragraphe 2, et en fonction du volume global des contingents tarifaires et des bananes traditionnelles ACP visés à l'article 2, la Commission fixe, s'il y a lieu, un coefficient unique d'adaptation à appliquer à la quantité de référence provisoire de chaque opérateur.»

    Les faits du litige et la procédure devant le Tribunal

  3. Sagissant des faits, le Tribunal a constaté ce qui suit dans larrêt attaqué:

    «13 [T. Port] a pour activité l'importation de fruits et légumes. Jusqu'à l'entrée en vigueur du règlement n° 2362/98, elle relevait de la catégorie A. Au sens de ce règlement, elle est un opérateur traditionnel.

    14 Par décision des autorités nationales compétentes du 8 décembre 1998, la quantité de référence provisoire de la requérante pour l'année 1999 a été établie à 13 709 963 kg et cette quantité a été réduite de 824 833 kg par application du coefficient d'adaptation de 0,939837 fixé par la Commission en vertu de l'article 6, paragraphe 3, du règlement n° 2362/98. En outre, les autorités nationales ont déduit des quantités demandées par la requérante, d'une part, les quantités qui auraient été importées par celle-ci en 1994 en Autriche, en Finlande et en Suède, soit 898 692 kg, ainsi que, d'autre part, la quantité de bananes pays tiers, fixée à 9 838 861 kg, qu'elle avait été autorisée à importer par le Finanzgericht Hamburg.»

  4. Sagissant de cette dernière quantité (ci-après la «quantité fixée judiciairement»), il résulte du dossier que, par ordonnances de référé des 19 mai ainsi que 8, 21 et 28 juin 1995, le Finanzgericht Hamburg (Allemagne) a ordonné au Hauptzollamt Hamburg-Jonas dautoriser T. Port à mettre en libre pratique, moyennant le paiement des droits de douane de 75 écus par tonne applicables à l'époque à l'importation de bananes pays tiers dans le cadre du contingent tarifaire, un total de 9 860 571 kg de bananes, bien que cette société ne disposât pas des certificats d'importation requis à cet effet. Dans son ordonnance du 19 mai 1995, le Finanzgericht Hamburg a également décidé de saisir la Cour de quatre questions préjudicielles. Les trois premières questions portaient sur linterprétation de larticle 234 du traité CE (devenu, après modification, article 307 CE), sur la validité du règlement (CE) n° 478/95 de la Commission, du 1er mars 1995, portant modalités dapplication complémentaires du règlement n° 404/93 en ce qui concerne le régime de contingent tarifaire à limportation de bananes dans la Communauté et modifiant le règlement n° 1442/93 (JO L 49, p. 13), et sur leffet direct des articles Ier, II, III et XIII de laccord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (ci-après le «GATT de 1994»), qui figure à l'annexe 1A de l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce (ci-après l«accord OMC»), approuvé au nom de la Communauté européenne par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l'Uruguay (1986-1994) (JO L 336, p. 1). La quatrième question portait sur les conditions dans lesquelles une juridiction nationale peut accorder des mesures provisoires lorsquelle a des doutes sur lapplicabilité du droit communautaire dérivé sur lequel se fonde lappréciation juridique. Enregistrée sous le numéro C-182/95, laffaire introduite par cette demande de décision préjudicielle du Finanzgericht Hamburg a été suspendue dans un premier temps, puis radiée du registre de la Cour par ordonnance du président de la Cour du 12 mars 2001.

  5. Il résulte également du dossier que, le Bundesfinanzhof (Allemagne) ayant annulé lesdites ordonnances du Finanzgericht Hamburg par décision du 22 août 1995, le Hauptzollamt Hamburg-Jonas, par décisions des 29 août et 1er septembre 1995, a fixé le droit de douane dû par T. Port à 850 écus par tonne, ce qui correspondait au taux prévu à lépoque pour des importations effectuées en dehors du contingent tarifaire. À la demande de T. Port, le Finanzgericht Hamburg a, par ordonnances des 22 et 27 septembre 1995, décidé quil devait être provisoirement sursis à l'exécution de ces décisions du Hauptzollamt Hamburg-Jonas et que ce sursis à lexécution ne devait pas être subordonné à la constitution dune garantie. Par les mêmes ordonnances, il a saisi la Cour de trois questions préjudicielles identiques aux trois premières questions quil avait posées dans laffaire C-182/95. Cette demande de décision préjudicielle a donné lieu à larrêt du 10 mars 1998, T. Port (C-364/95 et C-365/95, Rec. p. I-1023).

  6. C'est dans ces circonstances que T. Port a introduit devant le Tribunal, par requête déposée le 19 février 1999, un recours en indemnité fondé sur les dispositions combinées des articles 178 et 215, deuxième alinéa, du traité CE (devenus articles 235 CE et 288, deuxième alinéa, CE) et tendant à faire condamner la Commission à réparer le préjudice que celle-ci lui aurait causé en amenant les autorités nationales à diminuer, d'une part, sa quantité de référence par l'application du coefficient d'adaptation et, d'autre part, les quantités qu'elle avait demandées à concurrence de celles importées en 1994 en Autriche, en Finlande et en Suède et de la quantité fixée judiciairement.

  7. À l'appui de son recours, T. Port a invoqué plusieurs moyens tirés de ce que la Commission, par son comportement, aurait violé, premièrement, le GATT de 1994 ainsi que l'accord sur les procédures de licences d'importation et l'accord général sur le commerce des services (GATS), qui figurent respectivement aux annexes 1A et 1B de l'accord OMC, deuxièmement, le principe d'égalité de traitement et, troisièmement, les principes de protection de la propriété, du respect de la confiance légitime ainsi que de proportionnalité.

  8. T. Port a plus particulièrement fait valoir que, notamment, la diminution des quantités qu'elle avait demandées à concurrence de la quantité fixée judiciairement était contraire au principe d'égalité de traitement. Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal a résumé l'argumentation développée par T. Port à cet égard comme suit:

    «71 [T. Port] expose que, par ordonnance de référé, le Finanzgericht Hamburg a ordonné que l'importation de la quantité fixée judiciairement soit acceptée sans certificat à condition que le droit de douane normal soit acquitté. La requérante aurait payé ce droit.

    72 Elle fait observer que sont considérés comme importateurs, en vertu de l'article 5, paragraphe 3, du règlement n° 2362/98, les opérateurs qui, sans être titulaires du certificat d'importation utilisé pour l'opération concernée, apportent la preuve qu'ils ont payé les droits de douane correspondants. La requérante estime avoir apporté cette preuve, bien qu'elle ne dispose pas de certificats d'importation, par l'ordonnance de référé du Finanzgericht Hamburg susmentionnée. Elle fait valoir que, en vertu du principe d'égalité de traitement, les importations réalisées sur le fondement d'une ordonnance de référé d'une juridiction nationale doivent ouvrir les mêmes droits que celles effectuées au moyen de certificats.»

  9. Il ressort de larrêt attaqué que la Commission a contesté cet argument de T. Port sur le fondement des considérations suivantes:

    «78 [La Commission] expose, à cet égard, que les quantités fixées judiciairement peuvent être attribuées comme quantités de référence, à condition que les droits d'importation aient été effectivement payés et que les importations aient été effectuées pendant la période de référence, à savoir, en l'espèce, de 1994 à 1996.

    79 La dette douanière de la requérante pour la quantité fixée judiciairement aurait, certes, été déterminée par une décision de l'autorité nationale compétente, mais le Finanzgericht Hamburg aurait ordonné un sursis au paiement de cette dette sans prévoir la constitution de garantie. Dès lors, il ne pourrait pas être considéré que la dette douanière a été acquittée.

    80 En outre, la Commission précise que la quantité de bananes litigieuse a été importée par la requérante sans certificat et, partant, en dehors du contingent tarifaire, ce qui implique que le taux plein du tarif douanier commun leur est applicable. Or, aussi longtemps que ce droit de douane n'a pas effectivement été acquitté, il ne serait pas possible de tenir compte de cette quantité de bananes dans le calcul de la quantité de référence.»

    Larrêt attaqué

  10. Dans larrêt attaqué, le Tribunal a commencé par rejeter un moyen d'irrecevabilité soulevé par la Commission ainsi que le moyen tiré par T. Port de la prétendue violation du GATT de 1994 et des autres accords visés au point 7 du présent arrêt. Sagissant du moyen tiré de la violation du principe d'égalité de traitement, le Tribunal, après avoir rejeté certains arguments, a écarté dans les termes suivants, au point 88 de l'arrêt attaqué, largumentation relative à la réduction des quantités demandées à concurrence de la quantité fixée judiciairement:

    «Enfin, concernant l'argument de la requérante selon lequel elle pourrait se prévaloir d'une quantité de bananes fixée par une ordonnance de référé du Finanzgericht Hamburg, il suffit de relever que la Commission est en droit d'exiger que les importations susceptibles d'être prises en compte, en tant que quantités de référence, soient réellement effectuées. Or, la quantité invoquée par la requérante a été importée en dehors du contingent tarifaire et a donc été soumise au taux plein du tarif douanier commun. Le paiement des droits de douane correspondants a ensuite été suspendu par l'ordonnance de référé du Finanzgericht Hamburg. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à exiger que cette quantité soit prise en compte dans la détermination de sa quantité de référence. En effet, il incombe à la requérante d'établir que les droits de douane en cause ont effectivement été acquittés, ce qu'elle n'a pas fait. À cet égard, il convient d'ajouter que la Commission a affirmé, lors de l'audience, sans être contredite sur ce point, qu'elle a informé les autorités allemandes compétentes qu'il sera nécessaire de prendre en compte cette quantité, si les droits susvisés sont payés.»

  11. Après avoir également rejeté le moyen tiré de la violation des principes de protection de la propriété, du respect de la confiance légitime ainsi que de proportionnalité, le Tribunal a conclu, au point 106 de l'arrêt attaqué, que T. Port n'avait pas établi un comportement illégal susceptible d'engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté et que, partant, son recours devait être rejeté. En conséquence, il a condamné T. Port à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.

    Le pourvoi

  12. T. Port demande à la Cour dannuler l'arrêt attaqué en ce quil rejette le moyen tiré de ce que la Commission n'a pas dûment tenu compte de la quantité fixée judiciairement lors du calcul de la quantité de référence de cette société pour les années 1997 à 1999 et en ce quil condamne celle-ci à supporter l'ensemble des dépens.

  13. La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi comme étant manifestement non fondé et de condamner T. Port à l'ensemble des dépens des deux instances.

    Arguments des parties

  14. T. Port fait valoir, dune part, que, en exigeant le paiement du droit de douane au taux plein de 850 écus par tonne, applicable aux importations effectuées en dehors du contingent tarifaire, pour que la quantité fixée judiciairement soit prise en compte aux fins du calcul de la quantité de référence, le Tribunal a méconnu la portée de l'article 5, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 2362/98. Selon ces dispositions, la quantité de référence devrait être établie sur la base de toutes les importations pour lesquelles la preuve est apportée que les «droits de douane applicables le jour de l'accomplissement des formalités douanières d'importation» ont été payés. Or, en l'espèce, le droit de douane applicable le jour de l'importation aurait été le droit contingentaire de 75 écus par tonne, car le Finanzgericht Hamburg aurait décidé, dans ses ordonnances de référé, que l'importation de la quantité fixée judiciairement pouvait avoir lieu, même sans certificats d'importation, moyennant le paiement dudit droit. Le fait que le Bundesfinanzhof a annulé ultérieurement ces ordonnances et la circonstance que, par la suite, le Hauptzollamt Hamburg-Jonas a modifié sa décision et fixé le droit de douane dû par T. Port au taux plein applicable aux importations effectuées en dehors du contingent tarifaire n'auraient aucune incidence à cet égard.

  15. T. Port soutient, dautre part, que limportation de la quantité fixée judiciairement doit être considérée comme ayant été effectuée dans le cadre du contingent tarifaire même si, après limportation et le paiement des droits de douane, le motif retenu par le Finanzgericht Hamburg pour accorder les mesures provisoires sollicitées sest avéré non fondé. T. Port fait valoir à cet égard que, dans ses ordonnances de référé, le Finanzgericht Hamburg a respecté les limites que la jurisprudence de la Cour impose aux juridictions nationales dans l'octroi de mesures provisoires et a saisi la Cour de questions préjudicielles pertinentes au regard du droit communautaire. Elle considère que la protection juridique provisoire que les juridictions nationales sont autorisées à accorder aux particuliers serait réduite à néant si ceux-ci ne pouvaient tabler en confiance sur le fait que les opérations dimportation et le paiement des droits de douane déterminés par lautorité douanière ont créé un cadre factuel définitif.

  16. La Commission fait valoir qu'un tribunal national doit, même dans une procédure de référé, tenir compte des règles incontestables du droit communautaire et qu'il ne peut leur substituer des règles particulières et provisoires. Or, en décidant que, provisoirement, des bananes importées en dehors du contingent tarifaire étaient soumises au seul droit de douane contingentaire, le Finanzgericht Hamburg aurait méconnu les dispositions parfaitement claires de l'article 5, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 2362/98, qui exigeraient, pour l'application dudit droit contingentaire, la production des certificats d'importation correspondants.

  17. La Commission considère que l'argument de T. Port selon lequel les faits survenus après le jour de l'importation ne sont pas pertinents pour déterminer le taux du droit de douane applicable, à supposer qu'il soit fondé, aurait pour conséquence que toute ordonnance de référé, même illégale, rendue par un juge national permettrait de contourner le droit communautaire. T. Port ne pourrait pas invoquer en lespèce la jurisprudence de la Cour autorisant les tribunaux nationaux à accorder des mesures provisoires en cas de doute sur la validité du droit communautaire servant de fondement à un acte juridique national, étant donné que les ordonnances de référé du Finanzgericht Hamburg ne rempliraient pas les conditions préalables fixées par cette jurisprudence.

    Appréciation de la Cour

  18. Pour apprécier le bien-fondé de largumentation de T. Port, il suffit de constater quil résulte des points 4 et 5 du présent arrêt que limportation de la quantité fixée judiciairement moyennant le paiement des droits de douane de 75 écus par tonne, applicables à lépoque à limportation de bananes pays tiers dans le cadre du contingent tarifaire, na été autorisée quà titre provisoire par les ordonnances de référé du Finanzgericht Hamburg, fondées sur les doutes que cette juridiction éprouvait quant à la validité de la réglementation communautaire pertinente eu égard notamment aux dispositions du GATT de 1994.

  19. Or, des mesures provisoires ordonnées dans le cadre de procédures de référé ne sont accordées que dans lattente de la décision définitive à intervenir au principal, sans préjuger celle-ci. En outre, des mesures provisoires peuvent elles-mêmes faire lobjet de contestations et être annulées ou modifiées dans lattente de cette décision, comme ce fut dailleurs le cas en lespèce au principal, les ordonnances du Finanzgericht Hamburg autorisant la mise en libre pratique, moyennant le paiement des droits de douane de 75 écus par tonne, de la quantité fixée judiciairement ayant été annulées par le Bundesfinanzhof.

  20. Il découle de ce qui précède que, contrairement à ce quaffirme T. Port, des droits de douane fixés provisoirement dans le cadre de procédures de référé ne sont pas nécessairement les droits de douane qui sont applicables le jour de laccomplissement des formalités douanières dimportation et dont les opérateurs doivent, conformément à larticle 5, paragraphe 3, premier alinéa, sous b), du règlement n° 2362/98, prouver le paiement afin dattester limportation effective des quantités de bananes quils souhaitent voir incluses dans le calcul de la quantité de référence prévue à larticle 4 du même règlement.

  21. Il sensuit également que la protection juridique provisoire que les juridictions nationales sont autorisées à accorder aux particuliers conformément à la jurisprudence de la Cour ne saurait avoir pour effet de créer un cadre factuel définitif qui ne serait plus susceptible dêtre remis en cause ultérieurement.

  22. Dans ces conditions, force est de conclure que largumentation de T. Port nest pas fondée et que son pourvoi doit être rejeté.

    Sur les dépens

  23. 23. Aux termes de larticle 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de larticle 118 de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, sil est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de T. Port et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

    Par ces motifs,

    LA COUR

    déclare et arrête:

    1) Le pourvoi est rejeté.

    2) T. Port GmbH & Co. KG est condamnée aux dépens.

    Rodríguez Iglesias
    Puissochet

    Wathelet

    Schintgen

    Timmermans

    Gulmann

    Edward

    La Pergola

    Jann

    Skouris

    Macken

    Colneric

    von Bahr

    Cunha Rodrigues

    Rosas

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 06/03/03.

    Le greffier Le président

    R. Grass G. C. Rodríguez Iglesias


    1: Langue de procédure: l'allemand


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