Steinbeck v OHMI - Alfred Sternjakob (BE HAPPY) (Judgment) French Text [2015] EUECJ T-707/13 (30 April 2015)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2015/T70713.html
Cite as: ECLI:EU:T:2015:252, EU:T:2015:252, [2015] EUECJ T-707/13

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

30 avril 2015 (*)

« Marque communautaire – Procédure de nullité – Marques communautaires verbales BE HAPPY– Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 52, paragraphe 1, sous a), et article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) nº 207/2009 »

Dans les affaires jointes T‑707/13 et T‑709/13,

Steinbeck GmbH, établie à Fulda (Allemagne), représentée par Mes M. Heinrich et M. Fischer, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Schifko, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Alfred Sternjakob GmbH & Co. KG, établie à Frankenthal (Allemagne), représentée par MS. Henn et S. Tepel, avocats,

ayant pour objet deux recours formés contre les décisions de la première chambre de recours de l’OHMI du 17 octobre 2013 (affaires R 31/2013-1 et R 32/2013-1), relatives à deux procédures de nullité entre Alfred Sternjakob GmbH & Co. KG et Steinbeck GmbH,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. A. Dittrich, président, J. Schwarcz et Mme V. Tomljenović (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu les requêtes déposées au greffe du Tribunal le 27 décembre 2013,

vu les mémoires en réponse de l’OHMI déposés au greffe du Tribunal le 17 avril 2014,

vu les mémoires en réponse de l’intervenante déposés au greffe du Tribunal le 17 avril 2014,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 24 août 2006, Creativ Entwicklungs GmbH, devenue Steinbeck GmbH, la requérante, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal BE HAPPY.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 16, 21, 28 et 30, au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 16 : « Papier, carton, articles pour reliures » ;

–        classe 21 : « Verres et récipients pour le ménage et la cuisine (ni en métaux précieux, ni en plaqué) ; verrerie, porcelaine et faïence (comprises dans la classe 21) » ;

–        classe 28 : « Jeux ; jouets » ;

–        classe 30 : « Confiserie ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 21/2007, du 28 mai 2007, et le signe verbal BE HAPPY a été enregistré en tant que marque communautaire le 25 octobre 2007, sous le numéro 5310057, pour l’ensemble des produits mentionnés au point 3.

5        Le 5 novembre 2009, la requérante a présenté une seconde demande d’enregistrement de marque communautaire à l’OHMI pour le signe verbal BE HAPPY, en vertu du règlement n° 207/2009.

6        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 11 et 18, au sens de l’arrangement de Nice et correspondent pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; ordinateurs, logiciels ; lunettes, étuis à lunettes » ;

–        classe 11 : « Appareils de cuisson électriques, machines à café (électriques) » ;

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; malles et valises ; sacs, sacs de voyage, sacs à main, porte-monnaie, sacs à dos ; parapluies et parasols ».

7        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 4/2010, du 11 janvier 2010, et le signe verbal BE HAPPY a été enregistré en tant que marque communautaire le 30 avril 2010, sous le numéro 8666083, pour l’ensemble des produits mentionnés au point 6 ci-dessus.

8        Le 30 janvier 2012, Alfred Sternjakob GmbH & Co. KG, l’intervenante, a introduit une demande en nullité des deux marques BE HAPPY (ci-après les « marques contestées »), conformément à l’article 52, paragraphe 1, sous a), et à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement nº 207/2009, pour l’ensemble des produits pour lesquels elles avaient été enregistrées.

9        Par deux décisions du 30 octobre 2012, la division d’annulation a annulé les marques contestées au motif qu’elles ne présentaient pas de caractère distinctif.

10      Le 28 décembre 2012, la requérante a formé deux recours contre les décisions de la division d’annulation auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement nº 207/2009.

11      Le 17 octobre 2013, la chambre de recours a rendu deux décisions, la première dans l’affaire portant la référence R 31/2013-1 (affaire T-707/13, ci-après, la « première décision ») et la seconde dans l’affaire portant la référence R 32/2013-1 (affaire T-709/13, ci-après, la « seconde décision »). Par ces deux décisions (ci-après les « décisions attaquées »), la chambre de recours a rejeté les recours, considérant notamment que les marques contestées étaient dépourvues de caractère distinctif. En premier lieu, s’agissant du public pertinent, elle a estimé, d’abord, que les produits visés par les marques contestées s’adressaient au consommateur final normalement attentif. Ensuite, elle a considéré que les marques contestées étant composées de mots de la langue anglaise, leur caractère distinctif devait être évalué par rapport aux consommateurs anglophones. Toutefois, elle a précisé que lesdits mots étaient également susceptibles d’être compris dans les régions germanophones du fait de leur utilisation dans certaines expressions ou dans certaines chansons. En deuxième lieu, la chambre de recours a observé que la structure des marques contestées ne contenait pas d’erreurs grammaticales, ni une syntaxe inhabituelle et qu’elles seraient donc comprises comme signifiant « sois heureux ». En troisième lieu, elle a considéré que, les marques contestées ne possédant ni une originalité, ni une prégnance, ni une structure formellement inhabituelle qui permettrait de contribuer à leur caractère distinctif, elles seraient perçues comme un message publicitaire visant les émotions positives des consommateurs et incitant à l’achat des produits visés par celles-ci. Ainsi, elle a estimé que les marques contestées constituaient une invitation positive applicable à tous les fournisseurs et à chaque situation d’achat. En quatrième lieu, la chambre de recours a considéré que, dans la mesure où les marques contestées évoquaient un sentiment de bonheur du fait de l’utilisation des produits en cause ou de leur achat, le consommateur pourrait créer un lien direct entre elles et lesdits produits. Elle a donc conclu que les marques contestées n’étaient pas aptes à individualiser les fournisseurs des produits en cause.

 Conclusions des parties

12      Par ordonnance du président de la cinquième chambre du Tribunal du 3 février 2015, les affaires T‑707/13 à T‑709/13 ont été jointes aux fins de l’arrêt, conformément à l’article 50 du règlement de procédure du Tribunal.

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        condamner l’OHMI aux dépens, y compris ceux exposés au cours des procédures de recours.

14      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      La requérante soulève un moyen unique à l’appui des recours, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 207/2009, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement. Dans ce cadre, elle reproche en substance à la chambre de recours d’avoir à tort considéré que les marques contestées étaient dépourvues de caractère distinctif.

16      L’OHMI et l’intervenante contestent l’ensemble des arguments de la requérante.

17      Aux termes de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 207/2009, la nullité d’une marque communautaire est déclarée, sur demande présentée auprès de l’OHMI, lorsque la marque communautaire a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 du même règlement.

18      Conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. Selon le paragraphe 2, dudit article, ce motif de refus est applicable même s’il n’existe que dans une partie de l’Union.

19      Selon une jurisprudence constante, les marques visées par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009, sont celles qui sont réputées incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service en cause afin de permettre au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [arrêts du 3 juillet 2003, Best Buy Concepts/OHMI (BEST BUY), T‑122/01, Rec, EU:T:2003:183, point 20 ; du 21 janvier 2011, BSH/OHMI (executive edition), T‑310/08, EU:T:2011:16, point 23, et du 23 janvier 2014, Novartis/OHMI (CARE TO CARE), T‑68/13, EU:T:2014:29, point 12].

20      Il résulte d’une jurisprudence bien établie que le caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, Rec, EU:C:2010:29, point 34 et jurisprudence citée).

21      Il ressort de la jurisprudence qu’un minimum de caractère distinctif suffit à faire obstacle à l’application du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009 [arrêts du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, Rec, EU:T:2002:41, point 39, et CARE TO CARE, point 19 supra, EU:T:2014:29, point 13].

22      S’agissant de marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par ces marques, il résulte de la jurisprudence que leur enregistrement n’est pas exclu en raison d’une telle utilisation [voir arrêts Audi/OHMI, point 20 supra, EU:C:2010:29, point 35 et jurisprudence citée, et du 11 décembre 2012, Fomanu/OHMI (Qualität hat Zukunft), T‑22/12, EU:T:2012:663, point 15 et jurisprudence citée]. De même, une marque enregistrée ne saurait être annulée en raison de ce type d’utilisation. Ainsi, la Cour a jugé qu’une marque pouvait concomitamment être perçue par le public concerné comme une formule promotionnelle et une indication de l’origine commerciale des produits ou des services qu’elle désignait (arrêts Audi/OHMI, point 20 supra, EU:C:2010:29, point 45, et Qualität hat Zukunft, précité, EU:T:2012:663, point 20).

23      Quant à l’appréciation du caractère distinctif de telles marques, conformément à la jurisprudence, il n’y a pas lieu d’appliquer à celles-ci des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres signes. Il ressort cependant de la jurisprudence que, si les critères relatifs à l’appréciation du caractère distinctif sont les mêmes pour les différentes catégories de marques, la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même pour chacune de ces catégories et, dès lors, il pourrait s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif des marques de certaines catégories que de celles d’autres catégories. Toutefois, ces difficultés ne justifient pas de fixer des critères spécifiques suppléant ou dérogeant au critère du caractère distinctif tel qu’interprété dans la jurisprudence mentionnée aux points 20 et 21 ci-dessus (voir arrêt Audi/OHMI, point 20 supra, EU:C:2010:29, points 36 à 38 et jurisprudence citée ; arrêt Qualität hat Zukunft, point 22 supra, EU:T:2012:663, points 16 à 19).

24      Il résulte également de la jurisprudence que toutes les marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services désignés par ces marques véhiculent par définition, dans une mesure plus ou moins grande, un message objectif, même simple, et sont néanmoins aptes à indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits ou des services en cause. Tel peut notamment être le cas lorsque ces marques ne se réduisent pas à un message publicitaire ordinaire, mais possèdent une certaine originalité ou prégnance, nécessitent un minimum d’effort d’interprétation ou déclenchent un processus cognitif auprès du public concerné [arrêt Audi/OHMI, point 20 supra, EU:C:2010:29, points 56 et 57 ; voir également, en ce sens, arrêt du 6 juin 2013, Interroll/OHMI (Inspired by efficiency), T‑126/12, EU:T:2013:303, point 23].

25      En outre, selon la jurisprudence, la seule absence d’information, dans le contenu sémantique du signe verbal demandé, relative à la nature des produits visés, ne saurait être suffisante pour conférer un caractère distinctif à ce signe [arrêts du 30 juin 2004, Norma Lebensmittelfilialbetrieb/OHMI (Mehr für Ihr Geld), T‑281/02, Rec, EU:T:2004:198, point 31, et du 23 septembre 2009, France Télécom/OHMI (UNIQUE), T‑396/07, EU:T:2009:353, point 17].

26      C’est à la lumière de ces principes communs au motif absolu de refus de l’enregistrement, tel que prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009, et à la cause de nullité absolue, telle que prévue à l’article 52, paragraphe 1, sous a), du même règlement, qui renvoie à l’article 7 de celui-ci, qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante selon lesquels, contrairement à ce qui a été retenu dans les décisions attaquées, les marques contestées présentent un caractère distinctif.

27      S’agissant, en premier lieu, de la détermination du public pertinent, ainsi que de la perception des marques contestées par celui-ci, d’une part, la chambre de recours a considéré, dans les décisions attaquées, que les produits en cause s’adressaient au consommateur final, normalement attentif (point 16 de la première décision et point 15 de la seconde décision). D’autre part, elle a également observé dans les décisions attaquées que, les marques contestées étant composées des termes anglais « be » et « happy », le public au regard duquel il convenait d’examiner le caractère distinctif desdites marques était, en principe, le public anglophone (point 17 de la première décision et point 16 de la seconde décision). Cependant, elle a précisé que lesdits mots étaient également compréhensibles par les consommateurs des régions germanophones, du fait de l’existence et de l’utilisation du terme « happy » dans le langage courant allemand (point 19 de la première décision et point 18 de la seconde décision).

28      Les parties ne contestent pas ces appréciations de la chambre de recours, qu’il convient d’entériner. En effet, le terme « be », signifiant « sois », voire « être » lorsqu’il correspond au verbe anglais à l’infinitif « to be », étant un terme anglais de base, et le terme « happy », signifiant « heureux », étant un terme qui existe et qui s’utilise dans le langage courant allemand, la chambre de recours a considéré à juste titre que c’est au regard des consommateurs anglophones et germanophones des produits en cause, normalement attentifs, qu’il convient d’apprécier si les marques contestées ont un caractère distinctif.

29      S’agissant, en second lieu, de l’appréciation du caractère distinctif des marques contestées, la requérante soutient, premièrement, que lesdites marques n’expriment en aucune façon un message objectif. Selon elle, ces marques ne constituent ni une référence directe à la qualité des produits, ni une invitation à l’achat. Ainsi, elle soutient qu’il n’existe aucun lien entre l’invitation à être heureux et les produits visés par celles-ci. En outre, elle considère que, lorsque les marques contestées sont utilisées en tant que telles, la perception d’un lien ou d’une relation entre celles-ci et les produits en cause exigerait un effort d’interprétation et de réflexion.

30      Il résulte des décisions attaquées que les marques contestées sont composées de deux termes anglais du langage courant, à savoir « be » et « happy », qui se présentent de manière conforme aux règles de la syntaxe et de la grammaire anglaise. De ce fait, la combinaison de ces termes constitue une expression qui a une signification précise au regard du public pertinent, à savoir « sois heureux ». Cette expression est largement connue dudit public du fait de son utilisation dans une chanson populaire comme celle intitulée « Don’t worry, be happy » (points 18 et 19 de la première décision, ainsi que points 17 et 18 de la seconde décision). Ces considérations ne sont pas contestées par la requérante.

31      Il ressort de ce qui précède que, contrairement à ce que prétend la requérante, les marques contestées expriment un message objectif, invitant à être heureux.

32      Certes, comme la requérante le fait valoir, ce message objectif ne constitue pas une référence directe à la qualité des produits visés par les marques contestées. Cependant, comme il résulte de la jurisprudence citée au point 25 ci-dessus, la seule absence d’information, dans le contenu sémantique des marques contestées, relative à la nature des produits visés, ne saurait être suffisante pour conférer un caractère distinctif à celles-ci.

33      En outre, force est de constater que, si l’élément verbal « be happy » n’a pas de sens descriptif exclusif et direct, il est toutefois composé, comme il a été indiqué au point 30 ci-dessus, de deux termes du langage courant, qui, pris ensemble, ont un sens autonome et qui coïncident avec le titre et les paroles d’une chanson bien connue. Ainsi, ledit élément véhicule un message simple qui sera compris facilement par les consommateurs anglophones et germanophones concernés comme signifiant « sois heureux », du fait de son exactitude linguistique, de son caractère direct, et du fait qu’il est utilisé dans une chanson bien connue. Dans ces circonstances, les consommateurs n’auront même pas besoin de développer un minimum d’effort d’interprétation pour comprendre l’expression « be happy » comme étant une expression incitant à l’achat et qui souligne le caractère attractif des produits en cause, s’adressant directement aux consommateurs en les invitant à être heureux en se faisant plaisir, soit en achetant les produits en cause, soit en les utilisant [voir, en ce sens, arrêts du 5 décembre 2002, Sykes Enterprises/OHMI (REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS), T‑130/01, Rec, EU:T:2002:301, points 25 et 26, et Mehr für Ihr Geld, point 25 supra, EU:T:2004:198, point 29].

34      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que les marques contestées indiquent une caractéristique des produits visés par celles-ci relative à leur valeur marchande qui, sans être précise, procède d’une information promotionnelle que le public pertinent percevra en tant que telle (voir, en ce sens, arrêts Mehr für Ihr Geld, point 25 supra, EU:T:2004:198, point 31, et UNIQUE, point 25 supra, EU:T:2009:353, point 17).

35      Dès lors, contrairement à ce que prétend la requérante, les marques contestées seront immédiatement perçues par le public pertinent comme une expression incitant à l’achat, en raison de leur signification.

36      Partant, il convient d’écarter les arguments de la requérante comme étant dépourvus de fondement.

37      Deuxièmement, la requérante soutient que, selon la jurisprudence, pour apprécier le caractère distinctif d’une marque, il est indifférent que cette dernière présente une spécificité linguistique ou un caractère fantaisiste ou original. En outre, elle soutient que, en ce qui concerne les marques contestées, leur concision et leur brièveté militent en faveur de leur caractère distinctif.

38      À cet égard, il convient de relever que, certes, conformément à la jurisprudence, pour établir le caractère distinctif d’un signe, il n’est pas nécessaire de constater que le signe est original ou fantaisiste [voir arrêt du 13 juillet 2005, Sunrider/OHMI (TOP), T‑242/02, Rec, EU:T:2005:284 point 91 et jurisprudence citée].

39      Cependant, il résulte de la jurisprudence citée au point 24 ci-dessus, qu’une expression incitant à l’achat, comme celle qui constitue en l’espèce les marques contestées, peut être néanmoins apte à indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits ou des services en cause. Tel peut notamment être le cas lorsque les marques en cause ne se réduisent pas à un message publicitaire ordinaire, mais possèdent une originalité ou une prégnance, nécessitent un minimum d’effort d’interprétation ou déclenchent un processus cognitif auprès du public concerné.

40      En l’espèce, comme il a été indiqué au point 33 ci-dessus, les marques contestées seront immédiatement comprises par le public pertinent, sans qu’il soit nécessaire pour celui-ci de développer un minimum d’effort interprétatif ou de déclencher un processus cognitif, comme une expression incitant à l’achat et portant sur le sentiment de bonheur que soit l’achat, soit l’utilisation des produits en cause sont susceptibles d’éveiller dans l’esprit des consommateurs. En outre, comme il a été indiqué au point 30 ci-dessus, lesdites marques sont composées de deux mots communs de la langue anglaise, qui se présentent de manière conforme aux règles de la syntaxe et de la grammaire anglaise et dont la combinaison donne lieu à l’élément verbal « be happy » qui signifie « sois heureux » et qui correspond également au titre d’une chanson bien connue. Ainsi, elles sont dépourvues de toute originalité ou prégnance, conformément à la jurisprudence rappelée au point 39 ci-dessus.

41      En outre, il résulte des décisions attaquées que l’expression en cause serait susceptible d’être utilisée par n’importe quel fournisseur afin d’inciter à l’achat de n’importe quels produits, y compris ceux visés par les marques contestées [voir, en ce sens, UNIQUE, point 25 supra, EU:T:2009:353, point 21].

42      Par ailleurs, il convient de tenir compte du fait que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur des slogans tels que celui en cause en l’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 21 octobre 2004, OHMI/Erpo Möbelwerk, C‑64/02 P, Rec, EU:C:2004:645, point 35, et Qualität hat Zukunft, point 22 supra, EU:T:2012:663, point 18).

43      Dès lors, il y a lieu de considérer que les marques contestées ne sauraient être perçues par le public pertinent comme des indications d’origine commerciale.

44      Le fait que, comme la requérante le fait valoir, les marques contestées soient brèves et concises, permet certes au public pertinent de les mémoriser plus facilement. Cependant, un tel fait ne saurait suffire, au-delà de toute autre considération, pour conclure, dans les circonstances du cas d’espèce, que les marques contestées seraient perçues par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale des produits en cause et mémorisées en tant que telles. En effet, il résulte de la jurisprudence que c’est seulement le caractère mémorisable d’un signe du fait de sa perception comme étant fantaisiste, surprenant et inattendu qui joue un rôle pour établir le caractère distinctif dudit signe (arrêt Audi/OHMI, point 20 supra, EU:C:2010:29, point 47 ; voir également, en ce sens, arrêt Mehr für Ihr Geld, point 25 supra, EU:T:2004:198 point 32).

45      Enfin, il résulte de la jurisprudence citée aux points 19 à 25 et 44 ci-dessus que, le fait que, comme la requérante le fait valoir, les marques contestées puissent être apposées en raison de leur brièveté sur les produits en cause conformément aux usages typiques en matière de marques est sans pertinence afin d’apprécier le caractère distinctif desdites marques.

46      Partant, il convient d’écarter les arguments de la requérante comme étant en partie non fondés et en partie dépourvus de pertinence.

47      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de considérer que, même si, comme la requérante le fait valoir, conformément à la jurisprudence citée au point 21 ci-dessus, un faible caractère distinctif suffit à faire obstacle à l’application de la cause de nullité absolue prévue à l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 207/2009, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement, en l’espèce, les marques contestées ne présentent pas ce minimum de caractère distinctif nécessaire.

48      Par conséquent, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, au point 22 de la première décision attaquée et au point 21 de la seconde décision attaquée, que les marques contestées étaient dépourvues de caractère distinctif en raison de leur nature élogieuse et promotionnelle.

49      Cette conclusion ne sera pas infirmée par les autres arguments soulevés par la requérante.

50      Premièrement, la requérante soutient que, pour apprécier le caractère distinctif d’une marque, il suffit que le signe en cause soit perçu par le public pertinent comme une marque lorsqu’il existe une possibilité significative évidente de l’utiliser en tant que telle pour les produits revendiqués. Ainsi, la requérante considère que tel est le cas en l’espèce, dans la mesure où les marques contestées, apposées sur les produits en cause, aux endroits où les marques sont typiquement placées, ne seront pas perçues comme une invitation à être heureux, mais comme des signes aptes à distinguer leur fabricant d’autres producteurs, pouvant même servir de marques secondaires pour des lignes de produits.

51      Il ressort de ces arguments que la requérante soutient, en substance, que par l’apposition des marques contestées sur les produits en cause, aux endroits où les marques sont typiquement placées, elles seront perçues par le public pertinent comme une indication d’origine commerciale.

52      À cet égard, il convient de relever que, selon la jurisprudence, l’appréciation du caractère distinctif d’un signe ne dépend pas de son utilisation en tant que marque sur les produits en cause, mais du fait que, lors d’un examen a priori, ledit signe permet au public ciblé de distinguer les produits visés de ceux ayant une autre origine commerciale lorsqu’il sera appelé à arrêter son choix [voir, en ce sens, arrêts du 5 avril 2001, Bank für Arbeit und Wirtschaft/OHMI (EASYBANK), T‑87/00, Rec, EU:T:2001:119, point 40, et du 30 juin 2011, Imagion/OHMI (DYNAMIC HD), T‑463/08, EU:T:2011:318, point 20].

53      Il s’ensuit que, contrairement à ce que prétend la requérante, l’apposition des marques contestées sur les produits visés par celles-ci, aux endroits où les concurrents placent généralement leurs marques, et la perception que le public pertinent aura donc des premières en ces circonstances, ne sauraient jouer aucun rôle lors de l’appréciation de leur caractère distinctif.

54      Il convient donc d’écarter cet argument comme étant non fondé.

55      Deuxièmement, la requérante fait valoir, d’abord, que, pour apprécier le caractère distinctif d’un signe, il n’est pas nécessaire que chaque utilisation imaginable de celui-ci corresponde à celle d’une marque. Ensuite, elle considère que le fait que les marques contestées puissent être utilisées dans la publicité, comme un message qui invite à être heureux, est sans conséquence sur l’appréciation de leur caractère distinctif. Enfin, selon elle, la chambre de recours ne pouvait pas se fonder sur la jurisprudence relative aux slogans publicitaires dénués de caractère distinctif pour apprécier le caractère distinctif des marques contestées.

56      À cet égard, il convient de rappeler que, comme il a été indiqué au point 22 ci-dessus, il résulte de la jurisprudence que l’enregistrement d’une marque ne saurait être exclu en raison de son utilisation concomitante en tant qu’indication de l’origine commerciale des produits en cause et en tant que slogan publicitaire, indication de qualité ou expression incitant à acheter les produits ou les services visés par ladite marque. Cette jurisprudence a été expressément invoquée par la chambre de recours dans les décisions attaquées (point 13 de la première décision et point 12 de la seconde décision).

57      Il convient également de rappeler que, comme il a été indiqué au point 24 ci-dessus, toutes les marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits visés par lesdites marques peuvent néanmoins être aptes à indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits en cause, notamment, lorsque ces marques ne se réduisent pas à un message publicitaire ordinaire, mais possèdent une certaine originalité ou prégnance, nécessitent un minimum d’effort d’interprétation ou déclenchent un processus cognitif auprès du public concerné. Cette jurisprudence a également été invoquée par la chambre de recours dans les décisions attaquées (point 14 de la première décision et point 13 de la seconde décision).

58      En l’espèce, il convient d’observer que, pour apprécier le caractère distinctif des marques contestées, la chambre de recours n’a pas exigé que chaque utilisation imaginable des marques contestées corresponde à celle d’une marque. Elle n’a pas davantage considéré que les marques contestées ne pouvaient être utilisées concomitamment comme des indications de l’origine commerciale des produits en cause et comme des slogans publicitaires ou des expressions incitant à acheter lesdits produits.

59      En revanche, la chambre de recours s’est limitée à relever dans les décisions attaquées, d’une part, que les marques contestées ne possédaient ni une originalité, ni une prégnance, ni une structure formellement inhabituelle (point 20 de la première décision et point 19 de la seconde décision), et d’autre part, qu’elles pouvaient être perçues par le public pertinent comme des signes de nature élogieuse et promotionnelle, qui communiquaient une invitation positive à l’achat de tout produit et étaient applicables à tout fournisseur (point 23 de la première décision et point 22 de la seconde décision). De ce fait, la chambre de recours a considéré que les consommateurs pouvaient établir un lien direct entre les produits visés par les marques contestées et celles-ci (point 24 de la première décision et point 23 de la seconde décision) et a conclu qu’elles étaient dépourvues de caractère distinctif.

60      Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours n’a pas fondé les décisions attaquées sur la jurisprudence relative aux slogans publicitaires dénués de caractère distinctif, mais elle s’est référée à celle selon laquelle l’enregistrement d’une marque ne saurait être annulé en raison de son utilisation concomitante en tant qu’indication de l’origine commerciale des produits en cause et en tant que slogan publicitaire, indication de qualité ou expression incitant à acheter les produits ou les services visés par ladite marque.

61      Dès lors, il convient d’écarter cet argument comme étant non fondé.

62      Troisièmement, la requérante fait valoir, d’une part, que les juridictions allemandes auraient reconnu un caractère distinctif aux marques contestées et, d’autre part, que la pratique constante de l’OHMI en matière d’enregistrement militerait en faveur de la reconnaissance d’un caractère distinctif aux marques contestées.

63      S’agissant des décisions des juridictions allemandes, il convient de relever que le régime communautaire des marques est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national. Dès lors, l’OHMI et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par les décisions intervenues au niveau des États membres, voire des pays tiers, qui ne constituent qu’un élément qui, sans être déterminant, peut seulement être pris en considération aux fins de l’enregistrement d’une marque communautaire [voir arrêts du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, Rec, EU:T:2008:268, point 45 et jurisprudence citée, et du 16 décembre 2010, Ilink Kommunikationssysteme/OHMI (ilink), T‑161/09, EU:T:2010:532, point 40 et jurisprudence citée].

64      S’agissant de la pratique antérieure de l’OHMI en matière d’enregistrement, il convient d’observer que le seul fait que d’autres signes d’une nature similaire aux marques contestées aient été enregistrés, pour désigner des produits et des services qui, dans certains cas, correspondent à des classes différentes de celles qui sont revendiquées par les marques contestées, ne permet pas de conclure, en l’espèce, que les marques contestées avaient un caractère distinctif pour les produits visés par celles-ci.

65      En effet, conformément à une jurisprudence bien établie, l’OHMI est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union. Si, eu égard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’OHMI doit prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes doit toutefois être conciliée avec le respect du principe de légalité. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées ou annulées de manière indue. C’est ainsi qu’un tel examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus [arrêts du 24 avril 2012, Leifheit/OHMI (EcoPerfect), T‑328/11, EU:T:2012:197, point 61, et CARE TO CARE, point 19 supra, EU:T:2014:29, point 51 ; voir également, en ce sens, arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, Rec, EU:C:2011:139, points 73 à 77].

66      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il convient de rejeter le moyen unique soulevé par la requérante et, partant, les recours dans leur totalité.

 Sur les dépens

67      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’OHMI et l’intervenante, conformément aux conclusions de ceux-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés.

2)      Steinbeck GmbH est condamnée aux dépens.

Dittrich

Schwarcz

Tomljenović

Ainsi prononcé, le 30 avril 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.

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