Commission v Bulgaria (Directive sur l'exercice du droit d'auteur applicable a certaines transmissions en ligne) (Failure of a Member State to fulfil obligations - Digital single market - Copyright and related rights - Judgment) French Text [2025] EUECJ C-198/23 (08 May 2025)

BAILII [Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback] [DONATE]

Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Commission v Bulgaria (Directive sur l'exercice du droit d'auteur applicable a certaines transmissions en ligne) (Failure of a Member State to fulfil obligations - Digital single market - Copyright and related rights - Judgment) French Text [2025] EUECJ C-198/23 (08 May 2025)
URL: https://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2025/C19823.html
Cite as: EU:C:2025:331, ECLI:EU:C:2025:331, [2025] EUECJ C-198/23

[New search] [Contents list] [Help]


ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

8 mai 2025 (*)

« Manquement d'État - Article 258 TFUE - Directive (UE) 2019/789 - Droits d'auteur et droits voisins - Règles sur l'exercice du droit d'auteur et des droits voisins applicables à certaines transmissions en ligne d'organismes de radiodiffusion et retransmissions de programmes de télévision et de radio - Absence de transposition et de communication des mesures de transposition - Article 260, paragraphe 3, TFUE - Sanctions pécuniaires - Demande de condamnation au paiement d'une somme forfaitaire »

Dans l'affaire C‑198/23,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l'article 258 et de l'article 260, paragraphe 3, TFUE, introduit le 28 mars 2023,

Commission européenne, représentée par Mmes C. Georgieva et J. Samnadda, en qualité d'agents,

partie requérante,

contre

République de Bulgarie, représentée par Mmes T. Mitova et S. Ruseva, en qualité d'agents,

partie défenderesse,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. M. Gavalec, président de chambre, MM. Z. Csehi (rapporteur) et F. Schalin, juges,

avocat général : M. A. Rantos,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l'avocat général entendu, de juger l'affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour :

–        de constater que, en n'ayant pas adopté les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive (UE) 2019/789 du Parlement européen et du Conseil, du 17 avril 2019, établissant des règles sur l'exercice du droit d'auteur et des droits voisins applicables à certaines transmissions en ligne d'organismes de radiodiffusion et retransmissions de programmes de télévision et de radio, et modifiant la directive 93/83/CEE du Conseil (JO 2019, L 130, p. 82), et en ayant omis de communiquer lesdites dispositions à la Commission, la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 12 de cette directive ;

–        de condamner la République de Bulgarie à verser à la Commission une somme forfaitaire correspondant au plus élevé des deux montants suivants :

–        un montant journalier de 1 800 euros multiplié par le nombre de jours compris entre le jour suivant l'expiration du délai de transposition prévu par ladite directive et le jour où il a été mis fin à l'infraction ou, s'il n'y a pas été mis fin, le jour du prononcé de l'arrêt dans la présente instance ;

–        le montant forfaitaire minimal de 504 000 euros ;

–        dans le cas où le manquement constaté au premier tiret s'est poursuivi jusqu'à la date du prononcé de l'arrêt dans la présente instance, de condamner la République de Bulgarie à payer à la Commission une astreinte de 10 800 euros par jour de retard à compter de la date de cet arrêt, jusqu'à ce que l'État membre s'acquitte des obligations qui lui incombent en vertu de la même directive, et

–        de condamner la République de Bulgarie aux dépens.

 Le cadre juridique

 La directive 2019/789

2        Les considérants 1 et 26 de la directive 2019/789 énoncent :

« (1)      Afin de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur, il est nécessaire de prévoir, dans l'intérêt des usagers à travers l'Union [européenne], une plus large diffusion, dans les États membres, de programmes de télévision et de radio provenant d'autres États membres en facilitant l'octroi de licences de droit d'auteur et de droits voisins sur les œuvres et autres objets protégés contenus dans [...] certains types de programmes de télévision et de radio. Les programmes de télévision et de radio constituent un moyen important de promouvoir la diversité culturelle et linguistique et la cohésion sociale, et d'accroître l'accès à l'information.

[...]

(26)      Étant donné que les objectifs de la présente directive, à savoir promouvoir la fourniture transfrontière de services en ligne accessoires pour certains types de programmes et faciliter les retransmissions de programmes de télévision et de radio provenant d'autres États membres, ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres mais peuvent, en raison de ses dimensions et de ses effets, l'être mieux au niveau de l'Union, celle-ci peut prendre des mesures, conformément au principe de subsidiarité consacré à l'article 5 du traité sur l'Union européenne. [...] La présente directive concerne uniquement l'exercice de certains droits de retransmission dans la mesure nécessaire pour simplifier l'octroi de licences de droit d'auteur et de droits voisins en ce qui concerne ces services et lorsqu'il s'agit de programmes de télévision et de radio provenant d'autres États membres. »

3        L'article 1er de la directive 2019/789, intitulé « Objet », dispose :

« La présente directive établit des règles visant à améliorer l'accès transfrontière à un plus grand nombre de programmes de télévision et de radio, en facilitant l'acquisition de droits pour la fourniture de services en ligne qui sont accessoires à la diffusion de certains types de programmes de télévision et de radio, et pour la retransmission de programmes de télévision et de radio. Elle établit également des règles pour la transmission de programmes de télévision et de radio au moyen du processus d'injection directe. »

4        L'article 4 de cette directive prévoit l'« [e]xercice, par les titulaires de droits autres que les organismes de radiodiffusion, des droits sur la retransmission ».

5        L'article 12 de ladite directive, intitulé « Transposition », prévoit :

« 1.      Les États membres appliquent les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 7 juin 2021. Ils en informent immédiatement la Commission.

Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.

2.      Les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions de droit interne qu'ils adoptent dans le domaine régi par la présente directive. »

 La directive (UE) 2019/790

6        L'article 17 de la directive (UE) 2019/790 du Parlement européen et du Conseil, du 17 avril 2019, sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE (JO 2019, L 130, p. 92), intitulé « Utilisation de contenus protégés par des fournisseurs de services de partage de contenus en ligne », dispose, à son paragraphe 10 :

« À compter du 6 juin 2019, la Commission organise, en coopération avec les États membres, des dialogues entre parties intéressées afin d'examiner les meilleures pratiques pour la coopération entre les fournisseurs de services de partage de contenus en ligne et les titulaires de droits. Après consultation des fournisseurs de services de partage de contenus en ligne, des titulaires de droits, des organisations d'utilisateurs et des autres parties prenantes concernées, et compte tenu des résultats des dialogues entre parties intéressées, la Commission émet des orientations sur l'application du présent article, en particulier en ce qui concerne la coopération visée au paragraphe 4. Lors de l'examen des meilleures pratiques, une attention particulière doit être accordée, entre autres, à la nécessité de maintenir un équilibre entre les droits fondamentaux et le recours aux exceptions et aux limitations. Aux fins des dialogues avec les parties intéressées, les organisations d'utilisateurs ont accès aux informations adéquates fournies par les fournisseurs de services de partage de contenus en ligne sur le fonctionnement de leurs pratiques en ce qui concerne le paragraphe 4. »

 La procédure précontentieuse et la procédure devant la Cour

7        La Commission, n'ayant reçu de la République de Bulgarie aucune information concernant l'adoption des dispositions nécessaires pour se conformer à la directive 2019/789 à l'expiration du délai de transposition de celle-ci, soit le 7 juin 2021, a adressé, le 23 juillet 2021, une lettre de mise en demeure à cet État membre.

8        Par une lettre du 20 septembre 2021, la République de Bulgarie a indiqué que la transposition était en cours. Plus particulièrement, elle a précisé que le projet de loi transposant la directive 2019/789 avait été publié pour faire l'objet d'une consultation publique.

9        En l'absence de communication ultérieure relative à la transposition de cette directive, la Commission a, le 19 mai 2022, adressé à la République de Bulgarie un avis motivé l'invitant à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à ladite directive dans un délai de deux mois à compter de la réception  de cet avis.

10      Dans sa réponse audit avis, datée du 18 juillet 2022, la République de Bulgarie a exposé que le projet de loi susmentionné avait été soumis à une consultation publique aux mois de septembre et d'octobre 2021 et qu'il faisait désormais l'objet d'une coordination politique informelle avant d'être présenté à l'Assemblée nationale.

11      Considérant que cet État membre ne s'était toujours pas conformé à ses obligations, la Commission a décidé, le 15 février 2023, de saisir la Cour du présent recours.

12      Le 1er décembre 2023, le zakon za izmenenie i dopalnenie na Zakona za avtorskoto pravo i srodnite mu prava (loi modifiant et complétant la loi sur le droit d'auteur et les droits voisins) (DV, n° 100 du 1er décembre 2023), qui a été publiée et est entrée en vigueur à cette même date, a été notifiée à la Commission.

13      Par un acte du 24 janvier 2024, la Commission a informé la Cour que cette loi pouvait être considérée comme assurant une transposition complète de la directive 2019/789. Par voie de conséquence, cette institution s'est, d'une part, désistée de ses conclusions tendant à l'imposition d'une astreinte et, d'autre part, a précisé ses conclusions tendant à la condamnation de la République de Bulgarie au paiement d'une somme forfaitaire, demandant à ce titre l'imposition d'une somme de 1 630 800 euros.

14      La République de Bulgarie n'a pas formé d'observations à la suite de ces conclusions de la Commission du 24 janvier 2024.

15      Par décision du président de la Cour du 8 février 2024, la procédure a été suspendue jusqu'au prononcé de l'arrêt à intervenir dans l'affaire C‑147/23. À la suite du prononcé de l'arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d'alerte) (C‑147/23, EU:C:2024:346), la procédure dans la présente affaire a été reprise par décision du président de la Cour du même jour.

 Sur le recours

 Sur le manquement au titre de l'article 258 TFUE

 Argumentation des parties

16      La Commission rappelle que, en application de l'article 288, troisième alinéa, TFUE, les États membres sont tenus d'adopter les dispositions nécessaires pour la transposition des directives dans leur système juridique national, dans les délais prescrits par ces directives, et de lui communiquer immédiatement ces dispositions.

17      Cette institution précise que l'existence de tout manquement à ces obligations doit être appréciée en fonction de la situation de l'État membre telle qu'elle se présentait au terme du délai fixé dans l'avis motivé qu'elle lui a adressé.

18      En l'occurrence, la République de Bulgarie n'aurait pas adopté lesdites dispositions ni informé la Commission de leur adoption avant l'expiration du délai fixé dans l'avis motivé du 19 mai 2022.

19      La République de Bulgarie reconnaît qu'elle n'a pas transposé la directive 2019/789 dans son ordre juridique interne à l'expiration de ce délai, mais expose diverses difficultés qui auraient justifié le retard dans l'adoption des mesures de transposition.

20      À ce titre, elle invoque tout d'abord deux cas de force majeure qui l'auraient placée devant une impossibilité objective absolue de transposer la directive 2019/789 dans le délai requis.

21      Ces cas seraient, d'une part, la pandémie mondiale de Covid-19, qui aurait conduit à la déclaration, à seize reprises, de l'état d'urgence dans le pays pendant la période allant du 13 mars 2020 au 31 mars 2022, et, d'autre part, la survenance d'une crise politique nationale causée par la dissolution de quatre formations successives de l'Assemblée nationale et la constitution consécutive de quatre nouveaux gouvernements entre le mois d'avril 2021 et le mois de février 2023.

22      Ensuite, la République de Bulgarie soutient que la Commission n'a adopté les orientations relatives à l'article 17, paragraphe 10, de la directive 2019/790 (ci-après les « orientations relatives à l'article 17 de la directive 2019/790 ») que le 4 juin 2021, soit trois jours seulement avant l'expiration du délai de transposition de cette directive. Dans la mesure où les dates d'expiration des délais de transposition de la directive 2019/789 et de la directive 2019/790 sont identiques et que, par conséquent, la notification des mesures de transposition de ces directives doit être effectuée dans les mêmes délais, la République de Bulgarie expose qu'elle avait décidé de procéder à la transposition des deux directives en adoptant une loi unique, ce qui aurait nécessité la fusion des deux projets de loi élaborés à l'origine. Cet État membre précise que sa réglementation nationale prévoit que les questions qui relèvent d'un même domaine sont régies par un seul acte normatif et non par plusieurs.

23      Enfin, la République de Bulgarie fait valoir, à titre subsidiaire, que le recours est en partie non fondé puisque des éléments de la législation existante, en vigueur avant le 7 juin 2021, transposeraient déjà en partie les prescriptions de la directive 2019/789. Elle expose à cet égard, de manière détaillée, les dispositions nationales existantes, notifiées au moyen du système Themis, dont elle estime qu'elles transposent partiellement les articles 4 à 9 de ladite directive.

24      Dans son mémoire en réplique, la Commission rétorque qu'aucun des arguments avancés par la République de Bulgarie ne permet de justifier l'inobservation des obligations de transposition incombant à cette dernière.

25      En premier lieu, la Commission objecte que l'argument tiré de la tardiveté de la publication des orientations relatives à l'article 17 de la directive 2019/790 doit être rejeté comme étant inopérant. Selon cette institution, les directives 2019/789 et 2019/790 ne sont pas liées et ont un champ d'application distinct, la première constituant une mesure sectorielle, alors que la seconde aurait un caractère horizontal. Aucune des dispositions de la directive 2019/790 n'affecterait ou n'influencerait de quelque façon que ce soit la transposition de la directive 2019/789 dans le délai prescrit.

26      En deuxième lieu, la Commission fait valoir que la pandémie mondiale de Covid-19 ne constitue pas, en l'espèce, un cas de force majeure. Elle souligne que la force majeure ne peut être invoquée que si cette circonstance exceptionnelle ne remet pas en cause l'objectif de la législation concernée, et cite à cet égard l'arrêt du 26 septembre 2013, ÖBB-Personenverkehr (C‑509/11, EU:C:2013:613, points 49 à 51). Par ailleurs, elle considère que la République de Bulgarie n'a pas exposé en quoi les difficultés entraînées par cette pandémie ont constitué, pour son administration, un obstacle insurmontable à la transposition de cette directive et n'indique pas non plus les mesures qui ont été prises pour surmonter ces difficultés.

27      Par ailleurs, les États membres ne pourraient invoquer la force majeure que pour la période nécessaire pour surmonter les obstacles résultant de la situation en question [arrêt du 8 juin 2023, Commission/Slovaquie (Droit de résiliation sans frais), C‑540/21, EU:C:2023:450, point 81]. Or, le retard invoqué par la République de Bulgarie ne serait pas strictement proportionné à la nécessité de remédier aux difficultés liées à ladite pandémie, étant donné qu'il a persisté bien après le 31 mars 2022, date de la fin du dernier état d'urgence lié au Covid-19 en Bulgarie.

28      En troisième lieu, la Commission relève que les difficultés tenant à la dissolution répétée de l'Assemblée nationale et les changements consécutifs de gouvernement, invoquées par la République de Bulgarie, constituent des difficultés se rapportant à la situation de l'ordre juridique interne de cet État membre, qui, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, ne sauraient justifier un retard de transposition de la directive 2019/789.

29      En quatrième lieu, la Commission indique que, si la transposition d'une directive peut être assurée par des règles du droit interne déjà en vigueur, les États membres sont cependant tenus, lorsqu'une directive prévoit que les dispositions nécessaires pour sa mise en œuvre contiennent une référence à cette directive ou soient accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle, d'adopter un acte positif de transposition de la directive en cause. Elle relève à cet égard que les mesures nationales existantes, qui, selon la République de Bulgarie, transposent partiellement la directive 2019/789, n'ont, en tout état de cause, pas été notifiées avec le degré de transparence requis et ne contiennent pas de référence à cette directive. Elles ne pourraient donc pas être considérées, même dans l'hypothèse, non réalisée en l'espèce, où la Commission estimerait qu'elles constituent des actes de transposition partielle, comme un acte positif de transposition.

30      Dans son mémoire en duplique, la République de Bulgarie fait valoir que la pandémie mondiale de Covid-19 a affecté l'ensemble de la vie et du travail en Bulgarie, et à l'échelle mondiale. Cette pandémie aurait entravé le processus d'élaboration des lois entre le début de l'année 2020 et le mois de mai 2023. Même si la situation épidémiologique au regard du Covid-19 a pris fin en Bulgarie le 31 mars 2022, compte tenu de la durée de la procédure législative, il n'aurait pas été envisageable de s'attendre à ce que la directive 2019/789 soit transposée dès la disparition de ladite pandémie.

31      S'agissant de la question de savoir si la législation bulgare existante transpose partiellement la directive 2019/789, la République de Bulgarie réfute l'argument de la Commission selon lequel les diverses lois qui permettraient de se conformer aux obligations fixées par cette directive n'auraient pas été notifiées avec le degré de transparence requis. Elle affirme avoir ainsi notifié six lois entre le 25 et le 30 mai 2023 par l'intermédiaire du système Themis, mentionnées à l'annexe E.1 de son mémoire en duplique.

 Appréciation de la Cour

32      Aux termes de l'article 12, paragraphe 1, de la directive 2019/789, les États membres devaient mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à celle-ci au plus tard le 7 juin 2021 et en informer immédiatement la Commission. Par ailleurs, cette disposition prévoit que, lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à cette directive ou sont accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle, les modalités de cette référence devant être arrêtées par les États membres. En outre, en vertu de l'article 12, paragraphe 2, de cette directive, il appartenait aux États membres de communiquer à la Commission le texte de ces dispositions.

33      Selon une jurisprudence constante, l'existence d'un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l'État membre telle qu'elle se présentait au terme du délai fixé dans l'avis motivé de la Commission, les changements intervenus par la suite ne pouvant être pris en compte par la Cour [arrêts du 25 février 2021, Commission/Espagne (Directive données à caractère personnel - Domaine pénal), C‑658/19, EU:C:2021:138, point 15, ainsi que du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d'alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 28 et jurisprudence citée].

34      La Cour a par ailleurs itérativement jugé que, si une directive prévoit expressément l'obligation pour les États membres d'assurer que les dispositions nécessaires pour sa mise en œuvre contiennent une référence à cette directive ou soient accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle, il est, en tout état de cause, nécessaire que les États membres adoptent un acte positif de transposition de la directive en cause [arrêt du 16 juillet 2020, Commission/Irlande (Lutte contre le blanchiment de capitaux), C‑550/18, EU:C:2020:564, point 31 et jurisprudence citée].

35      En l'espèce, la Commission a adressé, le 19 mai 2022, un avis motivé à la République de Bulgarie, l'invitant à se conformer, dans un délai de deux mois qui courait à compter de la réception de cet avis, aux obligations visées dans ce dernier.

36      Ainsi qu'il ressort du dossier dont dispose la Cour, à l'expiration de ce délai, la République de Bulgarie n'avait adopté aucune mesure de transposition de la directive 2019/789 et n'avait, a fortiori, pas non plus communiqué de telle mesures à la Commission.

37      La République de Bulgarie conclut néanmoins, à titre principal, au rejet du présent recours en invoquant trois motifs. Le premier motif a trait à l'existence d'un cas de force majeure, en raison de la survenance de la pandémie mondiale de Covid-19, qui aurait conduit à la déclaration, à seize reprises, du 13 mars 2020 au 31 mars 2022, de l'état d'urgence en Bulgarie. Le deuxième motif, également fondé sur la force majeure, a trait aux quatre dissolutions de l'Assemblée nationale, entre le mois d'avril 2021 et le mois de février 2023 et, enfin, le troisième motif est relatif à la tardiveté de la publication des orientations de la Commission relatives à l'article 17 de la directive 2019/790, le 4 juin 2021. Cet État membre conclut également, à titre subsidiaire, au rejet partiel du recours, au motif qu'une partie de la législation nationale existante, en vigueur avant le 7 juin 2021, serait déjà conforme aux prescriptions de la directive 2019/789.

38      Il convient, en premier lieu, d'examiner les conclusions présentées à titre principal. À cet égard, premièrement, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, même si la notion de « force majeure » ne présuppose pas une impossibilité absolue de se conformer aux obligations résultant du droit de l'Union, elle exige néanmoins que la non-conformité en cause soit due à des circonstances étrangères à celui qui l'invoque, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n'auraient pu être évitées malgré toutes les diligences déployées, une situation de force majeure ne pouvant en outre être invoquée que pour la période nécessaire pour remédier à ces difficultés [arrêt du 8 juin 2023, Commission/Slovaquie (Droit de résiliation sans frais), C‑540/21, EU:C:2023:450, point 81 et jurisprudence citée].

39      Il convient de souligner que la pandémie mondiale de Covid‑19, qui est invoquée par la République de Bulgarie à partir du 13 mars 2020, a eu lieu pendant la période de transposition de la directive 2019/789 comprise entre le 6 juin 2019 et le 7 juin 2021.

40      L'argument tiré de la survenance de la pandémie mondiale de Covid-19, qui a conduit à la déclaration, à seize reprises, du 13 mars 2020 au 31 mars 2022, de l'état d'urgence en Bulgarie, ne peut qu'être écarté dès lors qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que cette pandémie expliquerait la totalité du retard avec lequel cet État membre a transposé la directive 2019/789. En effet, ledit État membre n'a transposé l'intégralité de la directive 2019/789 que le 1er décembre 2023, soit plus d'un an et huit mois après le 31 mars 2022, qui serait, selon lui, la date à laquelle a pris fin le dernier état d'urgence en Bulgarie.

41      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler à cet égard que, si le législateur de l'Union avait considéré que les effets de la pandémie mondiale de Covid‑19, qui a affecté la totalité du territoire de l'Union, étaient tels qu'ils empêchaient les États membres de se conformer aux obligations leur incombant en vertu d'une directive, il aurait prorogé le délai de transposition de cette dernière [voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2024, Commission/Irlande (Code des communications électroniques européen), C‑439/22, EU:C:2024:229, point 73].

42      Deuxièmement, l'argument tiré des quatre dissolutions successives de l'Assemblée nationale, invoqué par la République de Bulgarie pour caractériser l'impossibilité objective absolue de satisfaire aux exigences de l'article 12 de la directive 2019/789, ne peut qu'être écarté au regard de la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle des pratiques ou des situations de l'ordre interne d'un État membre ne sauraient justifier le non-respect des obligations et des délais résultant des directives de l'Union ni, partant, la transposition tardive ou incomplète de celles-ci [arrêt du 13 janvier 2021, Commission/Slovénie (MiFID II), C‑628/18, EU:C:2021:1, point 79 et jurisprudence citée].

43      Troisièmement, doit être déclaré inopérant l'argument tiré de la tardiveté de la publication des orientations relatives à l'article 17 de la directive 2019/790, dès lors que, indépendamment de la date de publication de ces orientations, il suffit de relever qu'elles concernent non pas la directive 2019/789, mais la directive 2019/790. En conséquence, cet argument n'a aucun lien avec le présent recours en manquement relatif au non-respect, par la République de Bulgarie, des obligations qui lui incombent en vertu de la directive 2019/789. Au demeurant, la circonstance que cette directive prévoit le même délai de transposition que la directive 2019/790 est sans incidence.

44      En second lieu, les conclusions présentées à titre subsidiaire, tendant au rejet partiel du recours au motif que la législation nationale existante est déjà partiellement conforme aux prescriptions de la directive 2019/789, doivent être rejetées en application de la jurisprudence mentionnée au point 34 du présent arrêt. La Cour a d'ailleurs également jugé que la circonstance que le droit d'un État membre en vigueur avant l'entrée en vigueur d'une directive était déjà conforme à cette directive n'est pas suffisante pour exclure l'obligation, pour cet État membre, de transposer intégralement ladite directive dans son ordre juridique et, dès lors, pour justifier un tel manquement [arrêt du 14 mars 2024, Commission/Lettonie (Code des communications électroniques européen), C‑454/22, EU:C:2024:235, point 42].

45      En effet, il y a lieu de rappeler que les dispositions d'une directive doivent être mises en œuvre avec une force contraignante incontestable ainsi qu'avec la spécificité, la précision et la clarté requises, afin que soit satisfaite l'exigence de sécurité juridique qui requiert que, lorsque la directive vise à créer des droits pour les particuliers, les bénéficiaires soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits [arrêt du 12 mai 2022, U.I. (Représentant en douane indirect), C‑714/20, EU:C:2022:374, points 59 et 60].

46      En outre, ainsi qu'il a été rappelé au point 33 du présent arrêt, l'existence d'un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l'État membre telle qu'elle se présentait au terme du délai fixé dans l'avis motivé de la Commission, les changements intervenus par la suite ne pouvant être pris en compte par la Cour.

47      À cet égard, il ressort du mémoire en défense et du mémoire en duplique de la République de Bulgarie, que, à l'expiration du délai fixé dans l'avis motivé du 19 mai 2022, cet État membre n'avait pas adopté les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2019/789. Selon la République de Bulgarie, ce n'est qu'au mois de mai 2023 que certaines mesures nationales dont elle estime qu'elles assuraient, de fait, une transposition partielle de cette directive ont fait l'objet d'une notification distincte dans la base de données « Themis ».

48      Il s'ensuit que, contrairement à ce que la République de Bulgarie prétend, la Commission ne s'est pas prévalue d'une quelconque présomption pour établir l'existence du manquement allégué, dès lors que, ainsi qu'il ressort du dossier dont dispose la Cour, à l'expiration du délai fixé dans l'avis motivé du 19 mai 2022, cet État membre n'avait pas adopté les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2019/789 et n'avait, partant, pas communiqué ces dispositions à la Commission.

49      Par conséquent, la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 12 de la directive 2019/789.

 Sur la demande présentée au titre de l'article 260, paragraphe 3, TFUE

 Argumentation des parties

50      La Commission rappelle que la directive 2019/789 a été adoptée selon la procédure législative ordinaire et relève, partant, du champ d'application de l'article 260, paragraphe 3, TFUE. Estimant que les conditions d'application de cette disposition sont réunies en l'espèce, la Commission demande à la Cour, conformément à ladite disposition, de condamner la République de Bulgarie au paiement d'une somme forfaitaire.

51      En vue de la fixation du montant de cette sanction pécuniaire, la Commission se fonde sur les principes généraux visés au point 2 de la communication de la Commission 2023/C 2/01, intitulée « Sanctions financières dans les procédures d'infraction » (JO 2023, C 2, p. 1, ci-après la « communication de 2023 ») et, en particulier, sur la méthode de calcul figurant aux points 3 et 4 de cette communication. En particulier, cette institution indique que la détermination de ladite sanction pécuniaire doit se fonder sur la gravité de l'infraction, sa durée et la nécessité d'assurer l'effet dissuasif de la sanction pour éviter les récidives.

52      S'agissant, premièrement, du coefficient de gravité, qui varie de 1 à 20, la Commission rappelle que, conformément au point 3.2.2 de la communication de 2023, elle applique systématiquement un coefficient de gravité de 10 en cas de manquement complet à l'obligation de communiquer les mesures de transposition d'une directive, tout défaut de transposition d'une directive et de communication de ces mesures revêtant un même degré de gravité, indépendamment de la nature des dispositions de la directive concernée.

53      Deuxièmement, la Commission expose que la durée du manquement équivaut, s'agissant du calcul de la somme forfaitaire, au nombre de jours de persistance de l'infraction. Cette durée est calculée conformément au point 4.2.1 de la communication de 2023. Ce nombre de jours correspond au nombre de jours compris entre celui suivant l'expiration du délai de transposition de la directive concernée et celui auquel l'infraction a pris fin. En l'espèce, la Commission précise que la période à prendre en compte est celle comprise entre le 8 juin 2021, le délai de transposition de la directive 2019/789 ayant expiré le 7 juin 2021, et le 30 novembre 2023, la loi modifiant et complétant la loi sur le droit d'auteur et les droits voisins étant entrée en vigueur le 1er décembre 2023.

54      Troisièmement, la Commission relève que l'effet dissuasif de la sanction en considération de la capacité de paiement de l'État membre concerné est, conformément aux points 3.4 et 4.2.2 de la communication de 2023, exprimé par le facteur « n » fixé pour chaque État membre au point 3 de l'annexe I de cette communication. Elle expose la nouvelle méthode de calcul du facteur « n », laquelle repose désormais principalement sur le produit intérieur brut (PIB) des États membres pour deux tiers du calcul et, à titre subsidiaire, sur leur population, pour un tiers du calcul. Conformément au point 3 de l'annexe I de la communication de 2023, le facteur « n » de la République de Bulgarie est de 0,18.

55      En conséquence, la Commission propose, dans ses conclusions du 24 janvier 2024, de retenir un coefficient de gravité de 10 et d'appliquer le facteur « n » de 0,18. Le produit de ces deux éléments devrait être multiplié par le forfait de la somme forfaitaire fixé au point 2 de l'annexe I de cette communication, à savoir 1 000 euros, ce qui correspond à la somme de 1 800 euros, à multiplier, conformément au point 4.2.1 de ladite communication, par le nombre de jours durant lesquels le manquement a persisté. En l'espèce, la Commission indique que le nombre de jours de persistance de l'infraction est compris entre le 8 juin 2021, jour suivant celui de l'expiration du délai de transposition de la directive 2019/789, et le 30 novembre 2023, jour de cessation du manquement, soit 906 jours. Elle demande donc le paiement d'une somme forfaitaire de 1 630 800 euros.

56      La République de Bulgarie demande à la Cour de rejeter la demande de sanction financière ou, à titre subsidiaire, de réduire le montant de la somme forfaitaire demandée. Cet État membre considère en substance que le montant proposé est manifestement disproportionné par rapport à la gravité du manquement reproché et que l'application d'un coefficient de gravité de 10 n'est pas justifiée en l'espèce, la Commission s'étant contentée de renvoyer sur ce point à la communication de 2023.

57      À cette fin, la République de Bulgarie renvoie à nouveau, d'une part, aux arguments relatifs à la pandémie mondiale de Covid-19 et à la situation politique interne et, d'autre part, au fait que de nombreuses dispositions de la directive 2019/789 étaient déjà transposées par la législation nationale existante. Elle soutient notamment que la transposition partielle de cette directive ne met pas directement en danger la santé humaine et ne cause pas de dommage à l'environnement ni n'engendre pour l'Union une perte de ressources propres. Le fait que ladite directive soit au moins partiellement transposée réduirait le préjudice causé aux intérêts privés et publics et, par conséquent, la gravité du manquement commis. Ce faisant, ce manquement justifierait l'application d'un coefficient de gravité de 1.

58      Dans son mémoire en réplique, la Commission fait valoir, s'agissant du coefficient de gravité, tout d'abord, que tous les cas d'absence de transposition d'une directive et de communication des mesures de transposition de cette directive sont d'une même gravité et que la détermination de ce coefficient ne devrait pas dépendre de la nature de la directive en question. Si la Cour décidait néanmoins de tenir compte de l'importance des dispositions du droit l'Union non transposées, elle rappelle que la directive 2019/789 vise à contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur, à la diversité culturelle et linguistique dans un contexte transfrontière, à la cohésion sociale et à l'accès à l'information, et qu'elle prévoit, à cette fin, une plus large diffusion, dans les États membres, de programmes de télévision et de radio provenant d'autres États membres en facilitant l'octroi de licences de droit d'auteur et de droits voisins sur les œuvres et autres objets protégés contenus dans certains types de programmes de télévision et de radio.

59      Ensuite, les dispositions nationales invoquées par la République de Bulgarie seraient dépourvues de pertinence dans le cadre de la détermination du coefficient de gravité, dès lors qu'elles ne lui ont pas été notifiées en tant que mesures de transposition de cette directive.

60      Enfin, la République de Bulgarie, non seulement, n'aurait pas transposé ladite directive dans le délai fixé, mais n'aurait pas non plus été en mesure de communiquer un calendrier ou une date éventuelle d'adoption des mesures de transposition. La Commission rappelle à cet égard le point 79 de l'arrêt du 16 juillet 2020, Commission/Irlande (Lutte contre le blanchiment de capitaux) (C‑550/18, EU:C:2020:564), par lequel la Cour a considéré que, bien que l'État membre ait coopéré avec la Commission lors de la période précontentieuse et l'ait tenue informée de l'avancement de la transposition de la directive en cause, la prévention effective de la répétition d'infractions analogues était de nature à requérir l'adoption d'une mesure dissuasive telle qu'une somme forfaitaire. À la différence des faits ayant donné lieu à cet arrêt, un tel degré de coopération ferait défaut en l'espèce.

61      Dans son mémoire en duplique, la République de Bulgarie considère, en substance, que l'infliction d'une sanction financière pourrait avoir un effet négatif sur la qualité de la transposition, les États membres s'efforçant à tout prix de transposer les directives dans les délais requis. C'est pourquoi l'approche retenue par la Commission serait contraire au principe de proportionnalité consacré à l'article 5, paragraphe 4, TUE. Elle serait également contraire au principe de coopération loyale prévu à l'article 4, paragraphe 3, TUE.

62      En outre, la décision de la Commission de demander systématiquement le paiement d'une somme forfaitaire sans motiver cette demande en fonction des circonstances propres à l'espèce irait à l'encontre de la jurisprudence selon laquelle l'infliction d'une sanction sous la forme d'une somme forfaitaire ne doit pas être automatique, mais doit dépendre de circonstances concrètes.

 Appréciation de la Cour

–       Sur l'application de l'article 260, paragraphe 3, TFUE

63      L'article 260, paragraphe 3, TFUE prévoit, à son premier alinéa, que, lorsque la Commission saisit la Cour d'un recours en vertu de l'article 258 TFUE, estimant que l'État membre concerné a manqué à son obligation de communiquer les dispositions permettant la transposition d'une directive adoptée conformément à une procédure législative, cette institution peut, lorsqu'elle le considère approprié, indiquer le montant d'une somme forfaitaire ou d'une astreinte à payer par cet État membre, qu'elle estime adapté aux circonstances. Conformément au second alinéa de cet article 260, paragraphe 3, si la Cour constate le manquement, elle peut infliger à l'État membre concerné le paiement d'une somme forfaitaire ou d'une astreinte dans la limite du montant indiqué par la Commission, l'obligation de paiement prenant effet à la date fixée par la Cour dans son arrêt.

64      Dès lors que, ainsi qu'il ressort des points 36 et 48 du présent arrêt, il est établi que, à l'expiration du délai fixé dans l'avis motivé du 19 mai 2022, la République de Bulgarie n'avait pas adopté ni, partant, communiqué à la Commission les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires à la transposition dans son droit interne des dispositions de la directive 2019/789, le manquement ainsi constaté relève du champ d'application de l'article 260, paragraphe 3, TFUE.

65      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que l'objectif poursuivi par le mécanisme figurant à l'article 260, paragraphe 3, TFUE est non seulement d'inciter les États membres à mettre fin, dans les plus brefs délais, à un manquement qui, en l'absence d'une telle disposition, aurait tendance à persister, mais également d'alléger et d'accélérer la procédure d'imposition de sanctions pécuniaires concernant les manquements à l'obligation de communication des dispositions nationales de transposition d'une directive adoptée conformément à la procédure législative [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d'alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 57 et jurisprudence citée].

66      Afin d'atteindre cet objectif, l'article 260, paragraphe 3, TFUE prévoit l'imposition, notamment, d'une somme forfaitaire en tant que sanction pécuniaire.

67      La condamnation au paiement d'une somme forfaitaire repose sur l'appréciation des conséquences du défaut d'exécution des obligations pesant sur l'État membre concerné à l'égard des intérêts privés et publics en présence, notamment lorsque le manquement a persisté pendant une longue période [voir, en ce sens, arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d'alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 59 et jurisprudence citée].

68      La Commission motive la nature et le montant de la sanction pécuniaire sollicitée en tenant compte des lignes directrices qu'elle a adoptées, telles que celles contenues dans ses communications, qui, tout en ne liant pas la Cour, contribuent à garantir la transparence, la prévisibilité et la sécurité juridique de l'action menée par la Commission [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d'alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 60 et jurisprudence citée].

69      En l'espèce, la Commission s'est fondée sur la communication de 2023 pour justifier la demande de condamnation de la République de Bulgarie au paiement d'une somme forfaitaire ainsi que pour en fixer le montant.

–       Sur l'opportunité d'imposer une somme forfaitaire

70      Il est de jurisprudence constante que, afin d'apprécier l'opportunité d'imposer une sanction pécuniaire, il appartient à la Cour, dans chaque affaire et en fonction des circonstances de l'espèce dont elle se trouve saisie ainsi que du niveau de persuasion et de dissuasion qui lui paraît requis, d'arrêter les sanctions pécuniaires appropriées, notamment pour prévenir la répétition d'infractions au droit de l'Union analogues à celles de l'espèce [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d'alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 62 et jurisprudence citée].

71      En l'occurrence, il convient de considérer que, nonobstant le fait que la République de Bulgarie a coopéré avec les services de la Commission tout au long de la procédure précontentieuse et qu'elle a tenu ces derniers informés des raisons qui l'ont empêchée d'assurer la transposition en droit interne de la directive 2019/789, l'absence totale de communication des dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires à la transposition de cette directive à l'expiration du délai fixé dans l'avis motivé du 19 mai 2022 constitue un indicateur de ce que la prévention effective de la répétition d'infractions au droit de l'Union analogues à celles de l'espèce est de nature à requérir l'adoption d'une mesure dissuasive telle que l'imposition d'une somme forfaitaire [voir, en ce sens, arrêt du 29 février 2024, Commission/Irlande (Services de médias audiovisuels), C‑679/22, EU:C:2024:178, point 73 et jurisprudence citée].

72      La Cour a également jugé qu'une requête qui demande l'imposition d'une somme forfaitaire ne saurait être rejetée comme étant disproportionnée au seul motif qu'elle a pour objet un manquement qui, tout en ayant perduré, a pris fin à la date de l'examen des faits par la Cour [arrêts du 16 juillet 2020, Commission/Irlande (Lutte contre le blanchiment de capitaux), C‑550/18, EU:C:2020:564, point 77, et du 13 janvier 2021, Commission/Slovénie (MiFID II), C‑628/18, EU:C:2021:1, point 70].

73      En l'occurrence, le manquement a pris fin après la date de clôture de la phase écrite de la présente procédure.

74      S'agissant des raisons invoquées par la République de Bulgarie qui fonderaient le rejet de la demande d'imposition d'une somme forfaitaire, à savoir la pandémie mondiale de Covid-19 et la situation politique interne, il suffit de rappeler que, ainsi qu'il ressort des points 40 à 42 du présent arrêt, cet État membre n'a pas démontré que ces deux raisons pouvaient être qualifiées de circonstances de force majeure.

75      Il y a donc lieu d'imposer une somme forfaitaire à la République de Bulgarie.

–       Sur le montant de la somme forfaitaire

76      En application de l'article 260, paragraphe 3, TFUE, seule la Cour est compétente pour infliger une sanction pécuniaire à un État membre. Toutefois, dans le cadre d'une procédure engagée sur le fondement de cette disposition, la Cour ne dispose que d'un pouvoir d'appréciation encadré, dès lors que, en cas de constat d'un manquement par cette dernière, les propositions de la Commission lient la Cour quant à la nature de la sanction pécuniaire qu'elle peut infliger et quant au montant maximal de la sanction qu'elle peut prononcer [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d'alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 67 et jurisprudence citée].

77      Il convient de relever que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation en la matière tel qu'encadré par les propositions de la Commission, il appartient à la Cour de fixer le montant de la somme forfaitaire au paiement de laquelle un État membre peut être condamné en vertu de l'article 260, paragraphe 3, TFUE de telle sorte qu'il soit, d'une part, adapté aux circonstances et, d'autre part, proportionné à l'infraction commise. Figurent notamment au rang des facteurs pertinents à cet égard des éléments tels que la gravité du manquement constaté, la période durant laquelle celui-ci a persisté ainsi que la capacité de paiement de l'État membre en cause [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d'alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, points 68 et 87 ainsi que jurisprudence citée].

78      Dans le cadre de ce pouvoir d'appréciation, des lignes directrices telles que les communications de la Commission, qui énoncent en tant que règles indicatives des variables mathématiques, ne lient pas la Cour, mais contribuent à garantir la transparence, la prévisibilité et la sécurité juridique de l'action menée par la Commission elle-même lorsque cette institution fait des propositions à la Cour [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d'alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 69 et jurisprudence citée].

79      En premier lieu, concernant la gravité du manquement constaté, il convient de rappeler que l'obligation d'adopter des dispositions pour assurer la transposition complète d'une directive et l'obligation de les communiquer à la Commission constituent des obligations essentielles des États membres afin d'assurer la pleine effectivité du droit de l'Union, et que le manquement à ces obligations doit, dès lors, être considéré comme étant d'une gravité certaine [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d'alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 72 et jurisprudence citée].

80      Toutefois, la Cour a jugé que l'application automatique d'un même coefficient de gravité dans tous les cas d'absence de transposition complète d'une directive et, partant, d'absence de communication des mesures de transposition de cette directive fait nécessairement obstacle à l'adaptation du montant des sanctions pécuniaires aux circonstances qui caractérisent l'infraction et à l'imposition de sanctions proportionnées. En particulier, en présumant que la violation de l'obligation de communiquer les mesures de transposition d'une directive doit être considérée comme ayant la même gravité quelle que soit la directive concernée, la Commission n'est pas en mesure d'adapter les sanctions pécuniaires en fonction des conséquences du défaut d'exécution de cette obligation sur les intérêts privés et publics, tel que le prévoit le point 3.2.2 de la communication de 2023 [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d'alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, points 76 et 77]. Par conséquent, la Commission ne saurait se libérer de son obligation d'apprécier, dans chaque État membre et pour chaque cas spécifique, les conséquences de l'infraction constatée sur les intérêts privés et publics en se limitant à l'application automatique d'un coefficient de gravité dans le cadre de la fixation des sanctions pécuniaires, et ce en tenant compte d'éventuelles circonstances atténuantes ou aggravantes [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d'alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 79].

81      En l'espèce, aux fins de l'appréciation de la gravité du manquement, la Cour doit prendre en compte le contenu de la directive 2019/789 et les conséquences du défaut d'exécution de cette directive sur les intérêts privés et publics.

82      À cet égard, il convient de souligner que la directive 2019/789 vise, ainsi qu'il ressort de son article 1er, lu à la lumière des considérants 1 et 26 de cette directive, à promouvoir la fourniture transfrontière de services en ligne accessoires pour certains types de programmes et à faciliter les retransmissions de programmes de télévision et de radio provenant d'autres États membres. Partant, cette directive vise à contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur et prévoit, aux fins de la réalisation de cet objectif, une plus large diffusion, dans les États membres, de programmes de télévision et de radio provenant d'autres États membres en facilitant l'octroi de licences de droit d'auteur et de droits voisins sur les œuvres et les autres objets protégés contenus dans certains types de programmes de télévision et de radio. Il s'ensuit que la directive 2019/789 participe à l'essor de la culture dans un contexte transfrontalier et constitue, de ce fait, un moyen important de promouvoir la diversité culturelle et linguistique ainsi que la cohésion sociale. Elle permet également d'accroître l'accès à l'information.

83      Ainsi, au vu des intérêts privés et publics en jeu, tels que mentionnés au point précédent du présent arrêt, le manquement de la République de Bulgarie à l'obligation d'adopter des dispositions permettant d'assurer la transposition complète de la directive 2019/789 et à l'obligation de communiquer ces dispositions à la Commission doit être considéré comme revêtant une gravité certaine.

84      La République de Bulgarie fait toutefois valoir, dans son mémoire en défense, sans être sérieusement contredite sur ce point par la Commission, qu'une partie des exigences de la directive 2019/789, notamment celles prévues aux articles 4 à 9 de celle-ci, était déjà mise en œuvre en Bulgarie par la législation existante, en vigueur avant le 7 juin 2021.

85      Dans ces conditions, il convient de constater que la Commission n'a pas établi que les conséquences du manquement constaté en l'espèce sur les intérêts privés et publics étaient aussi négatives que dans le cas d'une absence de transposition complète de la directive 2019/789. En ce que la Commission fait valoir qu'il n'y a pas lieu de tenir compte de cette législation nationale dans le cadre de l'appréciation du coefficient de gravité puisqu'elle ne lui a pas été notifiée, il suffit de constater que cette argumentation est dépourvue de pertinence dès lors que l'absence de notification n'a pas d'incidence quant au fait que l'existence de ladite législation a un impact sur ces intérêts [voir, en ce sens, arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d'alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 92].

86      Il n'en demeure pas moins que la République de Bulgarie a elle-même reconnu que les dispositions nationales qui transposent partiellement les articles 4 à 9 de la directive 2019/789 sont dispersées dans l'ordre juridique bulgare et ne comportent pas, contrairement à ce qu'exige l'article 12, paragraphe 1, de la directive 2019/789, de référence explicite à celle-ci.

87      Or, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence citée au point 45 du présent arrêt, l'exigence de sécurité juridique requiert que, lorsqu'une directive vise à créer des droits pour les particuliers, les bénéficiaires soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits. En l'occurrence, la directive 2019/789 régissant, à son article 4, l'exercice par les titulaires du droit exclusif de communication au public des droits sur la retransmission, l'absence de règles spécifiques et claires en la matière fait obstacle à une protection effective de ces titulaires et est donc susceptible de remettre en cause l'application uniforme et effective de ce droit dans les domaines couverts par cette directive.

88      En conséquence, pour les motifs exposés aux points 84 à 87 du présent arrêt, l'absence de transposition complète de la directive 2019/789 ne peut que revêtir une gravité certaine.

89      En deuxième lieu, concernant la durée de l'infraction, il est établi, d'une part, que la République de Bulgarie n'avait pas, à l'expiration du délai de transposition prévu à l'article 12, paragraphe 1, de la directive 2019/789, à savoir le 7 juin 2021, adopté les dispositions législatives, réglementaires ou administratives nécessaires pour assurer la transposition de cette directive et, partant, n'avait pas non plus communiqué ces dispositions à la Commission, et, d'autre part, que cet État membre n'a transposé ladite directive que le 1er décembre 2023, date de l'entrée en vigueur de la loi modifiant et complétant la loi sur le droit d'auteur et les droits voisins. Dès lors, le manquement a perduré du 8 juin 2021 au 30 novembre 2023, de telle sorte que le nombre de jours de persistance de l'infraction s'élève à 906 jours, ce qui constitue une durée importante.

90      En troisième lieu, en ce qui concerne la capacité de paiement de la République de Bulgarie, il ressort d'une jurisprudence constante que, sans préjudice de la possibilité pour la Commission de proposer des sanctions financières fondées sur une pluralité de critères, en vue de permettre, notamment, de maintenir un écart raisonnable entre les divers États membres, il convient de prendre en compte le PIB de cet État en tant que facteur prédominant aux fins de l'appréciation de sa capacité de paiement et de la fixation de sanctions suffisamment dissuasives et proportionnées, afin de prévenir de manière effective la répétition d'infractions au droit de l'Union analogues à celles de l'espèce [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d'alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 81].

91      À cet égard, la Cour a itérativement jugé qu'il convenait de prendre en compte l'évolution récente du PIB de l'État membre, telle qu'elle se présente à la date de l'examen des faits par la Cour [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d'alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 82].

92      Toutefois, ainsi qu'il ressort de l'arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d'alerte) (C‑147/23, EU:C:2024:346, points 82 à 86), il n'y a pas lieu de tenir compte, dans la méthode de calcul du facteur « n », d'un critère démographique selon les modalités prévues aux points 3.4 et 4.2 de la communication de 2023.

93      Eu égard à ces considérations et au regard du pouvoir d'appréciation reconnu à la Cour par l'article 260, paragraphe 3, TFUE, lequel prévoit que celle-ci ne saurait, en ce qui concerne la somme forfaitaire dont elle inflige le paiement, fixer un montant dépassant celui indiqué par la Commission, il y a lieu de considérer que la prévention effective de la répétition d'infractions analogues à celle résultant de la violation de l'article 12 de la directive 2019/789, et portant atteinte à la pleine effectivité du droit de l'Union, requiert l'imposition d'une somme forfaitaire dont le montant doit être fixé à 1 000 000 euros.

 Sur les dépens

94      Aux termes de l'article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République de Bulgarie et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête :

1)      En n'ayant pas, à l'expiration du délai imparti dans l'avis motivé de la Commission européenne du 19 mai 2022, adopté toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive (UE) 2019/789 du Parlement européen et du Conseil, du 17 avril 2019, établissant des règles sur l'exercice du droit d'auteur et des droits voisins applicables à certaines transmissions en ligne d'organismes de radiodiffusion et retransmissions de programmes de télévision et de radio, et modifiant la directive 93/83/CEE, et, partant, en n'ayant pas communiqué ces dispositions à la Commission, la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 12 de cette directive.

2)      La République de Bulgarie est condamnée à payer à la Commission européenne une somme forfaitaire d'un montant de 1 000 000 euros.

3)      La République de Bulgarie est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

Signatures


*      Langue de procédure : le bulgare.

© European Union
The source of this judgment is the Europa web site. The information on this site is subject to a information found here: Important legal notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.


BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: https://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2025/C19823.html