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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Meucci v Parliament and EEAS (Civil service - Officials - Termination of service - Compulsory retirement - Judgment) French Text [2025] EUECJ T-1123/23 (29 January 2025) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2025/T112323.html Cite as: [2025] EUECJ T-1123/23, EU:T:2025:110, ECLI:EU:T:2025:110 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
29 janvier 2025 (*)
« Fonction publique - Fonctionnaires - Cessation des fonctions - Mise à la retraite d’office - Demande de maintien en activité au-delà de l’âge de la retraite - Limitation de la durée de maintien en activité au-delà de l’âge de la retraite - Obligation de motivation - Erreur manifeste d’appréciation - Intérêt du service - Sécurité juridique - Confiance légitime - Devoir de sollicitude »
Dans l’affaire T‑1123/23,
Paolo Meucci, demeurant à Addis-Abeba (Éthiopie), représenté par Mes L. Levi et A. Champetier, avocates,
partie requérante,
contre
Parlement européen, représenté par Mme S. Seyr, MM. R. Schiano et R. Rende Granata, en qualité d’agents,
et
Service européen pour l’action extérieure (SEAE), représenté par M. R. Coesme, Mme S. Falek et M. J. Lanzuela de Álvaro, en qualité d’agents,
parties défenderesses,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre),
composé de MM. J. Svenningsen (rapporteur), président, J. Martín y Pérez de Nanclares et Mme M. Stancu, juges,
greffier : M. L. Ramette, administrateur,
vu l’ordonnance du 5 janvier 2024, Meucci/Parlement et SEAE (T‑1123/23 R, non publiée, EU:T:2024:1),
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 16 octobre 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, M. Paolo Meucci demande l’annulation, premièrement, de la décision du Parlement européen du 24 octobre 2023 de l’autoriser à rester en activité au-delà de l’âge de la retraite jusqu’au 30 novembre 2023 (ci‑après la « première décision attaquée »), deuxièmement, de la décision du Parlement du 24 octobre 2023 de le détacher dans l’intérêt du service auprès du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) jusqu’au 30 novembre 2023 (ci-après la « deuxième décision attaquée »), troisièmement, de la décision du Parlement du 9 novembre 2023 de le réintégrer et de le mettre à la retraite d’office avec effet au 30 novembre 2023 (ci-après la « troisième décision attaquée ») et, quatrièmement, de la décision du SEAE du 13 novembre 2023 de mettre fin à son affectation à la délégation de l’Union européenne auprès de l’Union africaine avec effet au 30 novembre 2023 (ci-après la « quatrième décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 Le requérant est un ancien fonctionnaire du Parlement.
3 Conformément à l’article 52, premier alinéa, sous a), du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») et à l’article 23, paragraphe 1, de l’annexe XIII dudit statut, il devait être mis à la retraite d’office le 30 septembre 2022 à l’âge de 65 ans.
4 Le 10 mars 2022, il a demandé à être autorisé à rester en activité au-delà de l’âge de la retraite pour une année supplémentaire, soit jusqu’au 30 septembre 2023.
5 Le 10 juin 2022, le secrétaire général du Parlement a décidé de détacher le requérant dans l’intérêt du service auprès du SEAE du 1er septembre 2022 au 31 août 2024, en vue de son affectation à la délégation de l’Union auprès de l’Union africaine à Addis-Abeba (Éthiopie).
6 Le 20 juin 2022, la présidente du Parlement a autorisé le requérant à rester en activité au-delà de l’âge de la retraite jusqu’au 30 septembre 2023 (ci-après la « décision du 20 juin 2022 »).
7 Par courriel du 7 février 2023, le requérant a interrogé la responsable des ressources humaines de la direction générale (DG) « Politiques internes de l’Union » du Parlement sur le besoin d’introduire une demande de renouvellement de l’autorisation de rester en activité au-delà de l’âge de la retraite compte tenu de la durée de son détachement dans l’intérêt du service prévu jusqu’au 31 août 2024.
8 Par courriel du 8 février 2023, la responsable des ressources humaines de la DG « Politiques internes de l’Union » du Parlement lui a répondu que sa mise à la retraite était officiellement prévue le 1er septembre 2024. Selon elle, la prolongation de son activité jusqu’à cette date découlait directement de la décision du 10 juin 2022 de le détacher dans l’intérêt du service. Elle a précisé au requérant qu’il pourrait vérifier cela auprès de la cheffe d’unité des ressources humaines de la DG « Partenariats pour la démocratie parlementaire » du Parlement mais que, à son avis, une demande additionnelle ne serait pas nécessaire.
9 Par courriel du 26 septembre 2023, la directrice des ressources humaines de la DG « Partenariats pour la démocratie parlementaire » du Parlement a informé le requérant qu’il avait été porté à sa connaissance que la décision du 20 juin 2022 l’autorisant à rester en activité au-delà de l’âge de la retraite expirerait le 30 septembre 2023. Elle a précisé qu’elle avait confiance dans le fait que le requérant avait probablement demandé le renouvellement de son autorisation et qu’elle apprécierait d’être informée de sa situation personnelle.
10 Le 29 septembre 2023, le requérant a demandé le renouvellement de son autorisation de rester en activité au-delà de l’âge de la retraite jusqu’au 31 août 2024.
11 Le 24 octobre 2023, par la première décision attaquée, la présidente du Parlement a autorisé le requérant à poursuivre son activité au-delà de l’âge de 66 ans jusqu’au 30 novembre 2023 au soir sur le fondement de l’article 52 du statut.
12 Le même jour, par la deuxième décision attaquée, le secrétaire général du Parlement a retiré sa décision du 10 juin 2022 de détacher le requérant dans l’intérêt du service jusqu’au 31 août 2024 et a mis fin à ce détachement avec effet au 30 novembre 2023.
13 Le 9 novembre 2023, par la troisième décision attaquée, le secrétaire général du Parlement a réintégré le requérant au sein de cette institution et mis ce dernier à la retraite d’office, avec effet au 30 novembre 2023.
14 Le 13 novembre 2023, par la quatrième décision attaquée, la directrice des ressources humaines du SEAE a mis fin à l’affectation du requérant en délégation avec effet au 30 novembre 2023.
15 Le 29 novembre 2023, le requérant, sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut, a introduit deux réclamations, la première contre les première, deuxième et troisième décisions attaquées, la seconde contre la quatrième décision attaquée.
Faits postérieurs à l’introduction du recours
16 Par ordonnance du 1er décembre 2023, le président du Tribunal, sur le fondement de l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, a sursis à l’exécution des quatre décisions attaquées et a ordonné que l’autorisation permettant au requérant de travailler au sein de la délégation de l’Union auprès de l’Union africaine soit prolongée jusqu’à la date de l’adoption de l’ordonnance mettant fin à la procédure de référé.
17 Par ordonnance du 5 janvier 2024, Meucci/Parlement et SEAE (T‑1123/23 R, non publiée, EU:T:2024:1), le président du Tribunal a rejeté la demande en référé pour défaut d’urgence.
18 Conformément à l’article 91, paragraphe 4, du statut, la procédure au principal, qui avait été suspendue dans l’attente des décisions du Parlement et du SEAE sur les réclamations du requérant visées au point 15 ci‑dessus, a été reprise à la suite de l’adoption, les 14 et 26 mars 2024, des décisions explicites de rejet de ces réclamations.
Conclusions des parties
19 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler les quatre décisions attaquées ;
– condamner le Parlement et le SEAE aux dépens.
20 Le Parlement et le SEAE concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner le requérant aux dépens.
En droit
21 À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant invoque quatre moyens qui visent indistinctement les quatre décisions attaquées et qui sont tirés, premièrement, d’une violation de l’obligation de motivation, deuxièmement, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation de l’intérêt du service, troisièmement, d’une violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime et, quatrièmement, d’une violation du devoir de sollicitude.
Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation
22 Le requérant fait valoir que la première décision attaquée n’est pas motivée, car elle omet d’indiquer les raisons pour lesquelles le terme de son autorisation de rester en activité au-delà de l’âge de la retraite a été fixé au 30 novembre 2023, alors qu’il avait pris le soin d’expliquer de manière détaillée l’intérêt pour le service de le maintenir en activité jusqu’au 31 août 2024. Cette absence de motivation l’empêcherait de comprendre le raisonnement ayant conduit le Parlement à adopter les deuxième et troisième décisions attaquées.
23 Quant à la motivation de la quatrième décision attaquée, elle ne permettrait pas non plus de comprendre la raison pour laquelle le SEAE a mis fin à son affectation en délégation au 30 novembre 2023.
24 Le Parlement et le SEAE contestent cette argumentation.
25 En l’espèce, il est vrai que la première décision attaquée se borne à indiquer au requérant que l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a décidé de l’autoriser à poursuivre son activité au-delà de 66 ans jusqu’au 30 novembre 2023 au soir. Cette décision ne contient aucune indication des motifs ayant conduit l’AIPN à fixer le terme de cette autorisation à cette date.
26 Toutefois, sans qu’il soit nécessaire de vérifier si la première décision attaquée est intervenue dans un contexte connu du requérant lui permettant de comprendre pourquoi l’AIPN a retenu la date du 30 novembre 2023, il convient de rappeler qu’une institution de l’Union peut remédier à un éventuel défaut de motivation d’un acte faisant grief par une motivation adéquate fournie au stade de la réponse à la réclamation (voir, en ce sens, arrêt du 16 mars 2022, Kühne/Parlement, T‑468/20, non publié, EU:T:2022:137, point 59 et jurisprudence citée).
27 Or, la décision du 14 mars 2024 rejetant la réclamation du requérant expose de manière claire et compréhensible les motifs ayant conduit l’AIPN à fixer le terme de l’autorisation accordée par la première décision attaquée au 30 novembre 2023.
28 En particulier, l’AIPN a indiqué que, en raison de la tardiveté du dépôt de la demande du requérant de l’autoriser à rester en activité jusqu’au 31 août 2024, que celui-ci a présentée le 29 septembre 2023 à 16 h 37, l’adoption d’une telle autorisation n’avait pas été possible avant qu’intervienne, le lendemain de cette demande, sa mise à la retraite d’office.
29 En outre, l’AIPN, après avoir relevé la présence de circonstances exceptionnelles, car le requérant résidait toujours à Addis‑Abeba dans l’attente d’une décision de sa part sur sa demande, a indiqué que, dans un esprit de sollicitude, la date du 30 novembre 2023 avait été retenue afin de lui laisser un délai suffisant pour préparer son retour à Bruxelles (Belgique).
30 Cette motivation est suffisante pour permettre au requérant de comprendre les raisons du choix de l’AIPN de fixer le terme de l’autorisation accordée par la première décision attaquée au 30 novembre 2023.
31 Quant aux trois autres décisions attaquées, elles sont suffisamment motivées par la référence, dans leurs visas, à la première décision attaquée. À elle seule, cette référence permet, en effet, au requérant de comprendre que, ayant déjà atteint l’âge de la mise à la retraite d’office et en l’absence d’autorisation de rester en activité au-delà du 30 novembre 2023, il ne pouvait pas rester en détachement auprès du SEAE au-delà de cette date et qu’il devait nécessairement être admis au bénéfice de la retraite à compter de celle-ci.
32 Au vu de ce qui précède, le premier moyen doit être écarté comme étant non fondé.
Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation de l’intérêt du service
33 Le requérant fait valoir que la première et la deuxième décisions attaquées ont été adoptées sans tenir compte de l’intérêt du service, lequel justifiait de l’autoriser à rester en activité jusqu’au 31 août 2024, mais uniquement en tenant compte de la tardiveté de sa demande d’autorisation de rester en activité au-delà de l’âge de la retraite.
34 Le Parlement et le SEAE contestent cette argumentation.
35 En l’espèce, il ressort de la motivation de la décision du 14 mars 2024 rejetant la réclamation du requérant, rappelée aux points 28 et 29 ci-dessus, que la première décision attaquée n’a pas été adoptée après un examen de l’intérêt du service. Celle-ci a, en effet, été adoptée dans le seul intérêt du requérant, afin de lui laisser un délai suffisant pour organiser son départ à la retraite et son retour à Bruxelles.
36 Dans ce contexte, il ressort, certes, des termes mêmes de l’article 52, deuxième alinéa, du statut que la décision que doit prendre l’AIPN compétente sur une demande d’autorisation de rester en activité au-delà de l’âge de la retraite ne dépend que de l’intérêt du service, sans que l’AIPN doive prendre plus spécifiquement en compte les intérêts du fonctionnaire demandeur (voir arrêt du 29 mai 2018, Fedtke/CESE, T‑801/16 RENV, non publié, EU:T:2018:312, point 181 et jurisprudence citée).
37 Toutefois, il convient de rappeler qu’un régime de mise à la retraite d’office, tel que celui prévu par l’article 52, premier alinéa, sous a), du statut, entraîne de plein droit la cessation définitive des fonctions de l’intéressé lorsqu’il atteint l’âge de la retraite.
38 Par ailleurs, selon son libellé même, l’article 52, deuxième alinéa, du statut permet seulement à l’AIPN d’autoriser un fonctionnaire à « rester » en activité au-delà de l’âge de la retraite. Ainsi, l’application de cette disposition suppose que l’intéressé soit toujours en position d’activité au moment où l’AIPN adopte sa décision.
39 Or, en l’espèce, en l’absence de renouvellement avant le 30 septembre 2023 de son autorisation de rester en activité au-delà de l’âge de la retraite, la circonstance que le requérant a atteint l’âge de la mise à la retraite d’office à cette date a entraîné, de plein droit, la cessation définitive de ses fonctions. En conséquence, le 24 octobre 2023, lorsque l’AIPN a pris la première décision attaquée, les fonctions du requérant avaient déjà pris définitivement fin de plein droit.
40 Au vu de ce qui précède, le requérant ne saurait utilement se prévaloir du fait que les deux premières décisions attaquées ont été adoptées sans tenir compte de l’intérêt du service.
41 En effet, le 24 octobre 2023, lorsque la première décision attaquée a été adoptée, l’AIPN ne pouvait plus recourir à l’article 52, deuxième alinéa, du statut pour autoriser le requérant à rester en activité au-delà de l’âge de la retraite. Ainsi, même si l’AIPN avait estimé, après évaluation de l’intérêt du service, que cet intérêt aurait justifié d’autoriser le requérant à rester en activité jusqu’au 31 août 2024, elle n’était plus en mesure d’adopter une telle décision.
42 À cet égard, il convient de noter que, en saisissant l’AIPN d’une demande d’autorisation de rester en activité le 29 septembre 2023 à 16 h 37, c’est-à-dire quelques heures à peine avant sa mise à la retraite d’office, le requérant n’a pas laissé un délai suffisant à l’AIPN pour procéder aux consultations nécessaires lui permettant d’évaluer, en temps utile, si l’intérêt du service justifiait effectivement de le maintenir en activité jusqu’au 31 août 2024.
43 Pour ce qui est de la deuxième décision attaquée, il suffit de constater que le détachement dans l’intérêt du service, prévu à l’article 37, premier alinéa, sous a), du statut, ne peut concerner qu’un fonctionnaire titulaire en activité. L’AIPN ayant décidé que le requérant serait finalement mis à la retraite le 30 novembre 2023, elle était, en conséquence, tenue de mettre fin à son détachement à cette date, quel qu’ait été l’éventuel intérêt du service à le maintenir en détachement jusqu’au 31 août 2024.
44 Au vu de ce qui précède, le deuxième moyen doit être écarté comme étant inopérant.
Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime
45 Le requérant fait valoir que l’absence de clarté de sa situation ainsi que les assurances reçues de l’administration entacheraient les quatre décisions attaquées d’une violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.
46 À cet égard, le requérant soutient, premièrement, qu’il a été détaché dans l’intérêt du service pour une durée de deux ans, jusqu’au 31 août 2024, de sorte qu’il pouvait légitimement s’attendre à travailler jusqu’à cette date. Deuxièmement, la décision du 20 juin 2022 l’autorisant à rester en activité au-delà de l’âge de la retraite jusqu’au 30 septembre 2023 ne lui aurait été communiquée que le 26 septembre 2023. Troisièmement, dans le courriel du 8 février 2023, l’administration l’aurait informé du fait qu’une demande de renouvellement de cette autorisation n’était pas nécessaire pour faire coïncider celle-ci avec le terme de son détachement dans l’intérêt du service, fixé au 31 août 2024.
47 Le Parlement et le SEAE contestent cette argumentation.
48 Selon la jurisprudence, le principe de sécurité juridique vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit de l’Union et exige que tout acte de l’administration qui produit des effets juridiques soit clair et précis, afin que les intéressés puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations et prendre leurs dispositions en conséquence (voir arrêt du 28 avril 2021, Correia/CESE, T‑843/19, EU:T:2021:221, point 47 et jurisprudence citée).
49 En l’occurrence, il importe de noter d’emblée que la décision du 20 juin 2022 ne souffre d’aucune ambiguïté puisqu’elle prévoit, de façon claire et précise, que l’AIPN autorise le requérant à « poursuivre son activité au-delà de 65 ans jusqu’au 30 septembre 2023 au soir ».
50 Cette décision est conforme au libellé clair et précis de l’article 52, troisième alinéa, du statut qui énonce qu’une autorisation de rester en activité au-delà de l’âge de la retraite est octroyée pour une durée maximale d’un an et que son renouvellement est subordonné à une demande en ce sens de la part de l’intéressé.
51 Dans ces conditions, le requérant pouvait parfaitement anticiper le fait qu’il serait mis à la retraite d’office le 30 septembre 2023 en l’absence de prolongation de son autorisation de rester en activité au-delà de cette date, nonobstant le fait qu’il avait été détaché au SEAE jusqu’au 31 août 2024. Il était, en effet, raisonnablement clair et prévisible que la poursuite de son activité jusqu’à cette dernière date serait subordonnée à l’octroi en temps utile d’une autorisation de la part de l’AIPN de rester en activité au-delà du 30 septembre 2023.
52 À cet égard, la circonstance, à la supposer établie, que la décision du 20 juin 2022 aurait été transmise au requérant seulement le 26 septembre 2023 n’infirme pas ce constat.
53 En effet, la décision du 20 juin 2022 fait intégralement droit à la demande que le requérant a introduite le 10 mars 2022 et dans laquelle il a indiqué qu’elle était « formulée pour [une] année supplémentaire (soit jusqu’à la fin de septembre 2023) ». Par ailleurs, le requérant avait connaissance de la note du 15 mars 2022 par laquelle sa hiérarchie avait recommandé au secrétaire général du Parlement de marquer son accord pour l’autoriser à « travailler jusqu’au 30 septembre 2023 ». De même, dans son courriel du 7 février 2023, le requérant indique que « la première prolongation de l’âge de travail décidée par la DG [“Politiques internes de l’Union”] prend fin le 30 septembre 2023 » et qu’il « devrai[t] donc demander une année supplémentaire, au moins six mois avant ». Ce courriel atteste du fait que, à supposer même que la décision du 20 juin 2022 lui ait été communiquée seulement le 26 septembre 2023, le requérant devait être conscient qu’il devait introduire une demande pour être autorisé à poursuivre son activité au-delà du 30 septembre 2023.
54 Au vu de tous ces éléments, ainsi que du grade élevé du requérant et de sa longue carrière au sein du Parlement, celui-ci ne peut donc pas raisonnablement prétendre qu’il n’était pas clair que son autorisation de rester en activité au‑delà de l’âge de la retraite avait été octroyée pour une durée maximale d’un an, c’est-à-dire jusqu’au 30 septembre 2023, conformément à l’article 52, troisième alinéa, du statut, à sa propre demande et à la recommandation de sa hiérarchie.
55 Partant, aucune violation du principe de sécurité juridique ne saurait être constatée.
56 Quant au principe de protection de la confiance légitime, le droit de se prévaloir de ce principe suppose la réunion de trois conditions. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes émanant de sources autorisées et fiables doivent être fournies à l’intéressé par l’administration de l’Union. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 21 décembre 2022, OM/Commission, T‑118/22, non publié, EU:T:2022:849, point 54 et jurisprudence citée).
57 En l’occurrence, les éléments avancés par le requérant n’établissent pas l’existence d’une violation du principe de protection de la confiance légitime.
58 Premièrement, la décision du 10 juin 2022 par laquelle le requérant a été détaché dans l’intérêt du service au SEAE jusqu’au 31 août 2024 ne lui conférait aucune assurance de rester en activité jusqu’à cette date. En effet, la poursuite de son activité entre le 1er octobre 2023 et le 31 août 2024 était subordonnée à l’octroi en temps utile d’une autorisation de la part de l’AIPN adoptée sur la base d’une demande en ce sens du requérant.
59 Deuxièmement, au vu des éléments rappelés au point 53 ci-dessus, le requérant n’explique pas en quoi la circonstance, à la supposer établie, que la décision du 20 juin 2022 lui aurait été communiquée seulement le 26 septembre 2023 serait constitutive d’une assurance précise, inconditionnelle et concordante de nature à faire naître dans son esprit l’attente légitime de poursuivre son activité sans autorisation de l’AIPN au-delà du 30 septembre 2023.
60 Troisièmement, même s’il est sans doute à l’origine d’une certaine confusion dans l’esprit du requérant, le courriel du 8 février 2023 n’est pas non plus de nature à faire naître une quelconque attente légitime.
61 En effet, non seulement ce courriel n’émane pas de l’autorité compétente mais, en outre, l’avis qu’il contient, exprimé par un membre de l’administration, n’est pas conforme aux normes applicables. Ainsi que cela a été rappelé au point 50 ci‑dessus, l’article 52, troisième alinéa, du statut énonce qu’une autorisation de rester en activité au-delà de l’âge de la retraite est octroyée pour une durée maximale d’un an et que son renouvellement est subordonné à l’introduction d’une demande de la part de l’intéressé. Or, des promesses qui ne tiennent pas compte des dispositions statutaires ne sauraient créer une confiance légitime chez celui auquel elles s’adressent (voir arrêt du 6 juin 2007, Walderdorff/Commission, T‑442/04, non publié, EU:T:2007:161, point 122 et jurisprudence citée).
62 Par ailleurs, le courriel du 8 février 2023 a un caractère informel et ne reflète que l’opinion de la responsable des ressources humaines de la DG « Politiques internes de l’Union », dans la mesure où elle indique que, « à son avis », une demande de renouvellement de l’autorisation de rester en activité au-delà de l’âge de la retraite n’est pas nécessaire. En outre, ainsi qu’il ressort du point 8 ci-dessus, l’auteure de ce courriel a expressément invité le requérant à se mettre en contact avec l’autorité compétente, ce que le requérant n’a pas fait. La condition relative à l’existence d’assurances précises, inconditionnelles et concordantes émanant de sources autorisées et fiables fait donc également défaut.
63 Dès lors, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité du courriel produit lors de l’audience par lequel le requérant a répondu au courriel du 8 février 2023, il suffit de noter que le fait que ce dernier ait mis en copie de sa réponse un membre de la direction générale du Parlement compétente pour l’octroi d’une autorisation de rester en activité au-delà de l’âge de la retraite ne saurait créer une quelconque attente légitime, à défaut de toute promesse formulée par cette direction générale qui serait conforme au statut.
64 Au vu de ce qui précède, le troisième moyen doit être écarté comme étant non fondé.
Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du devoir de sollicitude
65 Le requérant soutient que les quatre décisions attaquées ont été prises sans que ses intérêts personnels soient pris en compte. En particulier, le Parlement n’aurait pas tenu compte de ses propres manquements dans la gestion du dossier du requérant et aurait ignoré les assurances données par l’administration en réponse à sa demande d’informations. Par ailleurs, ni le Parlement ni le SEAE n’auraient tenu compte de ses attentes professionnelles légitimes.
66 Le Parlement et le SEAE contestent cette argumentation.
67 En l’espèce, il ressort de la motivation rappelée aux points 28 et 29 ci‑dessus que la première décision attaquée a été adoptée exclusivement dans l’intérêt du requérant. Par conséquent, c’est à tort que celui-ci reproche à l’AIPN d’avoir adopté cette décision sans tenir compte de son intérêt personnel.
68 En outre, au vu des considérations exposées aux points 37 à 39 ci-dessus, desquelles il ressort que le Parlement aurait dû purement et simplement rejeter la demande du requérant d’être autorisé à rester en activité au-delà de l’âge de la retraite, car ses fonctions avaient définitivement cessé de plein droit le 30 septembre 2023, le requérant ne saurait reprocher à cette institution d’avoir manqué de sollicitude à son égard en prolongeant malgré tout, exceptionnellement, son activité au service de l’Union jusqu’au 30 novembre 2023.
69 Par ailleurs, la protection des droits et des intérêts des fonctionnaires doit toujours trouver sa limite dans le respect des normes en vigueur (voir arrêt du 8 mai 2024, VB/BCE, T‑124/23, non publié, EU:T:2024:294, point 74 et jurisprudence citée). Il en découle que le devoir de sollicitude ne pouvait pas obliger le Parlement à faire droit à la demande du requérant d’être autorisé à rester en activité jusqu’au 31 août 2024.
70 Pour les mêmes motifs, le devoir de sollicitude ne pouvait pas non plus faire obstacle à l’adoption des deuxième et troisième décisions attaquées.
71 Enfin, le requérant ne peut davantage reprocher au SEAE d’avoir manqué de sollicitude en adoptant la quatrième décision attaquée.
72 En effet, la mise en balance entre l’intérêt du service et l’intérêt de l’agent concerné qu’implique le devoir de sollicitude de l’administration ne peut trouver à s’appliquer lorsque cette dernière a une compétence liée (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2021, KO/Commission, T‑389/20, non publié, EU:T:2021:436, point 50). Or, à la suite de l’adoption des trois premières décisions attaquées, le SEAE était bien en situation de compétence liée puisqu’il n’avait pas d’autre choix que de mettre fin à l’affectation du requérant en délégation.
73 Au vu de ce qui précède, le quatrième moyen doit être écarté comme étant non fondé et il convient, par conséquent, de rejeter le recours dans son intégralité.
Sur les dépens
74 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions du Parlement et du SEAE.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) M. Paolo Meucci est condamné aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.
Svenningsen | Martín y Pérez de Nanclares | Stancu |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 janvier 2025.
Le greffier | Le président |
V. Di Bucci | S. Papasavvas |
* Langue de procédure : le français.
© European Union
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