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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Swenters v Commission (Competition - Agreements, decisions and concerted practices - Abuse of dominant position - Market for the extraction and supply of quartz sand - Judgment) French Text [2025] EUECJ T-142/23 (19 March 2025) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2025/T14223.html Cite as: ECLI:EU:T:2025:320, [2025] EUECJ T-142/23, EU:T:2025:320 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)
19 mars 2025 (*)
« Concurrence - Ententes - Abus de position dominante - Marché de l’extraction et de la fourniture de sable de quartz - Décision de rejet d’une plainte - Article 7 du règlement (CE) no 773/2004 - Obligation de motivation - Obligation d’examiner l’ensemble des éléments de fait et de droit pertinents - Intérêt de l’Union »
Dans l’affaire T‑142/23,
Ivo Swenters, demeurant à Hasselt (Belgique), représenté par Me J. Coninx, avocat,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par M. T. Baumé et Mme C. Zois, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre),
composé de MM. L. Truchot (rapporteur), président, H. Kanninen et M. Sampol Pucurull, juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
vu la phase écrite de la procédure,
vu la mesure d’organisation de la procédure du 11 juin 2024 et la réponse déposée au greffe du Tribunal le 25 juin 2024 par la Commission,
vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, M. Ivo Swenters, demande l’annulation de la décision C(2023) 386 final de la Commission, du 13 janvier 2023, rejetant sa plainte concernant l’infraction à l’article 101 TFUE prétendument commise par SCR-Sibelco NV (ci-après « Sibelco »), Cimenteries CBR Cementbedrijven NV, Grintbedrijf SBS NV, Kiezelgroeve Varenberg NV, Dragages Graviers et Travaux (Dragratra) NV, Sibelco Nederland BV, Van Nieuwpoort Groep BV, HeidelbergCement AG et Hülskens Holding GmbH & Co. KG (ci-après, prises ensemble, les « entreprises en cause ») (affaire AT.40683 – Sable belge) et l’infraction à l’article 102 TFUE prétendument commise par Sibelco (ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 Le requérant est l’un des fils de M. Mathieu Swenters, un ancien exploitant de gravier en Belgique.
3 En 1973, le Conseil provincial du Limbourg a créé GOM-Limburg, une entité publique chargée d’établir un plan régional pour le Maasland, de définir des zones de réserve et d’allouer les droits d’extraction de granulats relatifs auxdites zones. Parmi ces dernières figurait la zone de Mechelse Heide, située sur le territoire de la commune de Maasmechelen (Belgique).
4 Le 22 décembre 1981, un contrat de bail a été signé entre, d’une part, GOM-Limburg et, d’autre part, Sibelco, NV Socamprosa, Limburgse Kiezelwasserij LKW, Grintbedrijf SBS et M. Swenters (ci-après, pris ensemble, les « cinq exploitants de gravier »), par lequel GOM-Limburg a accordé aux cinq exploitants de gravier des droits d’extraction de granulats pour la zone de Mechelse Heide.
5 Le 10 février 1983, les cinq exploitants de gravier ont signé l’acte de constitution de NV Limburgse Berggrinduitbating (ci-après « LBU »), une entreprise commune au capital de 100 000 000 de francs belges (BEF) (environ 2 479 000 euros), afin d’assurer une exploitation conjointe de la zone de Mechelse Heide. Avec une prise de participation à hauteur de 6 300 000BEF (environ 156 000 euros), M. Swenters détenait 6,3 % du capital de LBU.
6 Le 20 avril 1983, les cinq exploitants de gravier ont conclu un contrat d’exploitation avec LBU, par lequel cette dernière leur a accordé le droit exclusif d’exploiter les ressources de gravier et de sable de remblai de la zone de Mechelse Heide. Ledit accord réservait l’exploitation des ressources de sable de quartz à Sibelco et à NV Socamprosa.
7 Le 27 septembre 1983, un contrat de bail a été conclu entre GOM-Limburg et LBU, par lequel les droits et obligations incombant aux cinq exploitants de gravier en vertu du contrat de bail conclu en 1981 ont été transférés à LBU. Le bail a été conclu pour une durée de 20 ans. Cette durée a, par la suite, été prolongée jusqu’au 31 mai 2013.
8 Le 20 décembre 1988, un nouveau contrat de bail a été conclu entre GOM-Limburg et LBU, par lequel des droits d’exploitation relatifs à des terrains supplémentaires ont été accordés à LBU à des conditions identiques à celles du contrat de bail signé en 1983. Ce bail devait également prendre fin le 31 mai 2013.
9 M. Swenters est décédé en 1991. Le 2 octobre 1995, ses cinq héritiers, au rang desquels se trouvait le requérant, ont, en substance, cédé à Dragages Graviers et Travaux (Dragratra) NV 75 % des parts du défunt dans LBU, pour un montant de 86 296 000 BEF (environ 2 139 000 euros).
10 Le 27 janvier 2004, le conseil d’administration de LBU a adopté une déclaration par laquelle cette entreprise a fait connaître son intention de mettre fin aux baux signés en 1983 et en 1988 en ce qui concernait la partie sud de la zone de Mechelse Heide.
11 Le 22 décembre 2004, un contrat de concession a été conclu entre GOM-Limburg et Sibelco, qui conférait à cette dernière le droit exclusif d’exploiter les couches de sables, comprenant notamment le sable de quartz, des sites administrés par GOM-Limburg dans la zone de Mechelse Heide pendant une période prenant fin le 22 décembre 2029.
12 Par une lettre du 16 octobre 2019, le requérant a introduit une plainte auprès de la Commission européenne sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1) (ci-après la « plainte »). Par sa plainte, le requérant a demandé à la Commission d’enquêter sur une infraction à l’article 101 TFUE qui aurait été commise par les entreprises en cause et sur une infraction à l’article 102 TFUE qui aurait été commise par Sibelco. Il a également fait valoir que, en raison de ces infractions au droit de la concurrence, les parts dans LBU revendues par les héritiers de M. Swenters en 1995 (voir point 9 ci-dessus) avaient été sous-évaluées, ce qui lui a causé un préjudice.
13 Entre janvier 2020 et août 2022, la Commission et le requérant ont échangé plusieurs lettres, dans lesquelles la première a demandé au second des éclaircissements concernant la plainte et a obtenu de celui-ci des informations supplémentaires.
14 Par lettre du 5 octobre 2022, la Commission a informé le requérant, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, de son règlement (CE) no 773/2004, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101 et 102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18), qu’elle n’avait pas l’intention de conduire une enquête sur les faits allégués dans la plainte. Elle a exposé qu’il n’existait pas de motifs suffisants pour donner suite à la plainte dans la mesure où l’intérêt de l’Union européenne à ce titre n’était pas suffisamment important.
15 D’une part, la Commission a souligné que les pratiques anticoncurrentielles alléguées dans la plainte ne semblaient concerner qu’un seul État membre, dès lors que la plupart des entreprises en cause ainsi que les ressources naturelles en cause étaient localisées en Belgique et que lesdites pratiques avaient eu lieu exclusivement dans cet État membre. D’autre part, elle a relevé que l’extraction et l’exploitation de sable de quartz étaient soumises à des réglementations nationales, régionales et locales, de sorte que les autorités de concurrence et juridictions nationales apparaissaient particulièrement bien placées pour apprécier la pertinence de ces règles de droit dans l’évaluation des pratiques anticoncurrentielles alléguées. En outre, elle a souligné que les autorités de concurrence et juridictions nationales étaient, en vertu de sa communication sur la coopération entre la Commission et les juridictions nationales pour l’application des articles [101] et [102 TFUE] (JO 2004, C 101, p. 54), en mesure d’évaluer les faits pertinents afin de déterminer si les relations contractuelles et les pratiques commerciales dénoncées dans la plainte constituaient une violation des articles 101 ou 102 TFUE. Ainsi, la Commission a considéré que les autorités et juridictions belges étaient bien placées pour traiter les allégations figurant dans la plainte. Par ailleurs, elle a estimé que le fait qu’une juridiction nationale avait déjà examiné, dans le cadre de deux procédures, les faits allégués justifiait qu’elle ne procède pas à une autre enquête de manière parallèle.
16 Par courrier électronique du 2 novembre 2022, le requérant a présenté des observations écrites, par lesquelles il a demandé à la Commission de reconsidérer sa position et d’ouvrir une enquête sur les pratiques en cause. Il estimait que les juridictions nationales et les autorités de concurrence belges n’étaient pas bien placées pour traiter les allégations figurant dans sa plainte.
17 Le 13 janvier 2023, la Commission a adopté la décision attaquée, par laquelle elle a rejeté la plainte sur le fondement de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 773/2004. Elle a réaffirmé que l’intérêt de l’Union justifiant un examen de sa part des faits allégués dans la plainte n’était pas suffisant et s’est fondée, à ce titre, sur les mêmes motifs que ceux exposés dans la lettre du 5 octobre 2022 (voir point 15 ci-dessus). Elle a également précisé que le fait que Sibelco était une entreprise multinationale jouissant d’une « forte position » sur le marché de plusieurs États membres de l’Union n’était pas pertinent en l’espèce, dès lors que les pratiques anticoncurrentielles alléguées semblaient être limitées au territoire belge, ce qui constituait un indice de ce que les autorités et juridictions de cet État membre étaient bien placées pour traiter les allégations figurant dans la plainte.
Conclusions des parties
18 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
19 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner le requérant aux dépens.
En droit
20 À l’appui du recours, le requérant invoque deux moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’obligation de motivation et du « devoir d’enquête » de la Commission. Le second moyen est tiré de la violation de la notion d’« intérêt de l’Union ».
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation et du « devoir d’enquête » de la Commission
21 Le premier moyen se divise en deux branches, tirées, la première, de la violation de l’obligation de motivation et, la seconde, de la violation du « devoir d’enquête » de la Commission.
Sur la première branche du premier moyen, tirée de la violation de l’obligation de motivation
22 Le requérant fait valoir que la décision attaquée est insuffisamment motivée dans la mesure où il n’en ressort pas que les éléments de fait et de droit portés à la connaissance de la Commission ont fait l’objet d’un examen attentif. Selon lui, ladite décision se limite à la reproduction de formules types utilisées dans de nombreuses décisions et il apparaît à sa lecture que la Commission n’y a « p[esé] le pour et le contre » pour pratiquement aucun des faits cités.
23 La Commission conteste les allégations du requérant.
24 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lorsqu’elle est saisie d’une plainte, la Commission est tenue d’examiner attentivement l’ensemble des éléments de fait et de droit qui sont portés à sa connaissance par les plaignants et un plaignant est en droit d’être fixé sur le sort de sa plainte par une décision de la Commission, susceptible de faire l’objet d’un recours juridictionnel (voir, en ce sens, arrêt du 15 janvier 2015, Ziegler et Ziegler Relocation/Commission, T‑539/12 et T‑150/13, non publié, EU:T:2015:15, point 85 et jurisprudence citée).
25 En particulier, la Commission est astreinte à une obligation de motivation lorsqu’elle refuse de poursuivre l’examen d’une plainte. La motivation devant être suffisamment précise et détaillée pour mettre le Tribunal en mesure d’exercer un contrôle effectif sur l’exercice par la Commission de son pouvoir discrétionnaire de définir des priorités, cette institution est tenue d’exposer les éléments de fait dont dépend la justification de la décision et les considérations juridiques qui l’ont amenée à prendre celle-ci (voir arrêt du 21 janvier 2015, easyJet Airline/Commission, T‑355/13, EU:T:2015:36, point 70 et jurisprudence citée).
26 En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que la Commission a fondé la conclusion relative à l’absence d’intérêt de l’Union suffisant pour justifier la conduite d’une enquête sur des considérations tirées de ce que les autorités et juridictions belges étaient bien placées pour traiter les allégations figurant dans la plainte. Tout d’abord, la Commission a rappelé que les pratiques anticoncurrentielles alléguées ne semblaient concerner qu’un seul État membre, dès lors que la plupart des entreprises en cause ainsi que les ressources naturelles en cause étaient localisées en Belgique et que lesdites pratiques avaient eu lieu exclusivement dans cet État membre. Ensuite, elle a rappelé que l’extraction et l’exploitation de sable de quartz étaient soumises à des réglementations nationales, régionales et locales, de sorte que les autorités de concurrence et juridictions nationales apparaissaient particulièrement bien placées pour évaluer la pertinence de ces règles de droit dans l’évaluation des pratiques anticoncurrentielles alléguées. Enfin, elle a souligné une nouvelle fois que les autorités de concurrence et juridictions nationales étaient, en vertu de sa communication sur la coopération entre la Commission et les juridictions nationales pour l’application des articles [101] et [102 TFUE], en mesure d’évaluer les faits pertinents afin de déterminer si les relations contractuelles et les pratiques commerciales dénoncées dans la plainte constituaient une violation de ces articles et qu’elles pouvaient, le cas échéant, décider d’y mettre fin et de prononcer les sanctions adéquates.
27 Il ressort de ce qui précède que la Commission a rempli son obligation de motivation en exposant, de manière claire et non équivoque, les éléments de fait et les considérations juridiques qui l’ont amenée à considérer que les autorités et juridictions belges étaient bien placées pour traiter les allégations figurant dans la plainte, de sorte qu’il n’existait pas d’intérêt de l’Union suffisant pour justifier la conduite d’une enquête. Étant donné que ces éléments mettent le Tribunal en mesure d’exercer un contrôle effectif sur l’exercice, par la Commission, de son pouvoir discrétionnaire dans la décision attaquée, il y a lieu de conclure que ladite décision est suffisamment motivée à cet égard.
28 Par ailleurs, il y a lieu de constater que, par son argumentation reprochant en substance à la Commission de ne pas avoir examiné attentivement les faits portés à sa connaissance, le requérant conteste en réalité le bien-fondé de la réponse apportée à sa plainte. Or, à cet égard, il y a lieu de rappeler que la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision et constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé desdits motifs, cette dernière question relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2016, SKW Stahl-Metallurgie et SKW Stahl-Metallurgie Holding/Commission, C‑154/14 P, EU:C:2016:445, point 39 et jurisprudence citée). Dès lors, les arguments visant à contester le bien-fondé de la décision attaquée sont dénués de pertinence dans le cadre de la présente branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’obligation de motivation.
29 Il s’ensuit qu’il y a lieu d’écarter la première branche du premier moyen.
Sur la seconde branche du premier moyen, tirée de la violation du « devoir d’enquête » de la Commission
30 Le requérant soutient que la Commission a violé son « devoir d’enquête ». À l’appui de cette allégation, il invoque, en substance, deux séries d’arguments.
31 D’une part, le requérant estime que la Commission n’a pas examiné avec suffisamment de diligence plusieurs éléments de preuve figurant dans la plainte et constituant, selon lui, des éléments caractérisant à eux seuls l’existence de pratiques anticoncurrentielles. En particulier, il soutient que la Commission n’a pas pris en compte la déclaration des entreprises visées par la plainte pour établir un lien entre les différents contrats de bail et de concession en cause. Selon lui, elle n’a pas davantage procédé à un examen approfondi desdits contrats, qui ont été produits devant elle.
32 D’autre part, le requérant fait valoir que la Commission n’a pas suffisamment enquêté sur les éléments portés à sa connaissance dans la plainte. Il reproche notamment à la Commission de n’avoir enquêté ni sur les restrictions caractérisées de concurrence, qui ressortent pourtant, selon lui, des contrats, ni sur les liens entre les différents contrats, ni sur les marchés en cause et de n’avoir pas non plus défini ces marchés. Il reproche également à la Commission d’avoir limité son évaluation à une seule entreprise, alors que la prise en compte des autres entreprises visées par la plainte aurait dû la conduire à modifier sa position, en particulier s’agissant de l’État membre dans lequel la plupart des entreprises en cause étaient établies et de l’étendue géographique des pratiques anticoncurrentielles alléguées.
33 La Commission conteste l’argumentation du requérant.
34 En premier lieu, en ce que l’argumentation du requérant peut être comprise comme visant à reprocher à la Commission de ne pas avoir constaté l’existence des pratiques anticoncurrentielles alléguées dans la plainte, il convient de rappeler, pour écarter cette argumentation, que l’article 7 du règlement no 773/2004 ne confère pas au plaignant le droit d’exiger de la Commission une décision définitive quant à l’existence ou à l’inexistence de l’infraction alléguée et n’oblige pas la Commission à poursuivre en tout état de cause la procédure jusqu’au stade d’une décision finale (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 mai 2017, Agria Polska e.a./Commission, T‑480/15, EU:T:2017:339, point 94 et jurisprudence citée).
35 En outre, pour autant que, par son argumentation, le requérant reproche à la Commission d’avoir estimé que les allégations figurant dans la plainte ne permettaient pas de caractériser l’existence de pratiques anticoncurrentielles, il convient d’observer qu’une telle argumentation repose sur la prémisse erronée selon laquelle la Commission a, dans la décision attaquée, pris position sur le caractère anticoncurrentiel ou non desdites pratiques. Or, une telle argumentation manque en fait. En effet, dans ladite décision, la Commission s’est abstenue de prendre position sur l’existence ou non des pratiques anticoncurrentielles alléguées et a seulement estimé que les autorités et juridictions belges étaient bien placées pour traiter les allégations figurant dans la plainte, ce qui l’a amenée à conclure à l’absence d’intérêt de l’Union suffisant pour justifier la conduite d’une enquête.
36 En deuxième lieu, s’agissant de l’argumentation du requérant portant sur l’absence d’actes d’enquête, il convient de rappeler que, si la Commission n’a pas l’obligation de se prononcer sur l’existence ou non d’une infraction, elle ne saurait être contrainte de mener une instruction, puisque cette dernière ne pourrait avoir d’autre objet que de rechercher les éléments de preuve relatifs à l’existence ou non d’une infraction qu’elle n’est pas tenue de constater (voir ordonnance du 26 avril 2021, Jouvin/Commission, T‑472/20 et T‑472/20 AJ II, non publiée, EU:T:2021:215, point 32 et jurisprudence citée).
37 Il ressort également de la jurisprudence que la Commission a pour seule obligation d’examiner les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par le plaignant. Il ne saurait cependant lui être reproché, dans le cadre d’un recours formé contre une décision de rejet d’une plainte en matière de concurrence, de ne pas avoir pris en considération un élément qui n’a pas été porté à sa connaissance par le plaignant et dont elle n’aurait pu découvrir l’existence qu’en engageant une enquête (voir, en ce sens, ordonnance du 26 avril 2021, Jouvin/Commission, T‑472/20 et T‑472/20 AJ II, non publiée, EU:T:2021:215, point 34 et jurisprudence citée).
38 Ainsi, le requérant ne saurait valablement soutenir en l’espèce que la Commission aurait dû procéder à des mesures d’investigation ou diligenter des actes d’enquête qui auraient pu la conduire à établir l’existence des pratiques anticoncurrentielles alléguées.
39 En troisième et dernier lieu, s’agissant des arguments du requérant par lesquels ce dernier reproche à la Commission de ne pas avoir examiné avec suffisamment de diligence plusieurs éléments de preuve figurant dans la plainte, il convient de rappeler que, si la Commission ne saurait être tenue de mener une instruction, elle est néanmoins tenue d’examiner attentivement les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par le plaignant, afin de décider, dans un délai raisonnable, si elle doit engager la procédure en constatation d’infraction, ou rejeter la plainte sans engager la procédure, ou procéder au classement de la plainte (voir, en ce sens, arrêt du 19 mai 2011, Ryanair/Commission, T‑423/07, EU:T:2011:226, point 53).
40 En l’espèce, il ressort des différents échanges qui ont eu lieu entre le requérant et la Commission que cette dernière a examiné de manière attentive les différents éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par le requérant. Ce dernier ne conteste d’ailleurs pas qu’il a eu plusieurs échanges avec les services de la Commission et que ces derniers lui ont notamment adressé des demandes d’informations complémentaires concernant la plainte à deux reprises, à savoir le 6 janvier 2020 et le 11 août 2022, et ont obtenu de lui, en réponse auxdites demandes, des informations supplémentaires (voir point 13 ci-dessus). Ce n’est qu’après avoir pris connaissance des précisions et des observations présentées par le requérant en réponse à la lettre du 5 octobre 2022 envoyée au titre de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 773/2004, auxquelles elle a au demeurant répondu aux points 28 à 30 de la décision attaquée, que la Commission a rejeté la plainte (voir points 14 à 17 ci-dessus).
41 Eu égard aux éléments de fait et de droit figurant dans la plainte, il y a lieu de conclure que la Commission a effectué un examen approprié de celle-ci.
42 Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu d’écarter la seconde branche du premier moyen et, partant, ledit moyen dans son ensemble.
Sur le second moyen, tiré de la violation de la notion d’« intérêt de l’Union »
43 Le requérant soutient que la Commission a, dans la décision attaquée, violé la notion d’« intérêt de l’Union ». Au soutien de cette allégation, il fait en substance valoir que, dès lors que la Commission a estimé que les pratiques anticoncurrentielles alléguées ne semblaient concerner qu’un seul État membre, l’appréciation de cette dernière selon laquelle les autorités et juridictions belges sont bien placées pour traiter les allégations figurant dans la plainte repose sur des inexactitudes factuelles et est entachée d’une erreur de droit ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation. Selon le requérant, l’intérêt de l’Union est, au contraire, démontré par le simple fait que les pratiques alléguées sont susceptibles de provoquer des dysfonctionnements importants sur le marché intérieur, au sens de la jurisprudence issue de l’arrêt du 23 avril 2009, AEPI/Commission (C‑425/07 P, EU:C:2009:253).
44 Le requérant invoque en substance, au soutien du second moyen, quatre séries d’arguments visant à démontrer que les pratiques anticoncurrentielles alléguées sont susceptibles de provoquer des dysfonctionnements importants sur le marché intérieur.
45 Par la première série d’arguments, le requérant fait valoir que l’affaire a une portée internationale, dès lors que la plainte est dirigée contre neuf entreprises, parmi lesquelles figurent deux entreprises néerlandaises et deux entreprises allemandes. Il estime que la Commission a commis une erreur de fait en ne tenant pas suffisamment compte de cet élément et en limitant son appréciation à la situation de Sibelco.
46 Par la deuxième série d’arguments, le requérant soutient que les effets des pratiques anticoncurrentielles alléguées, qui ont commencé au début des années 80, se poursuivront au moins jusqu’en 2029, ce que la Commission n’a pas pris en compte pour motiver le rejet de la plainte. Il estime que la Commission était la mieux placée pour enquêter sur une période aussi longue et prendre les mesures appropriées.
47 Par la troisième série d’arguments, le requérant prétend que les voies de recours nationales sont inadéquates pour remédier aux pratiques anticoncurrentielles alléguées, de sorte que l’affirmation de la Commission selon laquelle les autorités et juridictions nationales sont bien placées pour traiter les allégations figurant dans la plainte constitue une erreur de droit. D’une part, il fait valoir que les moyens d’enquête dont disposent les autorités et juridictions nationales ne sont pas suffisants, notamment en comparaison de ceux dont bénéficie la Commission, qui agit par ailleurs en tant qu’« institution centrale ». D’autre part, il soutient que l’appréciation de la Commission selon laquelle il serait préférable de ne pas mener d’enquête parallèle en raison de l’existence d’une procédure judiciaire nationale en cours est erronée, dès lors que ladite procédure concerne seulement l’une des entreprises visées et une partie des allégations figurant dans la plainte.
48 Par la quatrième et dernière série d’arguments, le requérant rappelle les particularités du marché en cause et des pratiques anticoncurrentielles alléguées au regard de l’importance économique du sable de quartz et, en conséquence, de l’importance desdites pratiques compte tenu des distorsions de concurrence qu’elles provoquent sur le fonctionnement du marché intérieur.
49 La Commission conteste les allégations du requérant.
50 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission, investie par l’article 105, paragraphe 1, TFUE de la mission de veiller à l’application des articles 101 et 102 TFUE, est appelée à définir et à mettre en œuvre la politique de la concurrence de l’Union et dispose à cet effet d’un pouvoir discrétionnaire dans le traitement des plaintes. Afin de s’acquitter efficacement de cette tâche, elle est ainsi en droit d’accorder des degrés de priorité différents aux plaintes dont elle est saisie (voir arrêt du 16 mai 2017, Agria Polska e.a./Commission, T‑480/15, EU:T:2017:339, point 34 et jurisprudence citée).
51 Lorsque, en exerçant ce pouvoir discrétionnaire dans le traitement des plaintes, la Commission décide d’accorder des degrés de priorité différents aux plaintes dont elle est saisie, elle peut non seulement arrêter l’ordre dans lequel les plaintes seront examinées, mais également rejeter une plainte pour défaut d’intérêt de l’Union suffisant pour poursuivre l’examen de l’affaire. Étant donné que l’évaluation de l’intérêt de l’Union présenté par une plainte est fonction des circonstances factuelles et juridiques de chaque espèce, il ne convient ni de limiter le nombre des critères d’appréciation auxquels la Commission peut se référer ni, à l’inverse, de lui imposer le recours exclusif à certains critères (voir arrêt du 16 mai 2017, Agria Polska e.a./Commission, T‑480/15, EU:T:2017:339, point 35 et jurisprudence citée). Compte tenu du fait que, dans un domaine tel que celui du droit de la concurrence, le contexte factuel et juridique peut varier considérablement d’une affaire à l’autre, il est possible, d’une part, d’appliquer des critères qui peuvent différer considérablement, et non des critères prédéterminés qui seraient d’application obligatoire, ou, d’autre part, d’appliquer des critères qui n’avaient pas été envisagés jusqu’alors ou de donner la priorité à un seul critère pour évaluer cet intérêt de l’Union (voir arrêt du 26 septembre 2018, EAEPC/Commission, T‑574/14, EU:T:2018:605, point 74 et jurisprudence citée).
52 Ainsi, lorsque les effets des infractions alléguées dans une plainte ne sont ressentis, pour l’essentiel, que sur le territoire d’un seul État membre et que des litiges relatifs à ces infractions ont été portés par le plaignant devant des juridictions et des autorités administratives compétentes de cet État membre, la Commission est en droit de rejeter la plainte pour défaut d’intérêt de l’Union, à condition toutefois que les droits du plaignant puissent être sauvegardés d’une façon satisfaisante par les instances nationales, ce qui suppose que celles-ci sont en mesure de réunir les éléments factuels pour déterminer si les pratiques en cause constituent une infraction aux articles 101 et 102 TFUE (voir arrêt du 9 février 2022, Sped-Pro/Commission, T‑791/19, EU:T:2022:67, point 45 et jurisprudence citée).
53 Le point 10 de la communication de la Commission relative à la coopération au sein du réseau des autorités de concurrence (JO 2004, C 101, p. 43) précise par ailleurs qu’une seule autorité nationale de concurrence est généralement bien placée pour s’occuper des accords ou des pratiques qui affectent la concurrence de façon substantielle essentiellement sur son territoire, alors que, selon le point 14 de ladite communication, la Commission est particulièrement bien placée pour traiter une affaire, notamment lorsqu’un ou plusieurs accords ou pratiques, y compris les réseaux d’accords ou pratiques similaires, ont des effets sur la concurrence dans plus de trois États membres.
54 Lorsque la Commission procède à l’évaluation de l’intérêt de l’Union présenté par une plainte, son pouvoir discrétionnaire n’est toutefois pas sans limite. En effet, elle doit prendre en considération, en les examinant attentivement, tous les éléments de fait et de droit pertinents portés à sa connaissance par le plaignant afin de décider de la suite à donner à une plainte. Lorsqu’elle décide de ne pas ouvrir une enquête, elle n’est pas tenue d’établir l’absence d’infraction au soutien d’une telle décision (voir arrêt du 16 mai 2017, Agria Polska e.a./Commission, T‑480/15, EU:T:2017:339, points 36 et 37 et jurisprudence citée).
55 Ainsi, dans une telle situation, il appartient au Tribunal de vérifier non pas si le plaignant avait, dans sa plainte, fourni suffisamment d’éléments permettant de constater une violation du droit de la concurrence, mais s’il ressort de la décision attaquée que la Commission a mis en balance l’importance de l’atteinte que l’infraction alléguée est susceptible de porter au fonctionnement du marché intérieur, la probabilité de pouvoir établir son existence et l’étendue des mesures d’instruction nécessaires en vue de remplir, dans les meilleures conditions, sa mission de veiller au respect des articles 101 et 102 TFUE. Par ailleurs, le contrôle du juge de l’Union ne doit pas le conduire à substituer son appréciation de l’intérêt de l’Union à celle de la Commission (voir arrêt du 16 mai 2017, Agria Polska e.a./Commission, T‑480/15, EU:T:2017:339, point 38 et jurisprudence citée).
56 En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que la Commission a fondé la conclusion relative à l’absence d’intérêt de l’Union suffisant pour justifier la conduite d’une enquête en donnant la priorité au seul critère selon lequel les autorités et juridictions belges étaient bien placées pour traiter les allégations figurant dans la plainte. Le rejet de la plainte reposait sur quatre éléments de fait et de droit, à savoir, premièrement, la localisation de l’infraction alléguée et la nationalité des entreprises en cause, deuxièmement, le caractère national, régional et local des règles gouvernant l’extraction et l’exploitation du sable de quartz en Belgique, troisièmement, la compétence ainsi que les moyens d’action des autorités et juridictions nationales et, quatrièmement, l’existence de procédures d’appel en cours devant lesdites juridictions.
57 À cet égard, il ressort de la jurisprudence citée aux points 51 et 52 ci-dessus que, en fonction des circonstances factuelles et juridiques propres à chaque affaire, la Commission peut être fondée à évaluer l’existence d’un intérêt de l’Union suffisant à l’instruction d’une plainte en donnant la priorité au critère selon lequel les autorités et juridictions nationales sont bien placées pour traiter les allégations figurant dans ladite plainte, à l’exclusion de tout autre critère d’évaluation. Lorsqu’elle agit de la sorte, il ressort de la même jurisprudence que la Commission est notamment invitée, d’une part, à examiner sur le territoire de quels États membres les effets des infractions alléguées dans une plainte sont, pour l’essentiel, ressentis et, d’autre part, à vérifier que les droits du plaignant peuvent être sauvegardés d’une façon satisfaisante par les autorités et juridictions nationales desdits États membres.
58 Il y a donc lieu de constater que, en donnant la priorité au critère selon lequel les autorités et juridictions nationales étaient bien placées pour traiter les allégations figurant dans la plainte afin d’évaluer l’existence d’un intérêt de l’Union suffisant à l’instruction de ladite plainte, c’est sans commettre d’erreur de droit que la Commission a pu s’abstenir de rechercher s’il existait des dysfonctionnements importants dans le marché intérieur, lesquels peuvent constituer un critère d’évaluation, parmi d’autres, de l’existence d’un tel intérêt de l’Union.
59 Il s’ensuit que la deuxième série d’arguments (voir point 46 ci-dessus) et la quatrième série d’arguments (voir point 48 ci-dessus), par lesquelles le requérant reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte de la durée des infractions alléguées et de ne pas avoir tenu compte de la gravité et de l’ampleur des pratiques alléguées, afin de démontrer que les pratiques alléguées dans la plainte sont susceptibles de provoquer des dysfonctionnements importants dans le marché intérieur, doivent être écartées comme étant inopérantes. En effet, la Commission n’a pas, dans la décision attaquée, procédé à l’évaluation de l’existence d’un intérêt de l’Union suffisant à l’instruction de ladite plainte en faisant application de ce dernier critère.
60 En conséquence, il convient seulement d’examiner le bien-fondé des arguments visant à contester la conclusion relative à l’absence d’intérêt de l’Union suffisant pour justifier la conduite d’une enquête tirée en application du critère selon lequel les autorités et juridictions belges étaient bien placées pour traiter les allégations figurant dans la plainte.
61 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les première et troisième séries d’arguments avancés par le requérant dans le cadre du second moyen.
Sur la première série d’arguments, portant sur la prétendue portée internationale de l’affaire
62 S’agissant de l’argumentation du requérant qui porte sur l’étendue géographique des pratiques anticoncurrentielles alléguées, par laquelle celui-ci fait valoir que lesdites pratiques n’ont pas, contrairement à ce qu’a affirmé la Commission dans la décision attaquée, exclusivement lieu en Belgique, dès lors que les opérations de vente de sable de quartz et de gravier se réalisent dans plusieurs États membres de l’Union, il y a lieu de constater qu’il ressort de la plainte que ces pratiques concernaient la répartition de l’exploitation du sable de quartz et de gravier dans la zone de Mechelse Heide, et donc les droits d’accès à ces matières premières dans ladite zone. Ainsi, indépendamment de la question de la portée territoriale exacte des pratiques en question, celles-ci concernaient uniquement l’accès à des matières premières situées à Maasmechelen, en Belgique. Il ne saurait donc être reproché à la Commission d’avoir, dans la décision attaquée, considéré que de telles pratiques avaient exclusivement lieu en Belgique.
63 Il s’ensuit que la Commission n’a pas commis d’erreur de fait ni d’erreur manifeste d’appréciation en considérant, dans la décision attaquée, que les pratiques anticoncurrentielles alléguées avaient exclusivement lieu en Belgique. Au demeurant, il convient d’observer que le requérant reconnaît lui-même, dans la requête, que « les extractions tant de sable de quartz que de gravier ont lieu en Belgique ».
64 En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la portée territoriale des infractions alléguées dans une plainte ne constitue pas un critère décisif pour déterminer s’il existe un intérêt de l’Union suffisant pour l’engagement d’une procédure. Partant, à supposer même que les infractions alléguées concernaient le territoire de plusieurs États membres, voire de l’Union, il y a lieu de constater que cet argument se heurte à la jurisprudence établie, citée au point 51 ci-dessus. En effet, ledit argument revient à considérer que la Commission serait obligée, sous peine de violer l’effet utile des articles 101 et 102 TFUE, d’ouvrir une enquête au seul motif que les infractions alléguées concernent plusieurs États membres (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2022, Fakro/Commission, C‑149/21 P, non publié, EU:C:2022:517, point 160 et jurisprudence citée).
65 Par ailleurs, s’agissant du reproche que le requérant fait à la Commission d’avoir estimé que la plupart des entreprises visées par la plainte étaient établies en Belgique, il convient de relever que, au point 1 de la décision attaquée, la Commission a mentionné les neuf entreprises visées par la plainte du requérant et constaté que cinq d’entre elles étaient établies en Belgique.
66 Ainsi, il résulte de la décision attaquée que la plupart des entreprises mentionnées sont établies en Belgique. Par ailleurs, le fait que les entreprises en cause opèrent par le biais de sociétés distinctes, à supposer ce fait avéré, ne saurait remettre en cause l’appréciation de la Commission quant au lieu d’établissement desdites entreprises.
67 Il s’ensuit que la Commission n’a pas commis d’erreur de fait en constatant, dans la décision attaquée, que la plupart des entreprises visées par la plainte étaient établies en Belgique.
68 Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’écarter la première série d’arguments.
Sur la troisième série d’arguments, portant sur le prétendu caractère inadéquat des voies de recours nationales
69 S’agissant de la troisième série d’arguments, par laquelle le requérant prétend que les voies de recours nationales sont inadéquates pour remédier aux pratiques anticoncurrentielles alléguées, il convient d’observer que ces arguments présupposent que les autorités et juridictions nationales ne disposent, à la différence de la Commission, ni de moyens d’enquête suffisants ni de la capacité d’adopter les mesures appropriées. En effet, selon le requérant, d’une part, l’ancienneté des pratiques alléguées implique d’enquêter sur une longue période et de prendre des mesures appropriées. Seule la Commission disposerait des moyens nécessaires pour effectuer de telles opérations. D’autre part, une telle enquête nécessiterait de décrire la structure précise du capital des entreprises visées par la plainte, ce que seule la Commission serait en mesure de faire. Le requérant en déduit, en substance, que les faiblesses ou insuffisances des autorités et des juridictions nationales portent atteinte à son droit à une protection juridictionnelle effective.
70 Ainsi qu’il a été rappelé au point 56 ci-dessus, dans la décision attaquée, la Commission a fondé le rejet de la plainte sur le motif selon lequel les autorités et juridictions nationales belges étaient bien placées pour traiter les allégations figurant dans la plainte, motif qui se fondait, en partie, d’une part, sur le fait qu’elles étaient en mesure d’examiner les faits pertinents et d’obtenir, le cas échéant, qu’il soit mis fin à une éventuelle violation des articles 101 et 102 TFUE et, d’autre part, sur l’existence de procédures d’appel en cours devant lesdites juridictions.
71 Tout d’abord, le requérant soutient que l’Autorité belge de la concurrence, d’une part, et les juridictions belges, d’autre part, n’étaient pas en mesure d’assurer un traitement effectif de la plainte. Il convient donc d’examiner ces deux aspects successivement.
72 En premier lieu, s’agissant de l’Autorité belge de la concurrence, il convient de relever que, en vertu des articles 4 et 5 du règlement no 1/2003, la Commission et les autorités de concurrence des États membres disposent de compétences parallèles pour l’application des articles 101 et 102 TFUE et que l’économie du règlement no 1/2003 repose sur une étroite coopération entre celles-ci (arrêt du 16 octobre 2013, Vivendi/Commission, T‑432/10, non publié, EU:T:2013:538, point 26). En revanche, ni le règlement no 1/2003 ni la communication de la Commission sur la coopération entre la Commission et les juridictions nationales pour l’application des articles [101] et [102 TFUE] ne prévoient une règle de répartition des compétences entre la Commission et les autorités de concurrence des États membres ou ne créent de droits ou d’attentes pour une entreprise en ce qui concerne le traitement de son affaire par une autorité de concurrence donnée (voir arrêt du 26 septembre 2018, EAEPC/Commission, T‑574/14, EU:T:2018:605, point 124 et jurisprudence citée).
73 Eu égard au système de coopération instauré par le règlement no 1/2003 entre la Commission et les autorités de concurrence des États membres, il y a lieu de constater que la Commission peut présumer que les autorités nationales de concurrence ont la capacité de mettre en œuvre de manière efficace et uniforme les règles de concurrence prévues aux articles 101 et 102 TFUE (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 septembre 2016, Trajektna luka Split/Commission, T‑70/15, EU:T:2016:592, point 53).
74 Ainsi, en l’espèce, la Commission pouvait présumer que l’Autorité belge de la concurrence avait la capacité de mettre en œuvre de manière efficace et uniforme les règles de concurrence prévues aux articles 101 et 102 TFUE et, notamment, considérer qu’elle était en mesure de donner suite à l’affaire faisant l’objet de la plainte au niveau national, en obtenant toutes les preuves nécessaires, y compris en ayant recours aux mécanismes de coopération visés aux articles 12 et 15 du règlement no 1/2003 (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2018, EAEPC/Commission, T‑574/14, EU:T:2018:605, point 127).
75 En second lieu, s’agissant des juridictions nationales, il convient de rappeler que la compétence pour faire application des dispositions des articles 101 et 102 TFUE appartient à la fois à la Commission et aux juridictions nationales. Cette attribution de compétences est, par ailleurs, caractérisée par l’obligation de coopération loyale entre la Commission et les juridictions nationales (voir arrêt du 30 septembre 2016, Trajektna luka Split/Commission, T‑70/15, EU:T:2016:592, point 45 et jurisprudence citée). En cas de doute, le juge national peut saisir la Cour d’une question préjudicielle (arrêt du 18 septembre 1992, Automec/Commission, T‑24/90, EU:T:1992:97, point 92).
76 Le requérant affirme toutefois qu’un traitement fragmenté des pratiques anticoncurrentielles alléguées au niveau national générerait des obstacles procéduraux, tels que la prescription de son recours ainsi que son défaut d’intérêt à agir et de qualité pour agir pour introduire certaines actions.
77 Néanmoins, il y a lieu de constater que le requérant n’étaye nullement ses affirmations selon lesquelles les obstacles procéduraux qu’il allègue existent. Partant, la charge de la preuve incombant au requérant, lesdites affirmations ne peuvent qu’être écartées.
78 Ainsi, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant, aux points 21 et 22 de la décision attaquée, que les autorités et juridictions belges étaient en mesure d’examiner les faits pertinents et d’obtenir, le cas échéant, qu’il soit mis fin à une éventuelle violation des articles 101 et 102 TFUE.
79 En outre, en ce que le requérant conteste l’appréciation selon laquelle l’existence d’une procédure pendante devant les juridictions belges justifiait, en l’espèce, que la Commission ne mène pas d’enquête parallèle, il y a lieu de relever que, aux points 24 et 25 de la décision attaquée, la Commission a constaté, en se fondant sur la plainte et les documents joints à celle-ci, que le requérant avait formé deux recours devant le rechtbank van Koophandel te Tongeren (tribunal de commerce de Tongres, Belgique), devenu l’ondernemingsrechtbank Antwerpen (tribunal de l’entreprise d’Anvers, Belgique), le premier contre Dragratra et Sibelco et le second contre Sibelco. Elle a relevé que lesdites juridictions avaient examiné et rejeté les arguments du requérant fondés sur les articles 101 et 102 TFUE et que le requérant avait formé un appel contre chacune de ces deux décisions devant le Hof van beroep Antwerpen (cour d’appel d’Anvers), lequel était pendant à la date de dépôt de la plainte.
80 Or, il ressort de la jurisprudence que le fait qu’un juge national ou une autorité nationale de la concurrence soit déjà saisi de la question de la conformité d’une entente ou d’une pratique avec les articles 101 ou 102 TFUE est un élément qui peut être pris en compte par la Commission pour évaluer l’intérêt de l’Union [voir ordonnance du 19 mars 2012, Associazione « Giùlemanidallajuve »/Commission, T‑273/09, EU:T:2012:129, point 67 (non publié) et jurisprudence citée].
81 Ainsi, en l’espèce, la Commission pouvait tenir compte de l’existence de procédures judiciaires en cours devant les juridictions nationales. Il ne saurait donc lui être reproché d’avoir commis une erreur de droit lorsqu’elle a estimé que la saisine des juridictions nationales était un facteur pertinent pour rejeter la plainte.
82 Le requérant soutient toutefois, d’une part, que les procédures judiciaires en cause, pendantes à la date d’introduction du recours dans la présente affaire, étaient uniquement dirigées contre Sibelco, et non contre les huit autres entreprises visées par la plainte. D’autre part, la portée desdites procédures judiciaires serait limitée dans la mesure où elles tendraient uniquement à l’octroi de dommages et intérêts, alors qu’une procédure menée par la Commission permettrait une réparation en nature.
83 Il convient de relever, ainsi qu’il ressort des décisions de la cour d’appel d’Anvers annexées à la requête, que les procédures judiciaires en cause ont été introduites devant le juge belge, la première contre Sibelco et la seconde contre Sibelco et Dragratra. Comme l’indique le requérant, ces procédures judiciaires n’ont donc pas été formées contre l’ensemble des entreprises visées par la plainte.
84 En outre, les procédures judiciaires en cause tendent seulement à l’octroi, au bénéfice du requérant, de dommages et intérêts ainsi qu’à l’annulation de contrats prétendument contraires au droit de la concurrence de l’Union, alors que, en diligentant une enquête, la Commission ou une autorité nationale de la concurrence peuvent, notamment, en application des dispositions du chapitre II du règlement no 1/2003, ordonner la cessation d’une infraction, ordonner des mesures provisoires, accepter des engagements ou encore infliger des amendes ou des astreintes, et ce afin de préserver la concurrence sur le marché intérieur.
85 À cet égard, il convient de relever que, aux termes du point 4 de la communication de la Commission sur la coopération entre la Commission et les juridictions nationales pour l’application des articles [101] et [102 TFUE], « lorsqu’une personne physique ou morale saisit une juridiction nationale pour sauvegarder ses droits individuels, ces juridictions jouent un rôle bien précis dans l’application [desdits articles] qui diffère de leur application dans l’intérêt public par la Commission ou les autorités de concurrence nationales. De fait, les juridictions nationales peuvent donner effet [à ces articles] en déclarant la nullité de contrats ou en accordant des dommages et intérêts ».
86 Ainsi, les procédures judiciaires en cause, qui ont été engagées par le requérant devant les juridictions belges, ne tendent pas, ainsi qu’il le relève, aux mêmes fins qu’une enquête qui aurait été diligentée par la Commission, cette institution agissant, lorsqu’elle applique les articles 101 et 102 TFUE, dans l’intérêt public, et non dans celui d’un plaignant.
87 Toutefois, d’une part, le requérant n’expose pas, dans la requête, les raisons pour lesquelles il n’a pas dirigé ses recours devant les juridictions nationales contre l’ensemble des entreprises ni en quoi le fait que ses recours ne soient pas dirigés contre ces dernières ne lui permet pas de faire valoir ses droits individuels.
88 Le considérant 7 du règlement no 1/2003 dispose que « [l]es juridictions nationales […] préservent les droits subjectifs prévus par le droit [de l’Union] lorsqu’elles statuent sur des litiges entre particuliers, notamment en octroyant des dommages et intérêts aux victimes des infractions ». Ainsi, à supposer même que le juge belge ne dispose pas de pouvoirs pour imposer certaines mesures positives ou sanctions comparables à celles que la Commission peut imposer, il ressort de la jurisprudence que cette limitation de ses pouvoirs n’empêche en tout état de cause pas le requérant d’obtenir une protection satisfaisante des droits conférés par les articles 101 et 102 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 18 septembre 1992, Automec/Commission, T‑24/90, EU:T:1992:97, point 93, et du 3 juillet 2007, Au Lys de France/Commission, T‑458/04, non publié, EU:T:2007:195, point 90) et donc de faire valoir ses droits.
89 D’autre part, le requérant ne fait pas valoir qu’il a été dans l’impossibilité de former une plainte devant l’Autorité belge de la concurrence. Il n’expose pas davantage les raisons pour lesquelles il n’a pas saisi ladite autorité nationale, à laquelle le règlement no 1/2003 confère des compétences pour appliquer les articles 101 et 102 TFUE semblables à celles de la Commission.
90 Or, en vertu de l’article 5 du règlement no 1/2003, « les autorités de concurrence des États membres sont compétentes pour appliquer les articles [101] et [102 TFUE] dans des cas individuels ». Ainsi, il ne ressort pas du dossier que le requérant ne disposait pas d’une voie de droit permettant qu’une enquête semblable à celle qu’aurait pu mener la Commission, et au cours de laquelle cette autorité aurait pu exercer les prérogatives prévues par le règlement no 1/2003, soit réalisée au niveau national.
91 La Commission n’a donc pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en affirmant que le fait qu’une juridiction nationale ait déjà examiné ses griefs tirés de la violation des articles 101 et 102 TFUE justifiait qu’elle ne mène aucune enquête parallèle.
92 Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’écarter la troisième série d’arguments.
93 Il s’ensuit que le second moyen doit être écarté et que, partant, il convient de rejeter le recours dans son intégralité.
Sur les dépens
94 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) M. Ivo Swenters est condamné aux dépens.
Truchot | Kanninen | Sampol Pucurull |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 mars 2025.
Signatures
* Langue de procédure : le néerlandais.
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