Hamers v Cedefop (Civil service - Members of the temporary staff - OLAF investigation - National criminal proceedings - Judgment) French Text [2025] EUECJ T-159/20RENV (07 May 2025)

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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: https://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2025/T15920RENV.html
Cite as: ECLI:EU:T:2025:444, [2025] EUECJ T-159/20RENV, EU:T:2025:444

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

7 mai 2025 (*)

« Fonction publique - Agents temporaires - Enquête de l'OLAF - Procédure pénale nationale - Acquittement - Comportement du Cedefop lié à la procédure pénale nationale - Rejet de la demande d'indemnisation - Exigence d'impartialité - Conflit d'intérêts - Responsabilité - Préjudice moral et de santé »

Dans l'affaire T‑159/20 RENV,

Helene Hamers, demeurant à Angelochori (Grèce), représentée par Mes V. Christianos, A. Politis, M. Rodopoulos et G. Kelepouri, avocats,

partie requérante,

contre

Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop), représenté par MM. J. Siebel et A. Graziosi, en qualité d'agents, assistés de Mes B. Wägenbaur et C. Meïdanis, avocats,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. R. da Silva Passos (rapporteur), président, Mmes N. Półtorak et I. Reine, juges,

greffier : M. A. Marghelis, administrateur,

vu l'arrêt du 11 janvier 2024, Hamers/Cedefop (C‑111/22 P, non publié, EU:C:2024:5),

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l'audience du 7 novembre 2024,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l'article 270 TFUE, la requérante, Mme Helene Hamers, demande, d'une part, l'annulation de la décision du Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop) du 3 juillet 2019 rejetant une demande d'indemnisation de préjudices qu'elle aurait subis (ci-après la « décision attaquée ») et, d'autre part, la réparation de ces préjudices ainsi que du préjudice qu'elle aurait subi du fait de cette décision.

 Antécédents du litige

2        La requérante est entrée au service du Cedefop en 1995 et y a travaillé jusqu'au 1er août 2024 en tant qu'agent temporaire.

3        En 2001, la requérante a été nommée cheffe du service « Budget et finances » du Cedefop et a exercé cette fonction jusqu'en 2007.

4        En 2005, le conseil d'administration du Cedefop a demandé au service d'audit interne (ci-après le « SAI ») de la Commission européenne de contrôler la régularité ainsi que la légalité des procédures d'appel d'offres et de l'adjudication des marchés publics pour la période couvrant les années 2001 à 2005. Dans son rapport, le SAI a conclu à l'existence d'irrégularités graves au regard de la réglementation dans les procédures d'appel d'offres de marchés publics, en faisant référence à la requérante en sa qualité de cheffe de service.

5        Le 14 octobre 2005, sur la base du rapport du SAI, l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) a ouvert une enquête interne, distincte de celle du SAI, à l'encontre de six personnes, dont la requérante, portant sur la même période, à savoir de 2001 à 2005.

6        Le 16 août 2007, l'OLAF a rendu son rapport final et a conclu à l'existence d'une fraude organisée portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne mise en œuvre par les six personnes en cause, dont la requérante.

7        Le 2 octobre 2007, l'OLAF a transmis son rapport final aux autorités judiciaires grecques ainsi qu'au Cedefop.

8        Le 31 mars 2008, le procureur du Protodikeio Thessalonikis (tribunal de première instance de Thessalonique, Grèce) a chargé le Soma Dioksis Oikonomikou Egklimatos (SDOE, Agence de lutte contre les crimes économiques, Grèce) de réaliser une enquête préliminaire.

9        Le 4 septembre 2008, le Cedefop s'est constitué partie civile.

10      Le 23 juin 2009, le SDOE a rendu son rapport d'enquête, dans lequel il a relevé des irrégularités dans certains marchés publics (ci-après les « marchés litigieux »). Le procureur du Protodikeio Thessalonikis (tribunal de première instance de Thessalonique) a décidé de poursuivre les six personnes en cause, dont la requérante. Le 2 juillet suivant, une enquête pénale a été ordonnée.

11      Le 6 mars 2017, le Trimeles Efeteio Kakourgimaton Thessalonikis (chambre criminelle de la cour d'appel de Thessalonique composée de trois juges, Grèce) a procédé à l'examen de l'affaire et a ouvert une procédure pénale.

12      Par arrêt du 20 juillet 2018, le Trimeles Efeteio Kakourgimaton Thessalonikis (chambre criminelle de la cour d'appel de Thessalonique composée de trois juges) a prononcé l'acquittement des six personnes en cause, dont la requérante.

13      Le 12 mars 2019, la requérante a présenté une demande d'indemnisation au titre de l'article 90, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l'Union européenne visant la réparation des préjudices qu'elle aurait notamment subis du fait d'agissements et de comportements prétendument illégaux du Cedefop liés à la procédure pénale nationale, pour un montant total de 442 276,78 euros (ci-après la « demande d'indemnisation »). Ce montant se composait de 250 000 euros au titre des préjudices moraux, de 150 000 euros au titre d'un préjudice causé à la santé de la requérante ainsi que de 42 276,78 euros au titre d'un préjudice matériel du fait des frais d'avocat exposés devant les juridictions nationales.

14      Le 3 juillet 2019, par la décision attaquée, le directeur exécutif du Cedefop faisant fonction, en sa qualité d'autorité habilitée à conclure les contrats d'engagement (ci-après l'« AHCC »), a rejeté la demande d'indemnisation.

15      Le 19 juillet 2019, la requérante a été promue au grade AD 12.

16      Le 19 septembre 2019, la requérante a présenté, au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l'Union européenne, une réclamation contre la décision attaquée.

17      Le 16 janvier 2020, la commission de recours du Cedefop a adopté une décision par laquelle elle a annulé, pour défaut de motivation, la décision attaquée en ce qui concerne le préjudice lié aux frais d'avocat. Elle a conclu au rejet de la réclamation présentée le 19 septembre 2019 pour le surplus (ci-après la « décision de la commission de recours du 16 janvier 2020 »).

18      À la suite de la décision de la commission de recours du 16 janvier 2020, le nouveau directeur exécutif a, par courrier du 10 avril suivant, confirmé le refus d'octroyer une compensation au titre des frais d'avocat.

19      Par l'arrêt du 21 décembre 2021, Hamers/Cedefop (T‑159/20, non publié, ci-après l'« arrêt initial », EU:T:2021:913), le Tribunal a rejeté le recours de la requérante par lequel elle demandait l'annulation de la décision attaquée ainsi que la condamnation du Cedefop à lui verser une indemnité en réparation des préjudices qu'elle aurait subis.

20      À la suite du pourvoi introduit par la requérante à l'encontre de l'arrêt initial, la Cour a rendu l'arrêt du 11 janvier 2024, Hamers/Cedefop (C‑111/22 P, non publié, ci-après l'« arrêt sur pourvoi », EU:C:2024:5), par lequel elle a annulé partiellement l'arrêt initial en ce qu'il avait rejeté le deuxième moyen invoqué par la requérante au soutien de ses conclusions en annulation, tiré d'une prétendue violation de l'exigence d'impartialité, et en ce qu'il avait rejeté les conclusions en indemnisation, pour autant que ce rejet était fondé sur le rejet de ce deuxième moyen. La Cour a renvoyé l'affaire au Tribunal et réservé les dépens.

 Conclusions des parties après renvoi

21      La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner le Cedefop à lui verser la somme de 350 000 euros ;

–        condamner le Cedefop aux dépens.

22      Le Cedefop conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        statuer sur les dépens.

 En droit

23      À titre liminaire, premièrement, il convient de rappeler que, selon l'article 61, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l'Union européenne, en cas de renvoi, le Tribunal est lié par les points de droit tranchés par la décision de la Cour (voir arrêt du 1er octobre 2020, CC/Parlement, C‑612/19 P, non publié, EU:C:2020:776, point 24 et jurisprudence citée).

24      Ainsi, à la suite de l'annulation d'une décision du Tribunal par la Cour et du renvoi de l'affaire devant le Tribunal, celui-ci est saisi par l'arrêt de la Cour, en application de l'article 191 du règlement de procédure du Tribunal, et doit se prononcer sur l'ensemble des conclusions présentées par la partie requérante, à l'exclusion de celles auxquelles répondent les éléments du dispositif de la décision initiale du Tribunal qui n'ont pas été annulés par la Cour ainsi que les motifs qui constituent le fondement nécessaire desdits éléments, ceux-ci étant passés en force de chose jugée (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2021, République tchèque/Commission, T‑627/16 RENV, non publié, EU:T:2021:894, point 105 et jurisprudence citée).

25      Dès lors, ainsi que cela ressort du point 20 ci-dessus, il y a lieu pour le Tribunal, dans le cadre de la présente instance, d'examiner les conclusions de la requérante tendant, d'une part, à l'annulation de la décision attaquée et, d'autre part, à la réparation des préjudices prétendument subis du fait de cette décision uniquement en tant que ces conclusions sont fondées sur le moyen tiré d'une violation de l'exigence d'impartialité.

26      Deuxièmement, il y a lieu de rappeler que la décision attaquée a été annulée par la décision de la commission de recours du 16 janvier 2020 en ce qui concerne le préjudice matériel lié aux frais d'avocat et confirmée en ce qui concerne les autres préjudices réclamés par la requérante. Par conséquent, la demande en annulation de la décision attaquée ne vise cette décision qu'en ce qui concerne ces autres préjudices.

 Sur les conclusions en annulation

27      Dans le cadre de son deuxième moyen avancé au soutien de ses conclusions en annulation, la requérante soutient que le Cedefop a méconnu le principe de bonne administration et, plus particulièrement, l'exigence d'impartialité objective, dès lors que le directeur exécutif faisant fonction qui s'est prononcé sur sa demande d'indemnisation (ci-après l'« agent en question ») aurait agi en tant que témoin à charge au cours des procédures administrative et judiciaire menées contre elle. Ainsi, il aurait notamment déclaré que la requérante avait connaissance des irrégularités dans la procédure d'attribution des marchés litigieux. La violation de l'exigence d'impartialité objective commise par le Cedefop entraînerait automatiquement l'annulation de la décision attaquée. En tout état de cause, la procédure découlant de la demande d'indemnisation aurait eu un résultat différent, en faveur de la requérante, si la décision attaquée n'avait pas été adoptée par l'agent en question.

28      Le Cedefop conteste l'argumentation de la requérante. En particulier, l'agent en question n'aurait pas témoigné à charge contre la requérante. En outre, l'agent en question aurait témoigné en tant que membre du personnel du Cedefop et non à titre personnel. Le Cedefop ajoute que la requérante avait adressé sa demande d'indemnisation à l'AHCC et que, bien que la requérante fût informée du fait que les fonctions d'AHCC étaient exercées par l'agent en question, elle n'avait pas fait état d'une quelconque apparence de partialité à son égard. Enfin, quoi qu'il en soit, la procédure découlant de la demande d'indemnisation n'aurait pas abouti à un résultat différent si la décision attaquée avait été adoptée par un autre agent du Cedefop.

29      À cet égard, ainsi que l'a rappelé la Cour dans l'arrêt sur pourvoi, les institutions, les organes et les organismes de l'Union sont tenus de respecter les droits fondamentaux garantis par le droit de l'Union, parmi lesquels figure le droit à une bonne administration, consacré à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après la « Charte ») (voir arrêt sur pourvoi, point 44 et jurisprudence citée).

30      L'article 41, paragraphe 1, de la Charte énonce notamment que toute personne a le droit de voir ses affaires traitées de manière impartiale par les institutions, les organes et les organismes de l'Union.

31      L'exigence d'impartialité, qui s'impose aux institutions, aux organes et aux organismes de l'Union dans l'accomplissement de leurs missions, vise à garantir l'égalité de traitement qui est à la base de l'Union. Cette exigence vise, notamment, à éviter des situations de conflits d'intérêts en ce qui concerne les fonctionnaires et les agents agissant pour le compte de ces institutions, organes et organismes. Compte tenu de l'importance fondamentale de la garantie d'indépendance et d'intégrité en ce qui concerne tant le fonctionnement interne que l'image extérieure des institutions, des organes et des organismes de l'Union, l'exigence d'impartialité couvre toutes circonstances que le fonctionnaire ou l'agent amené à se prononcer sur une affaire doit raisonnablement comprendre comme étant de nature à apparaître, aux yeux des tiers, comme susceptibles d'affecter son indépendance en la matière (voir arrêt sur pourvoi, point 46 et jurisprudence citée).

32      En outre, il incombe à ces institutions, organes et organismes de se conformer à l'exigence d'impartialité, dans ses deux composantes que sont, d'une part, l'impartialité subjective, en vertu de laquelle aucun membre de l'institution concernée ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel et, d'autre part, l'impartialité objective, conformément à laquelle cette institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à un éventuel préjugé. Par ailleurs, afin de démontrer que l'organisation de la procédure administrative n'offre pas de garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à un éventuel préjugé, il n'est pas requis d'établir l'existence d'un manque d'impartialité. Il suffit qu'un doute légitime à cet égard existe et ne puisse pas être dissipé (voir arrêt sur pourvoi, point 47 et jurisprudence citée).

33      Il ressort également de la jurisprudence de la Cour que, s'agissant de l'impartialité objective, une connaissance préalable des faits par ceux qui sont appelés à participer à l'adoption d'une décision judiciaire ou administrative ne constitue pas, à elle seule, une circonstance susceptible d'entacher cette décision d'un vice de procédure revêtant la forme d'un défaut d'impartialité. En effet, une telle connaissance préalable se révèle parfois inévitable compte tenu d'une activité professionnelle exercée antérieurement ou en parallèle par les personnes concernées. Ainsi, il est nécessaire d'établir s'il existe dans le cas particulier un élément objectif, tel qu'un conflit d'intérêts en ce qui concerne les fonctionnaires et les agents agissant pour le compte des institutions, des organes et des organismes de l'Union, de nature à faire naître un doute légitime, aux yeux des tiers, quant à l'impartialité de la procédure en cause (voir arrêt sur pourvoi, point 48 et jurisprudence citée).

34      Dans le cadre de la présente instance, compte tenu de la jurisprudence citée au point 32 ci-dessus et conformément au point 51 de l'arrêt sur pourvoi, il y a lieu d'examiner s'il existait un doute légitime quant à un éventuel préjugé de la part de l'agent en question et si ce doute ne pouvait être dissipé, eu égard, notamment, au contenu des déclarations faites par cet agent dans le cadre des procédures menées à l'égard de la requérante et aux modalités d'organisation de la procédure administrative de traitement de la demande d'indemnisation.

35      Cela étant précisé, dans un premier temps, il convient d'apprécier si, aux yeux des tiers, y compris de la requérante, des doutes légitimes quant à un éventuel préjugé de l'agent en question pouvaient exister. À cette fin, conformément aux points 50 et 51 de l'arrêt sur pourvoi, il y a lieu d'examiner si l'agent en question a agi en tant que témoin à charge de l'accusation, déclarant notamment que la requérante avait connaissance des irrégularités en cause.

36      À cet égard, en premier lieu, il ressort du procès-verbal de son interrogatoire du 17 janvier 2006 devant l'OLAF que, dans le cadre de l'enquête de l'OLAF à l'origine de la procédure pénale en Grèce, en réponse à la question « avez-vous constaté des irrégularités dans la procédure d'attribution des marchés ? », l'agent en question a expliqué avoir eu connaissance d'une pratique consistant à attribuer informellement un marché à une entreprise pendant la procédure d'appel d'offres, avant l'évaluation des offres soumises. Il a ensuite déclaré considérer que « la responsable des finances, [la requérante], avait connaissance de cette pratique, étant donné qu'elle était constamment tenue informée et qu'elle participait à toutes les activités du Cedefop ».

37      Quand bien même, par cette déclaration, l'agent en question n'aurait émis qu'un avis et cet avis ne ciblerait pas précisément les marchés litigieux, le fait d'indiquer que la requérante avait connaissance des irrégularités commises dans le cadre des procédures de passation de marchés au sein du Cedefop, qui plus est en précisant qu'elle « était constamment tenue informée et […] participait à toutes les activités du Cedefop », était de nature à nourrir les soupçons quant à l'implication de la requérante dans les irrégularités commises précisément dans les marchés litigieux.

38      Lors de l'audience, afin de contester la pertinence de la déclaration reprise au point 36 ci-dessus, le Cedefop a relevé que l'agent en question n'avait pas expressément visé la requérante lorsqu'il a été invité par l'OLAF, par la suite, à identifier les cas de conflit d'intérêts dont il avait connaissance, liés à l'attribution de certains contrats. Toutefois, cet élément est sans incidence sur la déclaration de l'agent en question par laquelle il a indiqué considérer, ou à tout le moins penser, que la requérante avait connaissance des irrégularités en cause. Au contraire, bien qu'il ne soutienne pas que la requérante se trouvait elle-même dans une situation de conflit d'intérêts pour l'octroi des contrats auxquels il se réfère, l'agent en question indique néanmoins que la requérante aurait été consultée s'agissant des modalités de paiement de l'un de ces contrats.

39      Dès lors, eu égard au contenu de la déclaration faite par l'agent en question devant l'OLAF, reprise au point 36 ci-dessus, il y a lieu de constater que celui-ci a témoigné en défaveur de la requérante. Partant, conformément aux points 50 et 51 de l'arrêt sur pourvoi (voir point 35 ci-dessus), cette circonstance était déjà de nature, à elle seule, à faire naître un doute légitime, aux yeux des tiers, quant à l'impartialité de l'agent en question lors de l'adoption de la décision attaquée.

40      En deuxième lieu, dans l'arrêt du 20 juillet 2018 du Trimeles Efeteio Kakourgimaton Thessalonikis (chambre criminelle de la cour d'appel de Thessalonique composée de trois juges), l'agent en question a été identifié en tant que « témoin à charge ». Or, l'identification de l'agent en question en tant que « témoin à charge » devant la juridiction pénale nationale qui s'est prononcée sur la culpabilité de la requérante est également de nature à faire naître un doute légitime, aux yeux des tiers, quant à l'impartialité de cet agent lors de la procédure ayant abouti à la décision attaquée.

41      L'argument avancé par le Cedefop selon lequel le rôle joué par un témoin au cours d'une procédure pénale serait limité et cesserait une fois qu'il a été entendu est sans incidence sur le constat effectué au point 40 ci-dessus.

42      De même, ainsi que cela ressort du point 52 de l'arrêt sur pourvoi, le fait que l'agent en question a témoigné, au cours de la procédure pénale, en sa qualité de représentant du Cedefop, et non à titre personnel, ne permet pas d'écarter toute suspicion quant à un éventuel conflit d'intérêts en ce qui concerne cet agent de nature à faite naître un doute légitime, aux yeux des tiers, quant à l'indépendance de celui-ci.

43      Enfin, doit encore être écarté l'argument du Cedefop selon lequel le fait que l'agent en question a témoigné devant les instances pénales grecques ne signifie pas qu'il était « objectivement incapable » de statuer sur la demande d'indemnisation, dès lors que l'objet de l'enquête de l'OLAF et de la procédure pénale nationale était distinct de la question de savoir si la requérante était en droit de réclamer une indemnisation.

44      À cet égard, d'une part, ainsi que cela ressort de la jurisprudence citée au point 32 ci-dessus, afin de pouvoir conclure à l'existence d'une violation de l'exigence d'impartialité objective, il y a lieu de constater l'existence de circonstances de nature à faire naître un doute légitime, aux yeux des tiers, quant à l'impartialité de l'agent en question lorsqu'il a adopté la décision attaquée, et non d'examiner si celui-ci était « objectivement incapable » d'adopter cette décision. D'autre part, les procédures administratives et judiciaires dans lesquelles était impliquée la requérante, relatives à des irrégularités commises dans les marchés litigieux, présentaient un lien étroit avec le traitement de la demande d'indemnisation qui portait notamment sur les prétendus faux témoignages faits par l'agent en question au cours de ces procédures.

45      En troisième lieu, s'agissant des autres circonstances de l'espèce qui auraient, selon le Cedefop, exclu l'existence d'un doute légitime quant au respect de l'exigence d'impartialité consacrée à l'article 41, paragraphe 1, de la Charte, il convient d'observer ce qui suit.

46      Premièrement, le Cedefop fait valoir que, dans son témoignage devant la juridiction pénale nationale, l'agent en question se serait limité à présenter les fonctions exercées par la requérante au sein du Cedefop. Il aurait même témoigné à décharge, indiquant que la requérante n'avait de compétence ni pour examiner l'opportunité des contrats conclus par le Cedefop ni pour vérifier si les dossiers des soumissionnaires comportaient l'ensemble des documents requis.

47      À supposer ces allégations établies, d'une part, force est de constater que l'agent en question n'est pas revenu sur sa déclaration faite devant l'OLAF selon laquelle il a indiqué considérer, ou à tout le moins penser, que la requérante avait connaissance des irrégularités en cause. Déclarer, comme l'avait fait l'agent en question, que la requérante n'avait de compétence ni pour examiner l'opportunité de conclure des contrats ni pour vérifier si les dossiers des soumissionnaires comportaient l'ensemble des documents requis ne signifie pas pour autant, comme l'admet le Cedefop lui-même, que la requérante n'était pas informée des irrégularités en cause. Partant, la déclaration faite par l'agent en question devant la juridiction pénale nationale n'est pas de nature à écarter tout doute légitime quant à son impartialité, né de sa déclaration devant l'OLAF. D'autre part, la déclaration faite par l'agent en question devant la juridiction pénale nationale n'est pas non plus de nature à exclure les doutes légitimes, aux yeux des tiers, qu'a pu faire naître son statut même de « témoin à charge » devant cette même juridiction.

48      Deuxièmement, est également sans pertinence le fait que, après avoir adopté la décision attaquée, l'agent en question a promu la requérante au grade AD 12, ce qui témoignerait, selon l'argument du Cedefop avancé lors de l'audience, de l'absence de préjugé de la part de l'agent en question. Cette promotion étant postérieure à l'adoption de la décision attaquée, elle ne saurait être prise en considération aux fins de l'appréciation de la légalité de cette décision. En effet, la légalité d'un acte de l'Union s'apprécie en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l'acte a été adopté (voir arrêt du 17 mai 2023, IR/Commission, T‑685/21, non publié, EU:T:2023:267, point 15 et jurisprudence citée).

49      Dès lors, eu égard à la déclaration faite par l'agent en question devant l'OLAF ainsi qu'à son statut de « témoin à charge » devant la juridiction pénale nationale, il convient de conclure que les circonstances de l'affaire étaient de nature à faire naître, aux yeux des tiers, des doutes légitimes quant à un éventuel préjugé de l'agent en question.

50      Partant, dans un second temps, conformément au point 34 ci-dessus, il convient d'examiner si les doutes légitimes, aux yeux des tiers, quant à un éventuel préjugé de l'agent en question constatés au point 49 ont pu être dissipés par les modalités d'organisation de la procédure administrative de traitement de la demande d'indemnisation.

51      À cet égard, il y a lieu de constater que le Cedefop n'apporte pas d'éléments démontrant que les modalités d'organisation de la procédure administrative de traitement de la demande d'indemnisation présentaient des garanties suffisantes pour exclure une violation de l'exigence d'impartialité objective. Certes, la commission de recours, dans sa décision du 16 janvier 2020, a effectué un réexamen complet de la décision attaquée. Toutefois, au point 66 de l'arrêt sur pourvoi, la Cour a considéré en substance que, dans la mesure où la décision de la commission de recours du 16 janvier 2020 n'avait pas remplacé la décision attaquée, elle ne pouvait pas avoir remédié au vice de partialité qui entachait cette dernière décision. Partant, a fortiori, la décision de la commission de recours du 16 janvier 2020 ne peut pas, non plus, avoir dissipé les doutes légitimes quant à l'impartialité de l'agent en question.

52      Dans ces circonstances, il ne saurait être considéré que les modalités d'organisation de la procédure administrative de traitement de la demande d'indemnisation ont dissipé les doutes légitimes, aux yeux des tiers, quant à un éventuel préjugé de l'agent en question.

53      En conclusion, d'une part, l'agent en question a agi en tant que témoin à charge de l'accusation, déclarant que la requérante avait connaissance des irrégularités en cause, de sorte qu'il a agi d'une manière qui était de nature à faire naître un doute légitime, aux yeux des tiers, y compris de la requérante, quant à son impartialité lors de l'adoption de la décision attaquée et, d'autre part, aucune modalité d'organisation de la procédure administrative de traitement de la demande d'indemnisation n'a permis de dissiper ce doute légitime.

54      Au surplus, l'argument du Cedefop visant à faire obstacle, malgré les conclusions qui précèdent, au constat d'une violation de l'article 41, paragraphe 1, de la Charte, tiré de la prétendue renonciation de la requérante à son droit de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions de l'Union, doit être écarté.

55      En effet, le Cedefop ne saurait faire valoir que la requérante était informée du fait que l'agent en question exerçait les fonctions d'AHCC lorsqu'elle a introduit sa demande d'indemnisation. À cet égard, il suffit de relever que la requérante avait droit à ce que son affaire soit traitée de manière impartiale par le Cedefop et qu'elle n'avait pas à solliciter que sa demande d'indemnisation soit traitée par une autre AHCC ou à adresser sa demande d'indemnisation au Cedefop « en général ». L'obligation de garantir l'impartialité de la procédure pesait sur le Cedefop et ce dernier ne peut pas s'en décharger en exigeant de la requérante qu'elle fasse valoir, dans sa demande d'indemnisation, des raisons pour lesquelles l'agent en question exerçant les fonctions d'AHCC n'aurait pas pu traiter cette demande. Partant, il ne peut être considéré que, en introduisant sa demande d'indemnisation sans faire état d'un quelconque risque de manque d'impartialité, la requérante a renoncé à son droit à ce que son affaire soit traitée de manière impartiale, comme le prétend le Cedefop.

56      Enfin, il ne saurait non plus être reproché à la requérante de ne pas avoir attendu, pour soumettre sa demande d'indemnisation, la désignation du nouveau directeur exécutif du Cedefop au terme de la procédure de recrutement lancée à cette fin et dont tout le personnel aurait eu connaissance. En effet, lors de l'audience, le Cedefop a indiqué que le personnel a été informé le 3 avril 2019 de l'ouverture de cette procédure. Or, la requérante a introduit sa demande d'indemnisation le 12 mars 2019. Partant, elle ne pouvait pas être informée du fait qu'un nouveau directeur exécutif serait désigné dans le futur. Quoi qu'il en soit, compte tenu de son droit à ce que ses affaires soient traitées de manière impartiale par le Cedefop, la requérante n'avait pas à attendre la désignation du nouveau directeur exécutif pour introduire sa demande d'indemnisation.

57      Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que le droit de la requérante de voir son affaire traitée impartialement par les institutions de l'Union, tel qu'il est garanti par l'article 41, paragraphe 1, de la Charte, a été méconnu.

58      Dans ce contexte, la violation de l'exigence d'impartialité vicie substantiellement la procédure et est donc de nature à entraîner l'annulation de la décision attaquée (voir, par analogie, arrêt du 14 mars 2024, D & A Pharma/Commission et EMA, C‑291/22 P, EU:C:2024:228, point 77).

59      Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré d'une violation de l'exigence d'impartialité objective doit être accueilli et que la décision attaquée doit être annulée.

 Sur les conclusions en indemnité

60      La requérante soutient avoir subi un préjudice moral, y compris une atteinte à sa santé, qui résulterait de la méconnaissance, par le Cedefop, de l'exigence d'impartialité objective et qui ne pourrait pas être indemnisé par la simple annulation de la décision attaquée. En outre, selon la requérante, la décision attaquée n'est pas un acte isolé, mais s'inscrit dans un ensemble de comportements antérieurs et postérieurs du Cedefop démontrant son attitude partiale à son égard. La responsabilité indemnitaire du Cedefop concernerait donc, également, ces comportements. Dans le cadre de ses réponses aux mesures d'organisation de la procédure, la requérante précise toutefois qu'il convient de tenir compte de ces comportements, non pas pour déterminer le fait générateur de son préjudice, mais pour calculer le montant de l'indemnité. La requérante évalue son préjudice moral ex æquo et bono à 350 000 euros. Subsidiairement, également dans ses réponses aux mesures d'organisation de la procédure, la requérante limite sa demande indemnitaire aux préjudices prétendument subis au cours de la période postérieure à l'adoption de la décision attaquée et réclame, à ce titre, une indemnité évaluée ex æquo et bono à 25 000 euros par an, ou 2 080 euros par mois, à compter de l'adoption de la décision attaquée et jusqu'au prononcé de l'arrêt dans la présente instance.

61      Le Cedefop considère qu'il n'existe pas de base pour une indemnisation et que, quoi qu'il en soit, l'annulation de la décision attaquée vaudrait compensation.

62      À cet égard, il résulte d'une jurisprudence constante dans le domaine de la fonction publique que l'engagement de la responsabilité de l'Union est subordonné à la réunion d'un ensemble de conditions, à savoir l'illégalité du comportement reproché à l'institution, la réalité du dommage et l'existence d'un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir arrêt du 23 septembre 2020, VE/AEMF, T‑77/18 et T‑567/18, non publié, EU:T:2020:420, point 223 et jurisprudence citée).

63      S'agissant des conditions relatives à la réalité du dommage et à l'existence d'un lien causal, cette responsabilité ne saurait être engagée que si la partie requérante a effectivement subi un préjudice réel et certain et que le préjudice découle de façon suffisamment directe de l'illégalité alléguée du comportement concerné. Ainsi, il incombe à la partie requérante d'apporter des éléments de preuve au juge de l'Union afin d'établir l'existence et l'étendue du préjudice qu'elle invoque ainsi que l'existence d'un lien suffisamment direct de cause à effet entre cette illégalité et le dommage allégué (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2024, Kočner/Europol, C‑755/21 P, EU:C:2024:202, point 135 et jurisprudence citée).

64      Par ailleurs, l'annulation d'un acte entaché d'illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé, à moins que la partie requérante ne démontre avoir subi un préjudice moral insusceptible d'être intégralement réparé par cette annulation (arrêt du 28 avril 2021, Correia/CESE, T‑843/19, EU:T:2021:221, point 86).

65      En l'espèce, dès lors que le moyen tiré d'une violation de l'exigence d'impartialité objective a été accueilli, il y a lieu de constater que la décision attaquée est illégale. Ainsi, la première condition d'engagement de la responsabilité du Cedefop, à savoir l'illégalité du comportement reproché, est remplie. Il convient donc d'examiner si la requérante a subi un préjudice du fait de cette décision.

66      En premier lieu, il doit être relevé d'emblée que la requérante reste en défaut de démontrer la réalité de plusieurs des préjudices qu'elle allègue. En particulier, la requérante n'apporte aucun élément permettant d'établir la stigmatisation sociale dont elle aurait été victime ainsi que les atteintes qui auraient été portées à la tranquillité de son foyer et à sa vie familiale.

67      En deuxième lieu, en invitant le Tribunal à prendre en considération, aux fins du calcul du montant de l'indemnité, les comportements prétendument partiaux adoptés par le Cedefop avant l'adoption de la décision attaquée, mais qui lui seraient indissociablement liés, la requérante vise en réalité à obtenir la réparation des préjudices qu'elle prétend avoir subis du fait de ces comportements.

68      Or, d'une part, il ressort de l'arrêt initial que la requérante n'a pas démontré l'illégalité des comportements antérieurs du Cedefop qui formeraient, selon elle, le contexte dans lequel s'inscrirait de manière indissociable la décision attaquée. Cette appréciation du Tribunal étant passée en force de chose jugée, l'argument de la requérante visant à la contester doit être écarté. Ces comportements ne sont donc pas de nature à justifier l'octroi d'une indemnité pour préjudice moral.

69      D'autre part, la requérante n'apporte aucun élément permettant de considérer que le vice de partialité entachant la décision attaquée, pris isolément, est la cause déterminante, au sens de la jurisprudence, des préjudices nés antérieurement à l'adoption de cette décision (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2018, Union européenne/ASPLA et Armando Álvarez, C‑174/17 P et C‑222/17 P, EU:C:2018:1015, point 23 et jurisprudence citée). Lors de l'audience, la requérante s'est limitée à soutenir que, en raison de la décision attaquée, elle s'était remémoré les accusations dont elle avait fait l'objet ainsi que les déclarations dégradantes et négatives qui avaient été faites à son propos. Partant, à défaut pour la requérante d'avoir démontré un lien de causalité entre le vice de partialité entachant la décision attaquée et les préjudices moraux nés antérieurement à l'adoption de cette décision, ce vice ne saurait donner lieu à l'octroi d'une indemnité pour, premièrement, l'atteinte à sa santé, laquelle n'est établie que pour la période 2008-2018, deuxièmement, l'atteinte alléguée à son honneur et à sa dignité résultant des procédures administratives et judiciaires dans lesquelles elle a été impliquée et, troisièmement, l'atteinte alléguée à son honneur résultant de sa prétendue dévalorisation professionnelle.

70      En troisième lieu, en ce que la requérante fait valoir que les préjudices moraux allégués antérieurs à la décision attaquée auraient persisté et auraient été aggravés à la suite de l'adoption de cette décision, force est de constater qu'elle n'apporte aucun élément afin d'établir une telle « aggravation ».

71      En quatrième lieu, s'agissant des préjudices moraux allégués postérieurs à la décision attaquée, dès sa requête introductive d'instance, la requérante soutient que cette décision aurait porté atteinte à son honneur. Il ressort de son argumentation que, par l'atteinte à son honneur, la requérante entend également se prévaloir d'un préjudice moral en raison de l'atteinte à son estime personnelle et à sa tranquillité d'esprit.

72      À cet égard, certes, la Cour, dans l'arrêt sur pourvoi, a considéré que la décision attaquée méconnaissait le principe de la présomption d'innocence (arrêt sur pourvoi, point 88). Toutefois, à supposer que le vice de partialité entachant cette décision soit la cause déterminante de l'atteinte à l'honneur de la requérante résultant prétendument de la violation du principe de la présomption d'innocence, il suffit d'observer que la Cour a constaté que la décision de la commission de recours du 16 janvier 2020 a mis un terme à cette violation. Estimant que le Tribunal avait pu considérer que le Cedefop n'avait pas méconnu l'acquittement de la requérante retenu par la juridiction pénale nationale, la Cour n'a pas annulé l'arrêt initial en ce qu'il rejetait les conclusions en annulation et en indemnisation fondées sur le moyen tiré d'une violation de ce principe (arrêt sur pourvoi, point 95). La circonstance avancée par la requérante selon laquelle la méconnaissance du principe de la présomption d'innocence commise dans la décision attaquée a perduré six mois, soit jusqu'à l'adoption de la décision de la commission de recours du 16 janvier 2020, ne permet pas de renverser le constat qui précède. Partant, les conclusions du Tribunal rejetant la demande en indemnisation fondée sur la méconnaissance du principe de la présomption d'innocence dans la décision attaquée étant passées en force de chose jugée, la requérante ne saurait, dans le cadre de la présente procédure, demander à nouveau une indemnité au titre du préjudice résultant prétendument de la violation de ce principe.

73      En revanche, compte tenu de la nature de l'illégalité commise, à savoir la violation par le Cedefop de l'article 41, paragraphe 1, de la Charte, et des circonstances de l'espèce, il ne saurait être contesté que la décision attaquée a occasionné un préjudice moral pour la requérante en raison d'une atteinte à son estime personnelle et à sa tranquillité d'esprit. En effet, la circonstance que l'agent en question a traité la demande d'indemnisation en question a pu plonger la requérante dans un état d'incompréhension et de frustration ainsi qu'engendrer chez elle un sentiment d'injustice et d'insécurité.

74      En outre, eu égard aux éléments relevés au point 73 ci-dessus, l'annulation de la décision attaquée ne saurait constituer en elle-même une réparation adéquate et suffisante du préjudice moral causé par celle-ci.

75      Si, certes, la requérante n'a pas donné d'indications permettant de quantifier précisément le dommage lié à son préjudice moral, le Tribunal considère que cette circonstance ne fait pas obstacle à la possibilité de fixer ex æquo et bono un montant de nature à réparer un tel préjudice.

76      Partant, dans les circonstances de l'espèce et en tenant compte du caractère continu du préjudice moral occasionné par la décision attaquée, lequel ne cessera qu'une fois la décision attaquée annulée, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi en fixant, ex æquo et bono, la réparation dudit préjudice à un montant de 5 000 euros.

77      Eu égard à tout ce qui précède, il convient d'annuler la décision attaquée, de condamner le Cedefop à verser à la requérante la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral subi et de rejeter le recours pour le surplus.

 Sur les dépens

78      Aux termes de l'article 195 du règlement de procédure, il appartient au Tribunal, lorsqu'il se prononce après annulation et renvoi par la Cour, de statuer sur les dépens relatifs, d'une part, aux procédures engagées devant le Tribunal et, d'autre part, à la procédure de pourvoi devant la Cour.

79      Aux termes de l'article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. En outre, aux termes de l'article 134, paragraphe 2, dudit règlement, si plusieurs parties succombent, le Tribunal décide du partage des dépens.

80      Dans l'arrêt sur pourvoi, la Cour a partiellement annulé l'arrêt initial et réservé les dépens. Il convient donc de statuer, dans le présent arrêt, sur les dépens afférents à la procédure initiale devant le Tribunal, à la procédure de pourvoi devant la Cour et à la présente procédure après renvoi.

81      Certes, la requérante a succombé dans l'arrêt initial et a partiellement succombé dans l'arrêt sur pourvoi. Toutefois, eu égard aux motifs du présent arrêt, force est de constater que le Cedefop aurait dû, dès l'arrêt initial, succomber s'agissant des conclusions en annulation et succomber partiellement s'agissant des conclusions en indemnisation. Partant, ayant succombé pour l'essentiel, il y a lieu de condamner le Cedefop à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante afférents aux procédures engagées devant le Tribunal et à la procédure de pourvoi devant la Cour, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop) du 3 juillet 2019 rejetant une demande d'indemnisation de préjudices que Mme Helene Hamers aurait subis est annulée.

2)      Le Cedefop est condamné à verser à Mme Hamers la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral subi.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      Le Cedefop est condamné aux dépens afférents aux procédures devant le Tribunal et devant la Cour.

da Silva Passos

Półtorak

Reine

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 mai 2025.

Signatures


*      Langue de procédure : le grec.

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