LA v Commission (Civil service - Officials - Recruitment - Judgment) French Text [2025] EUECJ T-4/24 (14 May 2025)

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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: https://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2025/T424.html
Cite as: EU:T:2025:495, ECLI:EU:T:2025:495, [2025] EUECJ T-4/24

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

14 mai 2025 (*)

« Fonction publique - Fonctionnaires - Recrutement - Concours général EPSO/AD/371/19 - Décision de ne pas inscrire le nom du requérant sur la liste de réserve - Égalité de traitement - Confiance légitime - Obligation de motivation »

Dans l'affaire T‑4/24,

LA, représentée par Me M. Velardo, avocate,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme M. Bruti Liberati, en qualité d'agent,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de Mme O. Porchia, présidente, MM. M. Jaeger (rapporteur) et P. Nihoul, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l'absence de demande de fixation d'une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l'article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l'article 270 TFUE, la requérante, LA, demande l'annulation de la décision du jury du 28 mars 2023 rejetant sa demande de réexamen de la décision de ne pas l'inscrire sur la liste de réserve du concours général EPSO/AD/371/19 (ci-après la « décision sur la demande de réexamen »).

 Antécédents du litige

2        Le 25 mars 2019, la requérante s'est portée candidate au concours général sur titres et épreuves EPSO/AD/371/19 pour le recrutement d'administrateurs (AD 7) spécialisés dans la recherche scientifique dans le domaine no 1 « évaluation quantitative et qualitative des politiques » (ci‑après le « concours en cause »). Le concours en cause avait pour objet l'établissement de listes de réserve à partir desquelles les institutions européennes, principalement le Centre commun de recherche (JRC) de la Commission européenne, pourraient recruter des fonctionnaires. L'avis de concours avait été publié par l'Office européen de sélection du personnel (EPSO) au Journal officiel de l'Union européenne le 21 février 2019 (JO 2019, C 68 A, p. 1, ci-après l'« avis de concours »).

3        L'avis de concours prévoyait une procédure en trois étapes. Lors d'une première étape, les dossiers de tous les candidats devaient être examinés afin de vérifier le respect des conditions d'admission sur le fondement des informations communiquées dans l'acte de candidature en ligne.

4        Une fois les conditions d'admission vérifiées, l'avis de concours prévoyait une deuxième étape, à savoir la sélection sur titres (étape dite de l'« évaluateur de talent »), sur la base des qualifications indiquées dans l'acte de candidature.

5        L'avis de concours prévoyait une troisième et dernière étape, durant laquelle les candidats ayant obtenu les meilleurs résultats lors de la deuxième étape devaient être invités à passer les épreuves du centre d'évaluation et des tests de type « Questionnaires à choix multiples » (ci-après les « tests QCM »). Les candidats ayant obtenu les meilleures notes globales à l'issue de cette troisième étape devaient être inscrits sur les listes de réserve du concours en cause.

6        Le 20 juin 2019, l'EPSO a informé la requérante, à l'issue de la deuxième étape, qu'elle n'était pas admise à la troisième étape du concours en cause (ci-après la « décision d'exclusion »).

7        Le 30 juin 2019, la requérante a introduit une demande de réexamen de la décision d'exclusion.

8        Le 24 septembre 2019, l'EPSO a répondu à cette demande de réexamen en constatant que le jury avait confirmé la décision d'exclusion.

9        Le 10 décembre 2019, la requérante a introduit une réclamation, au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l'Union européenne (ci-après le « statut »), à l'encontre de la décision d'exclusion et de la décision du 24 septembre 2019.

10      Par décision du 6 avril 2020, l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'« AIPN ») a rejeté la réclamation de la requérante.

11      La requérante a introduit un recours visant à l'annulation de la décision d'exclusion ainsi que des décisions du 24 septembre 2019 et du 6 avril 2020. Dans l'arrêt du 9 mars 2022, LA/Commission (T‑456/20, non publié, EU:T:2022:120), le Tribunal a jugé que le jury avait violé l'avis de concours lors de l'évaluation des titres des candidats. En particulier, le Tribunal a considéré que la violation manifeste de l'avis résultait de l'importance accordée aux diplômes dans des disciplines autres que les sciences aux fins de la notation à l'étape de l'évaluateur de talent.

12      L'EPSO, en exécution de l'arrêt du 9 mars 2022, LA/Commission (T‑456/20, non publié, EU:T:2022:120), a procédé à l'adoption de mesures organisationnelles pour la tenue de la deuxième étape du concours en cause et, si nécessaire, de la troisième étape dudit concours.

13      Par communication du 19 décembre 2022, la requérante a été informée qu'elle avait obtenu une note suffisante pour l'évaluation de ses titres, qu'elle était admise à la troisième étape du concours en cause, qui consistait à passer les épreuves du centre d'évaluation, les tests QCM et l'épreuve d'étude de cas. Par la même communication, la requérante a été invitée à passer les tests QCM et l'épreuve d'étude de cas le 25 janvier 2023.

14      Le 26 janvier 2023, la requérante a été convoquée aux épreuves du centre d'évaluation, qu'elle a passées le 2 mars 2023.

15      Par communication du 22 mars 2023, la requérante a été informée qu'elle avait échoué aux tests QCM et que son nom ne serait pas inscrit sur la liste de réserve (ci-après la « décision de non‑inscription »).

16      Le 23 mars 2023, la requérante a demandé un réexamen de la décision de non‑inscription.

17      Le 28 mars 2023, le jury de concours a adopté la décision sur la demande de réexamen.

18      Le 22 juin 2023, la requérante a introduit une réclamation contre la décision de non-inscription et la décision sur la demande de réexamen.

19      Le 22 octobre 2023, l'AIPN a implicitement rejeté la réclamation de la requérante (ci-après la « décision implicite de rejet de la réclamation »).

 Conclusions des parties

20      La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de non-inscription ;

–        annuler la décision sur la demande de réexamen ;

–        annuler la décision implicite de rejet de la réclamation ;

–        condamner la Commission aux dépens.

21      La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant partiellement irrecevable et partiellement non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur l'objet du litige

22      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, ainsi que le fait valoir la Commission, par ses deux premiers chefs de conclusions, la requérante conteste les deux décisions prises par le jury, à savoir la décision de non-inscription et la décision sur la demande de réexamen.

23      Or, il est de jurisprudence constante que la décision prise après réexamen se substitue à la décision initiale du jury (voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 2019, Nerantzaki/Commission, T‑813/17, non publié, EU:T:2019:335, point 25 et jurisprudence citée). Il s'ensuit que, en l'espèce, la décision de non‑inscription a été remplacée par la décision sur la demande de réexamen et qu'il y a lieu de considérer que les premier et deuxième chefs de conclusions tendent à la seule annulation de la décision sur la demande de réexamen, qui constitue l'acte attaqué.

24      Par son troisième chef de conclusions, la requérante demande également l'annulation de la décision implicite de rejet de la réclamation.

25      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la réclamation administrative, telle que visée à l'article 90, paragraphe 2, du statut, et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d'une procédure complexe et ne constituent qu'une condition préalable à la saisine du juge. Dans ces conditions, le recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l'acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée, sauf dans l'hypothèse où le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l'acte contre lequel cette réclamation a été formée (voir arrêt du 27 octobre 2016, CW/Parlement, T‑309/15 P, non publié, EU:T:2016:632, point 27 et jurisprudence citée).

26      En l'espèce, s'agissant d'une décision implicite de rejet de la réclamation, celle-ci ne peut que confirmer la décision sur la demande de réexamen et est, de ce fait, dépourvue de tout contenu autonome. Ainsi, en application de la jurisprudence citée au point 25 ci‑dessus, la demande en annulation doit être considérée comme n'ayant pour objet que la décision sur la demande de réexamen, seul acte faisant grief à la requérante.

 Sur le fond

27      À l'appui de son recours, la requérante soulève trois moyens, tirés, le premier, en substance, de la violation du principe d'égalité de traitement et de l'illégalité de l'avis de concours, le deuxième, de la violation de l'obligation de motivation, du droit à l'égalité des parties à la procédure et du principe de bonne administration et, le troisième, de la violation de l'article 5, cinquième et sixième alinéas, de l'annexe III du statut.

 Sur le premier moyen, tiré, en substance, de la violation du principe d'égalité de traitement et de l'illégalité de l'avis de concours

28      La requérante fait valoir que ses tests QCM ne se sont pas déroulés de la même manière que les tests passés précédemment par les autres candidats, de sorte que le principe d'égalité de traitement a été violé.

29      Premièrement, la requérante affirme que les tests QCM qui lui ont été soumis contenaient des questions provenant d'une base de données différente et que ces questions étaient beaucoup plus complexes que celles soumises aux candidats qui avaient précédemment effectué ces tests. À cet égard, d'une part, la requérante soutient que la Commission se borne à affirmer que la base de données était la même sans apporter aucune preuve. D'autre part, elle relève que, même si la base de données est secrète, le constat de la plus grande difficulté des questions contenues dans ses tests QCM est fondé sur une comparaison qu'elle a faite en discutant avec des candidats qui avaient précédemment passé les tests QCM.

30      Deuxièmement, la requérante fait valoir que, contrairement à ce qui est indiqué dans la décision sur la demande de réexamen, elle n'est pas déchue de son droit d'invoquer certaines irrégularités constatées lors des tests QCM. En effet, la requérante soutient que le délai de trois jours courant à compter de la date des tests QCM, prévu dans l'avis de concours, pour indiquer des problèmes qui auraient eu lieu lors de ces tests est indicatif et qu'il ne peut pas être dérogé aux délais prévus à l'article 90, paragraphe 2, du statut, sous peine de violer l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950.

31      Troisièmement, concernant lesdites irrégularités, en premier lieu, la requérante fait valoir que, malgré le fait que l'utilisation d'une calculatrice était admise dans les instructions données au début des tests QCM, aucune calculatrice n'a été mise à sa disposition dans un premier temps et ce n'est qu'après avoir insisté, à la suite d'une première réponse négative de la part d'une surveillante, qu'elle en a reçu une. La requérante affirme que cette discussion avec la surveillante l'a déstabilisée, lui a causé beaucoup d'anxiété et a été une source de stress. Dans ce contexte, la requérante observe qu'aucun des candidats ayant précédemment passé les tests QCM n'avait été confronté à une telle situation.

32      Par ailleurs, la requérante soutient que, contrairement à ce que la Commission fait valoir, le principe établi dans l'arrêt du 7 septembre 2022, Rauff-Nisthar/Commission (T‑341/21, non publié, EU:T:2022:516), n'est pas applicable en l'espèce, les situations en cause étant différentes. En effet, la requérante fait valoir que, dans la présente affaire, la violation du principe d'égalité de traitement doit être examinée dans le cadre de la comparaison entre elle et les candidats ayant précédemment passé les tests QCM, alors que, dans l'affaire ayant donné lieu audit arrêt, cette violation avait été examinée dans le cadre de la comparaison entre des candidats qui avaient passé une épreuve au même moment.

33      En second lieu, la requérante fait valoir que, en raison d'un problème technique, deux des réponses qu'elle a fournies n'ont pas été enregistrées par le système. La requérante considère que, dans la mesure où elle n'a échoué que d'un point aux tests QCM, elle les aurait réussis sans cet inconvénient. En outre, en réponse à une grille fournie par la Commission, mentionnant, pour chaque question, la réponse donnée par la requérante (sous forme de lettre), la réponse correcte (sous forme de lettre également) et le temps consacré pour répondre à chaque question (ci-après la « grille relative aux réponses fournies ») et visant à démontrer qu'elle n'avait plus assez de temps pour répondre aux deux questions en cause, la requérante réaffirme qu'un problème technique est survenu et que ses réponses à ces deux questions n'ont pas été enregistrées.

34      Quatrièmement, la requérante soutient que le fait d'avoir été convoquée pour passer les épreuves du centre d'évaluation a fait naître à son égard une confiance légitime sur le fait qu'elle avait réussi les tests QCM. En outre, la requérante affirme que toutes les conditions requises par la jurisprudence pour que le principe de confiance légitime soit applicable à sa situation étaient satisfaites, contrairement à ce que soutient la Commission. Ainsi, dans la mesure où, selon la jurisprudence, tout avis de concours devrait être interprété en respectant les attentes légitimes des candidats, en l'espèce, l'avis de concours serait illégal, puisqu'il ne respecterait pas les attentes légitimes de la requérante. Celle-ci soulève donc également, en substance, une exception d'illégalité à l'encontre de l'avis de concours en raison d'une violation du principe de confiance légitime.

35      Cinquièmement, la requérante soutient que, dans la mesure où elle a passé les épreuves du centre d'évaluation, il suffirait d'additionner les notes obtenues aux tests QCM avec celles obtenues aux épreuves du centre d'évaluation, de sorte que le point manquant aux tests QCM pourrait être compensé par un point obtenu aux épreuves du centre d'évaluation.

36      La Commission conteste les arguments de la requérante.

37      À titre liminaire, il convient de rappeler que le principe d'égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié et réponde à des objectifs légitimes d'intérêt général dans le cadre de la politique du personnel (arrêts du 12 mars 2008, Giannini/Commission, T‑100/04, EU:T:2008:68, point 131, et du 14 décembre 2022, SY/Commission, T‑312/21, EU:T:2022:814, point 125).

38      De plus, il incombe au jury, tenu de garantir l'application cohérente des critères d'évaluation à tous les candidats, d'agir afin que tous les candidats à un même concours passent, particulièrement en ce qui concerne les épreuves orales, la même épreuve dans les mêmes conditions et ainsi de s'assurer que les épreuves présentent sensiblement le même degré de difficulté pour tous les candidats (arrêt du 14 décembre 2022, SY/Commission, T‑312/21, EU:T:2022:814, point 125).

39      Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence que tout concours comporte, en général et de façon inhérente, un risque d'inégalité de traitement. Ainsi, une violation du principe d'égalité de traitement ne peut être constatée que lorsque le jury n'a pas limité, lors du choix des épreuves, le risque d'inégalité des chances à celui inhérent, en règle générale, à tout examen (voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 2008, Giannini/Commission, T‑100/04, EU:T:2008:68, point 133).

40      Cependant, il ressort également de la jurisprudence qu'une irrégularité intervenue pendant le déroulement des épreuves d'un concours n'affecte la légalité desdites épreuves que si cette irrégularité est de nature substantielle ou si la partie requérante établit que cette irrégularité est susceptible d'avoir faussé les résultats des épreuves (arrêt du 7 septembre 2022, Rauff-Nisthar/Commission, T‑341/21, non publié, EU:T:2022:516, point 30).

41      En outre, compte tenu, d'une part, de ce qu'un acte administratif jouit d'une présomption de légalité et, d'autre part, de ce que la charge de la preuve qu'il est entaché d'illégalité pèse, par principe, sur celui qui l'allègue, il incombe à la partie requérante de fournir, à tout le moins, des indices suffisamment précis, objectifs et concordants de nature à soutenir la véracité ou la vraisemblance des faits à l'appui de sa prétention (voir ordonnance du 11 février 2022, OP/Commission, T‑736/20, non publiée, EU:T:2022:69, point 42 et jurisprudence citée).

42      En l'espèce, en premier lieu, s'agissant de l'argument tiré du fait que les tests QCM soumis à la requérante contenaient des questions provenant d'une base de données différente et que ces questions étaient beaucoup plus complexes que celles soumises aux candidats qui avaient précédemment effectué ces tests, il convient de constater ce qui suit.

43      S'il est vrai que la partie sur laquelle pèse la charge de la preuve, en l'espèce la requérante, ne peut pas se voir imposer la charge d'une preuve impossible à rapporter, il n'en reste pas moins que celle-ci se borne à affirmer, sans apporter aucun élément au soutien de son affirmation, que la base de données était différente et que ses tests QCM étaient plus difficiles que ceux des candidats les ayant passés précédemment.

44      À cet égard, il convient de relever que, même en admettant que la base de données ait été différente, cela n'implique pas que les tests QCM passés par la requérante étaient forcément plus difficiles que ceux passés précédemment par les autres candidats et donc qu'il y ait eu violation du principe d'égalité de traitement. La requérante devrait fournir un commencement de preuve au soutien de son argument, ce qu'elle ne fait pas. En effet, elle se borne à invoquer des discussions qu'elle aurait eues avec d'autres candidats pour justifier que leurs tests QCM étaient plus faciles que les siens, son argument ne reposant donc que sur une perception subjective de la difficulté desdits tests. Ainsi, il ne peut pas prospérer.

45      En deuxième lieu, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par la Commission à l'encontre des arguments de la requérante concernant les irrégularités qui auraient eu lieu lors des tests QCM en raison du non-respect du délai de trois jours prévu dans l'avis de concours, il y a lieu de constater que ces arguments ne peuvent pas prospérer.

46      En effet, premièrement, la requérante elle-même reconnaît que, même si elle a dû insister auprès du surveillant pour obtenir une calculatrice, elle en a obtenu une avant le début des tests QCM, de sorte qu'elle a pu, comme tous les autres candidats, l'utiliser lors de ces tests.

47      Deuxièmement, en ce qui concerne le stress qui lui aurait été causé, il suffit de constater que, dans l'arrêt du 7 septembre 2022, Rauff-Nisthar/Commission (T‑341/21, non publié, EU:T:2022:516, points 42 et 47), d'une part, le Tribunal a jugé que, en l'absence d'élément objectif, il ne pouvait pas être établi que les erreurs d'organisation relatives au déroulement d'une épreuve puissent avoir un impact sur le déroulement de cette épreuve au point de nuire aux prestations d'un candidat ou de fausser ses résultats, étant donné que, même s'il ne pouvait pas être exclu que lesdites erreurs aient suscité un stress, il ne s'ensuivait pas que les résultats d'un candidat à cette épreuve étaient dus au stress accru dont il se plaignait. D'autre part, le Tribunal a jugé que des circonstances propres au candidat, comme une propension éventuelle à ressentir davantage de stress que d'autres, ne sauraient fonder une différence pertinente au regard du principe d'égalité de traitement.

48      Ainsi, en l'absence d'élément objectif apporté par la requérante, ses arguments ne peuvent pas prospérer.

49      Par ailleurs, la différence avancée par la requérante entre la présente affaire et celle ayant donné lieu à l'arrêt du 7 septembre 2022, Rauff-Nisthar/Commission (T‑341/21, non publié, EU:T:2022:516), est dépourvue de toute pertinence dans le cadre de l'examen d'une éventuelle violation du principe d'égalité de traitement invoquée par un candidat en raison du stress qu'un problème organisationnel lui aurait causé avant le déroulement d'une épreuve.

50      Troisièmement, s'agissant de l'argument selon lequel un problème technique a empêché que deux des réponses de la requérante soient enregistrées dans le système, il y a lieu de relever que la Commission produit, à l'annexe B.1 du mémoire en défense, la grille relative aux réponses fournies. Or, il convient de constater que la Commission explique, dans ses écritures, qu'il ressort de cette grille que la requérante n'avait plus assez de temps pour répondre aux deux questions en cause. Dans la réplique, la requérante ne prend pas position sur cette explication et se borne à répéter qu'elle a fourni les réponses à ces deux questions, mais qu'une erreur technique est survenue.

51      Compte tenu, d'une part, du fait que la grille relative aux réponses fournies avait déjà été mise à la disposition de la requérante lors de la phase précontentieuse et que cette dernière n'y a aucunement fait référence dans la requête et, d'autre part, du fait qu'elle ne conteste pas l'explication relative à ladite grille avancée par la Commission dans le mémoire en défense, le présent argument doit être rejeté.

52      En troisième lieu, s'agissant des arguments de la requérante par lesquels elle soulève, en substance, une exception d'illégalité à l'encontre de l'avis de concours en raison de la violation du principe de confiance légitime, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de cette exception, il y a lieu de rappeler que ledit principe suppose la réunion de trois conditions. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l'intéressé par l'administration. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l'esprit de celui auquel elles s'adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 28 septembre 2022, Grieger/Commission, T‑517/21, non publié, EU:T:2022:588, point 81 et jurisprudence citée).

53      Or il y a lieu de relever que ces conditions ne sont pas remplies en l'espèce. En effet, il ressort de l'avis de concours que les tests QCM et les épreuves du centre d'évaluation font partie de la même étape de la procédure de sélection. Dès lors, la seule conséquence de ne pas atteindre le seuil minimal aux tests QCM est de ne pas être inscrit sur la liste de réserve, et non de ne pas pouvoir participer aux épreuves du centre d'évaluation. Ainsi, la requérante ne peut pas valablement soutenir que les règles applicables en l'espèce, contenues dans l'avis de concours, lui ont fourni des assurances quant au fait que sa participation aux épreuves du centre d'évaluation impliquait qu'elle avait préalablement réussi les tests QCM, et ses arguments ne peuvent pas prospérer.

54      En quatrième lieu, s'agissant de l'argument selon lequel les notes des tests QCM auraient dû être additionnées aux notes des épreuves du centre d'évaluation, il suffit de constater qu'il va à l'encontre de l'avis de concours, qui précise, d'une part, que « [l]es résultats [des tests] QCM sur ordinateur sont éliminatoires, mais ne [sont] pas pris en compte dans [les] notes globales finales » et, d'autre part, que « toutefois, [les candidats doivent] obtenir les notes minimales requises à l'issue de tous les tests ». Il en découle, a contrario de ce que soutient la requérante, que les notes obtenues aux tests QCM ne peuvent pas être modifiées en ajoutant les notes globales finales, qui sont celles obtenues aux épreuves du centre d'évaluation.

55      Aucun des arguments avancés par la requérante ne pouvant prospérer, il y a lieu de rejeter le premier moyen dans son intégralité.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l'obligation de motivation, du droit à l'égalité des parties à la procédure et du principe de bonne administration

56      Tout d'abord, la requérante fait valoir que la décision de non-inscription ne contenait aucune motivation et que, dans la décision sur la demande de réexamen, une explication stéréotypée a été fournie, de sorte qu'il est douteux que le réexamen ait réellement eu lieu. Ainsi, la requérante soutient que lesdites décisions sont viciées en raison de l'absence totale de motivation.

57      La requérante ajoute que, dans l'arrêt du 29 novembre 2018, Di Bernardo/Commission (T‑811/16, non publié, EU:T:2018:859), le Tribunal a jugé que la connaissance des critères de sélection est indispensable pour apprécier si, dans l'analyse de l'expérience professionnelle du candidat, le jury n'a pas dépassé les limites de sa marge d'appréciation et a, par conséquent, annulé une décision qui, dans un cas analogue à la présente affaire, n'avait pas indiqué, préalablement à la phase contentieuse, les critères de sélection adoptés par le jury.

58      Ensuite, la requérante soutient que l'absence d'une décision explicite de rejet de sa réclamation viole le principe de bonne administration et doit être sanctionnée par la condamnation de la Commission au paiement d'une somme forfaitaire.

59      Enfin, la requérante affirme que le défaut de motivation entraîne la violation du droit fondamental à l'égalité des parties à la procédure, qui découle de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux, dont l'application aux institutions de l'Union est désormais bien établie.

60      La Commission conteste les arguments de la requérante.

61      Selon une jurisprudence constante, il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2020, Commission/Di Bernardo, C‑114/19 P, EU:C:2020:457, point 29 et jurisprudence citée).

62      En ce qui concerne les décisions prises par un jury de concours, l'obligation de motivation doit être conciliée avec le respect du secret qui entoure les travaux du jury en vertu de l'article 6 de l'annexe III du statut. Ce secret a été institué en vue de garantir l'indépendance des jurys de concours et l'objectivité de leurs travaux, en les mettant à l'abri de toutes ingérences et pressions extérieures, qu'elles proviennent de l'administration de l'Union elle-même, des candidats intéressés ou de tiers. Le respect de ce secret s'oppose dès lors tant à la divulgation des attitudes prises par les membres individuels des jurys qu'à la révélation de tous éléments ayant trait à des appréciations de caractère personnel ou comparatif concernant les candidats (arrêt du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, C‑254/95 P, EU:C:1996:276, point 24).

63      Les travaux d'un jury de concours comportent, en général, au moins deux stades distincts, à savoir, en premier lieu, l'examen des candidatures pour faire le tri des candidats admis à prendre part aux épreuves du concours et, en second lieu, l'examen des aptitudes des candidats pour l'emploi à pourvoir, afin de dresser une liste de réserve (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, C‑254/95 P, EU:C:1996:276, point 26).

64      En ce qui concerne le second stade des travaux du jury de concours, il est avant tout de nature comparative et, de ce fait, couvert par le secret inhérent à ces travaux (arrêt du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, C‑254/95 P, EU:C:1996:276, point 28).

65      Compte tenu du secret entourant les travaux du jury, selon la jurisprudence, la communication de la grille relative aux réponses fournies est suffisante pour satisfaire l'obligation de motivation (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2020, ZL/EUIPO, T‑596/18, non publié, EU:T:2020:442, point 83).

66      En l'espèce, en premier lieu, il convient de constater que la grille relative aux réponses fournies était annexée à la décision du jury du 22 mars 2023. En second lieu, la décision sur la demande de réexamen, d'une part, expliquait à la requérante qu'elle avait signalé tardivement certaines des irrégularités qui auraient eu lieu lors des tests QCM et, d'autre part, qu'elle n'avait pas répondu à deux questions.

67      Ainsi, compte tenu de la jurisprudence citée au point 65 ci-dessus et des éléments exposés au point 66 ci-dessus, l'argument tiré de la violation de l'obligation de motivation doit être rejeté.

68      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l'argument de la requérante tiré de l'application, dans la présente affaire, de l'arrêt du 29 novembre 2018, Di Bernardo/Commission (T‑811/16, non publié, EU:T:2018:859), étant donné que cet arrêt concerne une violation de l'obligation de motivation dans le cadre du premier stade des travaux du jury alors que, dans la présente affaire, la décision sur la demande de réexamen a été adoptée lors du second stade de ces travaux.

69      Quant à l'argument de la requérante tiré de la violation du droit fondamental à l'égalité des parties à la procédure, il ne peut pas prospérer, dans la mesure où il est fondé sur un prétendu défaut de motivation qui a été exclu en l'espèce.

70      Enfin, l'argument de la requérante tiré d'une violation du principe de bonne administration du fait que la Commission n'a pas adopté de décision explicite de rejet de sa réclamation ne peut pas non plus prospérer. En effet, il suffit de constater que l'article 90, paragraphe 2, du statut prévoit que l'AIPN peut adopter une décision explicite ou implicite de rejet d'une réclamation, de sorte qu'une institution ne peut pas être considérée comme ayant violé le principe de bonne administration pour ne pas avoir adopté de décision explicite. Dans ce contexte, la demande de la requérante visant à ce que la Commission soit condamnée au paiement d'une somme forfaitaire doit donc être, en tout état de cause, rejetée.

71      Partant, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen dans son intégralité.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l'article 5, cinquième et sixième alinéas, de l'annexe III du statut

72      En premier lieu, la requérante fait valoir que la liste de réserve contient un faible nombre de lauréats par rapport aux emplois mis au concours en cause, à savoir moins de la moitié. Selon la requérante, dans la mesure où une sélection stricte avait déjà été effectuée au stade de l'évaluateur de talent et où parmi les candidats figurait un pourcentage élevé d'agents contractuels du JRC, l'article 5, sixième alinéa, de l'annexe III du statut a été violé, le jury ayant fixé artificiellement un seuil très élevé sans dûment tenir compte de cette disposition.

73      Dans ce contexte, la requérante demande la production du rapport visé à l'article 5, sixième alinéa, de l'annexe III du statut, afin d'examiner les justifications de l'adoption d'un seuil aussi élevé.

74      En second lieu, la requérante estime que l'organisation d'un concours entraîne des coûts importants pour l'institution et que les jurys doivent donc maximiser le résultat de la procédure et prévoir un seuil qui permet de sélectionner un nombre de candidats égal au double – ou très proche du double – du nombre de postes disponibles.

75      La Commission conteste les arguments de la requérante.

76      En premier lieu, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, en disposant que la liste de réserve comporte, dans toute la mesure du possible, un nombre de candidats au moins double de celui des emplois mis au concours, l'article 5, cinquième alinéa, de l'annexe III du statut n'implique qu'une recommandation au jury tendant à faciliter les décisions de l'AIPN, de sorte que sa violation ne saurait justifier l'annulation de la décision sur la demande de réexamen (voir, en ce sens, arrêts du 26 octobre 1978, Agneessens e.a./Commission, 122/77, EU:C:1978:190, point 22, et du 30 novembre 2005, Vanlangendonck/Commission, T‑361/03, EU:T:2005:433, point 34).

77      Ainsi, en l'espèce, même si la requérante semble confondre le nombre de candidats figurant sur la liste de réserve avec le nombre d'emplois à pourvoir, il n'en reste pas moins que, si son argument devait être compris comme une critique du fait que le jury aurait établi une liste de réserve composée d'un nombre trop faible de candidats, ce fait, même s'il était avéré, ne serait pas susceptible d'entraîner l'annulation de la décision sur la demande de réexamen, conformément à la jurisprudence constante citée au point 76 ci-dessus.

78      En second lieu, il n'est pas nécessaire de demander à la Commission de produire le rapport motivé du jury, prévu à l'article 5, sixième alinéa, de l'annexe III du statut, dans la mesure où il est possible de statuer sur le bien-fondé de l'argument de la requérante sans ledit rapport (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2024, VT/Commission, T‑216/23, non publié, sous pourvoi, EU:T:2024:465, point 180).

79      Les arguments de la requérante ne pouvant pas prospérer, il y a lieu de rejeter le troisième moyen ainsi que, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

80      Aux termes de l'article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Cependant, conformément à l'article 135, paragraphe 1, dudit règlement, lorsque l'équité l'exige, le Tribunal peut décider qu'une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l'autre partie, voire qu'elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

81      En l'espèce, le Tribunal estime que l'absence de réponse explicite de la Commission à la réclamation de la requérante avant l'introduction du recours a pu favoriser, dans une certaine mesure, la naissance du litige. Dès lors, bien que la requérante ait succombé en ses conclusions, il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des circonstances de l'espèce en décidant que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Porchia

Jaeger

Nihoul

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 mai 2025.

Signatures


*      Langue de procédure : l'italien.

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