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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> UG v ERCEA ((Civil service - Members of the contract staff - Appraisal - Judgment) French Text [2025] EUECJ T-45/23 (05 February 2025) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2025/T4523.html Cite as: [2025] EUECJ T-45/23, EU:T:2025:137, ECLI:EU:T:2025:137 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)
5 février 2025 (*)
« Fonction publique - Agents contractuels - Notation - Rapport d’évaluation - Exercice d’évaluation 2021 - Règle de concordance - Devoir de sollicitude - Erreur manifeste d’appréciation - Proportionnalité »
Dans l’affaire T‑45/23,
UG, représentée par Me N. Flandin, avocate,
partie requérante,
contre
Agence exécutive du Conseil européen de la recherche (ERCEA), représentée par M. M. Pesquera Alonso et Mme M. E. Chacón Mohedano, en qualité d’agents, assistés de Mes D. Waelbroeck et A. Duron, avocats,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre),
composé de MM. L. Truchot, président, H. Kanninen (rapporteur) et M. Sampol Pucurull, juges,
greffier : M. L. Ramette, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 10 juillet 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, la requérante, UG, demande l’annulation de son rapport d’évaluation pour l’année 2021 (ci-après le « rapport litigieux ») et, subsidiairement, l’annulation partielle du rapport litigieux en ce qu’il contient certains commentaires dans les rubriques « Rendement », « Compétence » et « Conduite dans le service » ainsi que le commentaire général.
I. Antécédents du litige
A. Le contexte
2 Du [confidentiel] (1) au [confidentiel], la requérante a travaillé à l’Agence exécutive du Conseil européen de la recherche (ERCEA) en tant qu’agent contractuel. Elle a occupé des postes [confidentiel] dans différentes équipes.
3 Du [confidentiel] au [confidentiel], la requérante a travaillé à l’unité B5 de l’ERCEA dont la [confidentiel] était A.
4 Du [confidentiel] au [confidentiel], la requérante a travaillé à l’unité B4 de l’ERCEA. Du [confidentiel] au [confidentiel], elle a eu comme [confidentiel] B. Du [confidentiel] au [confidentiel], elle a eu comme [confidentiel] C.
5 Du [confidentiel] au [confidentiel], elle a travaillé à l’unité D1 ayant comme [confidentiel] D.
6 Les tâches effectuées par la requérante au sein de l’unité B4, pendant l’année 2021, comprenaient notamment la vérification de l’éligibilité des experts, le nettoyage des listes des « Remote Referees » (ci-après les « arbitres à distance »), la préparation de documents pour les réunions des panels PE 4 et PE 7 ainsi que l’archivage et le redimensionnement des fichiers liés à l’évaluation des panels respectifs et des documents provenant des réunions des panels.
7 E et F étaient les deux [confidentiel], respectivement, des panels PE 4 et PE 7.
8 En [confidentiel], la requérante a conclu un contrat [confidentiel] avec l’ERCEA.
9 Le 19 novembre 2021, une réunion a eu lieu entre la requérante, C, E et F ainsi que la [confidentiel], G (ci-après la « réunion du 19 novembre 2021 »).
10 Le 6 décembre 2021, la requérante a communiqué des observations complémentaires en réponse aux critiques formulées lors de la réunion du 19 novembre 2021.
11 Le [confidentiel], la requérante a été transférée dans l’unité D1 de l’ERCEA pour laquelle elle a travaillé jusqu’au [confidentiel].
12 Du [confidentiel] au [confidentiel], la requérante a pris un congé de convenance personnelle.
13 Depuis le [confidentiel], la requérante travaille au Conseil de l’Union européenne.
14 Le [confidentiel], la requérante a soumis sa démission de l’ERCEA avec effet au [confidentiel].
B. Procédure d’évaluation pour l’année 2021
15 Le 5 janvier 2022, la procédure d’évaluation de la requérante pour l’année 2021 a été lancée.
16 Le 7 mars 2022, C a signé le rapport litigieux en tant qu’évaluateur.
17 Le 14 mars 2022, la requérante a refusé le rapport litigieux dans Sysper, un système informatique de gestion du personnel, ce qui a automatiquement déclenché une procédure d’appel.
18 Le 16 mars 2022, la requérante a signé son appel contre le rapport litigieux.
19 Le 28 mars 2022, la requérante a eu un dialogue avec l’évaluatrice d’appel, A, [confidentiel]. La cheffe de l’unité des ressources humaines de l’ERCEA, H, a également assisté au dialogue.
20 Le 1er avril 2022, l’évaluatrice d’appel a confirmé le rapport litigieux.
21 Le rapport litigieux contient notamment les commentaires suivants (ci-après, pris ensemble, les « commentaires contestés ») :
– un commentaire relatif à la vérification des arbitres à distance (commentaire 1) :
[Rendement]
« En ce qui concerne la vérification des arbitres à distance, les coordinateurs des panels PE 4 et PE 7 ont relevé plusieurs points préoccupants, comme par exemple le remplacement des arbitres nommés par le panel par d’autres arbitres aux noms similaires, mais aux profils d’expertise totalement différents, ce qui a eu pour conséquence que les mauvais experts ont été invités à la réunion. »
– un commentaire relatif au tableau d’expertise des évaluateurs du panel et au trombinoscope préparés pour l’appel StG 2021 du panel PE 4 (commentaire 2) :
[Rendement]
« Le coordinateur du panel PE 4 a signalé des problèmes concernant le tableau d’expertise des évaluateurs du panel et le trombinoscope préparés pour l’appel StG 2021, qui n’avaient pas le niveau d’exactitude requis pour les documents à partager avec les membres du panel (polices et structure incohérentes, mêmes experts listés deux fois avec des informations différentes, etc.). »
– des commentaires relatifs à la préparation et à la gestion des fichiers ARES (commentaires 3) :
[Rendement]
« En ce qui concerne la préparation des fichiers ARES, les deux coordinateurs du panel ont relevé des problèmes d’exactitude (par exemple, des numéros ARES incorrects et l’inclusion de documents à la mauvaise étape dans les notes finales formalisant la clôture de l’étape 1 du CoG 2021 PE 7 et de l’étape 2 du StG 2021 PE 4). Les coordinateurs du panel ont également signalé la multiplication inutile des dossiers ARES, au lieu de joindre plusieurs documents relatifs à la même activité ou étape dans un seul dossier ARES, comme demandé. »
[Compétence]
« La communication avec les équipes des panels PE 4 et PE 7 pour les autres tâches d’évaluation s’est avérée plus difficile. Dans plusieurs cas, [la requérante] a omis de consulter les responsables scientifiques avant de prendre des mesures (par exemple, lorsque les arbitres à distance désignés par le panel ont été remplacés par d’autres experts au cours du processus de vérification).
[La requérante] a montré des difficultés à s’adapter aux besoins des responsables scientifiques, comme l’illustre la création récurrente de plusieurs fichiers ARES interconnectés pour une question donnée, malgré les demandes répétées des responsables scientifiques de travailler avec un seul fichier ARES qui inclurait tous les documents pertinents. »
[Conduite dans le service]
« [...] [la requérante] semble privilégier la rapidité à la précision, ce qui entraîne des erreurs dans les résultats de son travail (par exemple, des inexactitudes dans les dossiers ARES et dans les documents des réunions du panel). »
– un commentaire relatif à la difficulté à accepter la critique sur son travail (commentaire 4) :
[Conduite dans le service]
« Lorsque de telles erreurs sont portées à son attention, [la requérante] montre des difficultés à accepter un retour d’information. [La requérante] renvoie de nombreux et longs courriels faisant référence à des facteurs ou acteurs externes pour justifier les erreurs : demandes peu claires et conseils insuffisants de la part des responsables scientifiques, lignes directrices et procédures incomplètes, outils informatiques déficients. Cette difficulté à reconnaître les erreurs et à en tirer des leçons est un obstacle à la coopération avec les responsables scientifiques. »
– un commentaire général (commentaire 5) :
« Bien que [la requérante] soit une [confidentiel] proactive qui a fait preuve de dévouement, d’intérêt et d’efforts dans son travail et qui accomplit ses tâches dans les délais impartis, la qualité générale de son travail ne répond pas aux normes de précision attendues des [confidentiel] de l’unité B4. »
22 Par courriel du 23 mai 2022, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») contre le rapport litigieux.
23 Le 27 juin 2022, la direction générale (DG) « Ressources humaines et sécurité » a enregistré sous le numéro R/305/22 la réclamation introduite par la requérante contre le rapport litigieux.
24 Le 26 octobre 2022, l’autorité habilitée à conclure des contrats (ci-après l’« AHCC ») de l’ERCEA a rejeté la réclamation (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).
II. Conclusions des parties
25 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler le rapport litigieux ;
– subsidiairement, annuler ledit rapport en ce qu’il contient les commentaires contestés ;
– pour autant que de besoin, annuler la décision de rejet de la réclamation ;
– condamner l’ERCEA aux dépens.
26 L’ERCEA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme en partie irrecevable et non fondé dans son intégralité ;
– condamner la requérante aux dépens.
III. En droit
A. Sur l’objet du recours
27 Dans son recours, la requérante demande l’annulation, d’une part, du rapport litigieux et, d’autre part, pour autant que de besoin, de la décision de rejet de la réclamation. Alors que le second moyen est dirigé contre ces deux actes, le premier moyen l’est uniquement contre la décision de rejet de la réclamation.
28 Dans ces conditions, il y a lieu de déterminer l’acte faisant grief par rapport auquel les moyens en annulation seront examinés.
29 À cet égard, il convient de rappeler que la réclamation administrative, au sens de l’article 90 du statut, et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge de l’Union européenne (arrêt du 23 septembre 2020, VE/AEMF, T‑77/18 et T‑567/18, non publié, EU:T:2020:420, point 45).
30 Ainsi, le recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’Union de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée, sauf dans l’hypothèse où le rejet de la réclamation aurait une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée (arrêt du 23 septembre 2020, VE/AEMF, T‑77/18 et T‑567/18, non publié, EU:T:2020:420, point 46).
31 En effet, le rejet de la réclamation peut, eu égard à son contenu, ne pas avoir de caractère purement confirmatif de l’acte contesté par la partie requérante, notamment lorsque l’administration procède à un réexamen de sa situation en fonction d’éléments de droit ou de faits nouveaux, ou lorsqu’elle modifie ou complète la décision initiale. Dans ces hypothèses, le rejet de la réclamation constitue un acte soumis au contrôle du juge de l’Union, qui le prend en considération dans l’appréciation de la légalité de l’acte contesté, voire le considère comme étant un acte faisant grief se substituant à ce dernier (voir arrêt du 29 mai 2024, Canel Ferreiro/Conseil, T‑766/22, EU:T:2024:336, point 33 et jurisprudence citée). Par ailleurs, la partie requérante doit être en mesure de soumettre au contrôle du juge de l’Union la légalité de la décision portant rejet de sa réclamation lorsqu’elle invoque un moyen portant spécifiquement sur la procédure de réclamation (voir, en ce sens, arrêts du 19 juin 2015, Z/Cour de justice, T‑88/13 P, EU:T:2015:393, points 143 à 146, et du 29 mai 2024, Canel Ferreiro/Conseil, T‑766/22, EU:T:2024:336, point 31).
32 À l’inverse, compte tenu du caractère évolutif de la procédure précontentieuse, une décision explicite de rejet de la réclamation qui ne contient que des précisions complémentaires et se borne ainsi à révéler, de manière détaillée, les motifs de la confirmation de l’acte antérieur ne constitue pas un acte faisant grief. Néanmoins, ce même caractère évolutif de la procédure précontentieuse implique que ces précisions complémentaires soient prises en considération pour apprécier la légalité de l’acte faisant grief (voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2023, AL/Commission, T‑714/21, non publié, EU:T:2023:282, point 12 et jurisprudence citée).
33 En l’espèce, la décision de rejet de la réclamation, comme en conviennent d’ailleurs les deux parties, confirme le rapport litigieux, sans en modifier la portée et sans procéder à un réexamen de la situation de la requérante au regard d’éléments de droit ou de fait nouveaux.
34 À cet égard, ainsi qu’il a été souligné au point 32 ci-dessus, le seul fait que la décision de rejet de la réclamation apporte une motivation complémentaire aux arguments opposés par la requérante ne suffit pas à lui conférer un contenu autonome (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2020, VE/AEMF, T‑77/18 et T‑567/18, non publié, EU:T:2020:420, point 48).
35 Dans ces conditions, les conclusions en annulation doivent être regardées comme étant dirigées contre le rapport litigieux même si, dans l’examen de la légalité de ce rapport, il conviendra de prendre en considération la motivation complémentaire figurant dans la décision de rejet de la réclamation.
B. Sur l’annexe A.11 de la requête
36 L’ERCEA soutient que la réclamation produite par la requérante à l’annexe A.11 de la requête ne correspond pas à la réclamation communiquée à la DG « Ressources humaines et sécurité » et à l’ERCEA, telle qu’elle ressort de l’annexe B.7 du mémoire en défense. Selon elle, la réclamation produite par la requérante est datée du 11 avril 2022 et ne contient pas de signature. En revanche, celle produite à l’annexe B.7 du mémoire en défense est datée du 23 mai 2022 et signée. Ainsi, l’ERCEA demande que l’annexe A.11 de la requête soit écartée.
37 La requérante confirme que la réclamation ressortant de l’annexe B.7 du mémoire en défense correspond à sa réclamation déposée le 23 mai 2022, mais considère que le document qu’elle a produit dans l’annexe A.11 de la requête reproduit dans son contenu le même objet et les mêmes causes du litige que ceux exposés dans ladite réclamation. Elle souligne ne pas avoir été en mesure de communiquer le texte complet de la réclamation au moment du dépôt de la requête au motif qu’elle n’avait plus accès à son ordinateur professionnel ni au réseau informatique de l’ERCEA sur lequel se trouvait cette réclamation.
38 Selon l’article 78, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la requête présentée en vertu de l’article 270 TFUE doit être accompagnée, s’il y a lieu, de la réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut et de la décision portant réponse à la réclamation avec indication des dates d’introduction et de notification. Cette exigence figure au nombre de celles susceptibles de faire l’objet d’une régularisation au titre de l’article 78, paragraphe 6, du règlement de procédure.
39 En l’espèce, d’une part, la requérante a déposé, comme annexe A.11 de la requête, ce qu’elle qualifie elle-même de « projet de réclamation », daté du 11 avril 2022. Ce dernier n’ayant jamais été transmis à l’ERCEA ou à la DG « Ressources humaines et sécurité » afin de contester le rapport litigieux, il ne peut être qualifié de réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut.
40 D’autre part, l’ERCEA a déposé, comme annexe B.7 du mémoire en défense, la réclamation introduite par la requérante et enregistrée sous la référence R/305/22 (voir point 23 ci-dessus). Ainsi, l’absence de dépôt de ce document concomitamment à l’introduction de la requête ne saurait faire obstacle, en l’espèce, à ce que le Tribunal contrôle la légalité du rapport litigieux.
41 Partant, pour l’examen du présent recours, le Tribunal doit se référer à l’annexe B.7 du mémoire en défense en tant que réclamation introduite en l’espèce.
C. Sur le respect de la règle de concordance
42 L’ERCEA estime que le recours doit être déclaré en partie irrecevable en l’absence de concordance entre la réclamation et la requête.
43 Selon l’ERCEA, dans la réclamation, la requérante a, premièrement, accusé E et F, les deux [confidentiel] des panels PE 4 et PE 7 au sein de l’unité B4, de harcèlement et a dénoncé des dysfonctionnements et des manquements importants au sein de l’unité B5, deuxièmement, fait valoir que le rapport litigieux était tendancieux et délibérément erroné et que la majorité des commentaires figurant dans ce rapport étaient vexants, dégradants et subjectifs et, troisièmement, invoqué l’existence d’un conflit d’intérêts qui concernerait l’évaluatrice d’appel et une violation de la procédure qui en découlerait.
44 Ainsi, selon l’ERCEA, aucun des griefs soulevés dans le cadre du second moyen de la requête relatifs, premièrement, à une violation du principe de sollicitude, deuxièmement, à l’absence de prise en compte du contexte professionnel particulièrement perturbé dû à la pandémie de COVID-19 en 2021 et, troisièmement, au caractère disproportionné des commentaires contestés par rapport à la réalité de la situation ne figure dans la réclamation. Elle demande donc au Tribunal de déclarer ces griefs comme étant irrecevables. Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, elle a fait valoir que la première branche du second moyen devait également être déclarée irrecevable pour le même motif.
45 La requérante conteste les arguments de l’ERCEA.
46 La règle de concordance entre la réclamation, au sens de l’article 91, paragraphe 2, du statut, et la requête subséquente exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen soulevé devant le juge de l’Union l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’autorité investie du pouvoir de nomination ou l’AHCC ait été en mesure de connaître les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée [voir arrêts du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 71 et jurisprudence citée, et du 16 juin 2021, Lucaccioni/Commission, T‑316/19, EU:T:2021:367, point 90 (non publié) et jurisprudence citée].
47 Cette règle se justifie par la finalité même de la procédure précontentieuse, celle-ci ayant pour objet de permettre un règlement amiable des différends surgis entre les fonctionnaires ou agents et l’administration (voir arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 72 et jurisprudence citée). Elle vise ainsi à éviter que le fonctionnaire ou l’agent ne fasse valoir certains griefs, voire l’ensemble de ceux-ci, que lors de la phase contentieuse, avec pour conséquence que toute possibilité de règlement extrajudiciaire du litige se trouve significativement réduite. Dans ces circonstances, en effet, n’étant pas en mesure de connaître avec une précision suffisante les griefs ou desiderata de l’intéressé, l’autorité investie du pouvoir de nomination ou l’AHCC n’aura aucune possibilité de faire droit aux prétentions de celui-ci, le cas échéant, ou de proposer une solution amiable et, ainsi, de ne pas soumettre directement le litige à la décision du juge (voir arrêt du 21 mai 2014, Mocová/Commission, T‑347/12 P, EU:T:2014:268, point 39 et jurisprudence citée).
48 Il s’ensuit que, dans les recours de fonctionnaires ou d’agents, les conclusions présentées devant le juge de l’Union ne peuvent contenir que des chefs de contestation reposant sur la même cause que celle sur laquelle reposent les chefs de contestation invoqués dans la réclamation, étant précisé que ces chefs de contestation peuvent être développés, devant le juge de l’Union, par la présentation de moyens et d’arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s’y rattachant étroitement (voir arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 73 et jurisprudence citée).
49 Par ailleurs, il convient de préciser, d’une part, que, dans la mesure où la procédure précontentieuse a un caractère informel et que les intéressés agissent en général à ce stade sans le concours d’un avocat, l’administration ne doit pas interpréter les réclamations de façon restrictive, mais doit, au contraire, les examiner dans un esprit d’ouverture. D’autre part, l’article 91 du statut, dont résulte la règle de concordance, n’a pas pour objet de lier, de façon rigoureuse et définitive, la phase contentieuse éventuelle, dès lors que le recours contentieux ne modifie ni la cause ni l’objet de la réclamation (voir arrêts du 9 juin 2021, Hill Mansilla/Commission, T‑575/19, non publié, EU:T:2021:324, point 52 et jurisprudence citée, et du 23 mars 2022, OT/Parlement, T‑757/20, EU:T:2022:156, points 157 et 158 et jurisprudence citée).
50 Dans ce contexte, il doit en particulier être rappelé que le seul changement de fondement juridique d’une contestation ne suffit pas à caractériser la nouveauté de la cause de celle-ci. C’est ainsi que plusieurs fondements juridiques peuvent soutenir une seule et même prétention et, partant, une seule et même cause. En d’autres termes, le fait d’invoquer la violation d’une disposition spécifique dans la requête, qui n’était pas invoquée dans la réclamation, n’implique pas nécessairement que la cause du litige ait été, de ce fait, modifiée. Il convient en effet de s’attacher à la substance de ladite cause et non au seul libellé de ses fondements juridiques, le juge de l’Union devant vérifier s’il existe un lien étroit entre ses fondements et s’ils se rattachent substantiellement aux mêmes prétentions (voir arrêt du 27 octobre 2016, BCE/Cerafogli, T‑787/14 P, EU:T:2016:633, point 40 et jurisprudence citée).
51 Il ressort de la jurisprudence citée aux points 48 à 50 ci-dessus qu’il est nécessaire d’examiner, en l’espèce, dans quelle mesure les griefs développés dans le cadre du second moyen correspondent à ceux exposés dans la réclamation à l’encontre du rapport litigieux.
52 À cet égard, dans la réclamation, tout d’abord, la requérante fait état de l’existence de dysfonctionnements et de manquements importants au sein des unités B4 et B5. Elle mentionne également des difficultés d’organisation, mais aussi des problèmes informatiques. Par l’évocation du contexte dans lequel elle a exercé ses fonctions, elle identifie ce qu’elle considère comme des facteurs externes susceptibles d’expliquer ou de justifier les erreurs qui lui sont reprochées dans le rapport litigieux.
53 Ensuite, la requérante qualifie les commentaires contestés d’erronés, de vexants, de subjectifs, d’incorrects, de disproportionnés, d’abusifs, de discriminatoires ou diffamatoires et soutient que le contenu du rapport litigieux met en péril son évolution de carrière.
54 Enfin, la requérante mentionne la pandémie de COVID-19 tant pour signaler son isolement que pour souligner l’incidence de cette situation sur son bien-être au travail. Elle fait état des problèmes familiaux qu’elle a rencontrés et se plaint de ne pas avoir reçu l’aide nécessaire de ses supérieurs hiérarchiques.
55 Ainsi, il ressort de la réclamation que la requérante, premièrement, reproche, en substance, à l’ERCEA le défaut de prise en compte dans le rapport litigieux non seulement du contexte professionnel particulier dans lequel elle a exercé ses fonctions, mais également de la situation sanitaire résultant de la poursuite de la pandémie de COVID-19, deuxièmement, considère que les commentaires contestés sont erronés, car l’ERCEA n’a pas apprécié le rôle joué par certains facteurs externes dans la survenance des erreurs commises par elle et, troisièmement, estime que les commentaires contestés sont disproportionnés en raison du caractère isolé desdites erreurs.
56 Il en résulte que les différents griefs développés dans la requête se rattachent étroitement aux chefs de contestation figurant dans la réclamation. En effet, dans la requête, la requérante reproche à l’ERCEA, premièrement, d’avoir manqué à son devoir de sollicitude en omettant de prendre en considération l’ensemble des circonstances individuelles pertinentes, en l’occurrence la pandémie de COVID-19, deuxièmement, d’avoir commis des erreurs manifestes d’appréciation dans le cadre des commentaires contestés et, troisièmement, d’avoir présenté des commentaires disproportionnés en mentionnant des incidents isolés dans le rapport litigieux.
57 Partant, bien que les arguments avancés par la requérante ne correspondent pas exactement à ceux qu’elle a formellement avancés dans la réclamation, il n’en demeure pas moins qu’ils reposent sur un même objet, à savoir la contestation du rapport litigieux, et une cause identique, à savoir l’absence de prise en compte de facteurs externes dans l’appréciation des erreurs reprochées à la requérante ainsi que le caractère erroné et disproportionné des commentaires contestés dans le rapport litigieux.
58 Dans ce contexte, la seule absence de qualification juridique des griefs invoqués au sein de la réclamation, rédigée au demeurant par la requérante seule, ne saurait, au sens de la jurisprudence citée au point 46 ci-dessus, conduire à une violation, en l’espèce, de la règle de concordance.
59 Il résulte de ce qui précède que l’ERCEA n’est pas fondée à soutenir que les arguments rappelés au point 44 ci-dessus méconnaissent la règle de concordance.
60 De ce fait, la fin de non-recevoir doit être rejetée.
D. Sur certaines pièces contenues dans les annexes A.7 à A.9 de la requête
61 L’ERCEA soutient que certaines pièces contenues dans les annexes A.7 à A.9 de la requête concernent des éléments factuels postérieurs à l’année 2021, période de référence visée par le rapport litigieux, et qu’elles doivent donc être écartées.
62 La requérante conteste cette demande de l’ERCEA. Selon elle, ces annexes font état, d’une part, de commentaires très positifs émis à l’égard du travail de la requérante à la suite de son transfert de l’unité B4 à l’unité D1 et, d’autre part, de sa volonté de demander des clarifications sur des situations professionnelles particulières identiques à celles vécues en 2021. Elle ajoute que l’ERCEA a également utilisé des documents antérieurs ou postérieurs à l’année 2021 dans les annexes B.13, B.14 et B.16 du mémoire en défense.
63 Selon une jurisprudence constante, la légalité d’un acte de l’Union s’apprécie en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été pris. Il s’ensuit qu’est exclue la prise en compte, lors de l’appréciation de la légalité de cet acte, d’éléments postérieurs à la date à laquelle l’acte de l’Union a été adopté (voir arrêt du 17 mai 2023, IR/Commission, T‑685/21, non publié, EU:T:2023:267, point 15 et jurisprudence citée).
64 Toutefois, le contrôle exercé par le Tribunal au regard des éléments de fait et de droit existant à la date d’adoption de l’acte attaqué s’exerce sans préjudice de la possibilité offerte aux parties, dans l’exercice de leurs droits de la défense, de les compléter par des éléments de preuve postérieurs à cette date, mais constitués spécifiquement en vue d’attaquer cet acte ou de le défendre (voir arrêt du 16 octobre 2018, OY/Commission, T‑605/16, non publié, EU:T:2018:687, point 23 et jurisprudence citée).
65 En l’espèce, il convient de relever que, premièrement, l’annexe A.7 de la requête contient des courriels échangés entre le 27 janvier et le 2 février 2022. Deuxièmement, l’annexe A.8 de la requête reproduit notamment l’auto-évaluation et le rapport d’évaluation de la requérante de l’année 2022 ainsi qu’un courriel du 25 mai 2020. Troisièmement, l’annexe A.9 de la requête comprend le rapport d’évaluation de fin de stage au Conseil en 2022 de la requérante.
66 Ainsi, l’ensemble de ces documents, à l’exception du courriel du 25 mai 2020, portent sur des éléments de faits postérieurs à la période de référence couverte par le rapport litigieux. De plus, il ne s’agit pas d’éléments de preuve constitués spécifiquement en vue d’attaquer le rapport litigieux conformément à la jurisprudence citée au point 64 ci-dessus.
67 Dans ces conditions, les annexes A.7 et A.9 de la requête, dans leur intégralité, ainsi que l’annexe A.8 de la requête, dans sa partie comprenant l’auto-évaluation et le rapport d’évaluation de la requérante de l’année 2022, ne sont pas pertinentes dans l’appréciation de la légalité du rapport litigieux et doivent donc être écartées.
E. Sur le bien-fondé des moyens
68 La requérante invoque deux moyens à l’appui de ses conclusions en annulation. Le premier moyen est tiré, d’une part, d’une erreur manifeste d’appréciation dans la prise en compte par l’AHCC des rapports d’évaluation dont la requérante a fait l’objet les années précédentes, notamment les années 2018 à 2020 (ci-après les « rapports d’évaluation précédents ») et, d’autre part, d’une atteinte par l’AHCC au principe du caractère annuel de l’évaluation, tel que défini par l’article 43 du statut. Le second moyen est tiré d’une violation du principe de sollicitude, d’erreurs manifestes d’appréciation et du caractère disproportionné du rapport litigieux et, en particulier, des commentaires contestés.
1. Observations liminaires
69 Il convient de rappeler que les institutions, les organes et les organismes de l’Union ont une obligation particulière de transparence quant à l’évaluation et à la notation de leurs agents, dont le respect est assuré par la procédure formelle établie à l’article 43 du statut, dont le premier alinéa concernant l’évaluation s’applique par analogie aux agents contractuels visés à l’article 3 bis engagés pour une période égale ou supérieure à un an, conformément à l’article 87, paragraphe 1, du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (voir, par analogie, arrêt du 22 décembre 2008, Gordon/Commission, C‑198/07 P, EU:C:2008:761, point 41).
70 À ce titre, le rapport d’évaluation est un document essentiel dans l’évaluation des personnels employés par les institutions, les organes et les organismes de l’Union, puisqu’il permet d’établir une évaluation de la compétence, du rendement et de la conduite d’un fonctionnaire ou d’un agent, comme le mentionne l’article 43 du statut (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, Gordon/Commission, C‑198/07 P, EU:C:2008:761, point 42).
71 En outre, le rapport d’évaluation constitue un jugement de valeur porté par ses supérieurs hiérarchiques sur la manière dont le fonctionnaire ou l’agent évalué s’est acquitté des tâches qui lui ont été confiées et sur son comportement dans le service durant la période concernée (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, Gordon/Commission, C‑198/07 P, EU:C:2008:761, point 43).
72 En effet, il convient de relever que le rapport d’évaluation, indépendamment de son utilité future, constitue une preuve écrite et formelle quant à la qualité du travail accompli par le fonctionnaire ou l’agent évalué. Une telle évaluation n’est pas purement descriptive des tâches effectuées pendant la période concernée, mais comporte aussi une appréciation des qualités humaines que la personne notée a montrées dans l’exercice de son activité professionnelle (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, Gordon/Commission, C‑198/07 P, EU:C:2008:761, point 44).
73 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le rapport d’évaluation doit extraire les traits saillants des prestations du fonctionnaire ou de l’agent en termes, notamment, de rendement, de compétence et de conduite dans le service et les évaluer. Sous réserve de l’obligation de motivation, et pour autant que l’évaluation soit clairement individualisée et non impersonnelle, l’évaluateur n’est pas tenu de détailler les motifs de son évaluation en indiquant des exemples concrets pour étayer ses jugements de valeur (voir arrêt du 9 juin 2021, Hill Mansilla/Commission, T‑575/19, non publié, EU:T:2021:324, point 79 et jurisprudence citée).
74 En particulier, le rapport d’évaluation vise non à dresser un tableau exhaustif des prestations qu’un fonctionnaire ou un agent a été amené à réaliser dans le cadre de l’exécution des tâches relevant de son poste, mais à mettre en exergue, à partir d’éléments déterminants, la compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque agent (voir arrêt du 13 juillet 2022, TL/Commission, T‑677/21, non publié, EU:T:2022:456, point 24 et jurisprudence citée).
75 Cependant, selon la jurisprudence, l’amélioration de la conduite du fonctionnaire ou de l’agent évalué dans le service constitue précisément un objectif que le rapport d’évaluation vise à réaliser (arrêts du 9 novembre 2006, Commission/De Bry, C‑344/05 P, EU:C:2006:710, point 44, et du 11 décembre 2012, Ntouvas/ECDC, F‑107/11, EU:F:2012:182, point 68).
76 Ainsi, l’appréciation des qualités de la personne évaluée relève, en principe, de l’administration et il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation à celle des personnes chargées d’évaluer le travail de la personne notée. En effet, un large pouvoir d’appréciation est reconnu aux évaluateurs dans les jugements relatifs au travail des personnes qu’ils ont la charge de noter. Dès lors, le contrôle juridictionnel exercé par le juge de l’Union sur le contenu des rapports d’évaluation est limité au contrôle de la régularité procédurale, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir (voir arrêt du 19 octobre 2022, JS/CRU, T‑270/20, non publié, EU:T:2022:651, point 63 et jurisprudence citée).
77 À cet égard, il y a lieu de relever qu’une erreur peut seulement être qualifiée de manifeste lorsqu’elle peut être aisément détectée à l’aune des critères auxquels le législateur a entendu subordonner l’exercice d’un pouvoir décisionnel. En conséquence, afin d’établir que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits qui soit de nature à justifier l’annulation d’un rapport d’évaluation, les éléments de preuve qu’il incombe à la partie requérante d’apporter doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut être admise comme vraie ou valable (voir, en ce sens, arrêts du 23 septembre 2020, VE/AEMF, T‑77/18 et T‑567/18, non publié, EU:T:2020:420, point 91, et du 19 octobre 2022, JS/CRU, T‑270/20, non publié, EU:T:2022:651, point 64 et jurisprudence citée).
78 L’existence du large pouvoir d’appréciation en matière d’évaluation présuppose que les évaluateurs n’aient pas l’obligation de faire figurer dans le rapport d’évaluation tous les éléments de fait et de droit pertinents à l’appui de leur évaluation, ni celle d’examiner et de répondre à tous les points contestés par la personne évaluée (voir arrêt du 19 octobre 2022, JS/CRU, T‑270/20, non publié, EU:T:2022:651, point 64 et jurisprudence citée).
79 Il convient d’ajouter, s’agissant plus spécialement du contrôle juridictionnel des appréciations figurant dans les rapports d’évaluation, qu’il se justifie d’autant plus de circonscrire celui-ci à l’erreur manifeste dès lors que le Tribunal ne connaît pas directement la situation des fonctionnaires ou des agents évalués, alors que la procédure d’évaluation de ceux-ci comporte, sur le plan administratif, des garanties (voir arrêt du 23 septembre 2020, VE/AEMF, T‑77/18 et T‑567/18, non publié, EU:T:2020:420, point 92 et jurisprudence citée), en l’espèce, notamment, la procédure d’appel.
80 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les deux moyens invoqués par la requérante au soutien du recours, en commençant par le second moyen.
2. Sur le second moyen, tiré d’une violation du devoir de sollicitude, d’erreurs manifestes d’appréciation et du caractère disproportionné du rapport litigieux et des commentaires contestés
81 Le présent moyen se décompose, en substance, en deux branches, tirées, la première, d’une violation du devoir de sollicitude en ce que, dans le rapport litigieux, l’évaluateur n’a pas pris en compte la circonstance selon laquelle l’environnement professionnel et le travail de la requérante étaient encore perturbés en 2021 par la pandémie de COVID-19 et, la seconde, de ce que ledit rapport est entaché d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation du devoir de sollicitude en ce qui concerne les commentaires contestés qui seraient également disproportionnés.
82 Ainsi, dans le cadre de la première branche du second moyen, il convient d’examiner si le rapport litigieux est contraire au devoir de sollicitude au motif qu’il ne mentionne pas la pandémie de COVID-19. Dans la seconde branche dudit moyen, les commentaires contestés seront examinés à la lumière des trois griefs invoqués, à savoir l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation, la violation du devoir de sollicitude et leur caractère disproportionné.
a) Sur la première branche du second moyen, tirée d’une violation du devoir de sollicitude en ce que l’évaluateur n’a pas pris en compte, dans le rapport litigieux, la circonstance selon laquelle l’environnement professionnel et le travail de la requérante étaient encore perturbés par la pandémie de COVID-19 en 2021
83 Selon la requérante, il ressort de la jurisprudence relative au devoir de sollicitude que, si l’évaluateur reste libre d’apprécier l’incidence de certains éléments exceptionnels, comme une charge de travail anormalement lourde, sur le rendement du fonctionnaire évalué, il ne peut passer sous silence un tel élément.
84 Dans ce cadre, la requérante fait valoir que l’année 2021 et, par conséquent, son environnement professionnel ainsi que son travail ont été fortement perturbés par la pandémie de COVID-19. Elle relève que cette incidence est clairement reconnue et soulignée dans son rapport d’évaluation de 2020 sous la rubrique « Compétence ».
85 Ainsi, selon la requérante, dans le rapport litigieux, l’évaluateur ne pouvait passer sous silence la pandémie de COVID-19. Or, cet élément exceptionnel n’aurait pas une seule fois été pris en compte dans le rapport litigieux ou dans la décision de rejet de la réclamation.
86 La requérante considère que l’évaluateur aurait dû prendre en compte les répercussions de la pandémie de COVID-19 sur ses modalités de travail, notamment le travail à distance. Elle mentionne, à cet égard, la diminution des contacts entre les différents membres de l’unité, l’organisation de réunions virtuelles, l’adoption de nouvelles approches pour préparer et enregistrer les documents des réunions, l’importance accrue de l’informatique et les difficultés à gérer la survenance de problèmes informatiques à distance.
87 L’ERCEA conteste les arguments de la requérante.
88 À cet égard, il est constant que ni le rapport litigieux, dans ses parties comportant l’appréciation de l’évaluateur, ni la décision de rejet de la réclamation ne font référence à la pandémie de COVID-19.
89 En premier lieu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le devoir de sollicitude de l’administration à l’égard de ses agents reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut et, par analogie, le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne ont créés dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. Ce devoir implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire ou d’un agent, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de l’intérêt du fonctionnaire ou de l’agent concerné. En outre, la protection des droits et des intérêts des fonctionnaires ou des agents doit toujours trouver sa limite dans le respect des normes en vigueur (voir, en ce sens, arrêts du 7 mai 2019, WP/EUIPO, T‑407/18, non publié, EU:T:2019:290, point 58 et jurisprudence citée, et du 7 septembre 2022, WT/Commission, T‑91/20, non publié, EU:T:2022:510, point 92 et jurisprudence citée).
90 Partant, les évaluateurs sont tenus, pour apprécier les mérites d’un fonctionnaire ou d’un agent, de prendre en considération les conditions difficiles dans lesquelles il a exercé ses fonctions (voir, en ce sens, arrêts du 31 janvier 2007, Aldershoff/Commission, T‑236/05, EU:T:2007:27, point 85, et du 13 septembre 2011, Behnke/Commission, F‑68/10, EU:F:2011:135, point 62).
91 Ainsi, le devoir de sollicitude impose, dans un contexte de pandémie, que l’administration prenne des mesures d’accompagnement plus importantes pour répondre à des situations personnelles rendant l’exercice des fonctions particulièrement difficile (voir, en ce sens, ordonnance du 13 avril 2021, PJ/EIT, T‑12/21 R, non publiée, EU:T:2021:184, point 65).
92 Cependant, le devoir de sollicitude ne saurait être interprété en ce sens qu’il imposerait à l’évaluateur de mentionner, de manière générale, dans le cadre du rapport d’évaluation de tous les fonctionnaires et agents l’existence d’une pandémie telle que celle de COVID-19 et ses répercussions sur les conditions de travail.
93 En second lieu, il y a lieu de relever que la requérante critique le rapport litigieux, selon lequel sa prestation était satisfaisante, en avançant des arguments tirés de la non-prise en compte de la pandémie de COVID-19 pour justifier ses griefs à l’encontre des commentaires contestés. Or, ces arguments seront appréciés avec les commentaires contestés lors de l’examen de la seconde branche du second moyen.
94 Il en résulte que le défaut de mention, de manière générale, de la pandémie de COVID-19, dans le rapport litigieux et dans la décision de rejet de la réclamation, ne peut, à lui seul, conduire à l’annulation dudit rapport.
95 Par conséquent, la présente branche doit être écartée.
b) Sur la seconde branche du second moyen, tirée de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation du devoir de sollicitude en ce qui concerne les commentaires contestés, qui seraient également disproportionnés
96 La présente branche peut être subdivisée en cinq griefs portant respectivement sur un ou plusieurs commentaires contestés qu’il convient d’examiner successivement.
1) Sur le commentaire relatif à la vérification des arbitres à distance (commentaire 1)
97 La requérante fait valoir, d’abord, que les erreurs qui lui sont reprochées dans le commentaire 1 ne consistent, en réalité, qu’en une seule erreur isolée, à savoir que seulement deux noms d’experts ont été confondus dans une liste qui en contenait, au total, plusieurs centaines. Elle soutient à cet égard que E, la [confidentiel] du panel PE 4, lui avait demandé d’effectuer une vérification des noms d’arbitres à distance dans un délai beaucoup plus court qu’habituellement, à savoir en trois jours au lieu de cinq jours, ce qui représentait une difficulté à prendre en compte. En outre, elle souligne que E lui avait demandé de faire ladite vérification le jour même où a eu lieu la réunion du 19 novembre 2021. Ainsi, même si E lui avait demandé de l’informer sur sa capacité à effectuer une telle vérification dans le délai imparti, elle a considéré n’avoir pas eu d’autre choix que de respecter ce délai pour ne pas prendre le risque de subir des critiques lors de cette réunion.
98 Ensuite, la requérante affirme qu’elle a signalé des problèmes informatiques non seulement en 2020, mais également en 2021. Elle indique qu’elle n’a toutefois pas reçu le soutien attendu de E.
99 La requérante précise que, à la suite de la vérification des arbitres à distance, le problème concernant le nom de deux d’entre eux lui a été signalé par E le 7 octobre 2021. En se référant au courriel du même jour qu’elle a envoyé au service informatique, elle fait valoir que les erreurs en cause ne lui étaient pas imputables, mais étaient dues à un problème informatique. Elle affirme avoir reçu le 18 novembre 2021 une réponse à son courriel du 7 octobre 2021 selon laquelle une solution avait été trouvée sans pour autant que cela ait empêché que des erreurs fussent commises auparavant. Par ailleurs, elle indique que, lors de la réunion du 19 novembre 2021, elle a rappelé la source du problème. Or, dans le rapport litigieux, la cause des erreurs, à savoir un problème informatique, n’aurait pas été prise en compte.
100 Enfin, la requérante souligne que, en temps normal, sans la pandémie de COVID-19, le problème concernant le nom de deux arbitres à distance aurait été signalé et résolu plus rapidement.
101 L’ERCEA conteste les arguments de la requérante.
102 Il importe de relever que le commentaire 1 est l’une des dix phrases des commentaires de l’évaluateur figurant sous la rubrique « Rendement ». Les cinq premières phrases décrivent les tâches de la requérante, alors que les cinq dernières phrases contiennent des appréciations sur son travail. Parmi les commentaires contestés, les commentaires 1, 2 et 3 (en partie) concernent le rendement, à savoir les quatre dernières phrases sous ladite rubrique. La phrase non contestée qui précède lesdits commentaires contestés se lit comme suit :
« Les coordinateurs des panels PE 4 et PE 7 ont reconnu la qualité du travail de [la requérante] sur les contrôles d’éligibilité, qui a été jugé opportun et fiable. »
103 Tout d’abord, il y a lieu de souligner qu’un évaluateur a la possibilité de faire état, dans un rapport d’évaluation, d’un incident ponctuel, tel que la violation d’une disposition du statut, afin de satisfaire l’objectif légitime visant à avertir l’intéressé et éviter une répétition dudit incident (voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2020, Sammut/Parlement, T‑608/18, EU:T:2020:249, point 72 et jurisprudence citée).
104 Dès lors, le fait que l’erreur mentionnée dans le commentaire 1 soit un incident isolé au cours de la période de référence n’est pas, à lui seul, susceptible d’entacher ledit commentaire d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une violation du devoir de sollicitude ou de constituer un commentaire disproportionné.
105 Par ailleurs, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 76 ci-dessus, l’appréciation de la cause de l’erreur et la question de savoir si cette erreur est due à la requérante ou à des facteurs externes relèvent, en principe, de l’administration et il n’incombe donc pas au juge de l’Union d’effectuer une telle appréciation en lieu et place de celle-ci, son rôle étant limité à vérifier l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation dans l’établissement du rapport d’évaluation. Un tel contrôle restreint inclut, toutefois, le contrôle de l’exactitude matérielle des faits.
106 En l’espèce, l’existence de l’erreur résultant de la confusion de deux noms dans une liste d’arbitres n’est pas contestée par les parties. En effet, la requérante précise que cette erreur lui a été signalée le 7 octobre 2021 par E. Elle conteste seulement la constatation de l’évaluateur selon laquelle ladite erreur lui serait imputable. Elle estime qu’elle est justifiée ou due à des facteurs externes.
107 Il convient donc d’examiner si la requérante est parvenue à apporter, conformément à la jurisprudence citée au point 77 ci-dessus, des preuves que l’appréciation dans le commentaire 1 est entachée d’une erreur aisément perceptible, privant ainsi ce commentaire de plausibilité.
108 Tout d’abord, la requérante invoque, pour justifier l’erreur mentionnée au point 106 ci-dessus, le manque de temps dont elle disposait afin d’effectuer la tâche demandée et la pression exercée sur elle pour se conformer à un délai bref de trois jours au lieu de cinq en temps normal, en raison de la réunion du 19 novembre 2021. Au soutien de son argument, elle fait référence à un courriel daté du même jour lui demandant d’effectuer le nettoyage des arbitres à distance du panel PE 4 pour le « ERC AdG PE4 ».
109 Or, il y a lieu de rappeler que la requérante reconnaît que l’erreur mentionnée au point 106 ci-dessus lui a été signalée le 7 octobre 2021, soit antérieurement au courriel du 19 novembre 2021.
110 En tout état de cause, s’agissant de la vérification et du nettoyage des arbitres à distance pour le « ERC AdG PE4 » demandée dans le courriel du 19 novembre 2021, le délai pour s’acquitter de cette tâche n’était pas impératif. Il est précisé à la fin de ce courriel que, si la requérante estimait la tâche irréalisable pour le 24 novembre 2021, elle était invitée à le signaler afin de déterminer une nouvelle échéance.
111 Ensuite, la requérante évoque l’existence d’un problème informatique qui a causé l’erreur mentionnée au point 106 ci-dessus. Il ressort d’un courriel de la requérante du 18 octobre 2021 qu’elle déclare avoir obtenu une réponse s’agissant dudit problème informatique et indique la procédure à suivre. Cependant, dans ledit courriel, la requérante n’exclut pas la possibilité qu’elle ait procédé à une sélection erronée entre deux jeux de données. Ainsi, il y a lieu de constater que ce courriel n’établit pas avec certitude que l’erreur mentionnée au point 106 ci-dessus n’était pas imputable à la requérante.
112 Partant, le courriel de la requérante du 18 octobre 2021 n’est pas de nature à priver de plausibilité le commentaire 1 selon lequel la requérante a commis l’erreur mentionnée au point 106 ci-dessus.
113 Enfin, la requérante estime que le travail à distance mis en place en raison de la pandémie de COVID-19 explique l’erreur mentionnée au point 106 ci-dessus, car il aurait empêché E de lui signaler ce problème plus tôt. À cet égard, il suffit de relever que la requérante n’a apporté aucun élément qui permettrait au Tribunal d’évaluer le rôle de ce manque d’échanges sur son travail avec ladite personne sur l’imputabilité de ladite erreur.
114 Il en résulte que la requérante n’a pas apporté d’éléments ou d’arguments susceptibles de priver de plausibilité le commentaire 1. Dès lors, la requérante ne démontre pas à suffisance de droit, conformément à la jurisprudence citée aux points 77 et 78 ci-dessus, que le rapport litigieux est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. Elle ne parvient pas non plus à établir l’existence d’une violation du devoir de sollicitude s’agissant dudit commentaire relatif à la vérification des arbitres à distance. Elle n’a pas non plus démontré que ce commentaire, lu dans son contexte, avait un caractère disproportionné.
115 Le présent grief doit donc être écarté comme non fondé.
2) Sur le commentaire relatif au tableau d’expertise et au trombinoscope pour l’appel StG 2021 du panel PE 4 (commentaire 2)
116 La requérante fait valoir que, pour réaliser le tableau d’expertise, elle avait reçu un tableau déjà en partie rempli avec de nombreux noms et données de membres du panel qu’elle n’avait pas pu vérifier au préalable. Selon elle, cela a rendu ladite réalisation plus difficile étant donné qu’elle a dû vérifier toutes les données déjà introduites dans ledit tableau alors qu’elle travaillait à distance et qu’elle n’avait pas de contacts réguliers avec les responsables scientifiques. Elle souligne que le trombinoscope a finalement été réalisé en bonne et due forme et que cet incident est le seul qui s’est produit en 2021 dans le panel PE 4.
117 Dans la réplique, la requérante fait valoir que l’échange des courriels de mai 2021, évoqué par l’ERCEA dans le mémoire en défense, n’établit pas qu’il y a eu un problème dans l’établissement du trombinoscope de 2021.
118 S’agissant de l’argument de l’ERCEA relatif à l’existence d’une erreur commise par la requérante lors de la réalisation du trombinoscope pour l’année 2020, cette dernière indique que l’erreur commise était circonscrite à deux noms et ne s’est pas renouvelée en 2021. Cette erreur ne saurait donc rendre plausible le commentaire 2.
119 Enfin, la requérante soutient que le commentaire 2 est disproportionné et viole le devoir de sollicitude étant donné qu’elle travaillait à distance en pleine pandémie de COVID-19.
120 L’ERCEA conteste les arguments de la requérante.
121 En premier lieu, il ressort d’un courriel du 25 octobre 2021 que l’erreur ayant trait au manque de précision dans la réalisation du trombinoscope et du tableau d’expertise a été signalée à C par E. De plus, ainsi que l’AHCC le relève dans la décision de rejet de la réclamation, le compte rendu de la réunion du 19 novembre 2021 reflète le contenu du commentaire 2.
122 En deuxième lieu, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 103 ci-dessus, le seul fait que l’erreur mentionnée au point 121 ci-dessus soit, selon la requérante, un incident isolé au cours de la période de référence n’est pas, à lui seul, susceptible d’entacher le commentaire 2 d’une erreur manifeste d’appréciation.
123 En troisième lieu, la requérante invoque deux facteurs externes ayant également causé l’erreur mentionnée au point 121 ci-dessus. Premièrement, la requérante estime que le travail à distance mis en place à cause de la pandémie de COVID-19 a réduit ses contacts avec les responsables scientifiques, ce qui a contribué à ladite erreur. Toutefois, elle n’a apporté aucun élément qui permettrait au Tribunal d’évaluer le rôle de ce manque d’échanges sur l’imputabilité de cette erreur.
124 Deuxièmement, la requérante soutient que la circonstance qu’elle ait reçu un tableau partiellement prérempli aurait rendu sa tâche de réalisation et de vérification du tableau d’expertise et du trombinoscope plus difficile. Or, un tel élément n’est pas de nature à remettre en cause le commentaire 2 dans la mesure où il ne prive pas de plausibilité l’appréciation selon laquelle les documents qu’elle devait réaliser présentaient une erreur qui lui était imputable.
125 Il s’ensuit que la requérante n’a pas apporté d’éléments ou d’arguments susceptibles de priver de plausibilité le commentaire 2. Dès lors, la requérante ne démontre pas à suffisance de droit, conformément à la jurisprudence citée aux points 77 et 78 ci-dessus, que le rapport litigieux est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. Elle ne parvient pas non plus à établir l’existence d’une violation du devoir de sollicitude s’agissant dudit commentaire. Elle n’a pas non plus démontré que ce commentaire avait un caractère disproportionné.
126 Le présent grief doit donc être écarté comme non fondé.
3) Sur les commentaires relatifs à la préparation et à la gestion des fichiers ARES (commentaires 3)
127 La requérante fait valoir que, d’une part, durant les années précédentes, elle a effectué exactement les mêmes tâches et qu’aucun reproche tel que ceux mentionnés dans les commentaires 3 ne lui avait alors été formulé. D’autre part, il aurait parfois été particulièrement difficile de réaliser ces tâches dans le contexte de la pandémie de COVID-19, du travail à distance et du manque de réunions. Ainsi, la requérante estime que l’évaluateur aurait dû prendre en compte ce contexte particulier et les problèmes techniques qui ont perturbé son environnement de travail et sa gestion des dossiers. Elle estime que lesdits commentaires sont donc entachés d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation du devoir de sollicitude.
128 Dans la réplique, la requérante note qu’aucun des courriels produits à l’annexe B.13 du mémoire en défense ne permet d’établir le caractère récurrent des incidents dans la gestion des dossiers ARES, à savoir le système informatique de gestion et d’archivage des documents de la Commission européenne, ni ne mentionne le fait qu’elle n’aurait pas assez tenu compte des instructions des responsables scientifiques. Sur les neuf échanges de courriels ainsi produits, seul un échange de courriels, du 8 novembre 2021, ferait état d’un problème de codage.
129 L’ERCEA conteste les arguments de la requérante.
130 En premier lieu, il importe de constater que le manque de précision de la requérante quant à la préparation et à la gestion des dossiers ARES a été mentionné à l’occasion de la réunion du 19 novembre 2021, ainsi que le relève l’AHCC dans la décision de rejet de la réclamation. Il ressort également d’un échange de courriels des 12 au 22 octobre 2021, reproduit en annexe B.13 du mémoire en défense, que ce problème avait été relevé par F.
131 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 77 ci-dessus, la charge de la preuve de l’erreur manifeste d’appréciation incombe à la requérante. Or, en l’espèce, cette dernière se borne à alléguer que les éléments de preuve avancés par l’ERCEA, visés au point 130 ci-dessus, ne sont pas de nature à rendre plausibles les commentaires 3, sans apporter d’élément de preuve susceptible de les priver de plausibilité.
132 En deuxième lieu, la requérante ne peut se limiter, comme en l’espèce, à faire uniquement état de l’absence de reproches au sujet de la précision de son travail s’agissant des mêmes tâches effectuées les années précédentes afin de priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration dans le rapport litigieux, étant donné que ses prestations peuvent varier d’une période de référence à l’autre. Elle doit fournir d’autres éléments de preuve de nature à corroborer à suffisance de droit son allégation, qui font défaut en l’espèce.
133 En troisième lieu, et en tout état de cause, la requérante ne conteste pas le manque de précision qui lui est reproché, mais uniquement l’appréciation de l’ERCEA selon laquelle il lui est imputable. Elle estime qu’il est justifié ou également dû à des facteurs externes.
134 D’une part, la requérante invoque l’existence de difficultés techniques sans apporter de commencement de preuve au soutien de son allégation à cet égard.
135 D’autre part, la requérante estime que les conditions particulières d’exercice de ses fonctions en raison de la pandémie de COVID-19 expliquent les difficultés qu’elle a rencontrées lors de la préparation des dossiers ARES, ce que l’évaluateur aurait dû prendre en compte dans le rapport litigieux. Cependant, elle ne démontre pas que sa situation personnelle pendant ladite pandémie avait rendu l’exercice de ses fonctions particulièrement difficile.
136 Il s’ensuit que la requérante n’a pas apporté d’éléments ou d’arguments susceptibles de priver de plausibilité les commentaires 3. Dès lors, la requérante ne démontre pas à suffisance de droit, conformément à la jurisprudence citée aux points 77 et 78 ci-dessus, que ceux-ci sont entachés d’une erreur manifeste d’appréciation. Elle ne parvient pas non plus à établir l’existence d’une violation du devoir de sollicitude. Elle n’a pas davantage démontré que ces commentaires avaient un caractère disproportionné.
137 Le présent grief doit donc être écarté comme non fondé.
4) Sur le commentaire relatif à sa difficulté à accepter la critique sur son travail (commentaire 4)
138 La requérante fait valoir que, si le commentaire 4 fait référence aux deux documents qu’elle a déposés à la suite de son appel contre le rapport litigieux, elle estime qu’il ne peut lui être reproché que ces documents soient trop longs sans méconnaître le devoir de sollicitude qui incombe à l’administration. Selon elle, dans ces documents, elle tente de se défendre et rappelle le contexte professionnel particulièrement difficile dans lequel elle s’est trouvée en 2021 en raison des tensions avec E et F et de la situation de pandémie de COVID-19. Ainsi, elle estime que ledit commentaire est disproportionné et entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ainsi que d’une violation du devoir de sollicitude. Par ailleurs, elle considère que la note, datée du 6 décembre 2021, qu’elle a rédigée au sujet des problèmes affectant le fonctionnement de l’unité n’est que la conséquence des conditions dans lesquelles s’est déroulée la réunion du 19 novembre 2021 au cours de laquelle elle n’a pas eu le sentiment d’être en mesure de s’exprimer.
139 L’ERCEA conteste les arguments de la requérante.
140 Il y a lieu de constater, ainsi que le relève l’AHCC dans la décision de rejet de la réclamation, que le compte rendu de la réunion du 19 novembre 2021 reflète le contenu du commentaire 4.
141 De plus, l’ERCEA s’appuie sur les annexes B.13 à B.16 du mémoire en défense pour étayer le bien-fondé du commentaire 4. Cependant, la requérante estime que la lecture de ces pièces ne permet pas d’établir qu’elle aurait des difficultés à accepter des critiques.
142 À cet égard, il convient de relever que, premièrement, l’annexe B.13 du mémoire en défense contient une série de courriels échangés aux mois de septembre à décembre 2021 et un courriel de janvier 2022 entre la requérante et ses supérieurs hiérarchiques au sujet de la constitution et de la gestion de fichiers ARES au cours de l’année 2021. Selon ces courriels, la requérante a reçu des instructions et des erreurs ont été commises. Pour sa part, la requérante a présenté, à l’occasion de ces échanges de courriels, des explications contestant parfois l’existence de telles erreurs ou visant à apporter une justification particulière découlant d’instructions peu claires, du fait qu’elle n’était pas en charge d’un dossier particulier ou encore de faute de frappe.
143 Deuxièmement, l’annexe B.14 du mémoire en défense contient des courriels portant sur les années 2019 à 2021. S’agissant de l’année 2021, il ressort des échanges de courriels portant sur le nettoyage des arbitres à distance que, malgré les instructions reçues, la requérante considère qu’il existait un problème de clarté dans la procédure ou que l’erreur commise résultait d’un facteur externe, tel qu’un problème informatique.
144 Troisièmement, l’annexe B.15 du mémoire en défense fait état d’une nécessité de formatage constatée par E au sujet de l’établissement d’une liste d’experts pour l’appel StG 2021 du panel PE 4 confié à la requérante. Dans l’échange de courriels des 25 et 27 mai 2021, la requérante précise qu’il s’agit d’un brouillon et qu’elle n’a pas encore procédé au formatage uniforme de ladite liste. Il ne ressort donc pas de ces courriels que la requérante n’accepte pas les critiques de sa hiérarchie.
145 Quatrièmement, l’annexe B.16 du mémoire en défense porte exclusivement sur des échanges de courriels relatifs à des erreurs commises par la requérante dans la réalisation d’un trombinoscope en 2020. Elle n’est donc pas pertinente s’agissant du commentaire 4.
146 Certes, il ne saurait être déduit du simple fait qu’un agent présente son point de vue à sa hiérarchie qu’il n’accepte pas facilement la critique.
147 Toutefois, en l’espèce, en dépit des arguments avancés par la requérante, le commentaire 4 demeure plausible au regard, notamment, du contexte dans lequel celui-ci a été formulé, tel que mis en lumière par les annexes B.13 et B.14 du mémoire en défense.
148 Il s’ensuit que la requérante ne démontre pas à suffisance de droit, conformément à la jurisprudence citée aux points 77 et 78 ci-dessus, que le rapport litigieux est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. La requérante ne parvient pas non plus à établir l’existence d’une violation du devoir de sollicitude. Elle n’a pas non plus démontré que ce commentaire avait un caractère disproportionné.
149 Le présent grief doit donc être écarté comme non fondé.
5) Sur le commentaire général (commentaire 5)
150 La requérante estime que le commentaire général est disproportionné, non équilibré et entaché d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation du devoir de sollicitude au motif de l’absence de prise en compte, par l’évaluateur, de la pandémie de COVID-19. Dans la réplique, elle précise que ce commentaire est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où il s’appuie sur les commentaires 1 et 2, eux-mêmes entachés d’erreurs manifestes d’appréciation.
151 L’ERCEA soulève une fin de non-recevoir à l’encontre du présent grief. Elle estime qu’il ne remplit pas les conditions prévues à l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 76, sous d), du règlement de procédure.
152 L’ERCEA conteste également le bien-fondé des arguments de la requérante.
i) Sur la fin de non-recevoir soulevée par l’ERCEA
153 En vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut ainsi que de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit contenir l’objet du litige, les moyens et les arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens et les conclusions de la partie requérante. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations. Ainsi, afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un moyen ou un grief soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels une partie requérante se fonde ressortent de façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même, pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations (voir arrêt du 6 février 2019, TN/ENISA, T‑461/17, non publié, EU:T:2019:63, point 65 et jurisprudence citée).
154 Or, en l’espèce, il ressort du point 102 de la requête que la requérante explique pour quelle raison, à son sens, l’évaluateur a commis une erreur manifeste d’appréciation dans le commentaire 5, à savoir l’absence de référence au contexte de la pandémie de COVID-19 toujours en cours en 2021. Cette erreur serait disproportionnée et également constitutive d’une violation du devoir de sollicitude.
155 Il peut également être relevé que, dans la réplique, la requérante fait observer que, dès lors que les commentaires 1 et 2 seraient entachés d’une erreur manifeste d’appréciation, le commentaire 5 le serait également.
156 Il en découle que ces explications sont suffisamment cohérentes et compréhensibles, à la lumière de l’ensemble du second moyen, pour permettre à l’ERCEA de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur ce grief.
157 Il convient, dès lors, de considérer que le présent grief est recevable.
ii) Sur le bien-fondé du cinquième grief
158 À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 43 du statut et des principes jurisprudentiels rappelés aux points 69 à 72 ci-dessus que le rapport d’évaluation vise à fournir une évaluation globale de la compétence, du rendement et de la conduite du fonctionnaire ou de l’agent évalué.
159 Ainsi, un rapport d’évaluation comporte habituellement plusieurs rubriques dont les commentaires descriptifs ont pour but de permettre à l’autorité hiérarchique d’apprécier de la manière la plus exhaustive et objective possible les prestations et les qualités humaines que la personne évaluée a manifestées dans l’exercice de son activité professionnelle pendant la période concernée (ordonnance du 12 juin 2024, TB/ENISA, T‑760/22, non publiée, EU:T:2024:383, point 37).
160 À cet égard, l’évaluation globale de la compétence, du rendement et de la conduite du fonctionnaire ou de l’agent évalué, qui résulte des différentes rubriques du rapport d’évaluation, est en principe synthétisée dans une conclusion générale à laquelle ces rubriques sont liées, qui doit être cohérente avec celles-ci.
161 De plus, compte tenu du large pouvoir d’appréciation reconnu aux évaluateurs, une éventuelle incohérence au sein du rapport d’évaluation ne peut justifier l’annulation de celui-ci que si elle est manifeste (voir arrêt du 23 octobre 2013, Solberg/OEDT, F‑148/12, EU:F:2013:154, point 41 et jurisprudence citée).
162 Il convient de constater que le commentaire 5 reprend de manière synthétique les appréciations contenues dans les commentaires descriptifs du rapport litigieux, en faisant apparaître à la fois des points forts et des points faibles de la requérante.
163 En l’espèce, il n’existe pas d’incohérence manifeste entre les commentaires descriptifs de chaque rubrique et le commentaire général. À cet égard, il y a lieu de rappeler que les griefs visant les commentaires 1 à 4 ont été rejetés.
164 S’agissant de la pandémie de COVID-19, il suffit de rappeler que la première branche du second moyen ainsi que les arguments tirés des répercussions de ladite pandémie, exposés par la requérante au sujet des autres commentaires contestés, ont été rejetés. Ainsi, l’évaluateur n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation ou violé le devoir de sollicitude en ne mentionnant pas spécifiquement cette pandémie dans le commentaire 5. Celui-ci ne peut pas non plus être considéré comme disproportionné.
165 Il découle de tout ce qui précède que le présent grief et, partant, la seconde branche du second moyen dans son ensemble doivent être rejetés comme non fondés.
166 Par conséquent, le second moyen doit être rejeté.
3. Sur le premier moyen, tiré, d’une part, d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que l’AHCC a pris en compte dans la décision de rejet de la réclamation les rapports d’évaluation précédents de la requérante et, d’autre part, d’une violation par l’AHCC de l’article 43 du statut en raison de l’atteinte portée au principe du caractère annuel de l’évaluation
167 La requérante estime, d’une part, que la motivation de la décision de rejet de la réclamation est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, dès lors que, dans cette décision, il est indiqué que les commentaires contestés peuvent être admis comme vrais ou valables au regard de ses rapports d’évaluation précédents. D’autre part, elle considère que, en se référant aux rapports d’évaluation précédents, l’AHCC a porté atteinte au principe du caractère annuel de l’évaluation tel que défini par l’article 43 du statut.
168 L’ERCEA conteste les arguments de la requérante.
169 À titre liminaire, il convient de rappeler que les renvois, dans la décision de rejet de la réclamation, aux rapports d’évaluation précédents constituent une motivation complémentaire visant à répondre aux arguments opposés par la requérante dans le cadre de sa demande d’annulation du rapport litigieux (voir points 27 à 35 ci-dessus).
170 La motivation complémentaire de la décision de rejet de la réclamation est donc surabondante et ne saurait, conformément à la jurisprudence citée au point 34 ci-dessus, conférer à cette décision un contenu autonome.
171 Ainsi, à supposer même que le premier moyen soit accueilli, cette circonstance ne pourrait pas entraîner l’annulation du rapport litigieux dans la mesure où, dans le cadre du second moyen examiné ci-dessus, les griefs avancés par la requérante contre ce rapport ont été rejetés.
172 À cet égard, il y a d’ailleurs lieu de rappeler que l’AHCC ne peut pas réformer le rapport d’évaluation dans le cadre de l’examen d’une réclamation introduite au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut dans la mesure où le rapport d’évaluation exprime l’opinion librement formulée des évaluateurs. Ces appréciations ne sont pas, par nature, susceptibles d’une vérification objective ni par l’AHCC ni par le Tribunal qui ne connaissent pas nécessairement la situation précise de chaque fonctionnaire. L’AHCC, lors de la phase précontentieuse, ne peut donc pas substituer sa propre appréciation concernant les prestations du fonctionnaire évalué à celle de l’évaluateur, son contrôle des appréciations portées par les évaluateurs sur les fonctionnaires ou agents évalués se limitant à celui de l’erreur manifeste (voir, en ce sens, arrêts du 3 juillet 1980, Grassi/Conseil, 6/79 et 97/79, EU:C:1980:178, point 15, et du 5 octobre 2022, SV/BEI, T‑311/21, non publié, EU:T:2022:600, point 59 et jurisprudence citée).
173 Par conséquent, le premier moyen doit être écarté comme inopérant.
174 Il s’ensuit que le présent recours doit être rejeté dans son ensemble.
IV. Sur les dépens
175 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
176 En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens et ceux de l’ERCEA, conformément aux conclusions de celle-ci.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) UG est condamnée aux dépens.
Truchot | Kanninen | Sampol Pucurull |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 février 2025.
Signatures
* Langue de procédure : le français.
1 Données confidentielles occultées.
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