Anwar Akkad v Council (Common foreign and security policy - Restrictive measures taken in view of the situation in Syria - Judgment) French Text [2025] EUECJ T-502/23 (07 May 2025)

BAILII [Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback] [DONATE]

Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Anwar Akkad v Council (Common foreign and security policy - Restrictive measures taken in view of the situation in Syria - Judgment) French Text [2025] EUECJ T-502/23 (07 May 2025)
URL: https://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2025/T50223.html
Cite as: [2025] EUECJ T-502/23

[New search] [Contents list] [Help]


DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

7 mai 2025 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune - Mesures restrictives prises en raison de la situation en Syrie - Gel des fonds - Restrictions en matière d'admission sur le territoire des États membres - Maintien du nom du requérant sur les listes des personnes, des entités et des organismes concernés - Critère de la “femme ou de l'homme d'affaires influents exerçant ses activités en Syrie” - Présomption de lien avec le régime syrien - Erreur d'appréciation - Obligation de motivation - Droits de la défense - Droit à un procès équitable - Droit à une protection juridictionnelle effective - Proportionnalité - Droit de propriété - Droit à la vie privée - Atteinte à la réputation - Moyen nouveau »

Dans l'affaire T‑502/23,

Hashem Anwar Akkad, demeurant à Montréal (Canada), représenté par Me S. Koev, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté par Mmes T. Haas et L. Hamtcheva, en qualité d'agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, C. Mac Eochaidh et J. Martín y Pérez de Nanclares (rapporteur), juges,

greffier : M. G. Mitrev, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure, notamment la décision du Tribunal de ne pas faire droit à la demande d'anonymat eu égard à la publication au Journal officiel de l'Union européenne des noms et prénoms du requérant ainsi que des motifs d'inscription le concernant,

à la suite de l'audience du 7 janvier 2025,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l'article 263 TFUE, le requérant, M. Hashem Anwar Akkad, demande l'annulation de la décision (PESC) 2023/1035 du Conseil, du 25 mai 2023, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2023, L 139, p. 49), du règlement d'exécution (UE) 2023/1027 du Conseil, du 25 mai 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2023, L 139, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de maintien de 2023 »), de la décision (PESC) 2024/1510 du Conseil, du 27 mai 2024, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO L, 2024/1510), et du règlement d'exécution (UE) 2024/1517 du Conseil, du 27 mai 2024, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO L, 2024/1517) (ci-après, pris ensemble, les « actes de maintien de 2024 »), en tant que ces quatre actes maintiennent son nom sur les listes annexées auxdits actes (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués »).

 Antécédents du litige et faits postérieurs à l'introduction du recours

2        Le requérant est un homme de nationalité syrienne qui est décrit par le Conseil de l'Union européenne comme exerçant ses activités en Syrie.

3        La présente affaire s'inscrit dans le contexte des mesures restrictives adoptées, à compter de l'année 2011, par le Conseil à l'encontre de la Syrie et des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne, ainsi qu'il ressort de la décision 2011/273/PESC, du 9 mai 2011, concernant des mesures restrictives à l'encontre de la Syrie (JO 2011, L 121, p. 11).

 Sur le maintien du nom du requérant sur les listes annexées aux actes de maintien de 2023

4        Par lettre du 31 mars 2023, le Conseil a transmis au requérant le document de preuves WK 3108/2023 INIT (ci-après le « document WK 3108/2023 ») et le document de preuves WK 206/2023 EXT 8 (ci-après le « document WK 206/2023 »), datés respectivement du 3 et du 24 mars 2023 et établis en vue du renouvellement des mesures restrictives à l'égard du requérant.

5        Le 25 mai 2023, le Conseil a adopté les actes de maintien de 2023, par lesquels le nom du requérant a été maintenu à la ligne 192 des listes annexées aux actes de maintien de 2023. Les motifs d'inscription du nom du requérant sur lesdites listes ont été rédigés comme suit (ci-après les « motifs litigieux ») :

« Homme d'affaires influent exerçant ses activités en Syrie, ayant des intérêts et/ou des activités dans de multiples secteurs de l'économie syrienne. [Le requérant] détient des intérêts et/ou exerce une influence considérable dans Anwar Akkad Sons Group (AASG) et sa filiale United Oil. [Anwar Akkad Sons Group] est un conglomérat possédant des intérêts dans des secteurs tels que le pétrole, le gaz, la chimie, l'assurance, le matériel industriel, l'immobilier, le tourisme, les expositions, la passation de marché public et les équipements médicaux. Il est également cofondateur d'une grande entreprise de sécurité (ProGuard).

En 2012 encore, [il] était également membre du Parlement syrien.

[Il] n'aurait pas pu continuer à prospérer sans l'aide du régime. Compte tenu de l'importance de ses relations professionnelles et politiques avec le régime, il tire avantage de celui-ci et le soutient. »

6        Par lettre du 26 mai 2023, le Conseil a informé le requérant de l'adoption des actes de maintien de 2023 et de la possibilité de présenter des observations avant le 1er février 2024.

 Sur le maintien du nom du requérant sur les listes annexées aux actes de maintien de 2024

7        Le 27 mai 2024, le Conseil a adopté la décision 2024/1510 et le règlement d'exécution 2024/1517. En vertu de la décision susmentionnée, l'application de la décision 2013/255/PESC du Conseil, du 31 mai 2013, concernant des mesures restrictives à l'encontre de la Syrie (JO 2013, L 147, p. 14), a été prorogée jusqu'au 1er juin 2025. Le nom du requérant a été maintenu sur les listes annexées aux actes de maintien de 2024 (ci-après, prises ensemble avec les listes annexées aux actes de maintien de 2023, les « listes en cause ») sur le fondement des motifs litigieux rappelés au point 5 ci-dessus.

8        Le 28 mai 2024, le Conseil a informé le requérant de la prorogation des actes de maintien de 2023 et de la possibilité de présenter des observations avant le 1er février 2025.

 Conclusions des parties

9        Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

–        juger le recours fondé et annuler les actes attaqués en ce qu'ils le concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

10      Le Conseil conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où les actes attaqués seraient annulés, ordonner que les effets de la décision 2024/1510 soient maintenus en ce qui concerne le requérant jusqu'à ce que l'annulation partielle du règlement d'exécution 2024/1517 prenne effet.

 En droit

11      À l'appui de son recours, le requérant soulève, en substance, sept moyens, tirés, le premier, de la violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable, le deuxième, de la violation de l'obligation de motivation, le troisième, de la violation du droit à un recours effectif, le quatrième, d'une erreur d'appréciation du Conseil, le cinquième, de la violation du droit de propriété, du principe de proportionnalité et de la libre entreprise, le sixième, de la violation du droit à des « conditions de vie normales » et, le septième, d'une atteinte au droit à la réputation.

12      Lors de l'audience, le requérant a présenté un moyen nouveau.

13      Il convient d'examiner au préalable le moyen nouveau avant d'analyser les moyens se rapportant à la légalité externe des actes attaqués, à savoir le deuxième moyen ainsi que les premier et troisième moyens examinés ensemble, puis ceux relatifs à la légalité interne, en commençant par le quatrième moyen, puis en examinant ensemble les cinquième à septième moyens.

 Sur le moyen nouveau présenté lors de l'audience

14      Lors de l'audience, le requérant a présenté par écrit un moyen nouveau sur le fondement de l'article 84, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure du Tribunal. Celui-ci est relatif, en substance, à un changement de situation en ce que, à la suite du renversement du régime de M. Bachar al-Assad, M. Mohammed al-Bachir a été désigné en qualité de premier ministre du gouvernement de transition syrien. Le requérant en déduit qu'il y a lieu de faire droit à son recours et de supprimer ex tunc la mention de son nom des listes en cause. Ce moyen nouveau est assorti de trois offres de preuve.

15      Le Conseil a soutenu, lors de l'audience, que le moyen nouveau et les offres de preuve étaient irrecevables et non pertinents.

16      Sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la recevabilité du moyen nouveau, il convient de le rejeter comme étant, en tout état de cause, non fondé.

17      En effet, le requérant estime que la chute du régime de M. Bachar al-Assad remet en cause l'ensemble du régime de mesures restrictives adopté à l'encontre de la Syrie et, partant, la légalité des actes attaqués.

18      Or, selon une jurisprudence constante, la légalité d'un acte doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l'acte a été adopté (voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2015, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 22 et jurisprudence citée ; du 11 septembre 2024, NSD/Conseil, T‑494/22, EU:T:2024:607, sous pourvoi, point 73, et du 11 septembre 2024, Tokareva/Conseil, T‑744/22, EU:T:2024:608, point 68). En l'espèce, certes la chute du régime de M. Bachar al-Assad constitue un fait nouveau important susceptible d'avoir un impact sur le régime de mesures restrictives dans le cadre duquel les actes ont été adoptés. Il n'en demeure pas moins que l'appréciation de la légalité à laquelle doit procéder le Tribunal en l'espèce doit uniquement se faire à la lumière des éléments de fait et de droit existant au moment de leur adoption et du contexte politique. Or, la chute de M. Bachar al-Assad intervenue le 8 décembre 2024 et la désignation de M. Mohammed al-Bachir par la suite sont des événements postérieurs à la date d'adoption des actes attaqués, à savoir le 25 mai 2023 et le 27 mai 2024, de sorte qu'ils ne sont pas pertinents pour examiner leur légalité. Partant, le moyen nouveau doit, en tout état de cause, être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d'une violation de l'obligation de motivation

19      Le requérant fait valoir que le Conseil a violé son obligation de motivation en vertu de l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), de l'article 296 TFUE et de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après la « Charte »).

20      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

21      En premier lieu, s'agissant des arguments du requérant selon lesquels, d'une part, aucune circonstance exposée par le Conseil dans les motifs litigieux ne correspond à la situation actuelle du requérant et, d'autre part, le Conseil n'étaye pas lesdits motifs par des éléments de preuve, ils doivent être rejetés comme étant inopérants dans le cadre du présent moyen en ce qu'ils visent plutôt à contester le bien-fondé de la motivation des actes attaqués (voir, en ce sens, arrêts du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 37, et du 12 juin 2024, Shammout/Conseil, T‑649/22, non publié, EU:T:2024:376, point 32 et jurisprudence citée).

22      En deuxième lieu, l'argument du requérant selon lequel, en maintenant automatiquement son nom sur les listes en cause, le Conseil aurait violé son obligation de motivation, doit être rejeté comme étant inopérant. En effet, le fait que les motifs litigieux soient formulés en des termes identiques à ceux contenus dans les actes ayant précédemment maintenu le nom du requérant sur les listes en cause ne saurait exercer aucune influence sur leur caractère suffisant, ce dernier devant être apprécié au regard des circonstances propres de la présente espèce.

23      En troisième lieu, selon le requérant, le Conseil aurait assimilé le requérant à une personne qui tire avantage du régime syrien ou le soutient, mais sans avancer de motif.

24      Selon la jurisprudence, la motivation d'un acte du Conseil imposant une mesure restrictive ne doit pas seulement identifier la base juridique de cette mesure, mais également les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles celui-ci considère, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, que l'intéressé doit faire l'objet d'une telle mesure (voir, en ce sens, arrêts du 13 septembre 2018, Sberbank of Russia/Conseil, T‑732/14, EU:T:2018:541, point 97 et jurisprudence citée, et du 12 juin 2024, Shammout/Conseil, T‑649/22, non publié, EU:T:2024:376, point 27 et jurisprudence citée).

25      Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu'il est intervenu dans un contexte connu de l'intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2024, Shammout/Conseil, T‑649/22, non publié, EU:T:2024:376, point 37 et jurisprudence citée).

26      Premièrement, il convient de déduire des motifs litigieux les critères d'inscription. En ce sens, l'un des critères généraux d'inscription est énoncé à l'article 27, paragraphe 1, et à l'article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision (PESC) 2015/1836 du Conseil, du 12 octobre 2015 (JO 2015, L 266, p. 75), et repris, en ce qui concerne le gel des fonds, à l'article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) no 36/2012 du Conseil, du 18 janvier 2012, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie et abrogeant le règlement (UE) no 442/2011 (JO 2012, L 16, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) 2015/1828 du Conseil, du 12 octobre 2015 (JO 2015, L 266, p. 1). Il prévoit que les personnes et les entités bénéficiant des politiques menées par le régime syrien ou soutenant celui-ci font l'objet de mesures restrictives ainsi que celles qui leur sont liées (critère de l'association avec le régime syrien).

27      Un autre critère est mentionné à l'article 27, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, et à l'article 28, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, repris, en ce qui concerne le gel des fonds, à l'article 15, paragraphe 1 bis, sous a), et paragraphe 1 ter, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828. Ce dernier critère dispose que la catégorie des « femmes et hommes d'affaires influents exerçant leurs activités en Syrie » fait l'objet de mesures restrictives, sauf s'il existe des informations suffisantes indiquant qu'ils ne sont pas, ou ne sont plus, liés au régime ou qu'ils n'exercent aucune influence sur celui-ci ou qu'ils ne sont pas associés à un risque réel de contournement (critère de l'homme d'affaires influent exerçant ses activités en Syrie).

28      En l'espèce, ainsi que le confirme le Conseil, il convient de déduire des motifs litigieux que le requérant a vu son nom être maintenu sur les listes en cause en raison de son soutien au régime syrien et des bénéfices qu'il en retire et de son statut d'homme d'affaires influent exerçant ses activités en Syrie. Dès lors, le maintien est fondé sur le critère de l'association avec le régime syrien et sur celui de l'homme d'affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

29      Deuxièmement, les raisons spécifiques et concrètes ayant conduit le Conseil à procéder au maintien du nom du requérant sur les listes en cause sont indiquées de manière suffisamment claire pour lui permettre de les comprendre. En effet, ce dernier détient des intérêts ou exerce une influence considérable dans Anwar Akkad Sons Group (AASG) possédant des intérêts dans de multiples secteurs économiques ainsi que dans sa filiale United Oil et il est également le cofondateur d'une grande entreprise ProGuard. De plus, en 2012, il était encore membre du parlement syrien. Enfin, le Conseil souligne l'importance de ses relations professionnelles et politiques avec le régime sans l'aide duquel il n'aurait pas continué à prospérer. Il s'ensuit que le Conseil a exposé de manière compréhensible et suffisamment précise les raisons l'ayant conduit à considérer que le maintien du nom du requérant sur les listes en cause était justifié au regard des critères juridiques applicables. Par ailleurs, les actes sont intervenus dans un contexte connu de l'intéressé, ce qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard. Partant, il convient de rejeter le dernier argument du requérant.

30      Dès lors, il convient de rejeter le dernier argument et de déduire de ce qui précède que les actes attaqués satisfont à l'obligation de motivation, de sorte que le deuxième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur les premier et troisième moyens, tirés de la violation des droits de la défense, du droit à un procès équitable et du droit à un recours juridictionnel effectif

31      Le requérant fait valoir, dans le cadre du premier moyen, qu'il est contraint de se défendre contre des accusations qui ne sont ni claires ni complètes, en violation des droits de la défense et notamment de la charge de la preuve. Dans le cadre du troisième moyen, il soutient que le Conseil viole son droit à une protection juridictionnelle effective prévu aux articles 6 et 13 de la CEDH, à l'article 215 TFUE et aux articles 41 et 47 de la Charte.

32      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

33      D'une part, il y a lieu de rappeler que le respect des droits de la défense comporte notamment le droit d'être entendu dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité, qui est consacré à l'article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 99 et jurisprudence citée).

34      Le droit d'être entendu dans toute procédure, prévu à l'article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative et avant qu'une décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts ne soit prise à son égard (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 75 et jurisprudence citée). Cette règle a notamment pour objet que l'intéressé puisse corriger une erreur ou faire valoir des éléments relatifs à sa situation personnelle qui militent dans le sens que la décision soit prise, ne soit pas prise ou qu'elle ait tel ou tel contenu (voir arrêt du 21 décembre 2011, France/People's Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 65 et jurisprudence citée).

35      D'autre part, le droit à une protection juridictionnelle effective, affirmé à l'article 47 de la Charte, exige que l'intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite à sa demande, sans préjudice du pouvoir du juge compétent d'exiger de l'autorité en cause qu'elle les communique, afin de lui permettre de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s'il est utile de saisir le juge compétent, ainsi que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d'exercer le contrôle de la légalité de la décision en cause (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 100 et jurisprudence citée).

36      En premier lieu, le requérant soutient que ses droits de la défense et son droit à une protection juridictionnelle effective ont été violés dès lors que, malgré une correspondance établie avec le Conseil, à la date d'introduction de la requête, il n'avait reçu aucune preuve visant à étayer les motifs litigieux et permettant de réfuter les preuves et les arguments qu'il y a avancés. Toutefois, force est de constater qu'il ressort du dossier que le Conseil a transmis les documents WK 3108/2023 et WK 206/2023 au requérant et l'a informé qu'il pouvait lui adresser ses observations avant le 17 avril 2023 et le 16 février 2024, afin de lui faire part de son point de vue au cours de la procédure administrative, soit avant l'adoption des actes attaqués.

37      Pour autant que, par cet argument, le requérant entende reprocher au Conseil de ne pas avoir pris en considération ses observations durant la procédure administrative, il doit être relevé que le respect des droits de la défense, qui exige des institutions de l'Union européenne qu'elles permettent à la personne visée par un acte lui faisant grief de faire connaître utilement son point de vue, ne peut leur imposer d'adhérer à celui-ci. Le caractère utile de la soumission du point de vue de cette personne requiert seulement que celui-ci ait pu être soumis en temps voulu pour que les institutions de l'Union puissent en prendre connaissance et, avec toute l'attention requise, en apprécier la pertinence pour le contenu de l'acte en voie d'adoption (voir, en ce sens, arrêts du 27 septembre 2018, Ezz e.a./Conseil, T‑288/15, EU:T:2018:619, point 330, et du 17 juillet 2024, Makhlouf/Conseil, T‑208/22, EU:T:2024:497, sous pourvoi, point 68). Ainsi, le seul fait que le Conseil n'ait pas conclu à l'absence de bien-fondé du maintien du nom du requérant sur les listes en cause ne saurait, en tout état de cause, constituer, par lui-même, une violation des droits de la défense du requérant, dès lors que celui-ci a été mis en mesure de présenter lesdites observations en temps utile.

38      Partant, l'argument du requérant doit être rejeté.

39      En second lieu, le requérant soutient, en substance, que son droit à une protection juridictionnelle effective a été violé dans la mesure où les actes attaqués ne seraient pas motivés, ce qui l'empêche de présenter une défense cohérente.

40      Toutefois, il ressort de l'analyse du deuxième moyen que les motifs litigieux sont compréhensibles et suffisamment précis, de sorte que le requérant a été mis en mesure de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s'il est utile de saisir le juge de l'Union. Dès lors, cet argument est non fondé.

41      Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter les premier et troisième moyens.

 Sur le quatrième moyen, tiré d'une erreur d'appréciation

 Considérations liminaires

42      Selon la jurisprudence, l'effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l'article 47 de la Charte exige notamment que le juge de l'Union s'assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l'entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l'exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l'appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l'un d'eux est considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

43      Il incombe au juge de l'Union de procéder à cet examen en demandant, le cas échéant, à l'autorité compétente de l'Union de produire des informations ou des éléments de preuve, confidentiels ou non, pertinents aux fins d'un tel examen (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 120 et jurisprudence citée).

44      C'est en effet à l'autorité compétente de l'Union qu'il appartient, en cas de contestation, d'établir le bien-fondé des motifs retenus à l'encontre de la personne ou de l'entité concernée, et non à ces dernières d'apporter la preuve négative de l'absence de bien-fondé desdits motifs (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121).

45      À cette fin, il n'est pas requis que ladite autorité produise devant le juge de l'Union l'ensemble des informations et des éléments de preuve inhérents aux motifs allégués dans l'acte dont il est demandé l'annulation. Il importe toutefois que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l'encontre de la personne ou de l'entité concernée (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 122).

46      Si l'autorité compétente de l'Union fournit des informations ou des éléments de preuve pertinents, le juge de l'Union doit vérifier l'exactitude matérielle des faits allégués au regard de ces informations ou éléments et apprécier la force probante de ces derniers en fonction des circonstances de l'espèce et à la lumière des éventuelles observations présentées notamment par la personne ou l'entité concernée à leur sujet (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 124).

47      L'appréciation du bien-fondé d'une inscription doit être effectuée en examinant les éléments de preuve non pas de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s'insèrent (voir, en ce sens, arrêts du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑630/13 P, EU:C:2015:247, point 51, et du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 50).

48      En effet, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s'il fait état devant le juge de l'Union d'un faisceau d'indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d'établir l'existence d'un lien suffisant entre la personne sujette à une mesure de gel de fonds et le régime combattu (arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑630/13 P, EU:C:2015:247, point 53).

49      Tout d'abord, pour justifier le maintien du nom du requérant sur les listes en cause, le Conseil a fourni plusieurs documents portant les références 520/16 RELEX et 541/16 à 548/16 RELEX et 605/16 à 608/16 RELEX contenus dans le document no 9440/16 du 25 mai 2016 (ci-après le « document 9440/16 ») et dans le document no 16922/14 du 15 décembre 2014 qui indique pour objet « Coreu PESC/141/14 » (ci-après le « document 141/14 »), accessibles grâce à un hyperlien. Seul le contenu desdits documents produits par le Conseil dans le cadre de la présente procédure est décrit ci-après. Il s'agit de documents qui sont publics à savoir des rapports, des articles de presse, un ouvrage et des captures d'écran issus :

–        de sites Internet d'organes de presse, tels que The New York Times dont l'article est intitulé « Syria Businessmen Yearn for Reforms » (Les hommes d'affaires syriens aspirent aux réformes) ; The Syria Report dont le premier article est relatif à United Oil, une filiale d'Anwar Akkad Sons Group et le second à ce groupe ; « Jadaliyya News Online », qui a publié un article intitulé « The Dynamics of the Uprising in Syria » (Les dynamiques du soulèvement en Syrie) ; The Syrian Observer, qui a publié un article intitulé « Interior Minister Forgets War, Focuses on Pasta » (Le ministère de l'Intérieur met de côté les questions relatives à la guerre pour se concentrer sur celles des pâtes) publié initialement par le média d'opposition Zaman al–Wasl et Middle East Economic Digest, qui a publié un article décrivant le requérant ;

–        de divers sites Internet tels que « wikileaks.org » ayant publié deux télégrammes diplomatiques américains et « unglobalcompact.org », dont l'extrait est relatif à Anwar Akkad Sons Group ;

–        du site Internet de la Cour de justice de l'Union européenne, qui a publié le communiqué de presse no 105/13, relatif notamment à l'arrêt du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T‑563/11, non publié, EU:T:2013:429) ;

–        de sites Internet d'entités, tels que celui de United Oil et « akkadgroup.com » concernant Anwar Akkad Sons Group ;

–        du site Internet LinkedIn,  qui contient  des captures d'écran, premièrement, de la page personnelle du requérant et, deuxièmement, de la page d'Anwar Akkad Sons Group ;

–        d'une capture d'écran du Washington Institute for Near East Policy, qui a publié sous la forme d'un organigramme du régime syrien les interactions et les intérêts financiers entre M. Bachar al-Assad et les hommes d'affaires syriens ;

–        d'un ouvrage de Stacher, J., Adaptable Autocrats : Regime Power in Egypt and Syria (Les autocrates flexibles : le pouvoir des régimes égyptien et syrien), Stanford University Press, 2012.

50      Par ailleurs, en 2023, le Conseil a produit les documents WK 3108/2023 et WK 206/2023, comportant des éléments d'information publiquement accessibles, à savoir des hyperliens, des articles de presse, des rapports et des captures d'écran, qui proviennent :

–        de sites Internet d'organes de presse tels que Syria Today, dont l'article décrit une étude publiée par le Centre Harmoon, intitulée « The New Wealthy of War to replace the Veteran Businessmen of Syria » (Les nouveaux riches de la guerre remplaceront les hommes d'affaires syriens vétérans) ; Syria TV ; Orient Net, qui a publié un article intitulé « Names … Fake companies to mislead Western sanctions against Assad, and an economic researcher warns » (Des noms … De fausses entreprises pour contourner les sanctions occidentales contre Assad, prévient un chercheur en économie) ; The Guardian, qui a publié un article intitulé « Syria using maze of shell companies to avoid sanctions on the Assad regime's elite » (La Syrie utilise des sociétés fictives pour éviter les sanctions économiques imposées à l'élite du régime de Bachar al-Assad) ; Middle East Eye, qui a publié un article intitulé « How UAE's deep ties with Syria came out in the open » (Comment les liens profonds des Émirats arabes unis avec la Syrie sont-ils apparus au grand jour) ; Atlantic Council, qui a publié un article intitulé « Lebanon's fate appears to be irreversibly tied to Syria » (Le destin du Liban est inextricablement lié à la Syrie) et The Syria Report, qui a publié un article intitulé « UAE-based companies Penalised Over Syria-Related Sanctions Breaches » (Des entreprises établies aux Émirats arabes unis sanctionnées pour des violations de sanctions liées à la Syrie) ;

–        du site Internet « transparency.org », contenant un index de classement mondial de l'indice de perception de la corruption ;

–        de sites Internet de diverses fondations ou centre de recherche tels que Brookings Institution, qui a publié un article intitulé « Syrian uprising 10 year anniversary : A political economy perspective » (Les dix ans de la révolution syrienne, une perspective d'économie politique) ; du Centre Harmoon, qui a publié un rapport intitulé « Replacing the Old Business Elite With the New War Profitees In Syria » (Remplacer l'ancienne élite du monde des affaires par les nouveaux profiteurs de guerre en Syrie), et du Dayan Center for Middle Eastern and African Studies (Université de Tel-Aviv, Israël), qui a publié un article intitulé « The boomerang effect : How Syria brought down Lebanon, which is bringing down Syria » (L'effet boomerang : comment la Syrie affaiblit-elle le Liban qui en retour affaiblit la Syrie) ;

–        du site Internet du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, qui a publié un rapport de l'organisation non gouvernementale Syria Legal Development Programme, intitulé « Identifying Patterns of Business Involvement in Human Rights abuses in Syria » (Identification des tendances de l'implication d'entreprises dans la violation des droits de l'homme en Syrie).

51      Le requérant soutient en substance que, dans ses écritures, le Conseil opère dans les faits un renversement illégal de la charge de la preuve. Le Conseil risquerait d'utiliser des arguments de la requête et des preuves qui y sont présentées pour tenter de régulariser les actes attaqués a posteriori, d'une part, en modifiant la justification des motifs litigieux et, d'autre part, en adoptant de nouveaux motifs d'inscription quelques jours avant le prononcé du présent arrêt. Le requérant ajoute que le Conseil aurait procédé de cette manière dans le cadre de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 2 juin 2016, HX/Conseil (T‑723/14, EU:T:2016:332) en adoptant de nouveaux motifs d'inscription avant le prononcé de l'arrêt.

52      D'une part, il convient de relever que le requérant n'identifie pas les arguments de ses écritures ni les preuves qu'il a produites que le Conseil aurait cherché à utiliser afin de démontrer le bien-fondé des actes attaqués. N'étant pas étayé, cet argument doit être rejeté.

53      D'autre part, s'agissant des actes qui seraient éventuellement adoptés avant ou après le prononcé du présent arrêt, il suffit de rappeler que le contrôle du Tribunal ne peut porter que sur des actes d'ores et déjà adoptés et identifiés avec suffisamment de précision par le requérant. En effet, le contrôle spéculatif de la légalité d'actes non encore adoptés n'est pas autorisé (arrêt du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil, T‑592/11, non publié, EU:T:2013:427, points 33 et 34 ; voir, également, arrêt du 18 mai 2017, Makhlouf/Conseil, T‑410/16, non publié, EU:T:2017:349, points 27 à 29 et jurisprudence citée).

 Sur la fiabilité des éléments de preuve

54      En substance, le requérant conteste, premièrement, la fiabilité des éléments de preuve décrivant Anwar Akkad Sons Group et United Oil, deuxièmement, les éléments de preuve de Syria TV, le rapport du Syria Legal Development Programme et le projet de recherche intitulé « Private Security Companies in Syria : New Agents at the Regime's service » (Sociétés de sécurité privées en Syrie : de nouveaux agents au service du régime) (annexe B.11), en ce qu'ils seraient issus de la même source et constituent, de manière pratique, un seul et même élément de preuve. Troisièmement, le requérant s'oppose à ce que le Conseil exige du requérant qu'il produise des documents officiels à l'appui de ses prétentions.

55      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

56      En premier lieu, le requérant soutient que les éléments de preuve produits par le Conseil s'agissant d'Anwar Akkad Sons Group et de United Oil ne sont pas fiables en ce qu'ils sont issus d'extraits de page Internet d'organisations ou d'entités privées où chacun, de bonne foi ou non, peut publier tous types informations. Seuls les éléments de preuve produits par le requérant délivrés par l'administration syrienne devraient être considérés comme fiables.

57      À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre de l'appréciation de la gravité de l'enjeu, qui fait partie du contrôle de la proportionnalité des mesures restrictives en cause, il peut être tenu compte du contexte dans lequel s'inscrivent ces mesures, du fait qu'il était urgent d'adopter de telles mesures ayant pour objet de faire pression sur le régime syrien afin que ce dernier arrête la répression violente dirigée contre la population, et de la difficulté d'obtenir des preuves plus précises dans un État en situation de guerre civile doté d'un régime de nature autoritaire (arrêt du 16 décembre 2020, Haikal/Conseil, T‑189/19, non publié, EU:T:2020:607, point 112 ; voir, également, arrêt du 16 mars 2022, Sabra/Conseil, T‑249/20, EU:T:2022:140, point 42 et jurisprudence citée).

58      Par ailleurs, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, en l'absence de pouvoirs d'enquête dans des pays tiers, l'appréciation des autorités de l'Union doit, de fait, se fonder sur des sources d'information accessibles au public, des rapports, des articles de presse ou d'autres sources d'information similaires (voir arrêt du 16 décembre 2020, Haswani/Conseil, T‑521/19, non publié, EU:T:2020:608, point 142 et jurisprudence citée). À cet égard, il serait excessif et disproportionné d'exiger du Conseil qu'il mène lui-même des investigations sur le terrain concernant la véracité de faits qui sont relayés par de nombreux médias (arrêt du 25 janvier 2017, Almaz-Antey Air and Space Defence/Conseil, T‑255/15, non publié, EU:T:2017:25, point 148).

59      En outre, en l'absence d'une réglementation de l'Union sur la notion de « preuve », le juge de l'Union a consacré un principe de libre administration ou de liberté des moyens de preuve, lequel doit être compris comme étant la faculté de se prévaloir, pour prouver un fait donné, de moyens de preuve de toute nature, tels que, notamment, des témoignages, des preuves documentaires et des aveux. Corrélativement, le juge de l'Union a consacré un principe de libre appréciation de la preuve, selon lequel la détermination de la crédibilité ou, en d'autres termes, de la valeur probante d'un élément de preuve est laissée à l'intime conviction du juge (voir arrêt du 2 juillet 2019, Mahmoudian/Conseil, T‑406/15, EU:T:2019:468, point 136 et jurisprudence citée).

60      Ainsi, pour apprécier la valeur probante d'un document, il faut vérifier la vraisemblance de l'information qui y est contenue et tenir compte, notamment, de l'origine du document, des circonstances de son élaboration ainsi que de son destinataire, et se demander si, d'après son contenu, il semble sensé et fiable (voir, en ce sens, arrêts du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 224 et jurisprudence citée, et du 14 avril 2021, Al-Tarazi/Conseil, T‑260/19, non publié, EU:T:2021:187, point 72).

61      Dans ces conditions, d'une part, la seule circonstance que les éléments de preuve produits par le Conseil proviendraient de sites Internet ne saurait suffire à leur ôter toute force probante.

62      D'autre part, en l'espèce, les preuves utilisées par le Conseil émanent de sources d'information d'origines variées, telles qu'un ouvrage (Stacher, J., Adaptable Autocrats : Regime Power in Egypt and Syria, Stanford University Press, 2012), des articles de presse publiés tant par des médias syriens tels que The Syria Report, The Syrian Observer, dont certains rapportent des études publiées dans des médias d'opposition comme Syria Today, que  par d'autres médias, comme Syria TV, Middle East Economic Digest, des études réalisées par un institut tel que Washington Institute for Near East Policy, des déclarations provenant de LinkedIn relatives au requérant et à Anwar Akkad Sons Group et enfin des sites Internet de United Oil et d'Anwar Akkad Sons Group.

63      S'agissant plus précisément des éléments de preuve relatifs à Anwar Akkad Sons Group et à United Oil, certes, certaines de ces preuves sont issues d'extraits de page Internet d'organisations ou d'entités privées où les propriétaires et les auteurs des pages concernées peuvent directement introduire des informations. Cependant, la décision de maintenir le nom du requérant sur les listes en cause, de même que l'appréciation réalisée par le Tribunal de cette décision, se fondent sur le contenu des extraits et des captures d'écran tels qu'ils apparaissaient dans le dossier du Conseil avant l'adoption des actes attaqués, de sorte qu'une éventuelle modification du contenu des pages Internet dont sont extraites les preuves du Conseil après l'adoption des actes attaqués ne saurait avoir aucune incidence.

64      Par ailleurs, il convient de distinguer, parmi les arguments dont se prévaut le requérant, ceux qui portent sur la question de la fiabilité des preuves, c'est-à-dire le fait de savoir si lesdites preuves peuvent être considérées comme crédibles, et ceux qui concernent la question de savoir si les informations relayées par lesdites preuves démontrent, à suffisance, le bien-fondé des motifs d'inscription. En ce sens, la question de savoir si les éléments de preuve produits par le Conseil fournissent des informations cohérentes relève de l'analyse de leur fiabilité. En effet, eu égard à la nature desdits éléments, notamment des articles de presse et des pages Internet, il est important, afin de leur reconnaître un caractère sensé et fiable, que les informations qu'ils donnent ne se contredisent pas de manière manifeste (arrêt du 14 avril 2021, Al-Tarazi/Conseil, T‑260/19, non publié, EU:T:2021:187, point 77).

65      En l'espèce, le requérant ne relève pas, parmi les éléments de preuve relatifs à Anwar Akkad Sons Group et à United Oil, la présence d'incohérences qui les affecteraient. En outre, pour les autres preuves, elles s'appuient pour certains points spécifiques sur des informations partagées par d'autres sources, telles que le Centre Harmoon, la Brookings Institution et le rapport du Syria Legal Development Programme publié sur le site Internet du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, ou se corroborent entre elles. Ainsi, il ressort des documents de preuve que l'origine des informations est variée.

66      Au vu de ce qui précède et en l'absence d'éléments dans le dossier susceptibles de remettre en cause la fiabilité des sources utilisées par le Conseil, il convient de leur reconnaître un caractère sensé et fiable et donc une certaine valeur probante, au sens de la jurisprudence rappelée au point 60 ci-dessus.

67      En second lieu, s'agissant de l'argument selon lequel les éléments de preuve issus de Syria TV  (deuxième pièce de l'annexe B.3), le rapport du Syria Legal Development Programme (quatrième pièce de l'annexe B.3) et le projet de recherche intitulé « Private Security Companies in Syria : New Agents at the Regime's service » (annexe B.11) proviendraient de la même source, il est voué au rejet. En effet, le requérant ne précise pas en quoi, d'un côté, les deux rapports rédigés par des auteurs différents et publiés par des institutions autonomes – à savoir l'Institut universitaire européen et le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme – et, de l'autre côté, un article de presse constitueraient une même source. En tout état de cause, l'éventualité que ces différentes sources se citent entre elles ne remet pas en cause leur fiabilité.

68      Au vu de ce qui précède, en l'absence d'élément dans le dossier susceptible de remettre en cause la fiabilité des sources utilisées par le Conseil, il convient de leur reconnaître un caractère sensé et fiable.

 Sur la pertinence des éléments de preuve

69      En substance, le requérant conteste la pertinence des éléments contenus dans les documents de preuve du Conseil, en ce que, premièrement, les pièces contenues dans le « dossier horizontal », à savoir le document WK 206/2023, n'évoquent ni son nom ni ses fonctions, de sorte qu'elles n'étayent pas les motifs litigieux, deuxièmement, les arrêts du 2 juin 2016, HX/Conseil (T‑723/14, EU:T:2016:332), et du 19 juin 2018, HX/Conseil (T‑408/16, non publié, EU:T:2018:355), dont les requêtes ont été introduites en 2014 et 2016, sont fondés sur des éléments de preuve qui ont été recueillis antérieurement à la présente espèce et ne justifient plus la situation actuelle du requérant.

70      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

71      En premier lieu, concernant l'argument du requérant relatif à la pertinence des éléments de preuve contenus dans le document WK 206/2023 pour apprécier la légalité des actes attaqués, il convient de reconnaître que, à l'exception du rapport du Syria Legal Development Programme, le contenu des pièces ne fait pas individuellement référence au requérant ou à des entreprises auxquelles il serait lié. Toutefois, elles fournissent le contexte dans lequel la désignation de l'intéressé est intervenue, en particulier, eu égard à l'environnement des entreprises en Syrie et à la catégorie des hommes et des femmes d'affaires influents exerçant leurs activités en Syrie. Ainsi, conformément à la jurisprudence rappelée au point 47 ci-dessus et bien que ces éléments de preuve, pris séparément, ne puissent permettre de justifier à eux seuls le bien-fondé du maintien du nom du requérant sur les listes en cause, cette circonstance n'est pas de nature à leur retirer toute pertinence dans l'examen de la légalité des actes attaqués. En effet, ils sont susceptibles de donner des informations contextuelles de nature à compléter et à renforcer les autres éléments de preuve présentés mentionnant plus spécifiquement le requérant [voir, en ce sens, arrêts du 16 décembre 2020, Haikal/Conseil, T‑189/19, non publié, EU:T:2020:607, point 120, et du 18 mai 2022, Foz/Conseil, T‑296/20, EU:T:2022:298, point 101 (non publié)]. Partant, il convient de rejeter cet argument.

72      En second lieu, le requérant remet en cause la pertinence des éléments de preuve pris en considération dans les arrêts du 2 juin 2016, HX/Conseil (T‑723/14, EU:T:2016:332), et du 19 juin 2018, HX/Conseil (T‑408/16, non publié, EU:T:2018:355). Plus précisément, celui-ci entend contester la pertinence des documents 9440/16 et 141/14 ayant servi à étayer les actes examinés dans les deux arrêts précités. À cet égard, il fait valoir que plusieurs années se sont écoulées entre la date d'adoption des actes attaqués et celle, en dernier lieu, de la décision (PESC) 2016/850 du Conseil, du 27 mai 2016, modifiant la décision 2013/255 (JO 2016, L 141, p. 125) et du règlement d'exécution (UE) 2016/840 du Conseil, du 27 mai 2016, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2016, L 141, p. 30), analysés dans l'arrêt du 19 juin 2018, HX/Conseil (T‑408/16, non publié, EU:T:2018:355), de sorte que les documents 9440/16 et 141/14, trop anciens, ne sont plus pertinents et ne permettent donc plus d'étayer les motifs d'inscription.

73      À titre liminaire, il convient de rappeler que, par l'arrêt du 2 juin 2016, HX/Conseil (T‑723/14, EU:T:2016:332), le Tribunal a annulé l'inscription initiale du nom du requérant sur les listes en cause, qui reposait sur des critères et des motifs d'inscription différents de ceux en cause en l'espèce, de sorte que cet arrêt ne présente qu'un intérêt très limité pour la présente affaire.

74      Par la suite, le Conseil a réinscrit le nom du requérant sur le fondement de nouveaux motifs d'inscription dont une grande partie a été reprise à l'identique dans les motifs litigieux. Ces motifs de réinscription, annexés à la décision 2016/850 et au règlement d'exécution 2016/840, ont été examinés par le Tribunal dans l'arrêt du 19 juin 2018, HX/Conseil (T‑408/16, non publié, EU:T:2018:355). Au point 82 de cet arrêt, le Tribunal a jugé que le Conseil avait apporté un faisceau d'indices précis et concordants, susceptibles de mettre en évidence le fait que le requérant était un homme d'affaires influent exerçant ses activités en Syrie. Ce faisceau d'indices était composé, notamment, des documents 9440/16 et 141/14.

75      Or, lors de l'examen du maintien du nom d'une personne sur les listes en cause, il importe de savoir si, depuis sa réinscription ou depuis un réexamen précédent, la situation factuelle a changé de telle manière qu'elle ne permet plus de tirer la même conclusion concernant les liens de cette personne avec le régime syrien (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, points 90 et 91).

76      En ce sens, sans être lié par l'autorité de la chose jugée, dès lors que l'objet du recours rejeté par l'arrêt du 19 juin 2018, HX/Conseil (T‑408/16, non publié, EU:T:2018:355), n'est pas identique à celui du présent recours, le Tribunal ne saurait totalement faire abstraction du raisonnement qu'il a développé dans cette affaire, qui concernent les mêmes parties et soulèvent, pour l'essentiel, les mêmes questions juridiques. Toutefois, rien ne permet de présumer, sans un examen des éléments de fait et de droit présentés au soutien du présent moyen, que le Tribunal parviendrait aux mêmes conclusions que celles retenues dans cet arrêt (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, points 92 et 93).

77      De plus, le Conseil n'est pas tenu d'invoquer de nouveaux faits pour autant que les faits motivant la réinscription soient pertinents et suffisent à maintenir l'intéressé sur les listes en cause (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 97).

78      Partant, pour justifier le maintien du nom d'une personne sur les listes en cause, il n'est pas interdit au Conseil de se fonder sur les mêmes éléments de preuve ayant justifié l'inscription initiale et la réinscription du nom du requérant sur les listes en cause pour autant que, d'une part, les motifs sont restés inchangés et, d'autre part, que le contexte n'a pas évolué d'une manière telle que ces éléments de preuve sont devenus obsolètes.

79      Certes, en l'espèce, plus de sept années se sont écoulées entre l'adoption de la décision 2016/850 et du règlement d'exécution 2016/840 réinscrivant le nom du requérant sur les listes en cause et celle des actes de maintien de 2023. À l'instar du requérant, il convient de relever que cette période de temps ne saurait être considérée comme étant insignifiante.

80      Néanmoins, force est de constater que les documents 9440/16 et 141/14 visent à étayer la partie des motifs litigieux qui est identique aux motifs de réinscription. Or, le requérant se contente, à cet égard, de souligner l'ancienneté des preuves existantes sans développer d'argument additionnel visant à démontrer que la situation factuelle de la Syrie ou sa propre situation auraient évolué d'une manière telle que les éléments de preuve soumis par le Conseil pour justifier le bien-fondé de la réinscription du nom du requérant sur les listes en cause en 2016 ne seraient plus pertinents pour justifier le maintien de son nom sur lesdites listes en 2023 et en 2024.

81      Cela dit, contrairement à ce que soutient le Conseil, il ne suffit pas de relever que la situation du requérant est la même depuis le prononcé de l'arrêt du 19 juin 2018, HX/Conseil (T‑408/16, non publié, EU:T:2018:355), mais il convient d'examiner s'il a démontré de manière suffisante que, en 2023 et en 2024, la situation du requérant remplissait toujours le ou les critères d'inscription visés dans les motifs litigieux. Ainsi, dans le cadre de l'analyse du bien-fondé des motifs litigieux, il conviendra de déterminer si, au regard de l'ensemble du dossier, les preuves examinées dans l'arrêt susmentionné sont suffisantes pour démontrer le bien-fondé des motifs d'inscription.

 Sur l'examen du critère de l'homme d'affaires influent exerçant ses activités en Syrie

82      Le requérant estime, d'une part, que les éléments de preuve produits par le Conseil n'étayent pas le maintien de son nom sur listes en cause à la date d'adoption des actes attaqués et il considère qu'il n'est pas un homme d'affaires influent exerçant ses activités en Syrie. Le requérant fait valoir, d'autre part, qu'il n'a jamais participé à la répression contre la population civile syrienne et qu'il n'a pas de lien avec des personnes et des entités y ayant participé ou ayant fait l'objet de mesures restrictives, et qu'il n'a pas fourni de soutien ni tiré avantage du régime syrien.

83      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

–       Sur les intérêts économiques du requérant

84      Au préalable, il convient de relever qu'il ressort des motifs litigieux que, premièrement, le requérant est cofondateur d'une grande entreprise de sécurité (ProGuard), deuxièmement, il détient des intérêts ou exerce une influence considérable dans Anwar Akkad Sons Group qui est un conglomérat actif dans de multiples secteurs et, troisièmement, il détient des intérêts ou exerce une influence considérable dans la filiale United Oil dont l'entreprise mère est Anwar Akkad Sons Group.

85      Dans un premier temps, il y a lieu de noter que le requérant est, selon Syria TV, un des cofondateurs de ProGuard, une compagnie de sécurité ayant des liens étroits avec le régime syrien. Le requérant reconnaît qu'il a fondé ProGuard, ainsi que cela est mentionné par  Syria TV, en 2011-2012.

86      En revanche, en premier lieu, le requérant conteste le fait que, à la date d'adoption des actes attaqués, il ait eu des liens avec cette entité et il ait exercé une fonction au sein de celle-ci. Toutefois, d'une part, le requérant n'apporte aucune preuve du fait qu'il n'aurait plus de liens avec la société en cause. D'autre part, selon Syria TV, depuis 2015, le requérant a reçu dans le cadre de ProGuard plus de 4,1 millions de dollars des États-Unis (USD) de la part de l'Organisation des Nations unies (ONU) et, en 2021, la société en cause a perçu 600 000 USD dans le cadre de contrats pour assurer la sécurité du personnel de cette organisation. Par ailleurs, le rapport du projet de recherche de l'Institut universitaire européen publié en 2020 confirme cette information puisque, pour identifier ProGuard, ce rapport cite le requérant en tant qu'un de ses cofondateurs.

87      En deuxième lieu, le requérant soutient que, ainsi qu'il ressort d'une capture d'écran du site Internet de l'ONU relative au moteur de recherche et à la base de données du portail des marchés publics de cette organisation, aucun cocontractant n'est identifié sous le nom de « Proguard » ou « Pro guard ». Toutefois, une capture d'écran du même site Internet produite par le Conseil fait apparaître la société « ProGuard for Safety and Security Services » comme l'un des principaux fournisseurs de « Public Order and Security Services » (services d'ordre public et de sécurité), ce qui démontre que la société en question a signé des contrats avec divers organismes liés à l'ONU et corrobore les informations contenues dans le dossier du Conseil.

88      En troisième lieu, l'argument du requérant selon lequel l'élément matériel relatif au fait que le requérant ait cofondé la société de sécurité ProGuard n'aurait pas servi à étayer l'inscription et la réinscription du nom du requérant en 2014 et 2016 est dénué de pertinence. En effet, force est de constater que le présent recours porte sur les actes attaqués et non sur les actes ayant inscrit et réinscrit le nom du requérant sur les listes en cause en 2014 et 2016.

89      Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que la partie des motifs litigieux indiquant que le requérant a cofondé une grande entreprise de sécurité, à savoir ProGuard, demeure pertinente à la date d'adoption des actes attaqués et, partant, ne révèle aucune erreur d'appréciation.

90      Dans un second temps, le requérant fait valoir qu'il n'exerce aucune activité commerciale ou économique en Syrie par l'intermédiaire d'Anwar Akkad Sons Group. D'ailleurs, le Conseil ne produirait pas d'éléments de preuve démontrant une quelconque activité du requérant ou l'existence d'Anwar Akkad Sons Group et de sa filiale United Oil ou du lien qu'il a avec ces sociétés à la date d'adoption des actes attaqués.

91      En premier lieu, le site Internet « akkadgroup.com », la page personnelle du requérant sur LinkedIn ainsi que The Syria Report indiquent que le requérant détient des intérêts ou exerce une influence considérable dans Anwar Akkad Sons Group et, plus particulièrement, qu'il est identifié comme un des propriétaires et le président du conseil d'administration de ce groupe.

92      À cet égard, premièrement, le requérant conteste cette partie des motifs et soutient qu'Anwar Akkad Sons Group a cessé ses activités, a été radiée des registres de commerce et des sociétés enregistrées en Syrie et n'existait plus en 2021.

93      Afin d'étayer ses propos, il produit une attestation émise par le ministère du Commerce intérieur et de la Protection des consommateurs syrien du 16 janvier 2021. Selon cette attestation, la société enregistrée sous le nom Anwar Akkad Sons Group (dans sa version en anglais) n'a pas été trouvée dans les registres de commerce et des sociétés enregistrées en Syrie.

94      En réponse, le Conseil produit un extrait de la page LinkedIn d'Anwar Akkad Sons Group. L'extrait indique que la page a été consultée le 10 juillet 2023 et qu'Anwar Akkad Sons Group est toujours actif et se revendique comme un des groupes d'entreprises les plus importants en Syrie et dont les objets sociaux sont variés. Il indique aussi que « aujourd'hui, Anwar Akkad Sons Group [tire] sa puissance notamment de ses relations commerciales importantes et sa présence sur le marché ». Le site Internet « akkadgroup.com » est aussi renseigné, ainsi que sa date de création qui confirme le contenu du document de preuve du Conseil.

95      Il convient de relever que, certes, l'attestation produite par le requérant émane d'une autorité administrative syrienne alors que la preuve fournie par le Conseil provient d'un site Internet.

96      Toutefois, même à supposer qu'il convienne d'accorder à l'attestation produite par le requérant une force probante plus élevée qu'à la preuve fournie par le Conseil, il n'en demeure pas moins que ladite attestation se limite à constater l'absence d'Anwar Akkad Sons Group dans les registres commerciaux des sociétés enregistrées en Syrie, mais ne donne aucune explication supplémentaire quant à une telle absence. Ainsi, il n'est pas possible d'en déduire que cette absence est due au fait qu'Anwar Akkad Sons Group a cessé ses activités et a été radiée, en conséquence, des registres de commerce et des sociétés enregistrées en Syrie. Cette attestation ne constitue pas non plus l'acte de dissolution de cette entité ni n'y fait une quelconque référence.

97      De surcroît, aucun autre élément fourni par le requérant ne permet de conclure à la dissolution d'Anwar Akkad Sons Group.

98      Or, force est de relever que le Conseil a apporté un élément de preuve plus récent que l'attestation produite par le requérant et qui démontre qu'Anwar Akkad Sons Group est active.

99      Dans ces conditions, l'élément de preuve fourni par le requérant n'est pas suffisant pour remettre en cause l'existence d'Anwar Akkad Sons Group.

100    Deuxièmement, le requérant nie faire partie des autorités dirigeantes et représenter Anwar Akkad Sons Group. Il se fonde sur une liste mentionnant les membres élus du comité des directeurs d'« Anwar Alakkad son Company » contenue dans l'attestation délivrée par le ministère du Commerce intérieur et de la Protection des consommateurs syrien le 12 juillet 2020. Or, il convient de relever que la dénomination mentionnée dans l'attestation est différente (« Anwar Alakkad son Company/AAASS ») du nom de l'entité visée dans les motifs litigieux. Dès lors, cette attestation n'est pas à même de remettre en cause la qualité du requérant en tant que président du conseil d'administration d'Anwar Akkad Sons Group.

101    En deuxième lieu, selon le site Internet de United Oil, Middle East Economic Digest et The Syria Report, United Oil est une filiale d'Anwar Akkad Sons Group et intervient dans les secteurs pétrolier et gazier. Par ailleurs, le site Internet de cette société, Middle East business Intelligence et The Syria Report la décrivent comme l'une des principales sociétés pétrolières et gazières syriennes, fondée et présidée par le requérant ayant son siège à Damas (Syrie), étant active principalement en Égypte et en Irak et développant plus de trente grands projets en Syrie.

102    À cet égard, premièrement, le requérant soutient ne pas avoir de lien, sous quelque forme que ce soit, avec United Oil, ainsi que le démontre une liste mentionnant les membres élus du comité des directeurs de United Oil qui est insérée dans l'attestation du ministère du Commerce intérieur et de la Protection des consommateurs syrien du 12 juillet 2020. Or, s'il en ressort que le requérant n'a pas été élu au sein du conseil d'administration à compter du 14 janvier 2020, cet élément de preuve n'est pas suffisant pour démontrer que le requérant n'aurait aucun lien avec United Oil. En particulier, celui-ci ne remet pas en cause le fait, étayé par le Conseil, qu'il a fondé et préside United Oil.

103    Deuxièmement, le requérant allègue qu'Anwar Akkad Sons Group n'existe plus de sorte qu'il est impossible que de quelconques filiales existent, y compris United Oil. Cet argument reposant sur la prémisse qu'Anwar Akkad Sons Group n'existe plus et cette dernière ayant été écartée au point 99 ci-dessus, il convient de rejeter le présent argument.

104    En troisième lieu, il ressort des sites Internet de United Oil, « akkadgroup.com » et de la page LinkedIn relative à Anwar Akkad Sons Group, ainsi que Middle East Economic Digest et The Syria Report, qu'Anwar Akkad Sons Group est composé, en substance, de United Oil, de Fiorella Pasta et d'autres filiales. De même, les copies d'écran des sites Internet « akkadgroup.com » et « unglobalcompact.org » produites par le Conseil énumèrent les secteurs d'activité d'Anwar Akkad Sons Group, à savoir le pétrole, le gaz, la chimie, les assurances, les produits alimentaires, le tourisme et les équipements médicaux, et les sociétés composant ce groupe travaillent sur des projets de grande importance en Syrie. De plus, s'agissant de Fiorella Pasta, il ressort du site Internet « unglobalcompact.org », de The Syrian Observer et de The Syria Report qu'elle a été fondée en 1994 par le requérant et qu'elle est une filiale du groupe en question et est considérée comme l'un des plus grands producteurs de pâtes en Syrie. En outre, la société Fiorella Pasta, appartenant à Anwar Akkad Sons Group, a fourni des ressources alimentaires au ministère de l'Intérieur syrien en juillet 2013, à savoir quinze tonnes de pâtes et six cents boîtes de sauce tomate, selon The Syrian Observer.

105    Or, le requérant n'a pas remis en cause de manière étayée ces éléments de preuve, dont le Tribunal a constaté le caractère avéré dans l'arrêt du 19 juin 2018, HX/Conseil (T‑408/16, non publié, EU:T:2018:355), pas plus que leur perte d'actualité à la date d'adoption des actes attaqués.

106    Partant, il convient de conclure que le requérant détient toujours, à la date d'adoption des actes attaqués, des intérêts ou exerce une influence considérable dans Anwar Akkad Sons Group et United Oil.

107    Par conséquent, il résulte des points 89 et 106 ci-dessus que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 48 ci-dessus, le Conseil a apporté un faisceau d'indices suffisamment concrets, précis et concordants démontrant que le requérant demeurait, à la date d'adoption des actes attaqués, un homme d'affaires influent exerçant ses activités en Syrie en raison, d'une part, de son statut de cofondateur de ProGuard et, d'autre part, des intérêts et de l'influence considérable qu'il exerçait dans Anwar Akkad Sons Group et United Oil.

108    Cette conclusion n'est pas remise en question par l'argument du requérant selon lequel le Conseil exigerait de lui qu'il produise des documents officiels à l'appui de ses prétentions alors que le Conseil ne produirait que des extraits de sites Internet. En effet, d'une part, ainsi qu'il ressort du point 58 ci-dessus, le juge de l'Union a accepté que, en l'absence de pouvoirs d'enquête dans des pays tiers, le Conseil puisse se fonder sur des sources d'information accessibles au public, des rapports, des articles de presse ou d'autres sources d'information similaires. D'autre part, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 59 et 60 ci-dessus, il appartient au seul Tribunal d'apprécier la valeur probante des éléments de preuve présentés par chacune des parties et d'en hiérarchiser la valeur probante. Or, en l'espèce, le rejet des arguments et des éléments de preuve fournis par le requérant s'est fait en tenant compte de ces principes, de sorte que son argument ne saurait prospérer.

109    La conclusion n'est pas non plus remise en cause par l'argumentation du requérant selon laquelle le Conseil ne dispose pas de preuves démontrant que les intérêts et les activités du requérant décrits dans les motifs litigieux impliquent que ce dernier ait conscience que ces intérêts et ces activités ont pour conséquence de soutenir le régime syrien. À cet égard, il convient de rappeler que la décision 2015/1836 a notamment introduit comme critère d'inscription objectif, autonome et suffisant celui de « femmes et hommes d'affaires influents exerçant leurs activités en Syrie ». Ainsi, le Conseil n'est plus tenu de démontrer l'existence d'un lien entre cette catégorie de personnes et le régime syrien, ni entre cette catégorie de personnes et le soutien apporté à ce régime ou le bénéfice tiré de ce dernier, ni encore que l'intéressé avait connaissance des conséquences de ses actions sur le régime syrien, étant donné que le fait d'être une femme ou un homme d'affaires influent exerçant ses activités en Syrie suffit pour appliquer les mesures restrictives en cause à une personne [voir, en ce sens, arrêts du 9 juillet 2020, Haswani/Conseil, C‑241/19 P, EU:C:2020:545, points 71 à 74 ; du 4 avril 2019, Sharif/Conseil, T‑5/17, EU:T:2019:216, points 55 et 56 (non publiés), et ordonnance du 11 septembre 2019, Haswani/Conseil, T‑231/15 RENV, non publiée, EU:T:2019:589, point 56].

–       Sur le lien avec le régime syrien

110    S'agissant du renversement de la présomption du lien avec le régime syrien, dans la mesure où la charge de la preuve du bien-fondé des motifs fondant les mesures restrictives incombe en principe au Conseil (voir point 44 ci-dessus), il ne saurait être imposé au requérant un niveau de preuve excessif afin de renverser la présomption de lien avec le régime syrien (voir, en ce sens, arrêt du 16 mars 2022, Sabra/Conseil, T‑249/20, EU:T:2022:140, points 132 et 133 et jurisprudence citée).

111    Ainsi, le requérant doit être considéré comme ayant réussi à renverser la présomption de lien avec le régime syrien s'il fait valoir des arguments ou des éléments susceptibles de remettre sérieusement en cause la fiabilité des éléments de preuve soumis par le Conseil ou leur appréciation, notamment au regard des conditions posées par l'article 27, paragraphe 3, et l'article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, ou s'il produit devant le juge de l'Union un faisceau d'indices de l'inexistence ou de la disparition du lien avec le régime syrien, ou de l'absence d'influence sur ledit régime, ou de l'absence d'association avec un risque réel de contournement des mesures restrictives, conformément à l'article 27, paragraphe 3, et à l'article 28, paragraphe 3, de cette décision (arrêts du 8 juillet 2020, Zubedi/Conseil, T‑186/19, EU:T:2020:317, point 71, et du 16 mars 2022, Sabra/Conseil, T‑249/20, EU:T:2022:140, points 132 et 133).

112    Premièrement, le requérant soutient qu'il demeure de manière permanente au Québec (Canada) depuis 2012 et qu'il ne s'est pas rendu en Syrie depuis lors. À cet égard, il suffit de relever que le fait de vivre en dehors de la Syrie ne constitue pas, en soi, une circonstance suffisante permettant d'affirmer ne pas être lié au régime syrien (voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2021, Al-Tarazi/Conseil, T‑260/19, non publié, EU:T:2021:187, point 149). En particulier, le requérant n'a ni avancé ni apporté d'indices selon lesquels le fait de se trouver au Canada l'empêche d'avoir des intérêts commerciaux et financiers en Syrie.

113    Deuxièmement, le requérant soutient que, à compter du mois de janvier 2020, tous ses biens meubles et immeubles et ceux de sa famille ont été saisis par le ministère des Finances syrien qui lui a également imposé une interdiction de voyager, ainsi que les annexes A.20 et A.21 à la requête le démontrent. Il ajoute que sa défense juridique devant les juridictions européennes lui aurait valu des représailles de la part des autorités syriennes se matérialisant par la décision de saisie du ministère des Finances syrien pour obtenir le paiement des redevances et des amendes dues au titre de l'affaire de contrebande de marchandises.

114    Tout d'abord, il convient de noter que les annexes A.20 et A.21 de la requête ne citent que le nom du requérant, sans faire référence aux membres de sa famille.

115    Ensuite, comme le souligne le Conseil sans être utilement contredit par le requérant, les décisions contenues dans ces annexes ont été adoptées en 2020 et visent à garantir les droits du Trésor public syrien à obtenir le paiement des redevances et des amendes dues au titre d'une même affaire liée à la contrebande de marchandises. Cette information est, pour le surplus, confirmée par le rapport de l'Institut universitaire européen produit par le Conseil. En outre, le requérant soutient de manière non étayée que, en dépit des recours formés par ses représentants, son patrimoine ne lui a toujours pas été restitué.

116    Ainsi, au regard des éléments de preuve fournis, rien ne permet d'affirmer que les avoirs du requérant sont effectivement saisis de manière définitive ou démontrent que ces mesures étaient encore en vigueur lors de l'adoption des actes attaqués.

117    Enfin, le lien de causalité entre la décision du ministère des Finances syrien contenue à l'annexe A.20 et les affaires ayant pour objet les arrêts du 11 septembre 2019, HX/Conseil (C‑540/18 P, non publié, EU:C:2019:707), et du 9 novembre 2017, HX/Conseil (C‑423/16 P, EU:C:2017:848), n'apparaît pas clairement. En l'absence de tout autre élément de preuve produit par le requérant pour confirmer cette causalité, la saisie de son patrimoine pour constituer une garantie et l'interdiction d'entrée sur le territoire syrien sous le même motif, dont il a pu faire l'objet, ne révèlent pas de manière manifeste une action entreprise par le régime syrien en guise de représailles liées à l'introduction de recours antérieurs. Partant, les annexes A.20 et A.21 ne fournissent pas d'informations suffisantes pour renverser la présomption de lien.

118    Troisièmement, en ce qui concerne l'argument du requérant relatif à son état de santé qui l'aurait empêché d'exercer des activités économiques importantes ou de soutenir le gouvernement syrien, sans se prononcer sur son état de santé, il importe de relever que les preuves produites ne justifient pas précisément que son état de santé à la date d'adoption des actes attaqués l'empêcherait d'exercer une quelconque activité.

119    Quatrièmement, en se fondant sur l'article du Syria Today, le requérant allègue qu'il est décrit comme ayant un rôle insignifiant et qui aurait diminué dans les deux ans précédant la date du dépôt de la réplique. Il ressort, certes, de cet élément de preuve ainsi que de l'article de la Brookings Institution que le requérant a pu être marginalisé. Cependant, il en ressort aussi que le requérant a volontairement accepté de jouer un rôle secondaire. D'ailleurs, il ressort de certains éléments de preuve, tels que le rapport du Syria Legal Development Programme, que le requérant figure encore parmi l'élite économique du régime. Partant, le requérant ne saurait prétendre ne plus avoir aucun lien avec le régime syrien.

120    Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas parvenu à renverser la présomption de lien avec le régime syrien, car il n'a fait état d'aucun indice concret permettant au Tribunal de considérer qu'il n'existait pas, ou plus, de lien entre lui et ledit régime, qu'il n'exerçait aucune influence sur le régime syrien et qu'il était étranger à tout risque réel de contournement des mesures restrictives.

121    Au vu de l'ensemble de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le premier motif d'inscription du nom du requérant sur les listes en cause, lié au statut d'homme d'affaires influent exerçant ses activités en Syrie, est suffisamment étayé.

122    Or, selon la jurisprudence, eu égard à la nature préventive des décisions adoptant des mesures restrictives, si le juge de l'Union considère que, à tout le moins, l'un des motifs mentionnés est suffisamment précis et concret, qu'il est étayé et qu'il constitue en soi une base suffisante pour soutenir cette décision, la circonstance que d'autres de ces motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l'annulation de ladite décision (voir arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 72 et jurisprudence citée).

123    Il s'ensuit que le premier moyen doit être écarté dans son ensemble sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur les arguments relatifs au second critère d'inscription.

 Sur les cinquième à septième moyens, tirés des violations du droit de propriété, du principe de proportionnalité, de la libre entreprise, du « droit à des conditions de vie normales » et d'une « atteinte grave au droit à la réputation »

124    En premier lieu, le requérant fait valoir que les actes attaqués violent son droit de propriété, le principe de proportionnalité et sa liberté d'entreprise, ainsi qu'ils sont prévus à l'article premier du protocole additionnel de la CEDH et à l'article 17 de la Charte. En deuxième lieu, les actes attaqués seraient contraires, d'une part, au droit à la vie de chacun et à l'interdiction de soumettre à la torture et à des peines inhumaines ou dégradantes, énoncées aux articles 2 et 4 de la Charte et, d'autre part, au droit à la vie et à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, ainsi qu'il est consacré aux articles 3 et 25 de la déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948. En troisième lieu, ces actes porteraient gravement atteinte au droit à la réputation, ainsi qu'il est visé à l'article 8 et à l'article 10, paragraphe 2, de la CEDH.

125    Le Conseil fait valoir que les moyens pris ensemble sont irrecevables en ce que le requérant n'apporte aucune précision quant à la manière disproportionnée dont les droits qu'il estime avoir été violés ont été limités. En outre, sur le fond, ils seraient non fondés.

126    En premier lieu, les cinquième à septième moyens sont recevables. En effet, contrairement à ce que soutient le Conseil, le requérant a visé les dispositions protégeant les droits fondamentaux invoqués et a indiqué en quoi le Conseil les aurait violés. En outre, il ressort en substance du mémoire en défense que le Conseil a été en mesure de répondre aux arguments du requérant. Dès lors, l'exposé des moyens répond aux exigences de l'article 76, sous d), du règlement de procédure, telles que précisées par la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêt du 3 mars 2022, WV/SEAE, C‑162/20 P, EU:C:2022:153, point 67 et jurisprudence citée).

127    En second lieu, il convient de rappeler que les droits fondamentaux invoqués par le requérant, à savoir le droit de propriété, consacré à l'article 17 de la Charte, la liberté d'exercer une activité économique, consacrée aux articles 15 et 16 de la Charte et, en substance, le droit au respect à la vie privée, tel que prévu par l'article 7 de la Charte, ne sont pas des prérogatives absolues et que leur exercice peut faire l'objet de restrictions justifiées par des objectifs d'intérêt général poursuivis par l'Union. Ainsi, toute mesure restrictive économique ou financière comporte, par définition, des effets qui affectent les droits de propriété et le libre exercice des activités professionnelles de la personne ou de l'entité qu'elle vise, causant ainsi des préjudices à cette dernière. L'importance des objectifs poursuivis par les mesures restrictives en cause est toutefois de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour les personnes ou les entités concernées (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2020, Haikal/Conseil, T‑189/19, non publié, EU:T:2020:607, point 115 et jurisprudence citée).

128    En outre, le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l'Union et qui est repris à l'article 5, paragraphe 4, TUE, exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l'Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (voir arrêt du 31 janvier 2019, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, C‑225/17 P, EU:C:2019:82, point 102 et jurisprudence citée).

129    En l'espèce, il est certes vrai que les droits du requérant sont restreints en partie du fait des mesures restrictives prises à son égard, dès lors qu'il ne peut pas disposer de ses fonds éventuellement situés sur le territoire de l'Union ni les transférer vers l'Union, sauf en vertu d'autorisations particulières. De même, les mesures restrictives visant le requérant peuvent avoir un impact sur ses éventuelles activités professionnelles en raison des mêmes motifs et des limitations prévues quant à l'entrée ou au passage en transit sur le territoire de l'Union. Elles portent également atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale et ont un impact sur sa réputation, dès lors qu'elles ont un impact sur ses conditions de vie.

130    Cependant, premièrement, l'adoption de mesures restrictives à l'encontre du requérant revêt un caractère adéquat, dans la mesure où elle s'inscrit dans un objectif d'intérêt général aussi fondamental pour la communauté internationale que la protection des populations civiles. En effet, le gel des fonds ainsi que l'interdiction d'entrer sur le territoire de l'Union concernant des personnes identifiées comme étant impliquées dans le soutien au régime syrien ne sauraient, en tant que tels, passer pour inadéquats (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 100 et jurisprudence citée).

131    À cet égard, il convient de rappeler que, si les mesures restrictives en cause ne visaient que les dirigeants du régime syrien, la réalisation des objectifs poursuivis par le Conseil aurait pu être mise en échec, ces dirigeants pouvant facilement obtenir le soutien, notamment financier, dont ils avaient besoin pour poursuivre ladite répression, par le biais d'autres personnes soutenant ce régime (voir, en ce sens, arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 147).

132    Ainsi, dès lors qu'il a été établi que le requérant est un homme d'affaires influent exerçant ses activités en Syrie et qu'il n'a pas renversé la présomption de lien avec le régime syrien, il ne saurait soutenir que l'adoption de mesures restrictives à son égard ne pourrait pas avoir un effet positif afin d'atteindre l'objectif défini au point 130 ci-dessus, ni que le Conseil a adopté les actes attaqués sans tenir compte de sa situation concrète et individuelle.

133    Deuxièmement, en ce qui concerne leur caractère nécessaire, il convient de constater que des mesures alternatives et moins contraignantes, telles qu'un système d'autorisation ou une obligation de justification a posteriori de l'usage des fonds versés, ne permettent pas aussi efficacement d'atteindre l'objectif poursuivi, à savoir l'exercice d'une pression sur les soutiens du régime syrien, notamment eu égard à la possibilité de contourner les restrictions imposées (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 101 et jurisprudence citée). Il en résulte que, étant donné l'importance primordiale du maintien de la paix et de la sécurité internationales, les restrictions aux droits du requérant causées par les actes attaqués sont justifiées par un objectif d'intérêt général et ne sont pas disproportionnées au regard des buts visés.

134    D'une part, cette conclusion n'est pas infirmée par l'argument du requérant selon lequel les mesures en cause le priveraient d'obtenir un traitement médical. En effet, la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et le règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, prévoient également que l'autorité compétente d'un État membre peut autoriser l'entrée sur son territoire, notamment pour des raisons urgentes d'ordre humanitaire, ce qui a pour effet de limiter l'atteinte portée au droit à la vie du requérant (arrêt du 12 février 2015, Akhras/Conseil, T‑579/11, non publié, EU:T:2015:97, point 151). En l'espèce, l'argument concernant le caractère fastidieux de la procédure d'octroi de dérogations ne permettant pas d'aller se faire soigner chez un des meilleurs médecins établis dans l'Union constitue une allégation non étayée qui doit être rejetée.

135    D'autre part, concernant l'hostilité dont le requérant et sa famille feraient l'objet et l'insécurité dans laquelle ils se trouveraient, de même que les menaces à leur vie et à leur santé auxquelles ils devraient faire face, force est de constater que le requérant n'a apporté aucun élément de nature à démontrer que les mesures prises à son égard ont eu de telles conséquences (arrêt du 16 décembre 2020, Haikal/Conseil, T‑189/19, non publié, EU:T:2020:607, point 173).

136    Au vu de tout ce qui précède, les cinquième à septième moyens doivent être rejetés comme étant non fondés et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

137    Aux termes de l'article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. En l'espèce, le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Hashem Anwar Akkad est condamné aux dépens.

Svenningsen

Mac Eochaidh

Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 mai 2025.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige et faits postérieurs à l'introduction du recours

Sur le maintien du nom du requérant sur les listes annexées aux actes de maintien de 2023

Sur le maintien du nom du requérant sur les listes annexées aux actes de maintien de 2024

Conclusions des parties

En droit

Sur le moyen nouveau présenté lors de l'audience

Sur le deuxième moyen, tiré d'une violation de l'obligation de motivation

Sur les premier et troisième moyens, tirés de la violation des droits de la défense, du droit à un procès équitable et du droit à un recours juridictionnel effectif

Sur le quatrième moyen, tiré d'une erreur d'appréciation

Considérations liminaires

Sur la fiabilité des éléments de preuve

Sur la pertinence des éléments de preuve

Sur l'examen du critère de l'homme d'affaires influent exerçant ses activités en Syrie

– Sur les intérêts économiques du requérant

– Sur le lien avec le régime syrien

Sur les cinquième à septième moyens, tirés des violations du droit de propriété, du principe de proportionnalité, de la libre entreprise, du « droit à des conditions de vie normales » et d'une « atteinte grave au droit à la réputation »

Sur les dépens


*      Langue de procédure : le bulgare.

© European Union
The source of this judgment is the Europa web site. The information on this site is subject to a information found here: Important legal notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.


BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: https://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2025/T50223.html