Portugal v Commission (EAGF and EAFRD - Expenditure excluded from financing - Basic payment scheme - Judgment) French Text [2025] EUECJ T-525/23 (19 March 2025)

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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2025/T52523.html
Cite as: ECLI:EU:T:2025:321, EU:T:2025:321, [2025] EUECJ T-525/23

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

19 mars 2025 (*)

« FEAGA et Feader - Dépenses exclues du financement - Régime de paiement de base - Première attribution des droits au paiement - Activation des droits au paiement - Erreur de droit »

Dans l’affaire T‑525/23,

République portugaise, représentée par Mmes P. Barros da Costa, H. Almeida, G. Gomes et M. N. Domingues, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme J. Aquilina et M. B. Rechena, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de Mme O. Porchia, présidente, MM. L. Madise et S. Verschuur (rapporteur), juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure, notamment la mesure d’organisation de la procédure du 18 juillet 2024 et la réponse de la Commission déposée au greffe du Tribunal le 29 juillet 2024,

à la suite de l’audience du 9 octobre 2024,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la République portugaise demande l’annulation partielle de la décision d’exécution (UE) 2023/1408 de la Commission, du 3 juillet 2023, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2023, L 170, p. 46, ci-après la « décision attaquée »), pour autant qu’elle la concerne à hauteur de 1 421 826,83 euros.

 Antécédents du litige

2        Dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’apurement de conformité prévu à l’article 52 du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1290/2005 et no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549) et à l’article 34 du règlement d’exécution (UE) no 908/2014 de la Commission, du 6 août 2014, portant modalités d’application du règlement no 1306/2013 en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les règles relatives aux contrôles, les garanties et la transparence (JO 2014, L 255, p. 59), la Commission européenne, par le biais des services de la direction générale (DG) « Agriculture et développement rural », a ouvert à l’encontre de la République portugaise une enquête portant la référence NAC/2019/003/PT (ci-après l’« enquête ») concernant, d’une part, la gestion et le contrôle des droits au paiement dans le cadre du régime de paiement de base et, d’autre part, la gestion et le contrôle du paiement en faveur des jeunes agriculteurs.

3        Dans le cadre de l’enquête, la DG « Agriculture et développement rural » a, entre le 1er et le 5 avril 2019, réalisé une mission d’audit au Portugal et, par la suite, rendu compte de ses constatations dans un courrier du 25 juillet 2019 portant la référence Ares (2019)4846866, conformément à l’article 34, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 908/2014 (ci-après la « lettre de constatations »).

4        Dans la lettre de constatations, la DG « Agriculture et développement rural » a fait état de différentes défaillances constatées dans le cadre de trois contrôles clés, lesquelles, selon elle, étaient de nature à engendrer un risque accru pour le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et pour le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (ci-après les « Fonds »). Lesdites défaillances avaient trait, notamment, aux « contrôles administratifs concernant les droits au paiement au titre du régime de paiement de base ».

5        À la suite du désaccord avec les conclusions incluses dans la lettre de constatations exprimé par les autorités portugaises dans un courrier du 25 octobre 2019, la DG « Agriculture et développement rural » a, par courrier du 28 février 2020 portant la référence Ares (2020)1254214, convoqué lesdites autorités à une réunion bilatérale, laquelle a eu lieu le 17 mars 2020.

6        À la suite de la réunion du 17 mars 2020 et des échanges qui ont suivi, la DG « Agriculture et développement rural » a, par courrier du 17 décembre 2021 portant la référence Ares (2021)7825337, communiqué aux autorités portugaises les conclusions préliminaires de l’enquête au titre de l’article 34, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement d’exécution no 908/2014, selon lesquelles, d’une part, les défaillances constatées dans le cadre des premier et deuxième contrôles clés avaient engendré un risque pour les Fonds pour les années de demande 2016 à 2020 et, d’autre part, le troisième contrôle clé pouvait être clos.

7        En particulier, dans le cadre du premier contrôle clé, relatif aux « contrôles administratifs concernant les droits au paiement au titre du régime de paiement de base », la DG « Agriculture et développement rural » a constaté deux violations, concernant, notamment, la « détermination/attribution incorrecte du nombre de droits au paiement en 2015 ».

8        Par un courrier du 17 mai 2022 portant la référence Ares (2022)3720098, l’organe de conciliation, prévu à l’article 36 du règlement d’exécution no 908/2014, a envoyé aux parties son rapport dans lequel il a conclu que les conditions objectives pour proposer une conciliation n’étaient pas réunies.

9        Par un courrier du 12 août 2022 portant la référence Ares (2022)5717784, la DG « Agriculture et développement rural » a communiqué aux autorités portugaises, conformément à l’article 34, paragraphe 4, du règlement d’exécution no 908/2014, ses conclusions finales, dans lesquelles elle a confirmé que les défaillances constatées dans le cadre des premier et second contrôles clés avaient engendré un risque pour les Fonds.

10      Pour ces raisons, la DG « Agriculture et développement rural » a écarté du financement de l’Union le montant brut total de 11 043 857,00 euros, ce qui, compte tenu des montants déjà récupérés à la suite des enquêtes antérieures (à savoir les enquêtes XC/2015/012/PT, NAC/2016/004/PT-NAC/2016/017/PT, XC/2018/008/PT et AA/2018/018/PT), a conduit à une correction financière nette de 10 581 193,52 euros.

 Conclusions des parties

11      La République portugaise conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler partiellement la décision attaquée, pour autant qu’elle la concerne à hauteur de 1 421 826,83 euros ;

–        condamner la Commission aux dépens.

12      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République portugaise aux dépens.

 En droit

13      Dans le cadre du recours, la République portugaise invoque trois moyens qui visent uniquement la première violation constatée par la Commission dans le cadre du premier contrôle clé relatif aux « contrôles administratifs concernant les droits au paiement au titre du régime de paiement de base », laquelle concerne la « détermination/attribution incorrecte du nombre de droits au paiement en 2015 ».

14      Ainsi, dans le cadre du premier moyen, la République portugaise invoque, en substance, une erreur de droit commise par la Commission dans l’interprétation des dispositions relatives à l’attribution des droits au paiement. Dans le cadre du deuxième moyen, elle soulève une erreur de droit commise par la Commission dans l’interprétation des dispositions relatives à l’activation des droits au paiement. Dans le cadre du troisième moyen, elle invoque une violation du principe de proportionnalité.

15      Il convient d’examiner conjointement les arguments soulevés par la République portugaise à l’appui des premier et deuxième moyens en ce qui concerne l’attribution des droits au paiement et l’activation desdits droits.

 Observations liminaires

16      À titre liminaire, il y a lieu de constater que, lors de l’introduction du régime de paiement de base, en 2015, la République portugaise a décidé d’attribuer de nouveaux droits au paiement à partir de cette année-là, conformément à l’article 21 du règlement (UE) no 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) no 637/2008 du Conseil et le règlement (CE) no 73/2009 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 608).

17      Pour cette première attribution des droits au paiement, la République portugaise a prévu, conformément à l’article 12, paragraphe 1, et à l’article 22, paragraphe 2, du règlement d’exécution (UE) no 809/2014 de la Commission du 17 juillet 2014 établissant les modalités d’application du règlement no 1306/2013 en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les mesures en faveur du développement rural et la conditionnalité (JO 2014, L 227, p. 69), que la demande d’attribution des droits au paiement et la demande d’aide au titre du régime de paiement de base soient présentées simultanément dans la demande unique prévue à l’article 11 du règlement délégué (UE) no 640/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant le règlement no 1306/2013 en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les conditions relatives au refus ou au retrait des paiements et les sanctions administratives applicables aux paiements directs, au soutien au développement rural et à la conditionnalité (JO 2014, L 181, p. 48).

18      Dans cette demande unique, les agriculteurs devaient indiquer, notamment, la totalité des hectares admissibles de leur exploitation, en vertu de l’article 72, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), du règlement no 1306/2013, ainsi que, dans l’hypothèse où ils souhaitaient recevoir des droits au paiement au titre du régime de paiement de base, les droits au paiement déclarés en vue de leur activation, en vertu de l’article 72, paragraphe 1, premier alinéa, sous b), dudit règlement.

19      Au Portugal, les agriculteurs étaient tenus de soumettre ladite demande par le biais d’un système électronique, qui générait un formulaire dans lequel des informations pertinentes sur chaque parcelle de l’exploitation de l’agriculteur étaient préremplies. Lesdites informations proviennent d’une base de données qui applique les critères d’admissibilité de façon automatique à chaque parcelle, la véracité de ces données étant vérifiée régulièrement par les autorités portugaises. Ainsi, la totalité des hectares admissibles de l’exploitation, au sens de l’article 72, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), du règlement no 1306/2013, est téléchargée sur ledit formulaire électronique sans intervention de l’agriculteur.

20      Dans le cadre de la première attribution des droits au paiement en 2015, l’agriculteur devait indiquer dans ledit formulaire, pour chacun des régimes de soutien auxquels il était éligible, tel que le régime de paiement de base, s’il souhaitait, ou non, recevoir des droits au paiement.

21      Dans une autre partie du même formulaire, il était possible pour l’agriculteur d’indiquer les hectares pour lesquels il souhaitait demander un paiement en déclarant les droits au paiement en vue de leur activation au sens de l’article 72, paragraphe 1, premier alinéa, sous b), du règlement no 1306/2013, même si, à ce stade, il ne savait pas encore dans quelle mesure il obtiendrait de tels droits.

22      C’est dans ce contexte que, en 2015, certains agriculteurs portugais ont déclaré dans ledit formulaire des droits au paiement en vue de leur activation au sens de l’article 72, paragraphe 1, premier alinéa, sous b), du règlement no 1306/2013, pour un nombre d’hectares inférieur au nombre total d’hectares admissibles de leur exploitation, indiqués dans le même formulaire en vertu de l’article 72, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), dudit règlement.

23      Néanmoins, la République portugaise a attribué les droits au paiement sur la base de la totalité des hectares admissibles indiquée dans le formulaire soumis par l’agriculteur en vertu de l’article 72, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), du règlement no 1306/2013 même si l’agriculteur n’avait déclaré de tels droits en vue de leur activation, au sens de l’article 72, paragraphe 1, premier alinéa, sous b), dudit règlement, que pour une partie des hectares admissibles.

24      Ainsi, selon la Commission, en attribuant des droits au paiement sur la base de la totalité des hectares admissibles déclarés par l’agriculteur dans la demande d’attribution desdits droits bien que, dans la déclaration des droits au paiement en vue de leur activation, l’agriculteur n’ait déclaré de tels droits que pour une partie des hectares admissibles, la République portugaise a violé l’article 24, paragraphes 2 et 4, et l’article 33 du règlement no 1307/2013, l’article 15 du règlement délégué (UE) no 639/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant le règlement no 1307/2013 et modifiant l’annexe X dudit règlement (JO 2014, L 181, p. 1) et l’article 2, paragraphe 1, second alinéa, point 23, sous a), du règlement délégué no 640/2014.

25      En effet, selon la Commission, les droits au paiement attribués devaient être considérés comme activés au cours de l’année de demande 2015. Par conséquent, toute différence entre le nombre de droits au paiement attribués en 2015 et le nombre de droits au paiement activés dans ladite année serait contraire à la réglementation applicable.

26      Le présent recours ne porte que sur cette violation et la correction financière y afférente.

 Sur les premier et deuxième moyens, relatifs à des erreurs de droit commises par la Commission dans l’interprétation des dispositions concernant l’attribution des droits au paiement et l’activation des droits au paiement

27      Dans le cadre des premier et deuxième moyens, la République portugaise conteste l’existence de la violation des dispositions mentionnées au point 24 ci-dessus et soutient qu’il découle de l’article 24, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013 que les droits au paiement doivent être attribués sur la base de la totalité des hectares admissibles que l’agriculteur avait déclarés dans sa demande d’aide conformément à l’article 72, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), du règlement no 1306/2013 et non sur la base du nombre d’hectares que l’agriculteur avait déclarés en vue de leur activation conformément à l’article 72, paragraphe 1, premier alinéa, sous b), dudit règlement, comme cela est soutenu par la Commission.

28      Cela serait confirmé par le considérant 21 du règlement no 1307/2013 ainsi que par le considérant 15 et l’article 15, paragraphe 1, du règlement délégué no 639/2014, lesquels prévoiraient que l’attribution des droits au paiement doit être fondée sur le nombre total d’hectares admissibles, conformément à la définition de l’article 2, paragraphe 1, second alinéa, point 23, sous a), du règlement délégué no 640/2013, à la disposition de l’agriculteur en 2015.

29      En outre, la République portugaise fait valoir que la Commission a conclu, à tort, à une violation de l’article 33 du règlement no 1307/2013, puisque cet article concerne la déclaration des hectares admissibles en vue de leur activation et non l’attribution des droits au paiement en 2015, laquelle est réglementée par les articles 21 à 29 du règlement no 1307/2013.

30      La Commission soutient que les droits au paiement auraient dû être attribués sur la base du nombre d’hectares déclaré par l’agriculteur en vue de leur activation en 2015, plutôt que sur la base de la totalité des hectares admissibles indiquée dans la demande d’aide de l’agriculteur. En effet, compte tenu de l’article 24 du règlement no 1307/2013 et de l’article 72 du règlement no 1306/2013, les droits au paiement ne devraient être attribués que dans la mesure où de tels droits avaient été activés en 2015, simultanément avec la demande d’attribution.

31      En réponse, la République portugaise fait valoir que le processus d’activation des droits au paiement pour les hectares pour lesquels les agriculteurs souhaitent obtenir un paiement est distinct de celui de la première attribution de tels droits en 2015.

32      À cet égard, d’une part, la République portugaise souligne que l’article 21 du règlement no 1307/2013 indique qu’il est nécessaire qu’un agriculteur obtienne au préalable des droits au paiement, faute de quoi il n’est pas possible d’obtenir un quelconque paiement.

33      D’autre part, la République portugaise soutient que l’article 32 du règlement no 1307/2013 n’oblige pas l’agriculteur à activer tous les droits au paiement qui lui ont été attribués. En effet, il découlerait de l’article 31 du règlement no 1307/2013 que de tels droits qui n’ont pas été activés au cours de deux années consécutives sont reversés à la réserve nationale.

34      La Commission fait valoir que les articles 21, 31 et 32 du règlement no 1307/2013 confirment que l’objectif de l’obtention des droits au paiement est de recevoir le paiement auquel ceux-ci donnent droit. Or, à cet effet, de tels droits devraient nécessairement être activés sur la base de la déclaration visée à l’article 33 du règlement no 1307/2013.

35      En ce qui concerne la première attribution des droits au paiement, il convient d’observer ce qui suit.

36      Tout d’abord, il convient de constater, à l’instar de la République portugaise, que l’article 24, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013 prévoit que la première attribution des droits au paiement est effectuée sur la base du nombre d’hectares admissibles au titre du régime d’aide en cause indiqué dans la demande d’aide, conformément à l’article 72, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), du règlement no 1306/2013. Dans le cadre de ladite demande, l’agriculteur n’a toutefois pas la possibilité de choisir les parcelles pour lesquelles il se voit attribuer des droits au paiement, car ledit article prévoit que l’agriculteur doit y déclarer toutes les parcelles de son exploitation, ce que la Commission a, au demeurant, confirmé dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure du 18 juillet 2024.

37      Dans ce cadre, ensuite, il convient de rappeler que l’article 24, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013 fait spécifiquement référence à l’article 72, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), du règlement no 1306/2013 et que l’article 72, paragraphe 1, premier alinéa, sous b), dudit règlement vise l’activation des droits au paiement. Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la Commission, le nombre de droits au paiement à attribuer à un agriculteur ne devait pas être déterminé sur la base du nombre de droits au paiement déclarés par l’agriculteur en vue de leur activation en 2015, mais sur la base de la totalité des parcelles admissibles déclarées par l’agriculteur en vertu de l’article 72, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), du règlement no 1306/2013.

38      En outre, comme la République portugaise le fait valoir à juste titre, l’article 15, paragraphe 1, du règlement délégué no 639/2014 confirme que, afin d’établir le nombre de droits au paiement à attribuer en vertu de l’article 24, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013, seuls les hectares admissibles au titre du régime d’aide en cause déterminés en vertu de l’article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa, point 23, sous a), du règlement délégué no 640/2014 sont pris en considération.

39      Enfin, s’agissant de l’article 33 du règlement no 1307/2013, il suffit de constater, à l’instar de la République portugaise, que cet article concerne l’activation des droits au paiement et non leur attribution, qui fait l’objet du présent recours.

40      Il s’ensuit que l’attribution des droits au paiement au titre du régime de paiement de base en 2015 devait être fondée sur la totalité des hectares admissibles au sens dudit régime indiquée dans la demande d’aide de l’agriculteur, conformément à l’article 72, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), du règlement no 1306/2013, ce que la République portugaise a fait, comme la Commission l’a par ailleurs reconnu lors de l’audience.

41      Ainsi, il convient de constater que la République portugaise a respecté l’article 24, paragraphes 2 et 4, et l’article 33 du règlement no 1307/2013, l’article 15 du règlement délégué no 639/2014 et l’article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa, point 23, sous a), du règlement délégué no 640/2014.

42      Or, en faisant référence aux articles 21, 32 et 33 du règlement no 1307/2013, la Commission soutient que la manière dont la République portugaise a attribué les droits au paiement est illogique, puisqu’un agriculteur n’aurait aucun intérêt à demander l’attribution d’un certain nombre de droits au paiement pour, par la suite, ne pas en activer l’intégralité.

43      Ainsi, la Commission fait valoir, en substance, que la finalité du système d’attribution et d’activation des droits au paiement exclut que, dans l’année de leur première attribution en 2015, il ait existé une différence entre le nombre de droits attribués et le nombre de droits activés.

44      Certes, à l’instar de la Commission, il peut être supposé que les agriculteurs ont tout intérêt à activer l’intégralité des droits au paiement qui leur ont été attribués afin de recevoir l’aide correspondante. Toutefois, comme il est également indiqué par la Commission, il peut y avoir des situations dans lesquelles les agriculteurs ne déclarent pas la totalité de leurs droits au paiement en vue de leur activation, par exemple en raison d’un changement d’activité ou d’un manque de moyens.

45      Quant au cas spécifique de la République portugaise en 2015, il convient de rappeler que l’existence d’une différence entre le nombre de droits attribués et le nombre de droits activés, laquelle ne concernait qu’une petite partie des hectares admissibles au titre du régime de paiement de base, ainsi que cela est ressorti de l’audience, pourrait s’expliquer par le fait qu’il n’était pas encore possible de savoir dans quelle mesure les agriculteurs obtiendraient des droits au paiement quand ils ont déclaré les hectares pour lesquels ils souhaitaient activer de tels droits en vertu de l’article 72, paragraphe 1, premier alinéa, sous b), du règlement no 1306/2013 (voir points 21 et 22 ci-dessus).

46      En outre, il convient de constater que, contrairement à ce que suggère la Commission, l’article 21 du règlement no 1307/2013, relatif à l’établissement du régime de paiement de base, ainsi que les articles 32 et 33 dudit règlement, qui concernent la mise en œuvre de ce régime, n’excluent pas non plus l’existence d’une différence entre, d’une part, le nombre d’hectares déclaré par l’agriculteur aux fins de l’attribution des droits au paiement et, d’autre part, celui déclaré aux fins de l’activation de tels droits.

47      Au contraire, il résulte des articles 21, 32 et 33 du règlement no 1307/2013 que la première attribution des droits au paiement et leur activation sont deux étapes distinctes dans le cadre du régime de paiement de base. Même si, comme la Commission le rappelle à juste titre, pour les agriculteurs, le but dudit régime est de recevoir une aide qui ne peut être octroyée que si les droits au paiement sont activés, il n’en reste pas moins que l’activation des droits au paiement intervient séparément de leur attribution, de sorte que l’activation n’est pas susceptible d’affecter l’attribution.

48      Enfin, il ne ressort nullement des articles 21, 32 et 33 du règlement no 1307/2013 que le nombre d’hectares déclaré par l’agriculteur aux fins de l’attribution des droits au paiement doit, par définition, être identique à celui déclaré aux fins de l’activation de tels droits, ni qu’il en était autrement en 2015, l’année de la première attribution desdits droits.

49      Au vu de ce qui précède, il convient d’accueillir les premier et deuxième moyens soulevés par la République portugaise et, par conséquent, d’annuler la décision attaquée dans la mesure où elle écarte du financement de l’Union certaines dépenses de la République portugaise à hauteur de 1 421 826,83 euros, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le troisième moyen.

 Sur les dépens

50      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

51      En l’espèce, la Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la République portugaise.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision d’exécution (UE) 2023/1408 de la Commission, du 3 juillet 2023, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), est annulée dans la mesure où elle écarte du financement de l’Union européenne certaines dépenses de la République portugaise à hauteur de 1 421 826,83 euros.

2)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Porchia

Madise

Verschuur

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 mars 2025.

Signatures


*      Langue de procédure : le portugais.

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