bonnanwalt v EUIPO - Bayerischer Rundfunk e. a. (tagesschau) (EU trade mark - Judgment) French Text [2025] EUECJ T-83/20RENV (30 April 2025)

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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: https://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2025/T8320RENV.html
Cite as: [2025] EUECJ T-83/20RENV, EU:T:2025:415, ECLI:EU:T:2025:415

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

30 avril 2025 (*)

« Marque de l'Union européenne - Procédure de déchéance - Marque de l'Union européenne verbale tagesschau - Usage sérieux de la marque - Article 18, paragraphe 1, premier alinéa, et article 58, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001 - Obligation de motivation - Droit d'être entendu - Article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 »

Dans l'affaire T‑83/20 RENV,

bonnanwalt Vermögens- und Beteiligungsgesellschaft mbH, établie à Bonn (Allemagne), représentée par Me T. Wendt, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Hanf, en qualité d'agent,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. F. Erlbacher et C. Urraca Caviedes, en qualité d'agents,

partie intervenante,

les autres parties à la procédure devant la chambre de recours de l'EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Bayerischer Rundfunk, établie à Munich (Allemagne), et les autres parties intervenantes dont les noms figurent en annexe (1), représentées par Me B. Krause, avocate,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. R. Mastroianni, président, Mme M. Brkan (rapporteure) et M. S. L. Kalėda, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu l'arrêt du 30 janvier 2024, bonnanwalt/EUIPO (C‑580/22 P, non publié, EU:C:2024:101),

vu la phase écrite de la procédure,

vu l'absence de demande de fixation d'une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l'article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l'article 263 TFUE, la requérante, bonnanwalt Vermögens- und Beteiligungsgesellschaft mbH, demande l'annulation et la réformation de la décision de la deuxième chambre de recours de l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 12 décembre 2019 (affaire R 1487/2019-2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 15 novembre 2017, la requérante a présenté à l'EUIPO une demande en déchéance de la marque de l'Union européenne ayant été enregistrée le 27 septembre 2012, à la suite d'une demande déposée le 2 septembre 2011, pour le signe verbal tagesschau.

3        Les produits et services couverts par la marque contestée pour lesquels la déchéance était demandée relevaient des classes 9, 16, 21, 25, 26, 28, 38, 41 et 42, au sens de l'arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l'enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, en particulier pour les services relevant de la classe 41, à la description suivante : « Éducation ; formation ; activités sportives et culturelles ».

4        Le motif invoqué à l'appui de la demande en déchéance était celui visé à l'article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l'Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), à savoir l'absence d'un usage sérieux de la marque contestée pendant une période ininterrompue de cinq ans pour les produits et les services pour lesquels celle-ci avait été enregistrée.

5        Les 9 avril et 17 août 2018, les intervenantes autres que la Commission européenne, Bayerischer Rundfunk et les autres parties intervenantes dont les noms figurent en annexe, ont produit devant l'EUIPO plusieurs documents en vue de prouver l'usage sérieux de la marque contestée.

6        Le 15 mai 2019, la division d'annulation a partiellement accueilli la demande en déchéance. À ce titre, elle a prononcé la déchéance de la marque contestée pour tous les produits et les services visés au point 3 ci-dessus, à l'exception des services relevant de la classe 41 et correspondant à la description suivante : « Production et diffusion d'émissions et de programmes d'actualités ».

7        Le 12 juillet 2019, la requérante a formé un recours auprès de l'EUIPO contre la décision de la division d'annulation en ce qui concerne les services visés au point 6 ci-dessus, pour lesquels la demande en déchéance de la marque contestée avait été rejetée.

8        Par la décision attaquée, la chambre de recours a partiellement accueilli le recours et a prononcé la déchéance de la marque contestée avec effet au 15 novembre 2017, à l'exception des services de « diffusion d'émissions et de programmes d'actualités » relevant de la classe 41, pour lesquels un usage sérieux de la marque avait été démontré. Ainsi, contrairement à la division d'annulation, elle a prononcé la déchéance de ladite marque pour les services de « production d'émissions et de programmes d'actualités » relevant de la même classe.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en tant que la chambre de recours a rejeté la demande en déchéance de la marque contestée pour les services de « diffusion d'émissions et de programmes d'actualités » compris dans la classe 41 ;

–        déclarer la déchéance de ladite marque ;

–        condamner les intervenantes autres que la Commission aux dépens, y compris ceux exposés devant la chambre de recours.

10      L'EUIPO conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens si une audience est organisée.

11      Les intervenantes autres que la Commission concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

12      La Commission, jouissant de la qualité d'intervenant devant le Tribunal après avoir joui de cette qualité dans le cadre de la procédure de pourvoi devant la Cour ayant donné lieu à l'arrêt du 30 janvier 2024, bonnanwalt/EUIPO (C‑580/22 P, non publié, EU:C:2024:101), a renoncé à présenter un mémoire en intervention dans le cadre de la présente procédure.

 En droit

13      À l'appui du recours, la requérante invoque, en substance, trois moyens, tirés, le premier, de la violation de l'article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l'article 18, paragraphe 1, premier alinéa, dudit règlement, le deuxième, de la violation de l'obligation de motivation et, le troisième, de la violation du droit d'être entendu.

14      Le Tribunal estime opportun d'examiner d'abord, ensemble, les deuxième et troisième moyens.

 Sur les deuxième et troisième moyens, tirés de violations de l'obligation de motivation et du droit d'être entendu

15      La requérante estime que la chambre de recours a manqué à son obligation de motivation de la décision attaquée. Selon elle, ladite chambre n'a pas expliqué de manière suffisante et compréhensible le raisonnement de cette décision.

16      En particulier, la chambre de recours n'aurait, d'une part, avancé aucun motif permettant de légitimer la prise en compte d'un usage de la marque contestée en dehors de la période pertinente. Or, selon la requérante, le recours exceptionnel à une telle pratique sans justification et sans avertir les parties constitue une violation du droit d'être entendu. D'autre part, ladite chambre n'aurait constaté aucune utilisation concrète de ladite marque, car elle se serait contentée de faire une référence globale à l'« annexe 2 avec, notamment, la “preuve 7” » produite par les intervenantes autres que la Commission devant la division d'annulation, ce qui ne saurait se prêter à un contrôle juridique.

17      L'EUIPO et les intervenantes autres que la Commission contestent les arguments de la requérante.

18      Aux termes de l'article 94, paragraphe 1, première et deuxième phrases, du règlement 2017/1001, les décisions de l'EUIPO sont motivées et ne peuvent être fondées que sur des motifs ou des preuves au sujet desquels les parties ont pu prendre position.

19      Il convient de rappeler que l'obligation de motivation qui s'impose à la chambre de recours, qui découle notamment de l'article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, a pour double objectif de permettre, d'une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d'autre part, au juge de l'Union d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision [voir arrêt du 19 décembre 2019, Currency One/EUIPO - Cinkciarz.pl (CINKCIARZ), T‑501/18, EU:T:2019:879, point 67 et jurisprudence citée].

20      L'obligation de motivation qui s'impose à la chambre de recours a la même portée que celle découlant de l'article 296, deuxième alinéa, TFUE, lequel exige que la motivation fasse apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'auteur de l'acte, sans qu'il soit nécessaire que cette motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait auxdites exigences devant cependant être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, point 65 et jurisprudence citée).

21      En outre, l'obligation de motivation constitue une formalité substantielle, qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l'acte litigieux. En effet, la motivation d'une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d'erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés. Il s'ensuit que les griefs et arguments visant à contester le bien-fondé de l'acte litigieux sont dénués de pertinence dans le cadre d'un moyen tiré du défaut ou de l'insuffisance de la motivation [voir arrêts du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 85 et jurisprudence citée, et du 23 septembre 2020, CEDC International/EUIPO - Underberg (Forme d'un brin d'herbe dans une bouteille), T‑796/16, EU:T:2020:439, point 187 (non publié) et jurisprudence citée].

22      Par ailleurs, il faut également rappeler que la deuxième phrase de l'article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 consacre, dans le cadre du droit des marques de l'Union européenne, le principe général de protection des droits de la défense, qui englobe le droit d'être entendu. En vertu de ce principe général du droit de l'Union, les destinataires des décisions des autorités publiques qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue [voir arrêt du 14 septembre 2022, Privatbrauerei Eichbaum/EUIPO - Anchor Brewing Company (STEAM), T‑609/21, non publié, EU:T:2022:563, point 34 et jurisprudence citée].

23      Premièrement, il convient de constater que la chambre de recours a estimé que les intervenantes autres que la Commission avaient prouvé que la marque contestée avait été utilisée, notamment durant la période pertinente, en tant que marque et pour les services pour lesquels celle-ci avait été enregistrée. À cet égard, ladite chambre a cité plusieurs éléments de preuve produits par ces intervenantes pour fonder ses considérations. Or, ces indications sont suffisantes pour permettre, d'une part, à la requérante de comprendre le raisonnement de la chambre de recours et de le contester et, d'autre part, au juge de l'Union d'exercer son contrôle. Dès lors, l'appréciation de cette chambre n'est pas entachée d'un vice de motivation.

24      L'argument de la requérante selon lequel la chambre de recours s'est contentée de faire une référence globale à l'« annexe 2 avec, notamment, la “preuve 7” » ne saurait remettre en cause cette conclusion, compte tenu, en particulier, du fait que cet élément de preuve n'était pas le seul cité par ladite chambre.

25      Deuxièmement, même à supposer que la chambre de recours ait pris en compte des éléments de preuve ne relevant pas de la période pertinente « sans avertir les parties », cela ne saurait être interprété comme une violation du droit d'être entendu.

26      En effet, il y a lieu de relever que la chambre de recours a examiné les mêmes éléments de preuve que la division d'annulation. S'il est vrai que cette dernière a fait état, dans sa décision, d'une description plus détaillée desdits éléments et de plus de références à ceux-ci que ladite chambre dans la décision attaquée, il n'en demeure pas moins que cette division, qui a maintenu la protection de la marque contestée pour non seulement la « diffusion d'émissions et de programmes d'actualités », mais aussi pour la « production » de ceux-ci, a constaté que certains éléments de preuve ne relevaient pas de la période pertinente, et y a également fait référence.

27      Or, la requérante n'allègue pas avoir été empêchée, durant la procédure administrative, d'exprimer son point de vue sur une telle considération de la division d'annulation.

28      Troisièmement, en critiquant la prise en compte, prétendument exceptionnelle et sans justification, d'éléments de preuve postérieurs à la période pertinente, la requérante se borne à présenter des arguments qui, n'ayant pas trait à la motivation de la décision attaquée, mais visant à contester son bien-fondé, sont inopérants à l'appui des présents moyens.

29      Par conséquent, les présents moyens doivent être rejetés comme étant non fondés.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l'article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l'article 18, paragraphe 1, premier alinéa, de ce règlement

30      La requérante reproche à la chambre de recours d'avoir conclu que l'usage sérieux de la marque contestée avait été prouvé pour les services de « diffusion d'émissions et de programmes d'actualités » relevant de la classe 41. Elle estime que la déchéance de ladite marque doit également être déclarée pour ces services.

31      L'EUIPO et les intervenantes autres que la Commission contestent les arguments de la requérante.

32      Aux termes de l'article 18, paragraphe 1, premier alinéa, et de l'article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, le titulaire de la marque de l'Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l'EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, si pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux dans l'Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et s'il n'existe pas de justes motifs pour le non-usage.

33      Selon une jurisprudence constante, une marque fait l'objet d'un usage sérieux, au sens de l'article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lorsqu'elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir l'identité d'origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et ces services, à l'exclusion d'usages à caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (arrêt du 3 juillet 2019, Viridis Pharmaceutical/EUIPO, C‑668/17 P, EU:C:2019:557, point 38 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43). De plus, la condition relative à l'usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu'elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l'extérieur [voir arrêt du 4 avril 2019, Hesse et Wedl & Hofmann/EUIPO (TESTA ROSSA), T‑910/16 et T‑911/16, EU:T:2019:221, point 29 et jurisprudence citée].

34      L'appréciation du caractère sérieux de l'usage de la marque doit reposer sur l'ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l'exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l'étendue et la fréquence de l'usage de la marque [arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 40 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43].

35      Enfin, il convient de rappeler que, dans le cadre d'une procédure de déchéance d'une marque, c'est au titulaire de cette dernière qu'il incombe, en principe, d'établir l'usage sérieux de ladite marque (voir arrêt du 23 janvier 2019, Klement/EUIPO, C‑698/17 P, non publié, EU:C:2019:48, point 57 et jurisprudence citée).

36      Dans le cadre de l'appréciation des preuves de l'usage sérieux d'une marque, il ne s'agit pas d'analyser chacune des preuves de façon isolée, mais conjointement, afin d'en identifier le sens le plus probable et le plus cohérent. Ainsi, même si la valeur probante d'un élément de preuve est limitée dans la mesure où, pris isolément, il ne démontre pas avec certitude si les produits concernés ont été mis sur le marché et comment ils l'ont été et si cet élément n'est dès lors pas décisif à lui seul, il peut néanmoins être pris en compte dans l'appréciation globale du caractère sérieux de l'usage de la marque concernée. Il en va ainsi, par exemple, lorsque cet élément vient s'ajouter à d'autres éléments de preuve [voir, en ce sens, arrêts du 9 décembre 2014, Inter-Union Technohandel/OHMI – Gumersport Mediterranea de Distribuciones (PROFLEX), T‑278/12, EU:T:2014:1045, points 64 à 69, et du 7 septembre 2016, Victor International/EUIPO – Ovejero Jiménez et Becerra Guibert (VICTOR), T‑204/14, non publié, EU:T:2016:448, point 74].

37      Afin d'étayer la preuve de l'usage de la marque contestée, les intervenantes autres que la Commission ont produit, lors de la procédure administrative, les éléments de preuve suivants :

–        annexe 1 : un extrait du site Internet « tagesschau.de », contenant une affirmation selon laquelle, le 9 avril 2018, l'émission Tagesschau avait atteint 11,7 millions de téléspectateurs, ce qui correspondait à 38,2% de parts de marché ;

–        annexe 2 : une déclaration sur l'honneur, du 20 mars 2018, du premier rédacteur en chef de la division principale ARD-Aktuell auprès du Norddeutscher Rundfunk (NDR) et responsable des émissions Tagesschau, Tagesthemen, Nachtmagazin, de la chaîne d'informations tagesschau24 et du portail d'informations « tagesschau.de », à laquelle ont également été joints les éléments suivants :

–        preuve 1 : un document montrant des séquences de l'émission Tagesschau du 1er au 17 janvier 2018 ;

–        preuve 2 : un extrait du site Internet « fernsehserien.de » montrant le nombre de retransmissions de l'émission Tagesschau à la télévision du 10 au 13 novembre 2017 ;

–        preuve 3 : un document interne présentant une liste des audiences moyennes et des parts de marché de l'émission Tagesschau entre 2012 et 2017 ;

–        preuve 4 : un document présentant des statistiques sur le nombre moyen de visionnages quotidiens de vidéos via les plateformes en ligne Tagesschau Web, ARD Mediathek, tagessschau YouTube-Channel et Facebook entre 2015 et 2017 ;

–        preuve 5 : un document présentant des statistiques sur le nombre moyen de visiteurs quotidiens de la plateforme en ligne Tagesschau Web et de l'application Tagesschau App entre 2012 et 2017 ;

–        preuve 6 : un extrait des pages Twitter, Facebook, Instagram et YouTube relatives à l'émission Tagesschau montrant le nombre d'utilisateurs de celles-ci ;

–        preuve 7 : des communiqués de presse relatifs à l'émission Tagesschau, publiés par elles entre 2013 et 2017 ;

–        preuve 8 : des articles de presse sur l'émission Tagesschau entre 2012 et 2017.

–        annexe 3 : deux captures d'écran de l'émission Tagesschau du 9 avril 2018, laissant apparaître le mot « tagesschau » en arrière-plan du présentateur du journal télévisé ;

–        annexe 4 : deux extraits du site Internet « ardmediathek.de », montrant la liste des retransmissions de l'émission Tagesschau diffusées à différentes dates entre 2013 et 2014 ;

–        annexe 5 : un document présentant les statistiques par pays sur l'accès au site Internet « tagesschau.de » et à l'application Tagesschau App entre 2012 et 2017.

38      En l'espèce, la chambre de recours a constaté que la période pertinente pendant laquelle l'usage sérieux de la marque contestée doit être prouvé s'étend du 15 novembre 2012 au 14 novembre 2017, ce qui n'est pas contesté par la requérante.

39      Il n'est pas non plus contesté que l'usage de la marque contesté avait eu lieu en Allemagne, ce qui constitue une partie considérable de l'Union européenne.

40      C'est à la lumière de ces considérations qu'il convient d'examiner si la chambre de recours a conclu à juste titre que ces éléments de preuve étaient de nature à prouver un usage sérieux de la marque contestée pour les services de « diffusion d'émissions et de programmes d'actualités » relevant de la classe 41.

41      Le présent moyen s'articule, en substance, en trois griefs, tirés, le premier de la prise en compte d'éléments de preuve ne relevant pas de la période pertinente, le deuxième de l'usage du signe en cause en tant que marque, et le troisième de l'usage pour les services visés par la marque contestée.

 Sur le premier grief, tiré de la prise en compte d'éléments de preuve ne relevant pas de la période pertinente

42      La chambre de recours a considéré que, outre pendant la période pertinente, les éléments de preuve produits par les intervenantes autres que la Commission ont prouvé que celles-ci avaient utilisé la marque contestée entre 1952 et au moins mars 2018 dans le cadre de leurs émissions d'actualités diffusées plusieurs fois par jour, en affichant le terme « tagesschau » à l'écran.

43      La requérante reproche ainsi à la chambre de recours de s'être fondée de manière injustifiée sur des éléments de preuve qui ne relevaient pas de la période pertinente, en constatant une utilisation de la marque contestée non seulement pendant, mais également avant et après cette période.

44      L'EUIPO et les intervenantes autres que la Commission contestent les arguments de la requérante.

45      En l'espèce, ainsi que la requérante l'indique, certains éléments de preuve cités au point 37 ci-dessus ne relèvent pas de la période pertinente. Tel est effectivement le cas de l'extrait du site Internet « tagesschau.de » (annexe 1) datant du 9 avril 2018, le document sur les séquences de l'émission Tagesschau du 1er au 17 janvier 2018 (preuve 1 de l'annexe 2) et les captures d'écran de ladite émission du 9 avril 2018 (annexe 3). En outre, si les extraits des pages Twitter, Facebook, Instagram et YouTube relatives à cette émission (preuve 6 de l'annexe 2) ne contiennent pas de date visible, il ressort de la déclaration sur l'honneur du responsable notamment de l'émission en question (annexe 2) qu'ils datent du 9 mars 2018.

46      Il convient d'observer que l'article 18, paragraphe 1, premier alinéa, et l'article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 détermine une période spécifique de cinq ans avant la demande en déchéance durant laquelle l'usage sérieux de la marque contestée doit être démontré.

47      Néanmoins, selon la jurisprudence, la prise en considération d'éléments de preuve portant sur un usage fait avant ou après la période pertinente est possible, en ce qu'elle permet de confirmer ou de mieux apprécier la portée de l'utilisation de la marque contestée ainsi que les intentions réelles du titulaire au cours de cette période. Cependant, de tels éléments de preuve ne peuvent être pris en considération que si d'autres éléments de preuve portant, eux, sur la période pertinente ont été produits [voir arrêt du 30 janvier 2020, Grupo Textil Brownie/EUIPO – The Guide Association (BROWNIE), T‑598/18, EU:T:2020:22, point 41 et jurisprudence citée].

48      En effet, vu qu'il existe des éléments de preuve d'un usage qui se rattachent à la période pertinente, comme en l'espèce, les pièces ne relevant pas de celle-ci, loin d'être dépourvues d'intérêt, peuvent être prises en compte et évaluées conjointement avec les autres éléments, car elles peuvent apporter la preuve d'une exploitation commerciale réelle et sérieuse de la marque contestée [arrêt du 16 juin 2015, Polytetra/OHMI - EI du Pont de Nemours (POLYTETRAFLON), T‑660/11, EU:T:2015:387, point 54 ; voir, également, arrêt du 8 juillet 2020, Euroapotheca/EUIPO - General Nutrition Investment (GNC LIVE WELL), T‑686/19, non publié, EU:T:2020:320, point 46 et jurisprudence citée].

49      En l'espèce, ainsi qu'il ressort en substance du point 17 de la décision attaquée, l'usage sérieux de la marque contestée a été prouvé par de nombreux éléments de preuve qui relèvent de la période pertinente, à savoir les éléments de preuve cités au point 37 ci-dessus autres que ceux mentionnés au point 45 ci-dessus.

50      Ainsi, les éléments de preuve cités au point 45 ci-dessus n'ont été pris en compte dans le cadre de l'appréciation globale des éléments produits qu'aux fins de confirmation de l'usage sérieux de la marque contestée prouvé pendant la période pertinente, sans pour autant que ces éléments postérieurs à cette période aient été déterminants à la preuve de cet usage.

51      Outre les éléments de preuve postérieurs à la période pertinente, la chambre de recours a également considéré dans la décision attaquée que la marque contestée était utilisée depuis 1952, c'est-à-dire avant la période pertinente. Cette considération prendrait appui sur une affirmation contenue dans la déclaration sur l'honneur du responsable notamment de l'émission Tagesschau (annexe 2), selon lequel « la marque tagesschau désigne le journal télévisé le plus ancien (et encore existant) de la télévision allemande ».

52      Toutefois, aucun des éléments de preuve cités au point 45 ci-dessus n'est antérieur à la période pertinente, de sorte que l'affirmation en cause, certes reprise par la chambre de recours, n'est pas étayée par les preuves vérifiables jointes à la déclaration sur l'honneur du responsable notamment de l'émission Tagesschau.

53      Il s'ensuit que, contrairement à ce que prétend la requérante, les éléments de preuve postérieurs à la période pertinente pouvaient être pris en considération dans le cadre de l'appréciation globale des éléments de preuve produits par les intervenantes autres que la Commission, dans la mesure où ceux-ci venaient confirmer ou mieux apprécier la portée de l'utilisation de la marque contestée au cours de ladite période, conformément à la jurisprudence citée aux points 47 et 48 ci-dessus.

54      Partant, le présent grief doit être rejeté.

 Sur le deuxième grief, tiré de l'usage du signe en cause en tant que marque

55      La chambre de recours a constaté que l'usage du signe en cause en tant que marque résultait de son affichage à l'écran lors d'émissions d'actualités diffusées quotidiennement ou accessibles électroniquement. Elle a également précisé que le fait que les intervenantes autres que la Commission soient des entités de droit public diffusant leur émission d'actualités sur la base d'un mandat légal ne s'opposait pas à un tel usage.

56      La requérante conteste que le signe en cause ait fait l'objet d'un usage en tant que marque.

57      En premier lieu, la requérante estime que l'objectif des intervenantes autres que la Commission ne pouvait pas être d'utiliser le signe en cause comme une indication d'origine pour créer et conserver des débouchés pour la « diffusion d'émissions et de programmes d'actualités », étant donné que leur activité est de « droit public ». Selon elle, cette activité ne repose pas sur le jeu concurrentiel de l'offre et de la demande, mais sur des contributions obligatoires, dans la mesure où la radiodiffusion d'émissions audiovisuelles d'actualités fait expressément partie de la mission de service public de radiodiffusion de programmes et non d'une activité commerciale autorisée.

58      En second lieu, la requérante fait observer qu'il ressort de certains éléments de preuve que le signe en cause n'est pas utilisé, ou qu'il est utilisé en interne ou par des tiers non autorisés par accord de licence, ou encore qu'il est utilisé sous forme de substantif. Elle ajoute que la déclaration sur l'honneur du responsable notamment de l'émission Tagesschau (annexe 2) ne contient aucune constatation vérifiable à cet égard.

59      L'EUIPO et les intervenantes autres que la Commission contestent les arguments de la requérante.

60      En premier lieu, s'agissant de la nature de droit public des activités des intervenantes autres que la Commission, il y a lieu de relever que, aux termes de l'article 5 du règlement 2017/1001, toute personne physique ou morale, y compris les entités de droit public, peut être titulaire d'une marque de l'Union européenne.

61      Selon la jurisprudence, il résulte de la notion d'« usage sérieux » de la marque que la protection de la marque et les effets que son enregistrement rend opposables aux tiers ne sauraient perdurer si la marque perdait sa raison d'être commerciale, consistant à créer ou à conserver un débouché pour les produits ou les services portant le signe qui la constitue, par rapport aux produits ou aux services provenant d'autres entreprises (arrêts du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 37, et du 9 décembre 2008, Verein Radetzky-Orden, C‑442/07, EU:C:2008:696, point 14). Tel en serait le cas si ces produits ou ces services n'entrent pas en concurrence avec les produits ou les services proposés sur le marché par d'autres entreprises, c'est-à-dire s'ils ne sont pas, et n'ont pas vocation à être, distribués dans le circuit commercial [arrêt du 9 septembre 2011, Omnicare/OHMI – Astellas Pharma (OMNICARE CLINICAL RESEARCH), T‑289/09, non publié, EU:T:2011:452, point 68].

62      Toutefois, le point de savoir si l'auteur de l'usage de la marque en cause est une personne de droit public ou de droit privé, n'entre pas en ligne de compte pour déterminer si cet usage remplit ou non la fonction essentielle de cette marque. En effet, la question de savoir si un usage de la marque est fait conformément à la fonction essentielle de celle-ci dépend de la possibilité pour les consommateurs d'identifier, grâce à cet usage, les produits ou les services comme provenant d'une entreprise unique à laquelle peut être attribuée la responsabilité de leur qualité, et non du statut juridique de l'auteur de l'usage (voir, en ce sens, arrêt du 17 octobre 2019, Landeskammer für Land- und Forstwirtschaft in Steiermark/Schmid, C‑514/18 P, non publié, EU:C:2019:878, point 48).

63      Il ressort également de la jurisprudence que, dans l'interprétation de la notion d'« usage sérieux », il convient de prendre en compte le fait que la ratio legis de l'exigence selon laquelle la marque en cause doit avoir fait l'objet d'un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale d'une entreprise, ni à contrôler sa stratégie économique, ni encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir arrêt du 11 avril 2019, Fomanu/EUIPO – Fujifilm Imaging Germany (Représentation d'un papillon), T‑323/18, non publié, EU:T:2019:243, point 23 et jurisprudence citée].

64      En l'espèce, il convient de constater que, si les intervenantes autres que la Commission sont des organismes de radiodiffusion de droit public, elles sont inévitablement soumises à la concurrence, notamment à l'égard des organismes de radiodiffusion de droit privé. En effet, comme le souligne à juste titre la chambre de recours, si elles n'atteignent pas un large public grâce à des offres séduisantes, elles ne sauraient pas remplir leur mandat légal garantissant un service de base.

65      En effet, les organismes de radiodiffusion de droit public, tels que les intervenantes autres que la Commission, doivent créer des parts de marché, dont la concurrence avec ceux de droit privé est importante, car elle sert indirectement à générer et à maintenir des redevances et des revenus publicitaires. Dès lors, même si les émissions d'actualités en cause sont proposées gratuitement ou financées par des contributions publiques obligatoires, les taux d'audience et donc l'acquisition de parts de marché ne sont pas seulement déterminants pour l'attractivité de la chaîne dans son ensemble, pour notamment obtenir des contrats publicitaires, mais peuvent décider de la poursuite ou non de leur diffusion.

66      À cet égard, il ressort du document présentant les audiences moyennes et les parts de marchés de l'émission Tagesschau entre 2012 et 2017 (preuve 3 de l'annexe 2) que le nombre de téléspectateurs se situait entre 8 et 10 millions, pour des parts de marché variant de 31 à 36 %, ce qui constitue des chiffres importants. Cela est également confirmé par des communiqués de presse, notamment du 16 octobre 2017, du 28 décembre 2016 ou du 24 décembre 2016, contenus dans la preuve 7 de l'annexe 2, qui titraient, respectivement, « 12,75 millions de téléspectateurs pour Tagesschau », « Une moyenne annuelle de près de 10 millions de téléspectateurs pour Tagesschau » et « Tagesschau atteint de nouveaux records d'audience ». Il en est de même de l'extrait du site Internet « tagesschau.de » du 9 avril 2018, affirmant que l'émission en question avait atteint 11,7 millions de téléspectateurs, correspondant à 38,2% de parts de marché (annexe 1).

67      Par conséquent, l'argument de la requérante selon lequel les organismes de radiodiffusion de droit public ne sauraient entrer dans la vie des affaires et générer des parts de marché qu'à travers la vente d'espaces publicitaires, qui relèvent des services de « publicité » compris dans la classe 35 et qui ne sont pas en cause en l'espèce, doit être écarté.

68      En second lieu, s'agissant de la pertinence des éléments de preuve produits par les intervenantes autres que la Commission, en particulier les annexes 2 et 3 citées par la chambre de recours, c'est à juste titre que cette dernière a considéré que l'usage du signe en cause en tant que marque résultait de l'affichage à l'écran lors d'émissions d'actualités diffusées quotidiennement ou accessibles électroniquement, en particulier lors de l'émission principale à 20 heures.

69      En effet, comme la chambre de recours l'a indiqué, l'affichage à l'écran ne fournit pas seulement des informations sur le contenu de l'émission Tagesschau sous forme d'un titre, mais donne également une indication de l'origine commerciale de cette émission.

70      Si, à ce titre, la chambre de recours s'est référée en particulier à l'annexe 2, qui contient la déclaration sur l'honneur du responsable notamment de l'émission Tagesschau et des preuves, et à l'annexe 3, qui contient deux captures d'écran de ladite émission, il convient de constater que ce constat résulte de l'ensemble des éléments de preuve produits par les intervenantes autres que la Commission sur lesquels figurent le terme « tagesschau », que ce soit en tant que nom de l'émission d'actualités en cause apparaissant en arrière-plan (preuve 2 de l'annexe 2 et annexes 3 et 4), ou de nom des pages dédiées sur des plateformes en ligne (preuve 6 de l'annexe 2), ou de nom du site Internet ou de l'application qui y est consacrée (preuves 3, 4 et 5 de l'annexe 2), ou encore de nom de l'émission d'actualités référencé dans les documents internes (preuve 1 de l'annexe 2) ainsi que les communiqués et les articles de presse (preuves 7 et 8 de l'annexe 2).

71      Premièrement, c'est donc à tort que la requérante a indiqué que le signe en cause n'est pas utilisé dans les preuves 1 et 3 à 5 de l'annexe 2.

72      Deuxièmement, l'argument de la requérante selon lequel l'extrait du site Internet « fernsehserien.de » montrant le nombre de retransmissions de l'émission Tagesschau à la télévision du 10 au 13 novembre 2017 (preuve 2 de l'annexe 2) constitue une utilisation par des tiers non autorisés par licence, doit être rejeté comme étant non pertinent. En effet, il est peu probable que les intervenantes autres que la Commission, qui sont les titulaires de la marque contestée, soumettent la preuve d'un usage de celle-ci fait contre son gré (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 25).

73      Troisièmement, le constat de la requérante selon lequel le signe en cause est utilisé sous la forme substantive « Tagesschau » dans les communiqués et les articles de presse (preuves 7 et 8 de l'annexe 2) doit également être écarté, car en tant que le signe enregistré en cause est verbal, il importe de savoir sous quelle forme orthographique il est utilisé, en l'occurrence avec ou sans majuscule. Un tel usage est réputé être fait sous une forme qui diffère par des éléments n'altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée, au sens de l'article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001.

74      Quatrièmement, s'agissant de l'argument de la requérante relatif à l'absence de constatations vérifiables dans la déclaration sur l'honneur du responsable notamment de l'émission Tagesschau (annexe 2), il convient de rappeler que, pour apprécier la valeur probante d'un document, il y a lieu de vérifier la vraisemblance de l'information qui y figure. Il faut alors tenir compte, notamment, de l'origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire, et se demander si, d'après son contenu, il semble sensé et fiable [voir arrêt du 7 juin 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE-Zentral (Salvita), T‑303/03, EU:T:2005:200, point 42 et jurisprudence citée].

75      En l'espèce, s'il ressort de la déclaration sur l'honneur du responsable notamment de l'émission Tagesschau qu'elle provient d'un employé du NDR qui diffuse ladite émission et non d'un tiers indépendant. Cependant, il n'en demeure pas moins que les affirmations qui y figurent sur l'utilisation du signe en cause en tant que marque et de la popularité de cette émission à la télévision allemande, mais aussi sur les plateformes en ligne sont toutes étayées par des preuves vérifiables qu'il a jointes à sa déclaration.

76      En outre, le fait que certains documents qu'il produit constituent des documents internes (preuves 1, 3, 4 et 5 de l'annexe 2) ne saurait amoindrir la valeur probante de ceux-ci, dans la mesure où la requérante n'explique pas pour quelle raison, autre que leur caractère interne, ces documents ne seraient pas fiables.

77      Partant, le présent grief doit être rejeté.

 Sur le troisième grief, tiré de l'usage pour les services visés par la marque contestée

78      La chambre de recours a conclu que les intervenantes autres que la Commission avaient prouvé l'usage effectif de la marque contestée pour les services de « diffusion d'émissions et de programmes d'actualités ». Elle a estimé que ces services, au sens de la note explicative de la classe 41 dont ils relèvent, étaient inclus dans les termes généraux « éducation ; formation ; activités culturelles », pour lesquels ladite marque avait été enregistrée. Elle a également précisé que la preuve de l'usage pour la « production d'émissions et de programmes d'actualités » n'avait pas été rapportée, dans la mesure où il s'agissait d'un acte préparatoire distinct de la diffusion, qui n'est pas fourni au public, mais à l'organisme de radiodiffusion.

79      La requérante reproche à la chambre de recours d'avoir méconnu sa position de neutralité, en ayant réduit la protection de la marque contestée pour des services pour lesquels celle-ci n'avait pas été enregistrée, sans consulter les intervenantes autres que la Commission.

80      En outre, la requérante conteste le fait que les services de « diffusion d'émissions et de programmes d'actualités » d'organismes de radiodiffusion allemands puissent constituer une sous-catégorie des services de « formation ; éducation ; activités culturelles », car le public, dont elle fait partie, ne voudrait certainement pas être éduqué ni formé par les informations de la radiodiffusion de droit public. Elle estime que les services des éditeurs, de la presse et des médias ne fournissent pas des services de nature à transmettre des comportements et des manières au sens du terme « éducation », ni à transmettre des savoirs et des pratiques dans l'apprentissage d'un métier ou d'une activité au sens du terme « formation ». Partant, la chambre de recours aurait violé l'interdiction d'élargir la protection d'une marque enregistrée.

81      L'EUIPO et les intervenantes autres que la Commission contestent les arguments de la requérante.

82      Aux termes de l'article 58, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, si la cause de déchéance n'existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, le titulaire n'est déclaré déchu de ses droits que pour les produits ou les services concernés.

83      Selon la jurisprudence, l'article 58, paragraphe 2, du règlement no 2017/1001 vise à éviter qu'une marque utilisée de manière partielle jouisse d'une protection étendue au seul motif qu'elle a été enregistrée pour une large gamme de produits ou de services. Ainsi, lors de l'application de cette disposition, il y a lieu de tenir compte de l'étendue des catégories de produits ou de services pour lesquelles la marque a été enregistrée, notamment de la généralité des termes employés à cette fin pour décrire lesdites catégories, et ce au regard des produits ou des services dont l'usage sérieux a, par hypothèse, effectivement été établi [arrêt du 14 juillet 2005, Reckitt Benckiser (España)/OHMI - Aladin (ALADIN), T‑126/03, EU:T:2005:288, point 44].

84      Ainsi, si une marque a été enregistrée pour une catégorie de produits ou de services suffisamment large pour que puissent être distinguées, en son sein, plusieurs sous-catégories susceptibles d'être envisagées de manière autonome, la preuve de l'usage sérieux de la marque pour une partie de ces produits ou services n'emporte protection que pour la ou les sous-catégories dont relèvent les produits ou services pour lesquels la marque a été effectivement utilisée. En revanche, si une marque a été enregistrée pour des produits ou services définis de façon tellement précise et circonscrite qu'il n'est pas possible d'opérer des divisions significatives à l'intérieur de la catégorie concernée, alors, la preuve de l'usage sérieux de la marque pour lesdits produits ou services couvre nécessairement toute cette catégorie [arrêt du 14 juillet 2005, ALADIN, T‑126/03, EU:T:2005:288, point 45].

85      En ce qui concerne le ou les critères pertinents à appliquer aux fins de l'identification d'une sous-catégorie cohérente de produits ou de services susceptible d'être envisagée de manière autonome, le critère de la finalité et de la destination est un critère essentiel dans la définition d'une sous-catégorie de produits ou de services (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, ACTC/EUIPO, C‑714/18 P, EU:C:2020:573, point 44 et jurisprudence citée).

86      En l'espèce, il convient de relever que, en se référant à l'annexe 2, qui contient la déclaration sur l'honneur du responsable notamment de l'émission Tagesschau ainsi que les huit preuves qui y sont jointes et citées au point 37 ci-dessus, la chambre de recours a conclu à la preuve de l'usage de la marque contestée pour la « diffusion d'une émission d'actualités télévisée complète, avec des contenus de politique, d'économie, de science, de société, de culture, de sport et des prévisions météorologiques ».

87      Dans la mesure où la finalité et la destination constituent un critère essentiel pour définir une sous-catégorie d'un produit ou d'un service, c'est à juste titre que la chambre de recours a constaté que le but des services proposés par les intervenantes autres que la Commission était de rendre compte de manière approfondie des événements sociaux pertinents, avait un contenu utile en ce qui concerne la culture générale du spectateur dans toutes les questions sociales pertinentes, ce qui correspondait aux plus larges catégories couvertes par les termes « éducation », « formation », voire « activités culturelles ».

88      À cet effet, la chambre de recours s'est utilement fondée sur la note explicative concernant la classe 41 de la classification de Nice, qui est aux fins de déterminer la nature et la destination des produits et services en cause [voir arrêt du 8 juillet 2020, Pablosky/EUIPO – docPrice (mediFLEX easystep), T‑20/19, EU:T:2020:309, point 55 et jurisprudence citée], et qui indiquent, dans leur neuvième édition de 2007 et onzième édition de 2019, en vigueur au moment des faits en l'espèce, que ladite classe couvre essentiellement les services rendus par des personnes ou par des institutions pour développer les facultés mentales de personnes ou d'animaux ainsi que les services destinés à divertir ou à occuper l'attention.

89      Il s'ensuit que les émissions et programmes d'actualités, qu'ils soient diffusés à la télévision ou sur des médias modernes, tels qu'une application ou les plateformes en ligne, comme le démontrent les éléments de preuve produits par les intervenantes autres que la Commission, servent effectivement au développement des facultés mentales du public, ce qui peut être inclus dans la signification générale et large des termes « éducation ; formation ; activités culturelles ».

90      Par conséquent, la chambre de recours n'a pas commis d'erreur d'appréciation, en maintenant la marque contestée pour les services de la sous-catégorie « diffusion d'émissions et de programmes d'actualité » pour lesquels cette marque a effectivement été utilisée, au sens de la jurisprudence citée au point 84 ci-dessus.

91      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante, dans la mesure où, d'une part, ceux-ci ne constituent que des affirmations non étayées. D'autre part, la réduction de la protection de la marque à des services pour lesquels elle n'avait pas été initialement enregistrée n'a pas été contestée par les intervenantes autres que la Commission au moyen d'un recours incident.

92      Partant, le présent grief doit être rejeté et, par voie de conséquence, le premier moyen dans son ensemble.

93      Dans la mesure où aucun des moyens invoqués par la requérante au soutien de ses conclusions ne doit être accueilli, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

94      Conformément à l'article 195 du règlement de procédure, dans les décisions du Tribunal rendues après annulation et renvoi, il appartient au Tribunal de statuer dans le présent arrêt, d'une part, sur l'ensemble des dépens relatifs aux procédures engagées devant lui, à savoir les procédures dans les affaires T‑83/20 et T‑83/20 RENV, et, d'autre part, sur les dépens relatifs à la procédure de pourvoi devant la Cour, à savoir la procédure dans l'affaire C‑580/22 P.

95      Aux termes de l'article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens.

96      Les intervenantes autres que la Commission ayant succombé dans la procédure de pourvoi devant la Cour, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante liés à cette procédure, conformément aux conclusions de cette dernière. En revanche, la requérante n'ayant pas conclu à la condamnation de l'EUIPO aux dépens et ce dernier ayant succombé dans le cadre de la procédure de pourvoi, celui-ci supportera ses propres dépens liés à cette procédure.

97      La requérante ayant succombé sur le fond dans la présente procédure de renvoi devant le Tribunal, sur la base d'arguments qu'elle avait avancés dans le cadre de la procédure devant le Tribunal antérieure au pourvoi, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par les intervenantes autres que la Commission liés à ces deux procédures, conformément aux conclusions de ces dernières. En revanche, l'EUIPO n'ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens que si une audience est organisée, il convient, en l'absence d'organisation d'une audience, de décider que l'EUIPO supportera ses propres dépens.

98      Enfin, en application de l'article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Bayerischer Rundfunk et les autres parties intervenantes dont les noms figurent en annexe supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par bonnanwalt Vermögens- und Beteiligungsgesellschaft mbH afférents à la procédure dans l'affaire C580/22 P.

3)      bonnanwalt Vermögens- und Beteiligungsgesellschaft supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Bayerischer Rundfunk et les autres parties intervenantes dont les noms figurent en annexe afférents à la procédure dans l'affaire T83/20 et à la présente procédure après renvoi.

4)      L'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et la Commission européenne supporteront leurs propres dépens.

Mastroianni

Brkan

Kalėda

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 avril 2025.

Signatures


*      Langue de procédure : l'allemand.


1      La liste des autres parties intervenantes n'est annexée qu'à la version notifiée aux parties et aux destinataires visés à l'article 55 du statut de la Cour de justice de l'Union européenne.

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